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Archives Mensuelles: septembre 2017

Les pierres, sources de la vie

30 samedi Sep 2017

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  1. Francois Farges

    professeur en minéralogie, gemmologie, histoire des sciences minéralogiques et objets d’arts, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) – Sorbonne Universités

Sorbonne Universités

Sorbonne Universités apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Muséum National d’Histoire Naturelle

 

Otobong Nkanga, Alterscapes : Playground (D), 2005- 2015, c -print monté sur aluminium (Edition de 7 ex + 1 AP), 50 x 67 cm. GALERIE FABIENNE LECLERC © Otobong Nkanga

Ne dit-on pas « triste comme les pierres » ? En effet, aucun affect ne semble perturber ces pierres qui nous entourent : elles apparaissent si inertes, si impassibles, si ennuyeuses.

Pourtant, de l’Antiquité au Moyen-Age, des empires méditerranéens à la Chine impériale, les théologiens enseignaient que les pierres sont si vitales qu’elles existent sous la forme de mâles et de femelles. Le fondateur de l’exégèse biblique, Origène, écrivit vers l’an 200 que

« Ont en eux-mêmes la cause du mouvement les animaux, les plantes et, d’une manière générale, les êtres qui sont constitués de corps et d’âme, parmi lesquels, dit-on, il y a aussi les minerais »
(« De principiis »).

Copulation et enfantement des pierres

Par conséquent, les pierres peuvent mettre bas au sein des entrailles de la Terre relevait le philosophe grec Théophraste (IVe siècle avant J.C), dans son ouvrage Περὶ Λίθων (Sur les pierres).

Au 1er siècle, Pline l’Ancien remarque que les mines de plomb se régénèrent en minerai après leur exploitation originale après une vingtaine d’années. En effet, les circulations d’eau dissolvent le minerai non encore exploité pour le faire précipiter dans les galeries.

Chez les Chinois, les pierres peuvent résulter d’une copulation entre le soleil et son épouse (ce personnage n’est pas plus explicitement décrit) que la foudre déposera sur Terre.

Celles dites 子持石 [tseu chi shi] sont également des pierres qui enfantent et qui « soutiennent leur progéniture ».

De plus, ces genres lithiques relèvent du yin-yang en jouant réciproquement les rôles de 雄 [xióng, mari] et de 雌 [cí, épouse] pour enfanter des mâles et des femelles. Au Moyen-Age occidental, les aétites – dont nous ne savions pas, à l’époque, à quelle espèce de roche ou de minéral elles correspondaient- sont des pierres décrites comme enfantant.

D’après certains érudits qui assurent avoir assisté à ce prodige au sein d’un cabinet de curiosités naturelles, elles accoucheraient même de manière assez bruyante.

Maternité « magdalénienne » qui dépeint aussi d’une autre manière le thème « de l’enfantement minéral » selon Roger Caillois. François Farges/MNHN

En 1714, un effondrement de montagne dans le Valais est imputé par le philosophe et naturaliste Jean‑Baptiste-René Robinet à la prodigieuse fécondité de la base de cette montagne valaisanne qui ­- dans son opulente copulation – entraîna dans la mort « quinze personnes &amp ; plus de cent bœufs vaches &amp ; menu bétail »

Dans l’exposition « Être Pierre » au musée Zadkine de Paris qui se déroule du 29 septembre 2017 au 11 février 2018, nous explorons quelque autres de ces infinies combinaisons entre les mondes minéraux et vivants à travers le double prisme de la science, de l’histoire et de l’art notamment à travers l’œuvre du sculpteur franco-russe Ossip Zadkine (1890-1967) et ses contemporains.

De la théologie à l’hypothèse scientifique

Notre interprétation contemporaine de ces récits extraordinaires montre que, progressivement, les axiomes théologiques évoluent en hypothèse scientifique clivant les opinions entre « Anciens et Modernes ».

Pendant la Renaissance, Giordano Bruno (1548-1600) postule qu’il existe une infinité de mondes semblables à la Terre.

À la fin du XVIIe siècle, Bernard de Fontenelle (1657-1757) conclut que Dieu – dans sa cosmique sagesse – n’a pas pu confiner la vie à la seule Terre.

Les prémices du Siècle des Lumières vont débattre des mondes minéraux : ils seraient habités d’êtres vivants. Et ces êtres minéraux seraient fertiles et fécondables puisque Carl von Linné (1707-1778) avait enfin décelé dans le monde végétal les organes reproducteurs des végétaux.

Il ne restait alors que les minéraux dont il fallait retrouver les précieux organes voulus par le Divin pour dynamiser sa Création. Ainsi, l’on cherchait à découvrir les mondes vivants de la Lune, de Mars et des sept autres planètes alors connues, préfigurant la science-fiction du XXe siècle. Et, au-delà de Jules Vernes, Georges Méliès et tant d’autres, de nombreux exemples d’associations prétendument contradictoires entre minéral et vivant vont enrichir les savoirs, essentiellement arts et littérature, à défaut de science.

Plus récemment, le poète Roger Caillois (1913-1988), de l’Académie française, est l’un des rares à se dissoudre dans l’étude contemplative des pierres de rêve, un concept issu de la Chine impériale et destiné aux érudits.

https://player.ina.fr/player/embed/CPF87007364/1/1b0bd203fbcd702f9bc9b10ac3d0fc21/460/259/1Dans Pierres (1966) puis L’Écriture des Pierres (1970), Caillois décrit les minéraux dans comme « des objets, des substances qui avaient qu’une durée que rien n’affectait ».

Cet « homme qui aimait les pierres » rajoute que leur contemplation évoque cette « mystique matérialiste… jusqu’à y disparaître et où l’on serait délivré de la conscience et de l’émotion ».

Il ajoute que « les pierres représentent cette absence de péripéties où je vois la rançon de la vie ». Source d’inspiration, agates, calcédoines, jaspes et paésines suggèrent cette grandiose éternité qui fait tant défaut aux mortels humains terrestres. Ainsi, de l’inspiration théologique antique, de l’exploration autorisée de possibles mondes extra-terrestres pendant les Lumières, le 20e siècle revient à une plus froide distinction entre minéral universel et vie terrestre, distinguant sans vergogne le minéral mort du vivant chaleureux.

Des vibrations minérales

Quant à la science, disais-je, elle a permis de mettre en lumière des vibrations au sein des minéraux, au plus profond des atomes. Exposés à toute température au-delà du zéro absolu (sachant que la température la plus basse possible soit -273 °Celsius) les atomes vibrent suivant des fréquences plus ou moins variables suivant leur environnement.

Leur couleur est l’un des multiples visages de leur aptitude à réagir : les atomes absorbent préférentiellement les énergies lumineuses disponibles à l’exception de celles qui lui donneront sa couleur. Des vibrations, certes, mais point d’émotions.

En fait, cette Terre n’est en rien inerte : séismes et éruptions nous renseignent sur ses inflexions, sur son évolution constante. Notre Terre change comme elle a déjà changé. Et elle changera encore. Ses minéraux ne naissent pas, ils se forment. Ses roches ne vivent pas mais elles existent. Quant aux cristallisations, elles ne meurent pas, elles disparaissent. Et après ce cycle évolutif, les géomatériaux s’adaptent à leurs nouveaux environnements. La grande différence entre biodiversité et géodiversité réside dans la fatalité terminale d’un cycle : mort inéluctable dans le cas du vivant, changement d’équilibre pour le minéral.

Si l’évolution minérale n’est pas darwinienne, elle est néanmoins le reflet d’une immense activité tellurique d’adaptation, fougueusement incommensurable. Pas opposées de l’une de l’autre, la géodiversité alimente la biodiversité qu’il lui redonne en retour ses créations biogéniques, quelquefois cristallines comme les coquillages, les squelettes, nos dents…

La longue évolution d’un monde minéral

Une récente théorie de Robert Hazen (Carnégie, USA) et de ses collaborateurs postule qu’à la formation de la Terre, il y a environ 4,6 milliards d’années, un nombre très limité de minéraux existaient. Ensuite, l’évolution de notre planète aurait complexifié sa géodiversité. En fait, sans grand effort, je postule dans un article paru au sein de l’ouvrage collectif « Être Pierre » qu’il est plus probable – tout au contraire – qu’il existait alors une géodiversité primordiale bien différente de celle que nous connaissons actuellement à la surface de la Terre.

Claude Cahun, Autoportrait, 1933, tirage argentique d’époque, image utilisée pour l’affiche de l’exposition « Être Pierre ». collection Dolorès Alvarez de Toledo, Paris Estate Claude Cahun/DR

Et qu’elle était alors dotée d’une autre complexité que notre imagination peine à formaliser à cause du peu de témoignages encore existants de cette période si lointaine. La science actuelle nous renseigne que cette géodiversité devait englober une extraordinaire variété de composés dont ceux riches en carbone, incluant acides aminés et autres molécules complexes dont un bon nombre n’existent même plus à la surface actuelle de la Terre sous cette forme primordiale mais que nous avons retrouvées dans les vestiges fossiles de ces temps anciens, les météorites et les comètes.

Si les êtres vivants sont assurément issus de la pierre, une grande question consiste à savoir si les ingrédients premiers de la vie se sont agencés au sein d’une Terre primitive, peut-être au fond des océans. Alternativement, les briques élémentaires de la vie peuvent provenir d’une source extra-terrestre, comme les comètes et les météorites, qui auraient « fécondé » une Terre abiotique, ce qu’on nomme la panspermie. Et pourquoi pas les deux ?

Les récentes recherches du biologiste David Zwicker et de ses collaborateurs ont pu montrer que des gouttelettes organiques sont capables de croître et se diviser au fond d’une éprouvette. Et ce, à la condition qu’elles soient constituées d’une matière réactive avec son environnement et en présence d’une source d’énergie pour évoluer : les sources hydrothermales et autres fumeurs des fonds océaniques peuvent aisément suppléer cette dynamique.

Entre convection et vie

Dans le livre sur l’exposition « Être Pierre », j’écris que, contrairement à la Terre, il semble que Mars n’a pas connu cette évolution. Pourtant, Mars primitive possédait aussi de grands océans comparables à la ceux formant sur Terre une soupe primordiale dans lesquels les molécules organiques auraient pu s’agréger pour former des édifices moléculaires plus complexes.

Il manque donc cet important je-ne-sais-quoi qui différencie la Terre de Mars. La tectonique recycle les roches, les éléments et accélère les réactions, des combinaisons en augmentant les contacts entre des roches qui n’avaient pas forcément eu de contacts directs en absence de ce mécanisme.

Sur ce, postuler que le vivant terrestre serait issu indirectement de cette réactivité tectonique n’est actuellement qu’une conjecture hasardeuse.

Mais doit-on rechercher des planètes tectoniquement actives pour y explorer une vie extra-terrestre ? Voici l’une des grandes questions qui vont bientôt connaître d’immenses développements.

Lisez « Être Pierre » : je propose un « final astronomico-cataclysmique » débouchant sur la dernière question qui se posera alors que la Terre sera engloutie par le Soleil. Je vous laisse la découvrir !


« Être Pierre », musée Zadkine, Paris, du 29 septembre 2017 au 11 février 2018.

Descendons-nous du chimpanzé ? : la biologie évolutive et ses idées reçues

29 vendredi Sep 2017

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Auteur

  1. Monique Aouad

    Doctorante en biologie évolutive, Université Claude Bernard Lyon 1

Pipo, chimpanzé du Bioparco di Roma (parc zoologique situé à Rome), dispose d’un patrimoine génétique identique à 98.4 % à celui de l’Homme. luvi/Flickr, CC BY-NC-ND

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017 dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


« Rien en biologie n’a de sens, si ce n’est à la lumière de l’évolution » disait le biologiste Theodosius Dobjansky. Malgré l’importance qu’occupe l’évolution en sciences, celle-ci demeure l’une des théories scientifiques les plus incomprises.

