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Archives Mensuelles: juin 2018

L’Europe centrale entre illibéralisme et fiesta, ou le syndrome de Dracula

30 samedi Juin 2018

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The Conversation

  1. Dimitri Garncarzyk

    agrégé de lettres modernes, doctorant en littératures comparées (10e section CNU), Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3 – USPC

Université Sorbonne Paris Cité

Université Sorbonne Nouvelle, Paris 3

 

La comédie « Budapest » reflète bon nombre de clichés au sujet des pays d’Europe centrale. Allociné

Le nom de Budapest évoque aujourd’hui, dans l’actualité médiatique française, deux choses.

C’est d’abord la capitale de la Hongrie, un pays de l’Union dont on parle surtout parce que les observateurs ouest européens sont, à juste titre, préoccupés par l’attitude eurosceptique et nationaliste de Viktor Orbán, que l’historien Paul Gradvohl propose d’appeler souverainisme obsidional. Cette attitude est contagieuse : Will Hutton décrivait ainsi en janvier dernier dans le Guardian la formation d’un axe illibéral Budapest-Varsovie, inquiétude justifiée par la réforme du judiciaire menée depuis de nombreux mois par le gouvernement de Mateusz Morawiecki en Pologne.

D’un autre côté, Budapest est maintenant le titre d’un film de Xavier Gens. Deux cadres français, Xavier et Arnaud, fondent « Crazy Trips », une agence de voyages offrant à ses clients des sensations fortes à Budapest. La destination est explicitement dictée par des spécificités régionales, comme « faire la fête arrosée à la palinka » et « profiter de certaines activités offertes par ce pays d’ex-URSS comme conduire des tanks et tirer à la kalachnikov sur des cibles ». Pour caricatural qu’il semble, ce pitch est basé sur une histoire vraie : celle de l’entreprise française CrazyEVG, spécialisée dans les enterrements de vie de garçon (EVG). Dans le film comme dans la réalité, l’Europe centrale est ainsi présentée comme le lieu tout indiqué d’une fête transgressive.

Les occasions de parler en France de l’Europe centrale semblent ainsi osciller entre deux extrêmes : d’un côté, une inquiétude politique légitime vis-à-vis du souverainisme obsidional à la Orbán ; de l’autre, une insouciance alcoolisée qui fait de l’est du sous-continent un terrain de jeu à bas coût pour Occidentaux. C’est cette oscillation des représentations sans terme médian entre inquiétude politique et insouciance festive qui constitue le syndrome de Dracula.

Le syndrome de Dracula : historique et symptômes

Couverture de Dracula, édition anglaise de 1901. Jonathan Harker aperçoit le comte ramper le long du mur du château. Wikipédia

Quelle image de l’Europe centrale ressort de Dracula (1897), le génial roman de Bram Stoker ? Dans les premières pages, un jeune avoué britannique, Jonathan Harker, voyage en Transylvanie. Il découvre d’abord un monde distant, géographiquement mais aussi culturellement, et a « l’impression très nette de quitter l’Occident pour entrer dans le monde oriental ». Cette étrangeté culturelle s’explique en partie par la méconnaissance des Occidentaux, et en partie par le caractère superstitieux des locaux : c’est « une des parties de l’Europe les moins connues, et les plus sauvages ».

Cette Europe autre est la source d’une menace existentielle, représentée par Dracula lui-même : ayant acheté, par l’intermédiaire de Jonathan, une demeure en Angleterre, il y déplace ses activités vampiriques, et espère soumettre le monde moderne au règne des morts-vivants.

Mais elle est aussi à l’origine de la sensualité fascinante et malsaine de femmes vampires lascives et sadiques (les fameuses Brides of Dracula), qui seront rejointes plus tard par Lucy Westenra vampirisée : l’antithèse absolue de la féminité victorienne.

https://giphy.com/embed/HxkXc9gSjFkFqSi le postcommunisme remplace, dans nos représentations contemporaines, la superstition comme facteur de différence, l’Europe centrale reste largement aujourd’hui l’objet d’une représentation biface qui en fait un « autre de l’intérieur ». D’un côté, c’est le lieu d’une menace qu’il faut combattre au nom des valeurs occidentales : l’autoritarisme de l’homme fort de Budapest, qui apparaît comme un très réel danger pour l’Union qui a intégré la Hongrie en 2004. De l’autre, on y trouve de fascinantes et dangereuses créatures que tout oppose à la vie normale et conjugale, qui motivent le tourisme festif des EVG et la vie nocturne débridée de Budapest, le film.

Inspiré d’une histoire vraie, « Budapest » raconte la naissance d’une entreprise d’organisation d’enterrements de vie de garçon. Allociné/Copyright Warner Bros. France

Le vampire : l’illibéralisme centre-européen et le souci du rayonnement national

Le 1ᵉʳ mars dernier est rentrée en vigueur la version amendée de la loi définissant les misions et prérogative de l’Institut polonais de la mémoire nationale (Instytut Pamięci Narodowej, IPN). Est désormais illégale « l ‘attribution à la nation ou à l’État polonais, en dépit des faits, de crimes contre l’humanité ».

L’exposé des motifs de la première version du projet, introduit devant la diète le 30 août 2016, commençait par dénoncer le raccourci inexact qui consiste à parler, comme avait pu le faire Barack Obama, de « camps (de la mort, d’extermination) polonais » pour désigner les camps nazis dans la Pologne occupée.

Il ne fait aucun doute que des formulations de ce genre, contraires à la vérité historique, ont des effets considérables quant à la bonne réputation de la République et de la Nation polonaises, affectant de manière dévastatrice l’image de la République polonaise, en particulier à l’étranger. Elles suggèrent en effet au public que la responsabilité des crimes commis par le IIIe Reich allemand revient à la Nation polonaise et à l’État polonais. (Druk nr 806)

Il s’agit de défendre, dans le langage même, l’honneur du pays. Le nouveau chapitre 6c de la loin amendée est donc entièrement consacré à « la protection de la bonne réputation de la République polonaise et de la Nation polonaise » (Ochrona dobrego imienia Rzeczypospolitej Polskiej i Narodu Polskiego). Comme le souligne Paul Gradvohl, cette stratégie de réécriture du passé national a toutes les raisons d’inquiéter les tenants de la construction européenne et la communauté académique, à l’est comme à l’ouest.

Ces dispositions législatives se sont accompagnées d’une campagne agressive sur Internet, dont le mot d’ordre est le hashtag #GermanDeathCamps. D’abord lancée sur un site créé en 2015 par la Fondation des traditions citadines et rurales, l’expression est maintenant reprise sur sur un site de l’IPN disponible en six langues. Sur YouTube, les services du Premier ministre ont mis en ligne deux clips intitulés Świadectwo prawdy (« Témoignage de vérité »), qui apparaissent aussi dans des emplacements promotionnels lorsqu’on explore YouTube en polonais. Deux anciennes résistantes déportées y témoignent pour défendre la loi, et l’une d’elles insiste sur le caractère allemand, plutôt que nazi, des camps (« les camps… n’étaient pas seulement nazis, mais simplement allemands » (« Obozy były… nie tylko nazistowskie, ale po prostu niemickie »). D’un côté, la parole digne et indignée de ces anciennes déportées commande le respect ; de l’autre, il est difficile de ne pas y voir une stratégie mémorielle mêlée d’euroscepticisme.

Le témoignage d’Alina Dąbrowska, qui insiste sur la responsabilité allemande des camps.

Ces témoignages apportent une forte caution morale à la stratégie de communication nationale du gouvernement de Mateusz Morawiecki. Ce dernier, face aux réactions indignées de la communauté internationale et du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou en particulier, a défendu sans concession la loi dans une allocution vidéo en anglais (il en existe aussi une version polonaise).

L’aventure : l’Europe centrale comme outre monde festif de l’entrepreneuriat occidental

S’il est normal que des observateurs compétents et pertinents fassent part au public d’inquiétudes fondées et légitimes sur l’orientation politique de la Pologne ou de la Hongrie, il est problématique que, dans les médias grand public, ces analyses politiques préoccupantes coexistent quasi uniquement avec la représentation de l’Europe centrale comme un outre-monde festif (EVG à Budapest, crazy week-end à Prague, European spring break en Croatie…).

Quelle image de l’Europe centrale renvoie en effet Budapest ? Commençons par l’affiche : elle associe, sur fond de détails architecturaux, le nom de la ville à des fêtards et des jeunes femmes court vêtues portant le masque vénitien devenu (depuis au moins Eyes Wide Shut) un des marqueurs du libertinage. Le nom d’une capitale étrangère devient ainsi la légende d’une caricature hédoniste : c’est une autre forme de radicalité représentationnelle.

L’affiche du film. Allociné

En attendant la sortie du film, explorons le site de CrazyEVG, l’entreprise française dont la fondation en 2009 a inspiré le scénario. La carte figurant dans le clip de présentation de l’entreprise montre bien que les destinations centre-européennes sont privilégiées. Le menu « Destinations » confirme cette impression : sur 75 destinations, 17 sont en France et 22 en Europe centrale (27 en comptant les destinations allemandes) ; la moitié des six destinations de choix surlignées dans le menu du site sont des capitales centre-européennes.

Budapest est « une ville qui connaît la recette par cœur » pour « un enterrement de vie de garçon vraiment déjanté » ; des « légendes urbaines » racontent que ce serait le berceau des EVG. Celles qui courent sur Prague en font le lieu de naissance du strip-tease (le texte apparaissant logiquement en surimpression sur la photo d’une effeuilleuse). Se développe ainsi un légendaire de l’Europe centrale qui en fait le lieu tout indiqué d’une fête débridée.

Varsovie est « une ville carrément dingue, une vraie ville d’Europe de l’Est ». Les deux expressions semblent s’impliquer l’une l’autre : une « vraie » ville d’Europe centrale est « une ville ultra festive, avec du clubbing pour tous les goûts, un Hummer limousine, du shooting à gogo [et] de la vodka pas chère », comme de « très jolies filles ». L’intégration européenne a fait de Bratislava « l’Europe de l’Est “facile” : les prix sont en euros et la ville est toute petite », « les prix y sont dérisoires ». Pour renforcer l’impact du texte, celui-ci est en surimpression sur la photo plongeante d’une opulente poitrine féminine sanglée dans un corset « traditionnel » (associant ainsi fétichisme sexuel et caricature ethnique). Si « les clubs de Bratislava sont réputés dans toute l’Europe de l’Est », il semble surtout qu’ils fassent la réputation de l’Europe de l’est ailleurs.

L’entreprise française a des prédécesseurs sur ce marché, notamment la compagnie britannique Last Night of Freedom (LNOF), fondée en 1999. Le site de cette dernière proclame Prague « land of vice, cheap beer and Czech women (terre du vice, de la bière pas chère et des femmes tchèques) ». La nationalité tchèque semble avoir acquis des connotations érotiques : la fête est consubstantielle à l’Europe centrale. Peut-être l’expression la plus révélatrice vient-elle à propos de Budapest : « Budapest’s party cruises, open-air nightclubs and strip boats are out of this world. » (A Budapest, les croisières, les boîtes de nuit en plein air et les bateaux avec strip-tease à bord sont complètement dingues) ». Ici, « out of this world » signifie quelque chose de plus que « complètement ouf’ » : l’expression définit littéralement un outre-monde, un espace ludique qui contraste avec le vrai monde sérieux où l’on va se marier. On rejoint ici le slogan du film de Xavier Gens : « Ce qui se passe à Budapest reste à… Budapest ».

Le clip promotionnel du Prague Pub Crawl, avec simulation de l’évanouissement dans la rue par la caméra à la fin. Attention au volume sonore.

Carence culturelle et clash des représentations

Si les deux représentations de l’Europe centrale, l’illibérale comme la festive, sont aussi fondées l’une que l’autre, en quoi le syndrome de Dracula est-il un problème ?

À l’ouest, cette dichotomie crée des Jonathan Harker – des personnes à qui il manque, à côté de représentations tranchées (inquiétude politique ou hédonisme caricatural), une connaissance de l’Europe centrale comparable à celle qu’ils peuvent avoir de leurs voisins de l’ouest. Perdure ainsi une vision stéréotypée de la région qui manque des nuances nécessaires pour évoquer des pays et des peuples qui sont, au sein de l’UE, des voisins et des partenaires proches. Cette représentation est confortée par la rentabilité de l’industrie de la fête, dont profitent nombre d’entreprises centre-européennes : clubs, boîtes d’EVG « natives » comme Crazy Kawalerski en Pologne, fondée en 2010, ou le Prague Pub Crawl, dont Le clip promotionnel met en scène l’ivresse publique de manière particulièrement crue, la caméra subjective finissant par « tourner de l’œil » dans une des rues pavées du centre-ville.