Je vous propose de faire un petit tour de certaines idées reçues de l’évolution biologique. Mais d’abord, quelques définitions s’imposent. Qu’est-ce que l’évolution ?

En biologie, c’est le processus de transformation des espèces, qui se manifeste par le changement de leurs caractères génétiques dans la population au cours des générations. L’accumulation de ces changements peuvent aboutir, dans certains cas, à la formation de nouvelles espèces, augmentant ainsi la biodiversité.

Ces variations apparaissant spontanément au cours des générations, et sont soumises à un processus de sélection naturelle, formulé par Charles Darwin en 1859, dans son fameux ouvrage De l’origine des espèces.

La sélection naturelle est un tri naturel au sein de la population. Des organismes qui ont les caractéristiques leur permettant de mieux survivre dans leur milieu sont alors avantagés par rapport à leurs congénères. Ceux-ci réussissent à proliférer, transmettant ainsi leurs caractères génétiques à leur descendance. Cette sélection naturelle, répétée sur un grand nombre de générations, conduit peu à peu à l’apparition de nouvelles formes, mieux adaptées à leur milieu.

Théorie de l’évolution

En sciences, la notion de « théorie » désigne un modèle grâce auquel un ensemble de données et de faits indépendants entre eux peuvent être reliés et interprétés dans une explication unitive.

La théorie prouve sa validité dans la mesure où elle est susceptible d’être vérifiée. Ainsi, vérifiée de manière expérimentale, ce qui la différencie d’une hypothèse, qui est une simple supposition appartenant au domaine du possible ou du probable.

Le chimpanzé est-il l’ancêtre de l’humain ?

En réalité, ils descendent tous les deux d’un ancêtre commun, qui n’était ni un singe, ni un humain, et à partir duquel ils ont divergé, il y a environ 5 à 7 millions d’années. Chacune des deux lignées aboutissant à l’humain et au chimpanzé a suivi un chemin évolutif qui lui est propre, jusqu’à aboutir aux espèces actuelles.

Les génomes de l’humain et du chimpanzé sont constitués d’une suite de plus de 3 milliards de bases nucléotidiques (lettres A, C, G, T), dont presque 99 % sont identiques entre les deux espèces. Il existe actuellement des grandes banques de données génétiques, obtenues grâce au séquençage des génomes, qui fournissent des informations précieuses sur l’évolution des espèces.

Peut-on observer l’évolution ?

Il faut savoir que les temps de génération des espèces sont très longs, ce qui réduit nos chances, à l’échelle humaine, d’observer de grands changements évolutifs. Cependant, ceci n’est pas le cas pour tous les organismes vivants, notamment les bactéries, les champignons et les mouches.

Les chercheurs ont déjà pu observer des cas de sélection naturelle au laboratoire, notamment grâce à l’expérience lancée par Richard Lenski en 1988, sur des populations de la bactérie Escherichia coli.

Douze colonies, placées dans douze flacons contenant des milieux nutritifs riches en glucose se sont multipliées jusqu’à épuisement du glucose dans le milieu. Le lendemain, 1 % de ces populations sont transférées dans un nouveau flacon contenant le même milieu initial.

Tous les 75 jours, une partie des bactéries sont congelées, permettant ainsi de disposer d’échantillons « fossiles » tout au long de l’expérimentation. L’expérience continue encore aujourd’hui, ce qui constitue environ 60 000 générations bactériennes, l’équivalent de 1,5 million d’années pour l’humain !

Et qu’a-t-on pu observer dans cette expérience ? Toutes les populations amélioraient leur taux de croissance sans atteindre de plateau, c’est-à-dire elles continuaient à se reproduire plus vite que les générations précédentes.

Cela indique l’émergence de variantes plus performantes dans l’exploitation du glucose du milieu. Mais plus étonnant encore, de nouvelles propriétés vont apparaître au cours du temps. En effet, un peu après la génération 33 000, une des douze lignées (nommée Ara-3) a vu sa densité de population maximale exploser.

Si le glucose est la ressource limitant l’expansion des populations dans les flacons, il n’est pas le seul nutriment présent : le milieu contenait aussi du citrate. Normalement, E. coli est incapable de l’utiliser en présence d’oxygène. Mais la colonie Ara-3 a acquis l’aptitude d’absorber le citrate aussi bien que le glucose comme source nutritive !

En analysant les échantillons congelés qui ont précédé cette nouvelle lignée, les chercheurs ont pu montrer que cette capacité à utiliser le citrate comme source de carbone est due à l’accumulation de plusieurs mutations (changements accidentels dans la séquence de l’ADN).

Le biologiste Richard Lenski (à gauche) et une infographie présentant les chiffres-clefs de son expérience. IFL Science

Une évolution qui se complexifie ?

Certains pensent que le cours de l’évolution est linéaire et directionnel, passant de structures ou organismes simples à des plus complexes. Mais le fait de réduire la complexité à un phénomène linéaire contribue à une réduction de la biodiversité. L’arbre de la vie est en fait buissonnant.

Néanmoins, dans certaines situations, des simplifications peuvent survenir, et se débarrasser d’un certain caractère, peut se révéler être plus avantageux. Les parasites du genre Mycoplasma, dont certaines espèces sont responsables des pneumonies, ont évolué à partir de bactéries plus complexes, en perdant secondairement leur paroi et la plupart de leurs capacités de synthèse métabolique, puisque ces éléments étaient devenus inutiles.

A-t-on atteint la fin de l’évolution ?

On entend souvent dire que les espèces n’évoluent plus, et que l’humain, avec son apparition, a signé la « fin » de l’évolution. Ceci est faux, et cela pour plusieurs raisons : de nouvelles espèces continuent d’apparaître, comme chez les souris de Madère. Six espèces différentes seraient récemment apparues grâce au relief montagneux de l’île, favorisant un isolement des vallées.

Ces souris ne possèdent plus 40 chromosomes, comme leurs cousines européennes, mais entre 22 et 30. Ce phénomène de spéciation (apparition d’une nouvelle espèce) est unique par sa rapidité. Il aurait eu lieu entre 500 et 1 000 ans, ce qui est très rapide ! Les spéciations se font habituellement sur plusieurs centaines de milliers d’années.

Un autre exemple est celui de l’apparition des bactéries résistantes aux antibiotiques : avec l’utilisation croissante de ces médicaments, de nouvelles espèces bactériennes résistantes sont apparues spontanément.

Enfin, dans le cas de l’espèce humaine, l’apparition de la tolérance au lactose prouve que nous évoluons toujours. Le lactose est un sucre que l’on retrouve dans le lait. À l’origine, l’humain pouvait digérer le lactose à la naissance, mais devenait intolérant à ce sucre quelques mois après.

Mais une mutation survenue il y a environ 8 000 ans en Europe centrale a permis aux êtres humains originaires d’Europe de digérer le lactose tout au long de la vie. On suppose que cette mutation aurait été sélectionnée, car chez les premiers agriculteurs du néolithique, en période de faibles récoltes, les individus pouvant boire du lait avaient beaucoup mieux survécu que les autres.

Les intolérants, incapables de digérer le seul aliment à leur disposition, auraient alors péri. Il est donc important de comprendre que l’humain évolue encore, mais il est tout aussi important de dire que nous ne savons pas vers quoi.


Pour en savoir plus, vous pouvez lire le dossier « L’évolution du vivant », sur le site du Muséum National d’Histoire Naturelle

28 jeudi Sep 2017

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  1. Cyrille Ballaguy

    Doctorant en muséologie (laboratoire IRHiS), Université Lille 3 – Université de Lille

 

Jan Miel, «Enée et Didon à la chasse», vers 1650, 161 x 220, huile sur toile. Musée des Beaux-Arts, Cambrai.

Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la Science 2017, qui se tient du 7 au 15 octobre, et dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez tous les débats et les événements de votre région sur le site Fetedelascience.fr.


Au cours de ma dernière participation à la Fête de la Science, des visiteurs m’ont demandé plusieurs fois, à quoi pouvaient bien servir les sciences humaines et d’autant plus, la mienne jeune et encore sujette à débat : la muséologie.

Je me saisis donc de la thématique de cette année : les voyages. Ceux-ci sont légions dans les œuvres mythologiques des musées de la région que j’étudie : les Hauts-de-France. Que sont Enée, Ulysse ou Hercule sinon des voyageurs, des migrants ? Parcourant l’ensemble de l’Europe à la recherche de gloire ou d’un chez soi. Même les Flandres furent touchées par ces trajets mythologiques. Pour preuve, un écrivain flamand du XIVe siècle, Jacques de Guyse raconte dans ses Chroniques du Hainault la légende du guerrier Bavo. Celui-ci serait un neveu de Priam, et lorsque Troie fut prise après la fameuse guerre contre les Grecs, il migre avec son peuple vers l’ouest pour des terres plus hospitalières. Après une série d’aventures digne d’Ulysse ou d’Énée, lui et son peuple arrivent dans la région des Flandres et fonderont Belgis. Celle-ci deviendra Bagacum puis Bavay, grande ville romaine de la région.

Un voyage pluriel

Aujourd’hui, ce sont les musées des Hauts-de-France qui permettent un voyage dans ces péripéties mythologiques. Deuxième région la plus dense en musée après l’Ile-de-France, les céramiques, peintures et sculptures sur les héros grecs et latins se comptent par centaines. Or, ils souffrent d’un déficit d’image assez probant. Si le Louvre-Lens fait parfois la une des journaux et que certaines expositions du Palais des Beaux-Arts de Lille ou du Musée de la Piscine de Roubaix ont une certaine visibilité, rares sont ceux qui ont déjà visité, y compris à Lille où j’habite, les établissements muséaux de Bailleul, Boulogne-sur-Mer, Laon ou Beauvais.

Comment créer du lien et donner à voir cette richesse iconographique considérable pour le grand public ? Le voyage est donc pluriel : celui des héros dans les mythes, des œuvres elles-mêmes, et des visiteurs qui viennent, ou pas au musée. Comment les réunir ? Prenons deux exemples et propositions que nous avons analysés dans le cadre de nos recherches.

A Boulogne, Hercule à travers les vases grecs

Tout d’abord au Musée de Boulogne-sur-Mer qui possède l’une des plus grandes collections de vases grecs derrière le Louvre, centrée notamment sur les exploits de ce marcheur infatigable : Héraclès. La raison ? L’achat par la ville en 1861 de la collection de vases de Charles Louis Fleury Panckouke. Riche éditeur d’origine lilloise et installé à Paris, cet homme avait pour but de réaliser une Héracléide visuelle par l’achat de vases grecs. En 1835, il fit rédiger un petit catalogue qu’il nomma Héracléide : histoire d’Hercule par C.L.F. Panckoucke, d’après les vases grecs de sa collection et de diverses collections avec un texte explicatif par le même et l’indication de tous les monuments de l’art relatifs aux travaux d’Hercule. Malheureusement, l’homme n’a pu acquérir en vases que huit des douze travaux.

La collection de céramiques grecques du Musée de Boulogne-sur-Mer constitue un ensemble exceptionnel de plus de 470 pièces. Musée de Boulogne-sur-Mer

Les céramiques sont souvent les parents pauvres de l’intérêt des visiteurs dans les musées des beaux-arts. Il suffit de se balader dans les salles de vases grecs du Louvre pour s’en convaincre. D’où notre idée de la rédaction d’un livre jeunesse sur le sujet, Le vol du vase d’Héraclès, qui prend place entre les collections de vases grecs de Lille et de Boulogne-sur-Mer. Deux jeunes héros doivent arrêter des voleurs dont le rêve est justement de continuer la collection de vases sur les travaux d’Héraclès de Panckouke. Les deux enfants n’aimant pas, au départ, les musées, préférant le football et les jeux vidéo, vont découvrir ainsi un riche monde de légendes qu’ils ne soupçonnaient pas.