À l’est, cette dichotomie crée des Dracula. L’exemple polonais a bien montré à quel point la force de la loi comme les ressources du web sont mobilisées dans une bataille mémorielle et communicationnelle dont l’enjeu est l’honneur de l’État polonais et de la Nation polonaise, son autorité morale à l’intérieur, et son rayonnement à l’extérieur. Face à l’image de l’Europe centrale comme vaste terrain de jeu postcommuniste, ils proposent une différenciation qu’ils estiment positive, fondée sur le patriotisme et les racines chrétiennes de l’Europe – et le gouvernement de M. Morawiecki a aussi ses émules à l’ouest.

Ce mouvement est déjà ancien, et se greffe sur de vieilles inquiétudes dont on pourrait faire l’histoire. En 2004, année de l’entrée de la République tchèque dans l’Union européenne, les stag trips visant Prague faisaient déjà l’objet de l’inquiétude des pouvoirs publics. L’exemple de Bratislava a montré que le phénomène a été facilité par l’intégration européenne mais on pourrait aussi prendre l’exemple de Riga. En 2014, l’archevêque de Cracovie a dénoncé ce tourisme hédoniste au nom des valeurs spirituelles de la chrétienté.

Les deux extrêmes du syndrome de Dracula ménagent entre eux un vide représentationnel, qui rigidifie à la fois les possibilités de se représenter la région à l’ouest et, à l’est, les possibilités de self-fashioning (construction de son identité et de son image par rapport à des normes extérieures). La responsabilité du syndrome de Dracula est en ce sens bilatérale : c’est un cercle vicieux qui entretient le fantasme sans nuance de l’altérité radicale de l’Europe centrale.

La littérature comme remède

Le syndrome de Dracula empêche ainsi les deux moitiés de l’Europe de se familiarisersereinement l’une avec l’autre. Une possibilité, pour s’en extraire, est de lire d’autres livres que Dracula : moins gothiques et plus aux prises avec la réalité régionale. On pourra commencer par le récit de l’écrivain serbe Mileta Prodanović, Ça pourrait bien être votre jour de chance, dont le premier chapitre intitulé « Nous, Européens de l’est » démonte le mythe de l’altérité radicale de la moitié orientale du continent.

L’auteur décrit d’abord les « caractéristiques philosophico-génétiques » des habitants de l’Europe médiane, qui (fait peu connu) « naissent avec une trompe et des cornes ». Est ainsi moquée l’idée que les natifs de la région ont un ADN intellectuel spécifique, combinée à des caractéristiques physiques distinctives – que promeut sans distance le cliché des filles de l’Est… La fin du chapitre satirise la tendance de l’Occident à imposer son identité et ses politiques à l’est de l’Europe, ici pour sauver l’« opossum tigré (Didelpha tigris) », espèce rare en voie de disparition. Cette satire permet d’identifier le genre d’exaspération que peuvent susciter, chez les conservateurs centre-européens, les modes de gestion « imposés » par Bruxelles, surtout quand ils se combinent à des pratiques occidentales vécues comme une invasion arrogante et peu valorisante. (Sur le même thème, on peut lire en anglais sur Internet le texte de Prodanović Šengenski medvedi – Les ours de Schengen).

Si le livre de Prodanović, paru en serbe en 2000, est un récit de l’expérience du bombardement de Belgrade en 1999, son diagnostic fonctionne toujours étonnamment bien : la « success story » de Budapest véhicule bien une représentation stéréotypique et réductrice de la région, dont l’arme est simplement le capitalisme plutôt que la guerre. « L’impératif séculaire », « vis pour dépenser ! », promu par « les grandes démocraties occidentales » que moque Prodanović, sous-tend la morale du film : quand on ne réussit pas à décoller en France, on peut faire de l’argent à l’Est avec de l’alcool, des filles et des vieux tanks.

Le problème est que tout le monde n’exprime pas ses doutes vis-à-vis de l’UE avec autant d’humour que Prodanović, ni n’a la même défiance face aux tentations idéologiques de la région (Prodanović a notamment participé au projet artistique et cosmopolite Love Difference). Le genre de lassitude qu’il exprime, par la satire, vis-à-vis d’un regard occidental perçu comme superficiel et méprisant contribue aujourd’hui à nourrir l’euroscepticisme des populistes centre-européens et de leur électorat.

Les quatre mesures phares du RGPD pour l’économie

29 vendredi Juin 2018

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The Conversation

Les quatre mesures phares du RGPD pour l’économie

 

Auteur

  1. Patrick Waelbroeck

    Professeur d’économie à Télécom ParisTech, Institut Mines-Télécom (IMT)

Institut Mines-Télécom

Les nombreux scandales de vols ou d’utilisation inappropriée de données qui ont secoué le paysage médiatique ces dernières années soulignent l’importance de leur protection. En Europe, la mise en place du Règlement général sur la protection des données (RGPD) est censée y subvenir, grâce à quatre mesures phares : les labels de confiance, l’« accountability », la portabilité des données et le pseudonymat. Décryptage.

Les données, des externalités négatives potentielles

Les données utilisées à mauvais escient peuvent conduire à des vols d’identité, à du harcèlement en ligne, à la divulgation d’informations intimes, à l’utilisation frauduleuse de coordonnées bancaires ou, moins grave mais néanmoins condamnable, à de la discrimination par les prix, ou à l’affichage de publicités indésirables, qu’elles soient ciblées ou non.

Toutes ces pratiques peuvent être assimilées à des « externalités négatives ». En économie, une externalité négative résulte d’une défaillance du marché. Celle-ci survient lorsque les actions d’un agent économique exercent un effet négatif sur d’autres agents, sans compensation liée à un mécanisme de marché.

Dans le cas de l’utilisation de données à mauvais escient, les externalités négatives pour le consommateur sont causées par des entreprises qui collectent trop de données par rapport à l’optimum social. Leur existence justifie, économiquement, la protection des données personnelles.

La société de la boîte noire

L’utilisateur n’a pas toujours conscience des conséquences des traitements effectués par les entreprises du numérique, et la collecte de données personnelles peut créer des risques, dans le cas où un internaute laisse des traces involontaires dans son historique de navigation.

En effet, le numérique bouleverse les conditions de l’échange à travers l’asymétrie d’information qu’il engendre, dans ce que Frank Pasquale, juriste à l’Université du Maryland, appelle la « black box society » : les utilisateurs d’outils numériques ne connaissent ni l’utilisation qui est faite de leurs données personnelles, ni le volume des données échangées par les entreprises qui les collectent, et ce pour trois raisons.