A Cambrai, une pépite de Jan Miel

Deuxième exemple, au Musée des Beaux-Arts de Cambrai qui possède un grand tableau de Jan Miel sur le sujet d’Enée et Didon à la chasse. Il s’agit de la seule peinture mythologique de cet artiste flamand du XVII siècle. L’épisode tiré de Virgile renvoie au long exil du prince troyen à travers la Mer Méditerranée avant de fonder Rome. Son destin a inspiré moult écrivains faisant des liens avec la situation actuelle, par exemple Frédéric Boyer avec cette tribune dans le journal La Croix :

Et si nous parlions autrement de ces hordes malheureuses fuyant la guerre et la misère ? La littérature la plus ancienne, celle qui nous a formés et instruits depuis des millénaires, nous a décrit l’expérience déchirante et inestimable de celui qui quitte sa patrie et connaît l’exil. C’est à lui que nous devons notre monde et notre identité, racontent les Anciens. Son récit est devenu le nôtre. Sa migration est notre fondation […]

Le tableau raconte, une de ses aventures, lorsqu’il tombe amoureux de la princesse carthaginoise Didon (elle aussi une exilée), histoire qui sera passionnée et funeste. Comment médiatiser ce tableau et le rendre accessible au grand public ?

Du musée à la vidéo Lego

Nous avons cherché ici la dématérialisation et l’exposition pédagogique hors cadre en nous lançant dans la réalisation d’une copie de l’œuvre en Lego et la réalisation d’une petite vidéo sur l’épisode en question. Les personnages du pastiche sont issus des icônes de la pop culture afin de créer un pont entre celle-ci, les personnages mythologiques et les beaux-arts.

Ainsi pour Enée, au centre, nous avons choisi le personnage d’Aragorn, roi lui aussi en exil dans l’univers du Seigneur des Anneaux de J.R.R Tolkien. La reine Didon a, elle, les traits de la princesse Leia de l’univers de George Lucas, Star Wars. Quant à Junon, c’est l’héroïne de comics américains Wonder-Woman qui la représente dans le tableau.

Une fois la reproduction du tableau réalisée, nous nous sommes associés à un jeune étudiant en cinéma d’animation, Tom Delforge, pour réaliser une petite vidéo en stop motion, image par image de la scène de chasse entre Enée et Didon à partir du tableau. Les deux déesses décident ainsi de créer un orage qui disperse l’ensemble de la foule du tableau. Restés seuls après s’être évanouis, Didon et Enée trouvent une grotte pour s’abriter et tombent amoureux, à la grande joie des deux divinités.

Ces deux exemples serviront de base à nos médiations les 7 et 8 décembre prochains au Village des Sciences à la Gare Saint-Sauveur de Lille, où le grand public pourra aussi bien jouer à retrouver un vase de la collection Panckoucke à partir des indices de notre livre que reconstituer le lego de la peinture de Cambrai. Ces outils nous semblent adéquats pour permettre un voyage ludique dans les collections des musées de la région à partir de ces héros itinérants

Quand l’humain devient « capital » : les conditions de la paix économique

27 mercredi Sep 2017

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  1. Fiona Ottaviani

    Enseignante-chercheuse en économie – Chaire Mindfulness, Bien-être au travail et Paix économique – Political Economy and Sustainable Competitiveness Initiative, Grenoble École de Management (GEM)

  2. Dominique Steiler

    Titualire de la chaire Mindfulness, Bien-être au travail et paix économique, Grenoble École de Management (GEM)

Grenoble École de Management (GEM)

 

Le « capital humain » (human capital), très à la mode, est-il un capital comme les autres ? ChimpLearnGood via Visual hunt , CC BY-NC-ND

« There is no alternative ». Ce fameux leitmotiv de la pensée néolibérale pourrait bien être aujourd’hui retraduit par : il n’y a pas de moyen d’échapper au « capital ». Capital financier, économique, social, naturel et enfin capital humain… Tout peut désormais se capitaliser, s’optimiser et croître.

À l’aune d’un nouveau regard sur les apports des entreprises à la cité à travers l’idée de paix économique, portons notre attention sur un capital bien particulier, qui au-delà des intentions, nous éloigne de l’humain.

Journalistes, candidat.e.s en campagne, consultant.e.s, chercheurs et chercheuses, managers d’entreprise, chef.fe.s d’entreprise, tou.te.s évoquent désormais le capital humain. L’engouement généré par un tel concept n’a fait que croître depuis les travaux de l’économiste néoclassique Becker.

L’origine du terme est pourtant plus ancienne et renvoie à une extension de la notion de capital pour considérer les ressources non monétaires. En décalage avec cet ancrage dans la sociologie critique qui s’intéresse aux origines des inégalités, cette nouvelle convention autour du capital humain renvoie pour les entreprises à la valeur économique d’un.e employé.e au regard d’un ensemble de compétences. Dans les politiques publiques, le capital humain est généralement conçu et réduit à la capacité de la population à stimuler la croissance économique.

Capital humain : pourquoi un tel succès ?

À l’heure du développement de la nouvelle économie et de la « démarchandisation », un tel capital joue un rôle de plus en plus fondamental, notamment du fait qu’il n’est pas possible de réduire la valeur d’une entreprise à son capital financier.

Ainsi, les transformations liées à ce qu’on appelle généralement l’économie de la connaissance soutiennent la pertinence d’un concept, qui au-delà du capital physique et financier, permet de mettre en avant les enjeux pour les entreprises de conserver « cerveaux » ou « talents ».

Le concept de capital humain permet ainsi d’expliquer au-delà de la dimension monétaire, les difficultés que peut rencontrer une entreprise sur le long cours (par manque d’anticipation en termes de gestion des ressources humaines par exemple) à pérenniser son existence. Il permet aussi de souligner qu’un territoire peut perdre de son attractivité faute d’avoir, par exemple, orienté ses investissements vers les secteurs permettant la valorisation de tel-le-s ou tel.le.s diplômé.e.s ou compétences.

Autre explication d’un tel engouement : parler de capital humain puis de capital naturel, social, etc. fournit l’illusion de la commensurabilité entre des dimensions totalement différentes et permet par cette simplification la construction de modèles explicatifs puissants du fonctionnement d’une entreprise ou d’une économie.

Dans une conception de la durabilité faible, il est par exemple possible de considérer que les générations présentes, qui consomment du capital naturel pour leurs activités de recherche et développement, génèrent un stock de connaissances qui bénéficiera ensuite aux générations suivantes.

Une telle conceptualisation sert en outre dans la visée de cette forme d’économiscime qu’est « l’impérialisme économique » à traiter avec les outils classiques de l’économie de champs de l’existence humaine généralement analysés par d’autres disciplines (sociologie, psychologie).

Enfin, cette conception d’un « capital humain » fournit des éléments théoriques pour justifier des différences de salaires et plus largement des inégalités sociales entre ceux et celles doté.e.s d’un haut niveau de capital et les autres. Ainsi, si la notion de capital constitue un outil théorique pour révéler les inégalités, notamment celles non monétaires, elle peut s’avérer également être un instrument de justification de celles-ci.

Paix économique versus capital humain

Au-delà des fondements théoriques très questionnables de la théorie du capital humain dans sa version néoclassique, une telle approche se concilie mal avec une orientation en termes de paix économique a minima pour trois raisons.

Premièrement, les approches récentes sur le capital humain reposent sur une valorisation instrumentale de l’humain. En effet, l’humain ne vaut que dans la mesure où sa valorisation joue positivement sur l’évolution des indicateurs classiques de la performance d’une entreprise (productivité, profit).

Cela est en phase avec une conception « croissantiste » du développement et une conception de l’attractivité territoriale orientée vers la captation des investissements sur le marché mondial et des catégories socioprofessionnelles supérieures, ainsi que vers l’augmentation du taux d’emploi. La théorie du capital humain occupe une place importante dans les théories du développement économique notamment celle de Florida, pour lesquels ce sont les classes créatives qui seraient porteuses pour un territoire d’innovation et de richesse.

Or, une telle conception du développement revient à concentrer les efforts de développement sur la main-d’œuvre la plus dotée en capital et à « laisser pour compte » une grande partie de la population qui ne participant pas à cette dynamique finit par ne compter pour rien.

L’indice du capital humain ou Human Capital Index publié par le World Economic Forum et visant à « classer les pays « en termes d’optimalisation de leur potentiel économique de la main-d’œuvre à long terme » témoigne bien du traitement instrumental s’opérant au travers de cette conception du capital humain, où l’inadéquation entre les besoins du marché et un haut niveau d’éducation amènent à s’inquiéter d’avoir « suréduqué » une partie de la population.

Deuxièmement, les approches en termes de capital humain dans le sillage des travaux de Becker promeuvent une conception de l’agent.e comme parfaitement rationnel-le et indépendant.e de son environnement social. Nous sommes face à un.e Homo oeconomicus essentiellement obnubilé.e par l’optimisation de son capital dans une visée d’accroissement de ses gains monétaires.

Cette vision amène à voir l’éducation comme une activité économique individuelle, la formation comme un simple investissement tourné vers la perspective d’une production d’un surplus monétaire en occultant totalement l’importance du savoir et de l’éducation pour se réaliser comme être humain, hors de toute finalité pécuniaire.

Ainsi, la bonne éducation est celle qui prépare au marché du travail et non celle qui permet le développement d’une personne autonome, dotée de sens critique et ouverte sur le monde. C’est ainsi une certaine « conformité » aux exigences du marché qui est promue, l’incidence de l’éducation sur l’épanouissement personnel n’étant qu’un supplément d’âme.

Dans cette vision, prime alors l’injonction à l’employabilité : il faut former des agent.e.s de production, des « animal laborans » dont on se soucie peu de la capacité à penser, à créer ou plus simplement à vivre bien. Ainsi, parler de capital revient à oublier la nature spécifique du savoir et des pratiques de coopérations qui croissent quand ils sont partagés et communiqués. C’est oublié également que la personne ne peut se résumer à un autoentrepreneur de sa propre existence gérant à des fins d’optimisation son portefeuille de compétences et son rapport à autrui, mais que chacun.e se constitue toujours, comme nous le rappelle les travaux sur la paix économique, dans un « avec », dans un « entre » qui implique de facto une interdépendance avec les autres.

Troisièmement, les effets sociaux des orientations prises en termes d’éducation, de santé et de justice ne sont pas envisagés. Sont mis ainsi sur un même pied d’égalité l’enseignement de la guerre et la paix économique. S’éduquer à l’art de la guerre de Sun Tzu ou à la communication non violente de Marshal Rosenberg importe peu dès lors que la formation est créatrice de valeur économique.

Pourtant, le type de résonnances émotionnelles et cognitives généré par ces enseignements diffère grandement et influe sur notre manière de nous ajuster aux évènements comme sur nos capacités de construire un « monde commun ». Ainsi, la question n’est pas uniquement celle du développement des compétences des personnes, celle de posséder un « stock » de savoirs ou de savoir-faire, mais bien aussi et surtout celle du sens donné aux expériences et aux vécus humains.

Les conditions institutionnelles de la paix économique ?

S’il ne s’agit pas de condamner toute réflexion et conceptualisation usant de la notion de capital, il importe par contre d’être prudent sur ce que charrie cette conception montante quand elle s’adjoint à l’humain. Loin de se traduire par une meilleure prise en compte de son rapport à soi et aux autres, cette notion sert bien souvent à appuyer une vision clientéliste et concurrentielle du savoir.