Premièrement, il est difficile pour un consommateur de vérifier comment ses données sont utilisées par les entreprises qui les collectent et les traitent, et encore plus de savoir si cette utilisation est conforme ou non à la législation. Ceci est encore plus vrai à l’ère du « big data » où des bases de données indépendantes contenant peu d’informations personnelles peuvent être combinées facilement pour identifier une personne. Deuxièmement, un individu est difficilement capable d’évaluer techniquement le niveau de sécurité informatique dont font l’objet ses données pendant leur transmission et leur stockage. Troisièmement, les asymétries d’information affaiblissent l’équité et la réciprocité dans la transaction, et créent un sentiment d’impuissance des internautes isolés face aux grands groupes du numérique (ce que les sociologues appellent le capitalisme informationnel).

Labels et signes de confiance

Les enjeux économiques sont de taille. Dans les travaux qui lui ont valu le prix Nobel d’économie, George Akerlof a montré que des situations d’asymétrie d’information pouvaient conduire à la disparition de marchés. L’économie numérique n’échappe pas à cette théorie, et la détérioration de la confiance crée des risques qui peuvent conduire certains internautes à se « débrancher ».

Dans ce contexte, le RGPD encourage fortement (mais ne les rend pas obligatoires) les labels et marques de confiance qui permettent aux internautes de mieux appréhender les risques de la transaction. Très fréquents dans l’industrie agroalimentaire, les labels sont des signes, tels des emblèmes ou des codes couleurs en encore des lettres, traduisant le respect de la réglementation en vigueur. Peut-on escompter un impact économique positif de ces labels pour l’économie numérique ?

Quels impacts pour les labels ?

De manière générale, on peut distinguer trois effets économiques positifs des labels : un effet signal, un effet prix et un effet sur les quantités.

En économie, les labels et autres signes de confiance sont appréhendés par la théorie du signal. Celle-ci cherche à résoudre les problèmes d’asymétrie d’information en émettant un signal coûteux, que les consommateurs pourront interpréter comme un gage de bonne pratique. Ainsi, plus le signal est coûteux plus son impact sera important.

Les études économiques sur les labels montrent qu’ils ont généralement un impact positif sur le prix, qui correspond à une prime à la réputation, et sur les quantités vendues. Dans le cas des marques de confiance et des labels de protection des données personnelles, on peut s’attendre à un effet plus important sur le volume que sur les prix, en particulier pour des sites non marchands ou pour les services gratuits.

Cependant, les études existantes sur les labels montrent également que les effets économiques sont d’autant plus forts que les risques perçus sont importants. Dans le cas de labels agroalimentaires, les risques de santé peuvent être majeurs, mais les risques liés au vol des données sont encore méconnus du grand public. De ce point de vue, les effets des labels risquent d’être mitigés.

D’autres d’interrogation subsistent également : cette labellisation doit-elle être le fait d’organismes publics ou privés ? Comment financer le processus de labellisation ? Comment vont cohabiter les différents labels ? N’y a-t-il pas un risque de confusion pour l’internaute ? Si le label est trop coûteux, les petites entreprises risquent-elles de ne pas pouvoir être labellisées ?

Au final, moins de 15 % des sites du TOP 50 des audiences les plus importantes sur Internet affichent actuellement un label de protection des données personnelles. Le RGPD changera-t-il cette situation ?

« Accountability » et amendes

Les révélations de l’affaire Snowden sur la surveillance généralisée par les États ont également créé un sentiment de défiance envers les acteurs de l’économie numérique. À tel point qu’en 2015, 21 % des internautes étaient prêts à ne partager aucune information ; ils n’étaient que 5 % en 2009. N’y a-t-il pas un coût sociétal au « tout gratuit » sur Internet ?

On compte désormais par millions les vols de données des clients de compagnies telles que Yahoo, Equifax, eBay, Sony, LinkedIn, ou encore plus récemment Cambridge Analytica ou Exactis. Ces incidents sont trop peu souvent suivis de sanctions. Le RGPD instaure un principe d’« accountability » (obligation de responsabilité), qui force les entreprises à être en mesure de démontrer que leurs traitements de données sont conformes aux obligations fixées par le RGPD. Le règlement instaure également une amende significative pouvant aller jusqu’à 4 % du chiffre d’affaire mondial consolidé en cas de manquement.

Ces mesures vont dans le bon sens, car on a confiance dans un système économique si l’on sait que les mauvais comportements seront punis.

Portabilité des données

Le RGPD établit un autre principe avec un objectif économique : la portabilité des données. À l’instar du secteur de la téléphonie mobile où la portabilité du numéro a permis de dynamiser la concurrence, le règlement espère générer des effets bénéfiques similaires pour les internautes. Cependant, il existe une différence majeure entre l’industrie de la téléphonie mobile et l’économie de l’Internet.

Les économies d’échelles dans le stockage et l’exploitation des données, l’existence d’externalités de réseaux sur les plates-formes en ligne à plusieurs versants (plates-formes qui servent d’intermédiaires entre plusieurs groupes d’agents économiques) ont créé des monopoles sur Internet. Par exemple, Google représentait en 2017 plus de 88 % des recherches sur Internet dans le monde.

Par ailleurs, un utilisateur de services numériques bénéficie des informations stockées en ligne lui permettant d’automatiser sa connexion, d’enregistrer ses préférences et son historique de navigation. Ceci crée une situation de « data lock-in » (enfermement des données) résultant d’une captivité des utilisateurs fidélisés au service et caractérisée par des coûts de changement élevés. Où aller si l’on quitte Facebook ? Cette situation permet aux entreprises en monopole d’imposer des conditions d’utilisation de leurs services facilitant une exploitation massive des données de leurs clients, parfois à leurs dépens. Dès lors, la relation entre portabilité des données et concurrence ressemble à un « catch-22 » : la portabilité est supposée créer de la concurrence, mais il n’y a pas de portabilité possible sans concurrence.

Pseudonymat et consentement explicite

La question de la confiance dans l’utilisation des données porte également sur la valeur économique de l’anonymat. Une théorie simpliste postule qu’il existe un arbitrage entre valeur économique d’une part, et protection de la vie privée et anonymat d’autre part. Il y aurait ainsi deux situations extrêmes : une situation où une personne est parfaitement identifiée et susceptible de recevoir des offres ciblées, et une autre situation où la personne serait anonyme. Dans le premier cas, la valeur économique serait maximale, dans le second les données n’auraient pas de valeur.

Si l’on déplace le curseur vers le ciblage, on augmente la valeur économique au détriment de la protection de la vie privée. Inversement, si l’on protège la vie privée, on réduit la valeur économique des données. Cette théorie ignore les enjeux de confiance dans l’utilisation des données. Pour développer une relation client sur le long terme, on doit raisonner en termes de risques et d’externalités pour le client. Il existe donc une valeur économique à la protection de la vie privée, qui tourne autour de la relation de long terme et de la notion de confiance, de la garantie du libre arbitre, de l’autonomie et de l’absence de discrimination.

Les principes de pseudonymisation et de consentement explicite du RGPD vont dans ce sens. Encore faut-il que les principaux acteurs jouent le jeu et s’y conforment, ce qui ne semble pas encore acquis : à peine un mois après l’entrée en vigueur du réglèment, le conseil des consommateurs de Norvège (Forbrukerrådet), une organisation indépendante financée par le gouvernement norvégien, accuse Facebook et Google de manipuler les internautes pour les inciter à partager leurs informations personnelles.

Promenade du Louvre royal à la Concorde républicaine

28 jeudi Juin 2018

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The Conversation

  1. Jean-François Dunyach

    Maître de conférences en histoire, Sorbonne Université

Sorbonne Universités

Sorbonne Universités apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Sorbonne Université

 

Vue du jardin national et des décorations, le jour de la fête célébrée en l’honneur de l’être suprême. BnF

Cette année, l’université d’été de Sorbonne Université propose à ses auditeurs de sortir des murs de la prestigieuse institution pour faire de l’histoire… en marchant. La promenade qui leur est proposée – et que j’aurai le plaisir de guider – emprunte l’un des axes majeurs de l’histoire de Paris, du centre vers l’ouest, du Louvre à la Concorde, où 500 années d’histoire de la ville et de la France se dévoilent en moins d’un kilomètre.

Le Louvre et les Tuileries

Le palais-musée du Louvre sera tout d’abord l’occasion de rappeler l’essor médiéval de la cité, à travers le destin d’une forteresse devenue palais, résidence royale, lieu d’exercice et symbole de la monarchie, avant d’illustrer et d’accueillir les multiples manifestations d’un art d’État et ses diverses fonctions de mécénat. De la célèbre colonnade à la cour carrée, seront notamment évoquées les institutions dédiées à la promotion des arts et des sciences par l’État, lieu où résidèrent notamment dans leur première demeure les académies créées au XVIIᵉ siècle. De nos jours encore, l’action patrimoniale de l’État s’illustre avec la pyramideet le nouveau Louvre devenu musée national.

Le Palais des Tuileries, Nicolas Raguenet (1757).

L’arc de triomphe du carrousel, érigé entre 1807 et 1809 pour célébrer la victoire d’Austerlitz, sera l’occasion de rappeler la mémoire napoléonienne du lieu, notamment avec le fameux quadrige dont l’extraordinaire histoire, de Constantinople à Paris en passant par Venise, offre un saisissant aperçu. Présence monumentale, copies d’objets perdus, absence également : le Palais des Tuileries, désormais disparu, offrira un exercice d’évocation d’un haut lieu de l’histoire de France, particulièrement sous la Révolution et le Second Empire. Il fut le théâtre de deux entrées royales : celle, joyeuse et populaire, du peuple ramenant le roi dans la capitale en octobre 1789, puis le retour piteux de juin 1791 après la fuite à Varennes où, déjà, le corps politique du souverain n’était plus. De la journée dramatique du 10 août 1792 qui sanctionne la chute de la monarchie à l’incendie du palais, presque 80 ans plus tard, qui marque les derniers soubresauts de la Commune et la destruction des splendeurs du Second Empire, ce palais fantôme occupe une place à part dans l’histoire de France.

Arc de triomphe du Carrousel, par Louis-Pierre Baltard. Musée Carnavalet

De ce non-lieu qui aura tant marqué l’histoire, on passera ensuite au Jardin des Tuileries, qui sera l’occasion d’évoquer la civilisation des loisirs naissante au XVIIIe siècle et les grands faits de la vie politique sous la Révolution. Jardin d’agrément puis de récréation publique, lieu de spectacles et d’expérience aérostatique, il devient, avec l’installation de l’Assemblée nationale dans la Salle du Manège non loin, le témoin des grands événements politiques dont le palais des Tuileries est le théâtre. Lieu du premier haut fait de la Révolution, du 10 août, de la Fête de l’Être suprême et de l’apothéose de Jean‑Jacques Rousseau en route vers le Panthéon en 1794, le jardin sera l’occasion d’évoquer les débats révolutionnaires, le Manège, les Feuillants et Jacobins pouvez-vous préciser ?, jusqu’à la place Vendôme non loin. L’histoire contemporaine y trouvera également sa place, avec la rue de Rivoli et l’hôtel Meurice.

Un jour de revue sous l’Empire par Hippolyte Bellangé, 1862. Wikipedia

Histoire de la place de la Concorde

On accédera ensuite aux deux pavillons qui dominent la place de la Concorde. L’évocation du grand projet monumental de la place Louis XV, des majestueux hôtels qui l’encadrent, des Champs Élysées et de la rue Royale avec, de l’autre côté du pont, le Palais Bourbon, sera l’occasion d’évoquer la marche vers l’ouest de l’urbanisation parisienne au XVIIIe siècle. Lieu d’exaltation du pouvoir sous la forme du néo-classicisme, la place sera également le cadre d’une sociabilité et d’événements populaires qui vont marquer l’histoire de la ville et de la France. Théâtre de la célébration, endeuillée, du mariage du futur Louis XVI et de Marie-Antoinette en 1770, la place y exposera leur exécution publique 23 ans plus tard. On évoquera donc ce second haut lieu de la guillotine sous la Révolution, où plus d’un combat politique perdu non loin à l’Assemblée trouvera un terme sanglant, jusqu’à Robespierre.