Or, penser les conditions institutionnelles de la paix économique implique de revoir :

1) la manière dont on valorise les personnes dans les différentes institutions et organisations en ne le réduisant pas à un simple instrument d’une croissance économique qui s’avère disjointe du respect des équilibres sociaux et environnementaux ;

2) notre conception de la concurrence et des règles de propriété pour favoriser les biens créateurs, qui selon les termes de Russell, peuvent et gagnent à être partagés de manière illimitée, à la place des biens privatifs purs dont la possession exclut le partage ou la gestion collective ;

3) les modes de redistribution de la richesse et les modalités au travers desquelles chacun.e voit son existence, ses besoins et ses efforts reconnus et ses possibilités d’épanouissement soutenues.

Ainsi, la paix économique se propose de faire tenir ensemble une réflexion sur la personne et les institutions et vise à rompre avec un excès de simplification dans la prise en compte de l’humain afin d’intégrer la complexité du vécu et des relations de la personne avec elle-même, le collectif, l’organisation et plus largement la cité.

On ne « fabrique » pas simplement du capital, mais on « transforme », chemin faisant, des êtres humains via l’éducation et la formation ouvrant ainsi de nouvelles potentialités pour l’ensemble de la société. C’est pourquoi prendre en compte cette complexité suppose de rompre avec des catégories trop figées d’appréhension de l’humain, peu aptes à en rendre compte.

Airbnb ou la vie rêvée des autres

26 mardi Sep 2017

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The Conversation
  1. Gaël CHAREYRON

    Responsable du département d’enseignement et de recherche Informatique, Big Data et Objets connectés de l’Ecole Supérieure d’Ingénieurs Léonard de Vinci, Pôle Léonard de Vinci – UGEI

  2. Sébastien Jacquot

    Maître de conférences en Géographie, IREST, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Pôle Léonard de Vinci

Union des Grandes Ecoles Indépendantes (UGEI)

Sur le site d’Airbnb. Airbnb

En mars 2017, Airbnb a diversifié son offre, proposant des « expériences » : acheter du poisson pour préparer du sashimi à Tokyo avec un client régulier du marché, cuisiner et déguster une paella avec une habitante de Barcelone, découvrir la vie des abeilles avec un apiculteur dans le Sacramento, ou découvrir l’art du mime ou du street art à Paris… Ces expériences sont présentées comme des échanges avec un hôte, avec Amin, Andrea, Chabane, Toshi, Sara, dont la durée, le programme et le nombre maximal de participants sont précisés, ainsi que le prix, parfois plus de 100 euros par personne.

On pourrait y voir un approfondissement de la logique revendiquée d’Airbnb : la rencontre avec l’Autre et la découverte plus authentique de la destination, débordant la seule sphère de logement (« vivez là-bas comme des locaux »). Une autre perspective y verrait les logiques croissantes d’« uberisation ». L’habitant met en location temporaire non plus une chambre ou son appartement mais aussi une partie de son temps, ses savoir-faire ou simplement partage son temps de loisirs contre rémunération, permettant parfois des compléments de revenu substantiels, tandis que se poursuit la mise en prix et marché de nouveaux pans de la vie sociale.

Le documentaire sur le tourisme à Berlin, WelcomeGoodbye, réalisé par Nana Rebhan, expose une situation fictionnelle limite, celle d’un Berlinois louant sa vie pour une courte période à des touristes. S’agit-il alors d’adopter la vie des autres ? De l’appartement à la façon de faire ses courses, ses pratiques sportives et culturelles, ses goûts et pratiques culinaires ?

https://player.vimeo.com/video/92148157

Quels précédents ?

Mais reprenons le fil : cela fait-il réellement rupture ?

En 1992, Lynn Brooks, une habitante new-yorkaise, fonde Big Apple Greeter. Cette association regroupe des habitants qui proposent des visites bénévoles de leur territoire, essentiellement de leurs espaces du quotidien, prolongeant éventuellement la visite par un verre ou repas échangé. La visite avec un Greeter se distingue de la visite classique par l’accent mis sur sa propre façon de résider quelque part, mais aussi par sa dimension non-marchande. À partir de New York, de nombreuses villes dans le monde ont vu éclore de telles initiatives : Buenos Aires, Shanghai, Sidney, Nantes, Paris (Parisiens d’un jour), etc. Alors que certains regroupements de guides professionnels craignent une concurrence déloyale, les Greeters sont parfois soutenus par des acteurs publics qui y voient une façon de changer l’image de la destination et de ses habitants.

Sur le site des « Paris Greeters. Paris Greeters

Dans les années 2000, l’expression « tourisme créatif », mise en avant notamment par Greg Richard fait son apparition, désignant une forme de tourisme dans laquelle les visiteurs expriment ou développent leur créativité sur leur lieu de séjour, souvent accompagné par des habitants disposant d’une expertise artistique ou culturelle. Développée à Barcelone, Paris et Rome dans un premier temps, à travers le Creative Tourism Network, l’expression se diffuse aussi au niveau mondial, entrant en résonance avec l’idée d’un touriste pensé comme désormais actif durant son voyage. De façon plus large, le tourisme créatif pourrait être analysé comme un avatar du « tourisme expérientiel », qui découle de l’idée d’un marketing expérientiel, mettant en avant la relation avec le produit ou le service, plus que les qualités intrinsèques de ce dernier.

capture d’écran Airbnb. Airbnb

Un tourisme différent

Airbnb n’est d’ailleurs pas positionné seul sur ce développement de plateforme de réservation d’activités et d’« expériences » : les plateformes généralistes (Booking, Kayak) intègrent désormais la réservation d’activités (par exemple des billets d’entrée), tandis que d’autres plateformes se sont spécialisées sur des expériences proposées par des habitants (de Trip4real racheté par Airbnb à lovlilocals ou MeetJune).

Enfin, de nombreuses campagnes promotionnelles reposent sur le présupposé de touristes recherchant un autre tourisme, hors des sentiers battus et des districts touristiques, à la découverte des espaces du quotidien, marqué par une volonté de rapports plus authentiques. Ainsi, cette mise en avant des « expériences » semble être la version marchande des Greeters, doublé d’un approfondissement des logiques du tourisme créatif, prenant acte du tournant expérientiel et de la volonté d’explorer des territoires et pratiques qui ne sont pas d’emblée et unilatéralement touristiques. Bref, plus une synthèse marchande et globalisée de nouvelles tendances par un groupe mondialisé en situation dominante qu’une réelle rupture.

Imaginaires touristiques

Mais le développement des expériences peut être analysé sur un autre plan, celui de la caractérisation des destinations et de leurs imaginaires, dans un registre attendu quand il s’agit d’acheter du poisson à Tokyo et réaliser une paella à Barcelone, et plus inattendu dans l’apprentissage de la cuisine africaine avec des réfugiés d’une métropole européenne, la visite d’un musée avec un humoriste stand-up, ou le coaching style à Saint-Mandé. Là aussi doit-on en attendre un renouvellement des imaginaires touristiques et des modes de promotion ?

La circulation des imaginaires touristiques s’est opérée de façon diversifiée, par les récits de voyage, les affiches et publicités (par les entités publiques ou les tour operator), les guides touristiques, les photos, etc. La présence sur le site Airbnb de cet onglet « expériences » proposant en vrac tout un ensemble d’activités décalées, de la visite classique du quartier historique ou du site culturel est-elle là aussi en rupture avec ces circulations antérieures ? Si les premiers guides mentionnaient d’abord des itinéraires et des commodités permettant le voyage (horaires et itinéraires ferroviaires, haltes et hébergements conseillés), la dimension expérientielle des voyages est rapidement mise en avant, aussi bien dans les récits de voyage que dans les guides touristiques. Ainsi le guide Baedecker de Paris 1878 suggère une visite des abattoirs de Villette et des marchés aux bestiaux attenants, une flânerie dans les bazars parisiens, la fréquentation des bals publics costumés (« tout ce qu’il y a de plus excentrique »), une attention aux cris de Paris, « du matin au soir », ou même la visite de la morgue pour apercevoir les corps exposés.

Des touristes avec leur guide à Petra (Jordanie). Daniel Case/Wikipédia, CC BY

La destination ne se limite pas à ses aménités les plus classiques, elle est déjà présentée comme expérience possible. De fait, cette « nouveauté » de l’idée d’expérience peut surprendre. L’expérience est la connaissance théorique ou pratique issue de la relation avec le monde, et par extension désigne le vécu, en tant qu’il favorise cette acquisition de connaissances. L’ensemble du temps touristique peut être vécu comme expérience et expérimentation. D’une certaine façon, mettre l’accent par le mot « expériences » sur certaines activités vise surtout à les autonomiser et les constituer en services ou produits, comparables et transposables, et évaluables à travers le décalage possible entre la promesse et le vécu.

Une subjectivité assumée

La différence se fait plutôt dans le mode d’écriture : à un narrateur supposé expert qui expose l’intégralité des possibilités, et qui est effacé dans le texte (pas de « je »), se substitue la mise en avant d’une pluralité d’intermédiaires locaux, chacun proposant une façon de visiter et expérimenter la destination. L’expérience est vécue comme interaction. De plus, la production de la confiance ne réside plus dans l’objectivité et la compétence supposées du guide, mais dans une subjectivité assumée, et multipliée : multiplicité et personnalisation (par la photo, l’usage du prénom, la vidéo qui montre la situation) des intermédiaires, mais aussi des usagers qui laissent leur propre commentaire sur le site Airbnb. Cela s’inscrit en prolongement de la rupture occasionnée par le web 2.0 en matière de prescription touristique (ou de restauration, de critique de film, etc.), et le passage de l’expertise objectivée à l’expertise des pairs.

Ces transformations contribuent-elles à une promotion renouvelée des territoires ?

D’abord, elles se distinguent de la promotion institutionnelle par une mise en équivalence de toutes les expériences, partout dans le monde, relevant plutôt de la logique du catalogue d’un tour operator, et organisé par grandes destinations urbaines. Les 1882 expériences proposées mi-septembre 2017 concernent 36 destinations, sur tous les continents (Le Cap et Nairobi en Afrique par exemple).

Paris est la destination proposant le plus d’expériences (169, plus 7 immersives), suivi par Barcelone (161) et Tokyo (160). Airbnb propose douze catégories d’expériences. Les thématiques « cuisine et boissons » et « arts et design » dominent largement, tandis que « vie nocturne », « mode », « musique » ou « bien-être » sont des propositions expérientielles moins présentes.

Redécouvrir la pensée de Jacques Ellul, pionnier de la décroissance

25 lundi Sep 2017

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The Conversation
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  1. Patrick Chastenet

    professeur de science politique, Université de Bordeaux

Région Nouvelle-Aquitaine

 

Jacques Ellul. Jan van Boeckel/Wikimedia, CC BY-SA

Pour Jacques Ellul, pionnier de l’écologie politique, la technique ne se réduit ni à la machine grossière du siècle dernier ni au gadget sophistiqué : il la définit comme la recherche du moyen le plus efficace dans tous les domaines. Si l’importance de ce penseur au sein du panthéon de l’écologie politique et de la décroissance est admise sans conteste (encore récemment par des auteurs aussi divers que Serge Audier dans La société écologique et ses ennemis ou Frédéric Dufoing dans Vers un écologisme chrétien), on se plaît parfois à souligner le paradoxe selon lequel il aurait finalement très peu écrit sur ce sujet. Ce paradoxe n’est qu’apparent, comme nous avons essayé de le montrer, mais là n’est pas l’essentiel.