Vue de la place Louis XV, avant la construction du Pont, par Nicolas Pérignon, vers 1780. Gallica/BnF

En marge de cette macabre sociabilité, la place sera également l’occasion d’évoquer les hôtels de Coislin, de Plessis-Béllière, Cartier et d’Aumont qui bordent la place. Des événements comme la naissance diplomatique des États-Unis d’Amérique, l’érection de l’obélisque sous la monarchie de Juillet, la naissance de l’Automobile Club de France (le premier du genre), l’essor du tourisme de luxe comme les divers projets de monumentaliser un espace resté longtemps encore incertain seront évoqués. De Benjamin Franklin à l’ambassade américaine, c’est toute une page de l’histoire transatlantique qui s’est écrite autour de cette place. Le mobilier urbain, la fontaine et autres éléments monumentaux de la grammaire du pouvoir seront également détaillés pour montrer la réalisation d’un projet qui, malgré ses tours et ses détours, a conduit à la constitution d’un espace symbolique fort. De Gabriel à Hittorf, on retracera cette histoire architecturale de la célébration de la monarchie, de la Révolution puis de la République.

Érection de l’Obelisque de Louxor sur la place de la Concorde, le 25 octobre 1836. François Dubois (1529 – 1584). RMN-Grand Palais

L’histoire contemporaine y aura toute sa place, avec l’évocation de la fête et du défilé du 14 juillet qui scande, chaque année, les valeurs de la République par-delà les vicissitudes de son histoire. L’histoire du défilé et de ses lieux, jusqu’à l’adoption des Champs-Élysées et de la Concorde permettront de retracer la genèse des symboles de la république et la pédagogie républicaine en France depuis la fin du XIXe siècle. On ne manquera pas d’évoquer également, vers le nord, la perspective de la Madeleine et son histoire, comme on développera, au sud, le vaste projet du raccordement des deux rives et le pont menant au Palais-Bourbon, lieu de mémoire s’il en est et lieu en acte de la république dont nous évoquerons ici les grands moments : de la proclamation de la IIIe république au 6 février 1934 et la menace ligueuse, là encore, la chronique sera riche. La perspective et la fonction des Champs-Élysées, de la promenade boisée et aristocratique jusqu’à l’Arc de triomphe et les parades militaires seront également l’occasion d’évoquer les constantes actions du pouvoir, plus que présent avec le palais de l’Élysée, sur ce lieu symbolique et stratégique.

La Fondation Cartier à Shanghaï : sentiments d’un chineur de la pleine lune

27 mercredi Juin 2018

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La Fondation Cartier à Shanghaï : sentiments d’un chineur de la pleine lune

  1. Michel Cassé

    Astrophysicien et écrivain, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) – Université Paris-Saclay

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

 

La Power Station of Art (PSA) à Shanghaï. Foncation Cartier

À Shanghaï, dans le plus grand des musées de la ville, ancienne usine électrique qui en a gardé l’étincelle, les œuvres d’art, de design, de son et de science appartiennent à la collection de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, font ribambelle, collier de perle, archipel, constellation ou molécule de formule BC2DNRG2HYLM3NOPT et toutes les combinaisons possibles, riches comme la molécule de la personne humaine. C*27H*27O*27N*26P*25S*24Ca*25K*24Cl*24Na*24Mg*24Fe*23F*23Zn*22Si*22Cu*21B *21I*20Sn*20Mn*20Se*20Cr*20Ni*20Mo*19Co*19V*18. L’étoile signifiant puissance de dix (ceci pour un individu de 70 kg).

L’affiche de l’exposition « A Beautiful Elsewhere ». Fondation Cartier

L’exposition ne jette pas en ciel une fumée d’atomes pulvérisés mais organise en paysage des zones autonomes aussi bien agencées que l’ancienne concession française aujourd’hui préservée et révérée par les autochtones.

Né et éduqué en science, j’ai été touché quintuplement : par l’évocation de l’exposition mathématiques « Un dépaysement soudain » ; la bio-sonnerie aux animaux encore vivants de Bernie Krause, le flottement au vent de drapeaux symboliques, flattant l’humain et le stellaire, le style explosif et artificier de Cai Guo-Qiang et enfin l’entreprise visionnaire d’EXIT, des artistes architectes Diller Scofidio + Renfro, opéra numérique des flux et des migrations.

Les expositions « Le grand orchestre des animaux » et « Mathématiques un dépaysement soudain » (formule d’Alexandre Grothendieck), largement évoquées, ont fait de la Fondation Cartier un observatoire-piédestal-tremplin-base de lancement de science idéal. La force qui tendait l’arc d’Ulysse est intacte dans son bras.

L’exposition « Mathématiques un dépaysement soudain » (2011-2012) a été un événement de pleine conscience mathématique comme le fut « Terre natale » pour la conscience humaine. Ce fut le temps des chimères, des Centaures – corps mathématique et tête artistique – de la double hybridation de David Lynch avec Misha Gromov et Pierre-Yves Oudeyer engendrant une bibliothèque scientifique et une tribu de robots à curiosité enfantine.

Mountain with Eye, 2009. Lithographie sur papier japonais. Collection Fondation Cartier pour l’art contemporain, Paris. David Lynch

Que reste-t-il de ces beaux jours ? Un film ethnologique de Raymond Depardon et Claudine Nougaret (Au bonheur des maths), la main de Cédric Villani prise au vol par Jean‑Michel Alberola dans sa volute d’équations et un livre de science universel enluminé de commentaires du mathématicien Misha Gromov, prix Abel : Introduction aux mystères(éditions Acte Sud). Les institutions artistiques sont un bonheur pour la science rêveuse.

« Lorsqu’il fait grand jour, les mathématiciens vérifient leurs équations et leurs preuves, retournant chaque pierre dans leur quête de rigueur ; mais quand vient la nuit, flottant parmi les étoiles et s’émerveillant au miracle des cieux, c’est là qu’ils sont inspirés. Il n’y a sans rêve ni art, ni mathématique ni vie. » (Sir Michael Atiyah)

Bernie Krause a, depuis plus de quarante ans, collecté des milliers d’heures d’enregistrements sonores d’habitats naturels sauvages, terrestres et marins. Ses recherches biophoniques offrent une plongée dans la dentelle complexe du monde sauvage. Il nous implore d’écouter ces langues du monde vivant non-humain avant qu’un silence définitif ne s’abatte sur elles.

Sur la terrasse du musée Power Station of Art de Shangaï, 13, 8 milliards d’années après BB (big-bang) parmi tous les drapeaux du monde artistique offerts au vent à l’insistance de Christian Boltanski, flotte une galaxie stylisée, qui par sa présence est censée racheter l’amnésie cosmique de l’humanité.

Drapeau galactique. La spirale barrée est la galaxie, le point, le Soleil. Nous ne sommes même pas au centre de notre système d’étoiles. Fondation Cartier

Cai Guo-Qiang depuis son plus jeune âge explore les potentialités dessinatrices de la poudre à canon et ses performances pyrotechniques ne cessent d’éblouir. La création d’une immense fresque en brûlures (White Tone) est une réminiscence de l’art pariétal préhistorique. Il a inventé la poudre (aux yeux) comme mine de crayon.

Créé en 2008 dans le cadre de l’exposition « Terre natale », sous l’égide du philosophe et urbaniste Paul Virilio, économe politique de la vitesse, EXIT, œuvre déferlante de Diller Scofidio+Renfro, fresque mouvante de l’humanité, océan humain avec ses courants et ses marées, est un enchaînement de cartes dynamiques nourries de données archivées qui se déroule autour de nous. Au beau milieu de cette houle, nous avons le sentiment océanique d’être embarqué dans la destinée humaine à l’exacte dimension, ni myope ni presbyte.

L’univers gémit de se voir séparé en individus. L’art a été inventé pour le consoler. Et ses temples sont toujours pleins : Power Station of Art à Shanghaï et Fondation Cartier pour l’art contemporain, sous l’égide de Gong Yan, avec Hervé Chandès, Fei Dawei et Grazia Quaroni, la trinité curatrice et créatrice de l’exposition.

Et Danone changea de modèle… et transforma ses salariés en actionnaires

26 mardi Juin 2018

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  1. Michel Albouy 
    Michel Albouy est un·e ami·e de The Conversation

    Professeur senior de finance, Grenoble École de Management (GEM)

Grenoble École de Management (GEM)

Fidèle à sa tradition d’entreprise voulant concilier progrès social et performance économique, le nouveau patron de Danone, Emmanuel Faber, vient d’annoncer qu’il allait donner à ses salariés une action Danone. Que faut-il en penser ? Coup de pub ou véritable changement de paradigme pour le géant français de l’agroalimentaire ?

Des annonces révolutionnaires ?

À l’occasion de l’Assemblée générale des actionnaires de Danone (26 avril 2018) le nouveau PDG du groupe alimentaire (nommé le 1er décembre 2017) a présenté son projet à long terme pour Danone : « une personne, une action ». Ce projet est lié au nécessaire changement des métiers de l’alimentaire et à sa volonté d’insuffler une nouvelle gouvernance.

Pour Emmanuel Faber :

« Nous sommes au bout d’un modèle. Toute une génération, pendant des décennies, a fait confiance aux grandes marques pour apporter plaisir, sécurité et santé. Ce postulat est remis en cause. À la confiance s’est substituée la défiance face aux grands groupes partagée par la génération des Millennials, les 18-35 ans. Ils ont une puissance de création de normes sociales étonnantes. Face à cette révolution, on peut résister ou prendre la vague. L’an dernier en lançant « One Planet. One Health » nous nous sommes engagés à favoriser des habitudes de consommation plus saines et plus durables. »

Aujourd’hui il semble que le géant de l’agroalimentaire français veuille aller plus loin en s’appuyant sur les pratiques de consommation des Millennials et prendre la nouvelle vague. C’est ainsi que le groupe va organiser ses propres états généraux de l’alimentation dont les conclusions seront présentées lors de l’Assemblé générale des actionnaires de 2019.

Mais la révolution qu’appelle Emmanuel Faber ne s’arrête pas au business modèle de Danone. Elle vise également sa gouvernance en surfant sur les nouvelles formes de gouvernance des entreprises et la loi PACTE. L’objectif visé serait de faire de Danone une B Corp (Benefit Corporation) à l’échelle mondiale ; une société associant but lucratif et intérêt général.

Actuellement environ 30 % du chiffre d’affaires du groupe serait généré par huit filiales certifiées B Corp. dont les filiales américaines (l’acquisition de WhiteWave a fait de Danone un leader mondial des produits bio et d’origine végétale) et canadiennes.

« Notre ambition de devenir une B Corp exprime notre engagement de longue date à créer durablement de la valeur et la partager avec tous, en ligne avec notre double projet économique et social. Aujourd’hui, les grandes entreprises et leurs marques doivent rendre compte des intérêts qu’elles servent réellement. La certification B Corp est une marque d’authenticité pour les entreprises qui ont des standards élevés de performance sociale et environnementale ». (Source Danone, objectifs pour 2030).

Afin d’accélérer le changement organisationnel et associer ses employés aux choix stratégiques, le patron de Danone a annoncé que les salariés recevront chacun une action leur donnant droit à un dividende, éventuellement majoré.

« En rendant tous les salariés coactionnaires de l’entreprise, nous mettons fin au mode de décision pyramidal, où les choix venus d’en haut ne correspondent pas forcément à la situation ou aux besoins locaux. Grâce à leurs propositions, nous pourrons adapter nos objectifs à la réalité. »

Cette volonté de transformation de la gouvernance de Danone serait, selon le patron de Danone, bien vue même par les financiers. À l’appui de sa démonstration, il mentionne le fait que les grandes banques internationales feront bénéficier son groupe d’un taux d’intérêt dégressif au fur et à mesure que ses filiales obtiendront la certification B Corp

Et d’affirmer qu’il « faut arrêter de dire que la finance est menée par les mathématiques. Quand les projets ont du sens, les gens sont prêts à s’engager » (Le Monde, 28 avril 2008).

Laissons de côté l’affirmation, non démontrée, que la finance serait menée par les mathématiques et concentrons-nous sur la proposition concrète de donner à chaque salarié une action donnant droit à un dividende de 1,90 euro. Dans quelle mesure cette proposition est susceptible de modifier la gouvernance du groupe Danone ?

La structure du capital de Danone

Le capital de la société Danone est actuellement composé de 685 millions d’actions (exactement 685 055 200). Au cours actuel (13/06/2018) de 65 euros, cela fait une capitalisation de 44,5 milliards d’euros. Le tableau 1 récapitule la structure de l’actionnariat.

L’examen du tableau 1 révèle que le total des actionnaires connu représente 39,2 % du capital et le flottant 60,8 %. De plus, aucun actionnaire connu ne dispose de plus de 10 % du capital. Avec un tel niveau de flottant et une telle dispersion de l’actionnariat, Danone est donc clairement une société opéable ; c’est dire si le management doit prendre au sérieux les exigences des actionnaires.

Les salariés n’ont que 1,3 % du capital de leur société, soit environ 8,9 millions d’actions. Un pourcentage qui ne place pas Danone parmi les sociétés françaises ayant un fort actionnariat salarié. Ce chiffre peut en effet paraître faible, surtout au regard des prétentions sociales et sociétales affichées par les dirigeants du groupe alimentaire.