Sacralisation de la technique

Si La Technique ou l’enjeu du siècle (1954) est cité parmi les dix références bibliographiques de l’article séminal d’Arne Naess « The Shallow and the Deep, Long-Range Ecology Movement. A Summary » (1973) ou si les œuvres d’Ellul trônaient en bonne place sur la page « Classiques et références » – aux côtés de celles d’André Gorz, Bernard Charbonneau, Ivan Illich et René Dumont – du site du parti Les Verts, du temps où ses dirigeants se préoccupaient davantage de diffuser des idées que d’obtenir des postes, c’est parce qu’aussi bien le théoricien de la Deep Ecology que les leaders écologistes de l’époque avaient compris qu’en plaçant la puissance technicienne au cœur de sa critique sociale, en dénonçant la démesure et l’artificialisme de nos sociétés contemporaines indépendamment de leurs référentiels idéologiques, Ellul ne prend pas l’objet technique en soi pour l’ennemi de la nature mais fait de la sacralisation de la technique moderne un obstacle à la liberté humaine aussi dangereux que l’aliénation économique analysée par Marx.

Selon lui, c’est l’idéologie techniciste (l’idée selon laquelle la technique nous sauvera des problèmes engendrés par la technique) qu’il faut combattre. C’est l’éthique technicienne – tout ce qui peut (techniquement) se faire doit (moralement) être fait – qu’il convient de refuser. C’est le credo des sociétés techniciennes fondé sur le culte de la performance et de l’efficacité à tout prix qui, après avoir colonisé les esprits, finira par s’insinuer dans les corps (human enhancement, biotechnologies et transhumanisme). Au nom du progrès technique, l’homme est devenu l’instrument de ses instruments, le moyen s’est transformé en fin, la nécessité s’est érigée en vertu.

Désir de jouissance matérielle

En outre, avec son ami Bernard Charbonneau, par le biais de ses « Directives pour un manifeste personnaliste » (1935), Ellul est directement à l’origine de la première proposition occidentale de réduction volontaire de la croissance économique. Il a 23 ans lorsqu’il écrit :

« L’homme crève d’un désir exalté de jouissance matérielle, et pour certains de ne pas avoir cette jouissance. »

Comment ne pas songer ici à ce qui sera théorisé ultérieurement sous les concepts de société de consommation et d’économie duale ? On retiendra également le procès du productivisme en 1935, dans une période de crise mondiale où la production industrielle française était encore très inférieure à son niveau de 1928. Le projet de « cité ascétique » privilégiait le qualitatif au détriment du quantitatif, l’être au lieu de l’avoir. Travailler et consommer moins pour vivre mieux ! D’ailleurs, Ivan Illich reconnaîtra sa dette envers le Bordelais qui lui avait permis, disait-il, de concevoir ses notions de seuil et d’austérité conviviale.

Les concepts de simplicité volontaire et d’abondance frugale développés ultérieurement par les décroissantistes s’inscriront explicitement dans cette double filiation.

Ellul s’est par ailleurs inquiété très tôt de voir se surajouter au milieu naturel une seconde nature, un milieu naturel technicisé qui inexorablement recouvre, envahit, réduit, absorbe, détruit le milieu naturel dont l’homme a besoin pour éprouver concrètement sa liberté. Si en éthicien Ellul n’a jamais cessé de dire qu’il ne croyait pas à l’existence d’une nature humaine intangible, si en historien il a constamment rappelé que la plupart des paysages qui nous semblent aujourd’hui naturels avaient subi l’empreinte humaine, si son intention n’était pas de placer la nature sous cloche, pas même de créer des réserves naturelles ou des sites protégés pour les promenades dominicales, son écologisme n’en était pas moins radical. Conscient dès l’origine du caractère illusoire et dilatoire des politiques de protection de l’environnement, il savait que pour instaurer, au quotidien, des conditions de vie naturelles au sein de nos sociétés il fallait rompre radicalement avec la logique productiviste sur laquelle elles reposaient.

Christianisme et crise écologique

Ses convictions étaient d’autant plus profondes en la matière qu’il portait son combat également sur le terrain théologique. Ellul réfute en effet la thèse – très répandue depuis le fameux article de Lynn White – selon laquelle le christianisme, « religion la plus anthropocentrique que le monde ait connue » – serait à l’origine de la crise écologique. Ellul conteste l’interprétation dominante de la Genèse utilisée comme fondement moral de la maîtrise absolue de l’homme sur le reste de la création et instrument de légitimation de sa prétendue puissance démiurgique. Selon lui, le « remplissez la terre, soumettez-la et dominez sur les poissons, les oiseaux et sur tout animal » du second récit de la Création doit être mis en parallèle avec le premier, dans lequel Dieu invite l’homme à nommer librement les animaux.

Nulle part il n’est dit que l’homme peut utiliser le monde à son gré et l’exploiter jusqu’à la destruction. Dieu permet à l’homme de s’approprier des choses, mais il fixe aussi les limites. Il ne donne pas à l’homme un pouvoir illimité sur la création puisque qu’il doit manifester au monde créé par Dieu le même amour.

D’après le théologien, l’homme étant à l’image de Dieu, il doit diriger la terre comme Dieu dirige la création. Il doit ainsi dominer par amour et non par la contrainte. C’est seulement après la nouvelle alliance que l’homme est autorisé à tuer l’animal pour se nourrir et qu’il devient pour ce dernier un sujet de crainte et d’effroi. Mais le penseur prévient que tuer un animal reste toujours à la limite du meurtre.

Ellul interprète les lois et coutumes prescrites dans la Bible comme autant de façons de rappeler à l’homme qu’il n’est qu’un invité sur la terre dont Yahvé est l’unique propriétaire. S’il les viole, s’il franchit toutes les bornes, s’il ignore toute limite, s’il empoisonne l’eau, le sol et l’air, s’il pille la mer jusqu’au fond des océans, s’il torture les animaux, s’il détruit jusqu’aux grands fauves qui le menaçaient jadis, alors Dieu se contentera de laisser faire. Et la sanction viendra naturellement, si l’on ose dire. Ainsi donc dans l’œuvre d’Ellul, le chrétien rejoint-il le citoyen épris de nature et de liberté.

Alerte sur l’enseignement supérieur de gestion français

25 lundi Sep 2017

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The Conversation

Auteur

  1. Michel Albouy
    Michel Albouy est un(e) ami(e) de The Conversation

    Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)

Grenoble École de Management (GEM)

 

Des étudiants en management souriants… mais, en France,le système est fragile. University of Salford via Visual Hunt , CC BYAdresse électronique

L’enseignement supérieur de gestion des entreprises est aujourd’hui en difficulté et court prochainement à sa perte si les pouvoirs publics n’en prennent pas conscience. Tous les efforts qui ont été accomplis depuis la création de la Fondation nationale pour l’enseignement de la gestion des entreprises (Fnege) créée en 1968 par l’État français et le secteur privé dans le but de développer un véritable enseignement supérieur de gestion risquent d’être perdus.

Cinq décennies de croissance et de structuration

Rappelons-nous : il y a seulement 50 ans, il n’existait pas véritablement de corps professoral de sciences de gestion en France. Certes, il y avait bien des écoles de commerce qui dispensaient des formations appliquées, mais elles faisaient essentiellement appel à des professionnels d’entreprises et quelques professeurs de droit et d’économie des facultés.

Personne pour faire des manuels de gestion, personne pour rédiger des études de cas, pas de revues académiques dans cette discipline qui était à inventer. C’est avec la création de la Fnege en 1968 et son programme phare de formation aux États-Unis d’enseignants de gestion que la dynamique s’est enclenchée. Ce programme d’envoi de jeunes boursiers outre-Atlantique a permis de former le socle des enseignants-chercheurs en gestion qui manquait tant à la France.

À leur retour, les boursiers de la Fnege – souvent titulaires d’un doctorat américain (Ph.D) – ont intégré les universités (parfois difficilement) et les grandes écoles de commerce qui n’avaient à cette époque qu’un seul programme : le diplôme de l’école. Ce n’est seulement qu’en 1976 – il y a un peu plus de 40 ans seulement – que l’Université française a créé l’agrégation des sciences de gestion pour le recrutement de professeurs des universités dans cette discipline.

Avant cela, il n’y avait pas de carrière pour les enseignants-chercheurs en gestion à l’université. Ils restaient maîtres de conférences, plus ou moins tolérés par les professeurs de sciences économiques qui eux-mêmes s’étaient libérés, peu d’années avant, des professeurs de droit.

Aujourd’hui, 50 ans après la création de la Fnege, on ne peut que se féliciter de cette réussite. Nos grandes écoles de management caracolent dans les classements du Financial Times et les Instituts d’administration des entreprises (IAE) permettent au plus grand nombre d’accéder à des formations professionnelles de haut niveau en gestion des entreprises (Master). Ajoutons au tableau, et cela dans la suite de mai 1968, la création de l’université Paris-Dauphine qui doit sa réussite à son caractère de Grand établissement.

Mais des défis importants à relever

Pourtant cette réussite est aujourd’hui fragile et il ne faudrait pas croire que notre système d’enseignement supérieur en sciences de gestion connaîtra à coup sûr la même trajectoire de réussite dans le futur. En effet, plusieurs défis se dressent sur la route de nos écoles et universités. Le premier défi est celui de la mondialisation des formations en management. Le deuxième défi est celui de leur vrai manque de moyens financiers pour faire face à cette concurrence.

Face à ces défis, les deux systèmes de l’enseignement supérieur français de gestion n’ont pas les mêmes atouts ni les mêmes contraintes, mais ils restent très fragiles. Prenons-les successivement.

Les dilemmes des grandes écoles de commerce : manque d’argent et concurrence internationale

Tout d’abord les grandes écoles de management (qui se font aussi appeler business schools). Ces écoles, grâce à leur indépendance et leur liberté de fonctionnement, ont pu véritablement s’internationaliser depuis les années 2000 (c’est relativement récent). Elles ont noué des partenariats avec de très nombreuses universités étrangères (plus ou moins bonnes) et permettent à leurs étudiants d’aller aux quatre coins du monde. Elles ont aussi développé de nombreux programmes internationaux (MBA, MIB, MSc notamment) qui leur permettent de recruter de nombreux étudiants étrangers. Elles ont aussi recruté massivement des professeurs étrangers, ce qui ne va pas toujours sans poser de problèmes.

Malgré l’augmentation considérable du nombre de leurs diplômés, elles continuent à les intégrer au monde du travail malgré la concurrence nationale des IAE. Jusqu’à présent, leurs places dans les classements internationaux (ranking) et notamment ceux du célèbre Financial Times étaient exceptionnelles. Par exemple, HEC Paris a été pendant de très nombreuses années classée n°1 par le Financial Times (FT) devant la célèbre London School of Business. Nombreuses sont nos grandes écoles de commerce à figurer dans le top 20 du FT.

Mais aujourd’hui, et devant la concurrence mondiale, elles commencent à reculer. Légèrement pour le moment, mais cela risque de s’aggraver comme le souligne l’ancien directeur général d’HEC Bernard Ramanantsoa (cf. Xerfi Canal, 18/09/2017) qui pointe le décrochage récent de nos écoles de management.

Le tableau ci-dessous montre la perte de compétitivité de nos grandes écoles de management selon le classement du FT. Comme on peut le constater, toutes (sauf HEC Paris) perdent des places. Et cela au profit de nouveaux entrants sur le marché de la formation en gestion des entreprises.

Financial Times

Aujourd’hui, la scolarité d’un élève de programme « grande école de commerce » tourne autour de 35 000 euros pour les trois années d’études, davantage si l’étudiant fait une « année césure ». À ce montant il faut bien évidemment ajouter les frais d’hébergement et de transport, soit 6 000 euros/an au bas mot. Au total cela fait donc au minimum pour un diplôme d’école de commerce 53 000 euros hors frais de bouche. C’est cher payé pour un diplôme, qui, sauf pour les trois plus grandes (HEC, ESSEC, ESCP), ne fera pas une grosse différence avec de bons Master d’IAE (qu’on peut trouver à côté de chez soi).

La comparaison – souvent évoquée par les directeurs des business schools françaises – avec les tarifs pratiqués avec les grandes universités américaines n’a pas grand sens. Outre le fait que ces grandes universités américaines offrent un tout autre environnement, les parents américains sont très loin de supporter les prélèvements fiscaux de nos compatriotes qui payent également avec leurs impôts pour le fonctionnement des universités.

De plus, même les universités publiques américaines sont payantes, contrairement aux universités françaises. Il n’existe donc pas aux États-Unis l’équivalent des IAE qui sont quasiment gratuits pour des formations en gestion. L’arbitrage est donc différent. Et cela sans compter avec l’existence d’une université publique comme Dauphine qui revendique également, et à juste titre, l’excellence en recherche comme en formation.

Pour jouer dans la cour des grands – c’est-à-dire des business schools internationales du top 30 – nos grandes écoles de commerce ont dû recruter à grand frais des enseignants-chercheurs internationaux (disons plutôt des chercheurs tant leur implication pédagogique reste faible) pour progresser dans les fameux rankings. Face à l’explosion de leurs coûts de fonctionnement, elles ont fondamentalement joué sur deux leviers : la hausse des frais de scolarité et l’augmentation du nombre d’étudiants. La hausse des frais de scolarité a atteint aujourd’hui un plafond.

Difficile de penser que dans les dix prochaines années, les augmentations enregistrées à ce jour pourront se perpétuer, surtout dans un environnement économique à inflation quasi nulle. On arrive ainsi à un palier et les marges de manœuvre sont très limitées sinon inexistantes dans ce domaine. En effet, et contrairement à ce que d’aucuns croient, ce n’est pas en faisant de la formation continue ou du conseil auprès des entreprises que ces écoles pourront équilibrer leurs budgets qui sont en fait financés souvent à plus de 85 %, voire 90 %, par les étudiants ; les chambres de commerce s’étant retirées.

Les étudiants se retrouvent donc à financer la recherche de professeurs qui pourront aller voir ailleurs au grès du Mercato international des professeurs de gestion. De plus, vu la charge d’enseignement relativement faible de ces super stars de la recherche, ils ont peu de chances de les avoir comme enseignant (à supposer qu’il y ait une corrélation entre niveau de la recherche et qualité de l’enseignement). Quant à l’augmentation des effectifs étudiants, on a également atteint un niveau qu’il sera difficile de repousser, sauf à perdre ce qui fait l’essence même d’une école : des promotions à taille humaine qui permettent un échange et une proximité avec des enseignants. Dans ces conditions, comment continuer à recruter davantage d’enseignants-chercheurs capables de publier dans des revues de premier rang ?

Comment rester dans la course mondialisée aux étoiles CNRS (référence au classement de la section 37 économie-gestion du CNRS) ? Admettre qu’on n’est plus qu’une « teaching institution » ? Mais dans ces conditions, comment continuer à recruter des étudiants internationaux pour des masters (MSc) à 30 000 euros ?

L’équation semble sans solution. Et c’est bien là le drame des grandes écoles françaises de gestion qui ne peuvent compter sur aucune aide de l’État alors qu’elles contribuent à la compétitivité des entreprises françaises.

Les dilemmes des formations universitaires : les contraintes de l’université et le manque de liberté

Sauf à de rares exceptions près, comme l’université Paris-Dauphine, l’enseignement des sciences de gestion à l’université se trouve essentiellement dans les IAE. Ces derniers réunis dans un réseau national se présentent depuis 2014 comme des « écoles universitaires de management ». Le réseau compte 32 instituts et environ 45 000 étudiants. Ils proposent plus de 30 parcours de la licence au doctorat en sciences de gestion. Leur présence sur le territoire est incontestablement une réussite au niveau franco-français.

Cette forte présence, s’il elle est un atout, constitue également une faiblesse : quelle différentiation ? Pourquoi choisir Lyon plutôt que Lille ou Bordeaux si les formations sont équivalentes ? Au niveau international, le paysage est plus contrasté.

L’IAE Aix-Marseille Université.

Globalement leur internationalisation est relativement modeste et leur reconnaissance internationale faible. Aucun n’apparaît dans le classement du Financial Times. De plus, à part l’IAE d’Aix-en-Provence (le premier IAE créé en 1955), aucun n’est titulaire de l’accréditation internationale très sélective EQUIS, alors que les grandes écoles de commerce (top 10) le sont toutes. Elles ont souvent aussi les trois couronnes internationales (AACSB, AMBA, EQUIS). Bien sûr, l’Université Dauphine possède le label EQUIS mais elle est bien la seule université française dans ce cas.

Bien sûr les IAE, étant des composantes d’universités, bénéficient des avantages et des inconvénients de cette situation. Par exemple, ils n’ont pas à payer leurs professeurs contrairement aux grandes écoles car ce sont des fonctionnaires d’État. Ils ne payent pas également leurs personnels administratifs (sauf à la marge). En échange, ils n’ont aucune autonomie de gestion. Ils ne peuvent faire payer leurs étudiants (même étrangers), ils ne peuvent pas vraiment les sélectionner (comme les écoles) à travers des concours nationaux et surtout ils ne peuvent que très difficilement recruter des professeurs étrangers du fait des procédures spécifiques d’accès aux corps des professeurs d’université.

Bref, et ce n’est pas leur faire injure, leurs marges de manœuvre sont des plus réduites. Pas de quoi partir à la conquête du monde, sauf exception locale. Et pour quoi faire puisque dans tous les cas cela ne ferait que consommer des ressources contraintes et limitées allouées par l’État sans véritablement mettre en face des recettes nouvelles (absence de frais de scolarité et/ou de ressources propres).

Ces instituts sont de fait sous la dépendance du bon vouloir de l’État de créer de nouveaux postes d’enseignants-chercheurs en sciences de gestion pour se développer. Or, chacun sait que l’État souhaite réduire ses dépenses de fonctionnement. Sans internationalisation ces instituts ne pourront que s’étioler ou au mieux ne servir que leur territoire de proximité.

Par ailleurs, alors que pour exister au niveau international il faut absolument publier dans des revues internationales de premier rang, la composition très franco-française des corps enseignants des IAE rend difficile cette mutation. Il y a donc de fortes chances qu’à moyen terme ces instituts ne deviennent que des teaching institutions pour reprendre le vocabulaire de l’AACSB (association américaine d’accréditation pour l’enseignement du management).

Alors que les IAE semblent bénéficier du confort protecteur des universités publiques, ils ne peuvent pas vraiment s’épanouir comme n’importe quelle business school américaine qui, même si elle appartient à un campus, bénéficie d’une véritable autonomie de gestion (sélection des étudiants, frais de scolarité, procédures de recrutement du corps enseignant, etc.).

Ajoutons à cela qu’avec leur intégration (pour ne pas dire absorption) de plus en plus forte au sein des universités (éventuellement fusionnées), ces instituts ont perdu les quelques petites marges de manœuvre qu’ils avaient dans les années 1980-90 avec la formation continue. Enfin, le statut de la fonction publique pour des enseignants-chercheurs internationaux en management de bon niveau n’a rien d’attractif. Dans ces conditions avec ce maillage de contraintes, on peut vraiment s’interroger sur la future trajectoire de développement de ces instituts.

L’université Paris-Dauphine PSL. Guilhem Vellut/Flickr, CC BY

Et pourtant l’enseignement supérieur de gestion est indispensable pour la France

Le tableau que nous venons de dresser apparaîtra à certains comme volontairement noirci et excessif. Bien sûr, le système mis en place avec la création de la Fnege continue à fonctionner, et même plutôt bien. Mais pour combien de temps ? À notre avis – mais il est possible d’en discuter – pour pas très longtemps.

Les grandes écoles de commerce vont faire face assez rapidement à des révisions difficiles. Quant aux formations universitaires, IAE compris, elles vont avoir du mal à rester dans la compétition mondiale qui s’annonce féroce avec l’émergence de la Chine et de l’Inde dans les formations au management. L’évolution des classements est là pour en témoigner.

Les formations en gestion des entreprises sont indispensables à la compétitivité de nos entreprises qui ont besoin de cadres bien formés pour se lancer à la conquête des marchés étrangers. La réussite de nos grandes entreprises à l’international est là pour montrer l’apport décisif de ces formations qui savent allier pragmatisme, rigueur et international.

Il est donc urgent de prendre la mesure des difficultés que traverse notre système d’enseignement supérieur de gestion à l’heure actuelle, mais surtout pour les années futures. Il serait vraiment dommage que le sursaut fait au moment de la création de la Fnege il y a 50 ans se perde.

Alors que faire ? Nous avançons trois propositions :

  • Tout d’abord il faut que l’État injecte davantage d’argent dans nos écoles et universités. Rappelons ici que la France est un des pays développés à consacrer le moins de ses ressources à l’enseignement supérieur, pourtant vecteur d’innovations et de développement futur. À lui de voir comment, mais il est clair que les écoles ne pourront pas continuer à demander à leurs professeurs et collaborateurs de toujours faire plus (d’étoiles CNRS et de cours) avec moins de ressources et à leurs étudiants de payer toujours plus avec des effectifs toujours plus nombreux.
  • Deuxièmement, il faudrait que les IAE retrouvent de véritables marges de manœuvre compte tenu des spécificités de l’enseignement supérieur de gestion qui doit être en prise avec le monde économique et ne peut vivre dans une tour d’ivoire. On ne pourra pas développer des instituts compétitifs dans cette discipline exposée à la concurrence mondiale avec des statuts universitaires de type fonction publique qui empêchent toute initiative.
  • Enfin, il faut que les écoles et les universités collaborent davantage, notamment sur la recherche et la formation doctorale car dans quelques années, si cela continue, la recherche française en sciences de gestion sera devenue inaudible au niveau mondial.

Ajoutons pour terminer que tout cela passe également par la capacité de nos programmes doctoraux en gestion d’attirer les meilleurs talents du monde (cf. notre étude avec Alain Charles Martinet pour la Fnege sur « Les programmes doctoraux de gestion en France à l’heure de la mondialisation », septembre 2017

Deezer, Apple ou Spotify ? Les pistes économiques pour choisir une plate-forme de streaming

24 dimanche Sep 2017

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La concurrence, ni dieu, ni diable

La concurrence, ni dieu, ni diable

  1. François Lévêque

    Professeur d’économie, Mines ParisTech

Mines ParisTech

 

Quelle bande son ? Philips Communications via Visual Hunt, CC BY-NC-ND

Quel service de streaming choisir ? Deezer ? Spotify ? Apple Music ? Tidal, ou même Amazon Music ? Les choix ne manquent pas. La liste des services de streaming de Wikipedia contient une trentaine de noms. Tentons de répondre à cette question à travers quelques pistes.

« Les boules de neige » (par Chantal Goya)

La recommandation de la théorie économique tient en une phrase : choisir celui dont la victoire dans la bataille de la concurrence est anticipée. Nous sommes en effet de plain-pied dans le monde économique des plates-formes et de ses puissantes externalités de réseau. Vous connaissez sans doute ces effets qui avantagent les entreprises aux plus larges clientèles (voir ma chronique sur Apple et Google).

Cela se traduit ici de la façon suivante : plus un service de streaming comptera d’abonnés ; plus un abonné a de chance de pouvoir échanger ses listes de lecture et ses avis avec d’autres ; plus appropriées seront les suggestions de titres qui lui seront faites ; plus un service de streaming compte d’abonnés, plus d’artistes et de labels auront intérêt à être présents dans son catalogue. Et, inversement, plus d’artistes et de labels seront présents dans un catalogue, plus il est intéressant d’y être abonné.

D’où des effets boule de neige et une course entre les plates-formes pour recruter le plus de clients des deux côtés de leur marché, et ce le plus vite possible. D’où une marginalisation et une disparition progressive de celles qui n’y parviendront pas. D’où au final un seul ou un petit nombre de vainqueurs. D’où, enfin, l’intérêt de parier sur un bon cheval dès le départ car changer de cheval en cours de route est bien ennuyeux. Vous subirez en effet des coûts de changement de fournisseur. Non pas qu’il vous en coûtera des espèces sonnantes et trébuchantes mais il vous faudra apprendre à naviguer sur une autre plate-forme et surtout vous perdrez vos listes de lecture et votre nouveau fournisseur faute d’historique et des données qui vont avec ne connaîtra pas vos goûts et ne saura pas au début vous adresser des recommandations et suggestions bien ciblées.

Un autre avantage à la taille, plus classique, s’ajoute à ces effets de réseau : les économies d’échelles. Les données de l’équation économique de base du streaming les feront facilement comprendre. Chaque nouvel abonné contribue aux coûts fixes, c’est-à-dire qui ne varient pas en fonction des ventes, à l’instar des dépenses de développement des algorithmes, interfaces utilisateurs et autres logiciels.

Secundo, chaque nouvel abonné entraîne une augmentation de la redevance à verser aux labels. Elle est de l’ordre de 60 % du montant des abonnements. Ainsi un plus grand nombre d’abonnés permet de mieux recouvrer les coûts fixes et donne un plus grand pouvoir de négociation à l’entreprise de streaming pour obtenir des redevances plus faibles.

Notez en passant que la partie de boules de neige coûte cher. A ce jour l’activité de streaming n’est pas rentable. Deezer, Tidal, Spotify et les autres entreprises spécialisées perdent de l’argent. Les Apple Music, Amazon Music et Google Music aussi mais leur déficit est masquée par l’intégration avec les autres activités de leurs opérateurs respectifs.

Niches et enceintes connectées

Commençons à appliquer la recommandation de la théorie économique en procédant par élimination. D’ores et déjà des services de streaming ont pris un tel retard dans le recrutement d’abonnés qu’il est peu probable qu’ils survivront ou alors seulement sur des segments de marché restreints. Ainsi : évitez SoundCloud, bien mal en point. Ne choisissez pas Anghami sauf si vous êtes fan de musique arabe car son catalogue s’adresse avant tout aux pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. Éliminez Tidal à moins que vous ne soyez un admirateur inconditionnel du rappeur Jay Z qui l’a rachetée. N’utilisez TTunes que si vous possédez une Tesla.

Inversement, on peut être presque sûr que certains ne disparaîtront pas. C’est le cas des entreprises multiproduits dont le streaming fait partie. Il attire et fidélise des clients qui consomment d’autres de leurs biens et services. Il n’est donc pas soumis isolément à une contrainte financière et de rentabilité stricte qui limiterait les investissements pour recruter de nouveaux clients et améliorer le service.

C’est bien sûr le cas d’Apple. Pionnière de la vente de musique numérique à la pièce, la firme de Cupertino a pris tardivement le tournant du streaming, sans doute pour cause de cannibalisation. Sa vitesse de rattrapage est cependant spectaculaire. Elle a conquis 20 millions d’abonnés en deux ans. Citons également Amazon qui a lancé sa propre plate-forme musicale et la propose à un tarif réduit à ses meilleurs clients.

La présence durable de ces deux entreprises dans le streaming est d’autant plus certaine qu’il est un maillon indispensable de leurs haut-parleurs Echo et HomePod – vous savez ces petites enceintes cylindriques connectées censées trôner demain dans tous les salons (ou presque) pour répondre intelligemment (ou presque) à toutes vos questions (ou presque). Vous pouvez leur demander « Quel temps fera-t-il demain ? » mais aussi « Joue-moi la chanson du jour » ou « Passe le dernier single de Rihanna ». Si d’ailleurs vous envisagez l’acquisition d’une telle enceinte connectée, je vous conseille de vous abonner à Amazon Music ou Apple Music pour éviter des problèmes d’incompatibilité. Si vous êtes attaché à ces entreprises mastodontes ou tout simplement trop paresseux pour changer de prestataire, faites le même choix.

apple homepod google home amazon echo.

« Peut-être que peut-être » (par Jean‑Jacques Goldman)

Le cas de Google est compliqué car l’entreprise joue sur plusieurs tableaux. Elle possède sa propre plate-forme, Google Play Music, accepte Spotify sur son enceinte connectée Google Home, et possède aussi You Tube. Que vient faire ici la plate-forme de streaming vidéo la plus regardée au monde ? Et bien avec ses 800 millions d’utilisateurs elle est aussi la plus écoutée ! Par ceux qui « payent » à travers la publicité surtout, et, pour une toute petite partie, à savoir quelques millions seulement, par des abonnés à YouTube Red, sa plate-forme payante qui donne accès à un catalogue de films et séquences vidéo mais aussi à un catalogue musical. Avec tout juste 7 millions d’abonnés à ses deux services payants, Google a intérêt à les combiner dans une seule offre. Si vous penchez pour Google, attendez donc un peu.

Le futur de Deezer est lui aussi difficile à prédire. Cette plate-forme d’origine tricolore domine le marché français. Mais elle ne compte dans le monde entier que 8 millions d’abonnés et sa croissance piétine. Elle est aujourd’hui majoritairement contrôlée par Len Blatvanik, un magnat anglo-américain d’origine russe dont la holding est présente dans le gaz et le pétrole (EP Energy), le capital-risque (Access Technology), l’immobilier (Grand-Hôtel du Cap Ferrat) et qui détient aussi le contrôle majoritaire de Warner Music Group. Cette bonne compagnie financière et musicale préserve Deezer d’une sortie du marché à laquelle elle n’aurait pas sans cela échappé par manque de moyens. Toutefois son propriétaire pourrait la sacrifier avec ou sans Warner lors d’une prochaine rotation de son portefeuille d’actifs. Mon avis : bof bof, sauf si vous êtes un grand amateur d’artistes français – car Deezer offre un catalogue pointu en la matière – ou si tous vos amis et proches sont déjà abonnés à cette plate-forme.

Spotify.

Spot and Identify

Finalement, pourquoi ne pas choisir Spotify ? Même si elle est talonnée par Apple, l’entreprise suédoise n’est-elle pas la première du marché mondial en nombre d’abonnés ? Oui, mais justement elle est talonnée par Apple. Une comparaison financière résume le déséquilibre des forces en présence : en une journée l’entreprise californienne réalise un profit qui équivaut à la perte qu’essuie Spotify sur une année.

Malgré sa taille Spotify perd encore en effet de l’argent. Apple n’est pas en reste mais même en supposant que la perte d’Apple Music soit deux fois plus élevée que celle de Spotify, elle serait épongée en deux jours par les profits des autres activités de la firme.

La question de savoir si Spotify peut être rentable dans le futur agite le monde financier car la firme suédoise s’apprête à entrer en bourse. Les pronostics sont contrastés. Lui faut-il atteindre 50 ou 100 millions d’abonnés pour être à l’équilibre ? Obtenir un taux de redevance auprès des labels de 58 ou de 55 % de ses recettes ? Y parviendra-t-elle ?

Ces incertitudes ne doivent cependant pas vous dissuader de choisir Spotify. Elle occupe la première place en nombre d’abonnés et en croissance du nombre d’abonnés. C’est donc le choix le plus conforme au raisonnement économique. En outre, son avenir économique est conforté par l’intérêt que lui prêtent les majors de l’industrie du disque. Sony, Universal et Warner ne souhaitent sans doute pas avoir Amazon, Apple et Google comme uniques clients. Elles sont chacune actionnaires de Spotify et, connaissant ainsi ses comptes, sont susceptibles de lâcher du lest sur leurs montants de redevance en cas de besoin.

Bis… !

L’auteur de cette chronique est lui-même abonné à une plate-forme de streaming depuis un an mais il n’en a choisi aucune de celles citées. Le comble est qu’il n’ait pas suivi ses propres prescriptions car il a opté pour une plate-forme assez confidentielle, connue surtout pour sa qualité sonore, Qobuz. À sa décharge, il ne s’était pas encore documenté pour écrire cette chronique et n’écoute quasi-exclusivement que de la musique classique.

Ce que le sommeil des éléphants nous apprend sur le nôtre

23 samedi Sep 2017

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L’expertise universitaire, l’exigence journalistique

 

  1. Paul Manger

    Professor of Comparative and Evolutionary Neurobiology, University of the Witwatersrand

 

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University of the Witwatersrand

 

Le plus grand capteur d’activité au monde? Author provided

Tout comme les humains, les animaux doivent accomplir un certain nombre de choses pour s’assurer qu’ils parviendront à transmettre leurs gènes : manger, éviter de se faire manger, se reproduire et dormir. Si l’un de ces impératifs biologiques n’est pas respecté, c’est la mort assurée. Pourtant, lorsqu’on dort, on ne peut accomplir aucune de ces activités. C’est là un des grands mystères de la science : pourquoi dormons-nous ?

En ce qui concerne les humains, les scientifiques ont formulé plusieurs hypothèses. Pour certains chercheurs, le sommeil permet de nettoyer notre cerveau des déchets métaboliques produits par l’activité des neurones ; pour d’autres, il sert à consolider la mémoire. Pour tester la validité de ces hypothèses, on peut observer si elles s’appliquent au sommeil des animaux qui ne sont habituellement pas étudiés sur ce plan, comme les grands mammifères africains.

La recherche a déjà démontré que plus les mammifères sont grands, moins ils dorment. En principe, donc, les éléphants africains – les adultes pèsent entre 3 000 et 5 000 kilos – ne devraient pas dormir beaucoup. Pour vérifier si un animal dort, on enregistre ses ondes cérébrales en posant des électrodes sur son crâne : les caractéristiques de l’activité globale du cerveau montrent si le cerveau est éveillé, s’il est dans une phase de sommeil profond ou dans une phase de sommeil paradoxal (celui des rêves). Mais avec les éléphants, c’est impossible d’un point de vue chirurgical, en raison de la particularité de leur crâne, constitué en grande partie d’un immense sinus frontal.

Pour surmonter ce problème, notre équipe de neurobiologie comparée de l’Université des Witwatersrand a adapté un compteur d’activité utilisé dans les études sur le sommeil humain, avec l’aide de nos collègues de l’ONG Elephants Without Borders et ceux de l’université américaine UCLA. Cela nous a permis de mesurer les habitudes de sommeil de deux matriarches dans une population d’éléphants sauvages.

Les résultats obtenus, qui ont été publiés dans le journal PLoS ONE, sont importants pour deux raisons. D’abord, en étudiant le sommeil à travers les animaux, nous pouvons tenter d’améliorer la qualité du sommeil et la qualité de vie des humains. Mais comprendre le sommeil chez des animaux comme les éléphants nous aide aussi à mieux les comprendre – améliorant ainsi notre capacité à développer des stratégies de gestion et de conservation de la biodiversité.

Les résultats

L’appareil que nous avons utilisé mesurait l’activité des éléphants en comptabilisant le nombre d’accélérations de leurs mouvements par minute. Il est facile à implanter sous la peau, pour savoir quand l’éléphant bouge ou reste immobile. En observant les éléphants dans la nature, nous avons constaté que la partie de leur corps la plus mobile était leur tronc. Nous en avons déduit que si le tronc ne bougeait pas pendant cinq minutes, l’éléphant était susceptible d’être endormi – c’est donc à cet endroit que nous avons implanté le capteur d’activité.

En combinant ce système avec un collier GPS et un gyroscope – qui mesurait les mouvements corporels dans les plans x, y et z, nous avons fait quatre observations vraiment intéressantes :

  • Les éléphants dormaient en moyenne deux heures par jour ;
  • La plupart du temps, ils dormaient debout, mais ils s’allongeaient pour dormir tous les trois ou quatre jours ;
  • Certaines nuits, ils ne dormaient pas et parcouraient une distance de 30 kilomètres ;
  • Lorsqu’ils s’endormaient ou se réveillaient, cela coïncidait avec des conditions environnementales non corrélées au lever ou au coucher du soleil.
The secrets of elephant sleep, revealed…

Les recherches existantes menées sur des éléphants en captivité ont révélé qu’ils dormaient en moyenne entre quatre et six heures par jour. Cela s’explique : ils ont beaucoup de temps pour dormir et n’ont pas besoin de marcher pour trouver la nourriture dont ils ont besoin pour rester en forme, leur régime alimentaire est de meilleure qualité, et ils n’ont aucun prédateur.

Un grand éléphant doit manger environ 300 kg de nourriture – de qualité nutritionnelle médiocre – chaque jour. Cela lui laisse peu de temps pour dormir. Le cerveau des éléphants, comme celui des humains, comprend des orexines, des neurotransmetteurs qui contrôlent l’équilibre entre la satiété et l’état d’éveil : si vous avez eu assez à manger, les neurones se calment et vous permettent de vous coucher. Sinon, ils vous gardent éveillés.

Cet équilibre entre satiété et état d’éveil, combiné à leur régime alimentaire, explique pourquoi les mammifères les plus gros dorment moins, mais aussi pourquoi les herbivores dorment moins que les carnivores et les omnivores (comme les humains). Les données recueillies sur les éléphants renforcent cette idée émergente dans la recherche sur le sommeil et permettent d’expliquer pourquoi l’éléphant dort si peu.

En captivité, les éléphants passent une grande partie de leur temps à dormir couchés, mais ils dorment parfois debout. Avec les données combinées du gyroscope et du capteur d’activité, nous avons constaté que les éléphants sauvages dormaient principalement debout. Ils ne dorment couchés que tous les trois ou quatre jours, pendant environ une heure.

Pendant le sommeil paradoxal, le tonus musculaire des mammifères disparaît. Donc, pour qu’un éléphant rentre dans le sommeil paradoxal, il lui faut s’allonger, car sans aucun tonus musculaire, il ne peut pas rester debout, à moins qu’il ne s’appuie contre un arbre ou un grand rocher.

Pour certains chercheurs, le sommeil paradoxal sert à consolider la mémoire : les expériences vécues au cours de la journée seraient converties en mémoire à long terme pendant le sommeil paradoxal. Les éléphants ont une bonne mémoire à long terme, mais n’entrent dans le sommeil paradoxal que tous les trois ou quatre jours. Cela permet de penser que la consolidation de la mémoire n’est peut-être pas la fonction du sommeil paradoxal.

Indicateurs environnementaux

Il est arrivé que les éléphants ne dorment pas de la nuit. Cela s’est produit trois fois pour un éléphant, deux fois pour l’autre. Ces jours-là, peu de temps après le coucher du soleil, les éléphants ont été perturbés, peut-être par des lions, des braconniers ou même un éléphant mâle en musth, un état le rendant particulièrement agressif. Pendant le reste de la nuit, les éléphants ont parcouru une distance d’environ 30 kilomètres. Ce comportement n’avait jamais été enregistré précédemment et indique que les éléphants ont vraiment besoin de beaucoup d’espace, un élément important en termes de conservation – dans les petites réserves, ils sont à l’étroit.

Enfin, les moments où les éléphants sont allés dormir (début du sommeil) et se sont réveillés (sortie du sommeil) n’étaient pas liés au coucher et au lever du soleil. Par contre, ces deux moments étaient fortement liés à certaines sensations associées à l’environnement : un mélange de température, d’humidité, de vitesse du vent et de rayonnement solaire. Il semble que certains indicateurs environnementaux soient importants pour les éléphants, pour aller dormir et se réveiller au bon moment. En examinant cela de plus près, nous pourrions être en mesure d’ajuster l’environnement dans lequel nous dormons afin d’améliorer la qualité de nos nuits de sommeil

Le marketing est-il soluble dans l’intelligence artificielle ?

22 vendredi Sep 2017

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Auteur

  1. Eric Martel

    Docteur en Sciences de Gestion, Université Paris Sud – Université Paris-Saclay

 

Université Paris-Saclay

Université Paris Sud

 

« Void » : Ébauche artistique de l’intelligence artificielle. Robert Bauernhansl/Ars Electronica/Flickr, CC BY-NC-ND

L’arrivée du big data, couplé à l’intelligence artificielle, ne signe-t-elle pas l’arrivée d’un nouvel âge d’or pour le marketing ? Il y aurait là le signe précurseur de l’arrivée d’un marketing prédictif qui, comme dans Minority Report, serait en mesure d’anticiper les désirs d’achat des consommateurs.

Lorsqu’en 2011, Amazon a déposé un brevet concernant un algorithme prédictif, apte à anticiper les décisions d’achat des consommateurs, de nombreux professionnels du marketing se sont enthousiasmés. Mais cette réussite n’était plus celle de la fonction marketing, mais d’ingénieurs en intelligence artificielle, agissants selon des cadres théoriques nouveaux.

Avec l’émergence du big data, les professionnels du marketing doivent recruter de nouveaux profils et sont conscients que cela aura des incidences sur leur propre positionnement au sein de l’entreprise. Mais ils sont loin d’apprécier les conséquences de l’arrivée de cette technologie.

L’intelligence artificielle « faible » et « forte »

Pour comprendre le big data, il faut s’imaginer en train de « chercher une épingle dans une meule de foin multidimensionnelle sans savoir à quoi ressemble l’épingle, ni si la meule de foin en contient une ». Le big data cherche à découvrir des modèles à caractère prédictif au sein de données brutes à faible densité d’information. Dans cet océan de données, seuls des algorithmes s’auto-paramétrant en fonction d’objectifs préalablement fixés peuvent retrouver ces précieuses informations. C’est là que l’intelligence artificielle rentre en jeu.

L’intelligence artificielle est le résultat (même si elle souhaite s’en démarquer) d’une nouvelle science : la cybernétique. Cette dernière se veut transdisciplinaire, basée sur un modèle relationnel en rupture avec la science moderne.

L’intelligence artificielle se donne pour modèle le cerveau humain, et, pour objectif final, de créer des machines intelligentes douées de conscience. Si elle a dû renoncer à d’aussi hautes ambitions depuis, les recherches autour de « l’intelligence artificielle forte » continuent à lui donner une identité spécifique.

Ce projet lui permet de puiser dans un grand nombre de disciplines, qui vont de la philosophie à la biologie. Lorsque nous utilisons dans notre vie quotidienne, Google Maps, Amazon ou Facebook, cet objectif final nous est généralement invisible et cela pour une raison simple : nous avons en fait affaire à « l’intelligence artificielle faible », qui vise à mettre en place des mécanismes et stratégies automatisées, basées sur des principes de logique et de calcul idéalisés.

Certains auteurs ne veulent considérer que cet aspect « pragmatique » de l’intelligence artificielle, mais ne nous trompons pas, « l’intelligence artificielle forte » et « l’intelligence artificielle faible » ne sont que les deux faces d’une même monnaie. C’est d’ailleurs ce qu’a bien compris Elon Musk, lorsqu’il s’est opposé à Mark Zuckerberg à ce sujet.

L’intelligence artificielle et son fonctionnement

Pour l’intelligence artificielle, le cerveau est avant tout une unité de traitement de l’information : il la reçoit, la traite, et adapte son comportement en fonction de celle-ci et en émet en retour. Ce processus fonctionne en continu dans le cadre d’une boucle de rétroaction.

Un système vivant est également mû par une intentionnalité, un objectif, celui de rester en vie. Plus que par la façon dont ils fonctionnent, qui reste souvent mystérieuse pour leurs propres concepteurs, les algorithmes relevant de l’intelligence artificielle se définissent d’abord par l’objectif qui leur est assigné.

En fonction des postulats précédents, l’intelligence artificielle raisonne en termes de causalité circulaire : le principe même de boucles de rétroaction rend difficile la distinction entre l’effet et la cause d’un phénomène.

Le modèle traditionnel (basé sur l’observation, l’analyse, la compréhension, la décision et l’action) a donc été abandonné afin de se rapprocher du vivant, qui effectue ces différentes tâches de façon simultanée. Ainsi, plutôt qu’établir des hypothèses, les algorithmes basés sur l’intelligence artificielle vont essentiellement rechercher des corrélations dans les masses de données, sur lesquelles ils vont agir afin de les tester.

Quand le marketing est couplé à l’intelligence artificielle

Discipline reposant sur la science moderne, le marketing s’intéresse à des consommateurs dont il cherche à comprendre et déchiffrer le comportement. A contrario, l’intelligence artificielle, elle, y voit des unités de traitement de l’information agissant en temps réel ; le fait qu’elles soient humaines ou automatiques n’a aucune importance.

Dans le cas du marketing couplé à l’intelligence artificielle, il n’est pas important de comprendre le comportement du consommateur, mais plutôt de donner les moyens au système intelligent d’identifier lui-même la boucle de rétroaction permettant d’atteindre l’objectif voulu : vendre. Pour cela, le système essaie d’identifier des corrélations, puis les teste.

C’est ce que font les algorithmes de Facebook, qui expérimentent en permanence de nouvelles sélections dans le fil d’informations, et en analysent les résultats en temps réel. De la même façon, l’intelligence artificielle d’Uber teste en temps réel (au dixième de seconde près) de nouvelles combinaisons de prix, et s’ajuste en fonction du retour reçu.

Watson, un programme informatique d’intelligence artificielle conçu par IBM. Clockready/Wikimedia, CC BY-SA

C’est là un aspect essentiel de ces systèmes : leur temps n’est plus celui de l’homme, mais celui de la machine qui traite les informations en millisecondes. Ces algorithmes démontrent leur puissance chez Uber, Facebook, ou Google, où ils rendent inutiles de nombreuses études sur leurs clients.

Cette efficacité a d’ailleurs poussé le journaliste Chris Anderson à se demander si les méthodes scientifiques traditionnelles n’étaient pas, de fait, devenues obsolètes. Dans un modèle où l’actionnabilité importe plus que l’explication causale, les spécialistes du marketing se retrouvent bien esseulés.

Ces derniers n’auraient plus pour but que d’aider à concevoir et piloter les campagnes de communication, en fonction d’informations reçues, ce qui est déjà en grande partie le cas chez Uber, Google et Facebook.

Vers une suprématie des ingénieurs ?

Cette menace est d’autant plus vraie que les compétences requises pour la maîtrise de l’intelligence artificielle restent étrangères et peu accessibles aux professionnels du marketing. Le contraire est loin d’être vrai : le projet de créer des machines douées de conscience a amené les spécialistes de l’intelligence artificielle à adopter une approche résolument transdisciplinaire.

Appréhender et digérer cette discipline rationnelle qu’est le marketing leur sera plus aisé que se familiariser avec des concepts philosophiques tels que la compréhension, la conscience ou la pensée.

Cela sera d’autant plus vrai que l’essor des objets connectés va permettre d’amener l’intelligence artificielle à des domaines de la vie quotidienne qui lui étaient jusqu’à présent fermés, comme les machines à laver.

Déjà, dans certaines grandes entreprises industrielles, des ingénieurs spécialisés dans la réalisation de systèmes intelligents basés sur l’Internet des objets ont reçu une formation marketing simplifiée… afin de concevoir eux même des propositions de valeur.

Le big data semble bien annoncer l’émergence de ce qu’Éric Sadin appelle le « post-marketing ». Celui-ci aurait pour but de réduire « l’écart séparant l’offre de sa réception » et donc, de marginaliser progressivement ces intermédiaires que sont les professionnels du marketing.

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