La proposition du PDG actuel de donner une action à chaque salarié une action est-elle susceptible de change la donne ? La réponse est malheureusement non malgré la rhétorique habilement développée par Emmanuel Faber. En effet, si effectivement chaque salarié reçoit une action gratuite, cela fera 104 843 actions nouvelles si on considère les effectifs globaux affichés par le groupe. Ces actions nouvelles ne représenteront donc que 0,15 % du nombre total actuel d’actions Danone. Pas de quoi vraiment changer la structure du pouvoir actionnarial.

Quel effet sur la gouvernance du groupe alimentaire ?

Selon le rapport annuel 2017 de Danone, le taux d’indépendance du Conseil d’administration est passé de 43 à 77 % entre 2010 et 2015. « Danone applique strictement l’intégralité des critères du Code AFEP-Medef concernant l’indépendance de ses Administrateurs. Un Administrateur est indépendant lorsqu’il n’entretient aucune relation de quelque nature que ce soit avec la société, son groupe ou sa direction, qui puisse compromettre l’exercice de sa liberté de jugement. Le taux d’indépendance du Conseil d’administration de Danone est aujourd’hui largement supérieur à celui recommandé par le Code AFEP-Medef (à savoir un taux de 50 %) ».

En fait, cette forte proportion d’administrateurs indépendants s’explique essentiellement par la structure actionnariale du groupe agroalimentaire. Le fait de distribuer une action à chaque salarié ne changera donc pas la donne sur sa gouvernance, même s’il est possible que les salariés via leurs représentants au Conseil d’administration fassent davantage entendre leurs voix.

Mais même dans cette perspective est-ce que cela changera fondamentalement les contraintes auxquelles fait face aujourd’hui Danone ? On peut également en douter tant la nécessité pour une société dont le capital n’est pas contrôlé est de satisfaire ses actionnaires afin d’éviter une éventuelle OPA, voire une action dirigée par des actionnaires activistes. À cet égard, les performances en Bourse de Danone sur les cinq dernières années ne plaident pas en sa faveur comme le montre le tableau 2.

Alors que sur les cinq dernières années (2013-2018) le CAC 40 a progressé de 52 %, le titre Danone n’est monté que de 20 %. Pas de quoi satisfaire grandement ses actionnaires, notamment les investisseurs internationaux. Cela renforce l’idée que Danone pourrait faire mieux et être la cible d’une OPA. Les acheteurs potentiels pourraient être des entreprises américaines comme Kraft, Pepsico ou Coca-Cola…

Selon l’agence Bloomberg, le fonds activiste américain Corvex Management, dirigé par Keith Meister, aurait ramassé pour 400 millions de dollars d’actions Danone, soit un peu moins d’un pour cent du capital de la société ; un chiffre cependant bien supérieur à celui des actions qui vont être distribuées aux salariés.

Comme nous le signalons dans notre article sur Nestlé dans les serres d’un hedge fundactiviste, Third Point, pointe le fait que Nestlé et Danone sous-performent significativement par rapport à leurs concurrents en termes de rentabilité pour les actionnaires. La raison de cette situation se trouve selon Third Point par une croissance et des marges insuffisantes, inférieures à celles de leurs concurrents. Eh oui, la contrainte économique demeure et elle est forte !

Au total, que penser des annonces du PDG de Danone ? Sur le changement de business modelon ne peut qu’espérer que sa vision rencontre le succès escompté pour ses salariés, ses clients et ses actionnaires. Les changements de mode de consommation des nouvelles générations constituent effectivement un défi à relever et il est bon qu’un dirigeant anticipe les changements à venir et fasse preuve d’innovation.

En effet, comme toute entreprise, Danone est bien obligée d’être à l’écoute de ses clients et de les satisfaire. Sur sa volonté d’associer davantage ses salariés à sa stratégie pour les mobiliser on ne peut aussi qu’approuver. Cela devrait effectivement permettre aux équipes de Danone « d’aller chercher l’avenir ». À condition cependant que ces mots ne sont pas que des mots…

Mais est-ce que cette volonté doit en passer par la distribution d’actions gratuites aux salariés ? Pourquoi pas ? La dilution des actionnaires actuels n’en sera pas affectée. Mais contrairement à ce que le discours généreux d’Emmanuel Faber peut laisser supposer, cela ne transformera pas ses employés en actionnaires car leurs intérêts se trouveront toujours du côté de leur statut de salarié. Au cas où il faudrait restructurer certaines activités et prendre des décisions difficiles pour restaurer les marges, il est fort probable que l’action reçue ne pèsera pas lourd dans la balance. On peut aussi fortement douter qu’avec la remise de ces actions, les décisions stratégiques ne seront plus prises d’en haut (« mettre fin au mode de décision pyramidal »).

Inquiet de la dérive des pratiques des entreprises vers la finance, très marquée depuis 25 ans, Emmanuel Faber, qui est aussi un fervent catholique, cherche de nouvelles voies pour son groupe. Mais même le fait que Danone devienne une B Corp ne changera pas fondamentalement l’équation financière auquel toute société cotée et non contrôlée doit résoudre. L’avenir nous dira comment il va pouvoir concilier les exigences des consommateurs et des marchés financiers avec sa volonté de faire en sorte que le but final d’une entreprise est social et sociétal. Un très beau cas en perspective à suivre et à étudier !

À qui profitent les revenus des investissements des multinationales ?

25 lundi Juin 2018

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À qui profitent les revenus des investissements des multinationales ?

  1. Laurence Nayman

    Économiste , CEPII

  2. Vincent Vicard

    CEPII

CEPII

L’équilibre ou le déséquilibre extérieur d’une économie est souvent identifié au seul solde de ses échanges de biens et de services enregistrés dans le compte courant de sa balance des paiements. Pourtant, les revenus d’investissement direct à l’étranger représentent une part croissante des flux du compte courant. Au niveau mondial, ces revenus liés à l’activité croissante des multinationales génèrent des transferts de revenus substantiels. Au profit des pays riches…

Les revenus d’investissement direct à l’étranger, c’est quoi ?

Les revenus d’investissement direct à l’étrange (IDE) correspondent à la rémunération des activités des multinationales à l’étranger. Au niveau d’un pays, ces revenus d’IDE reflètent la rémunération d’un facteur de production national – le capital investi par les entreprises résidentes afin de créer, acquérir ou développer une filiale à l’étranger – et sont donc enregistrés dans la balance courante comme des revenus primaires. En 2016, ils en constituent 44 % des flux, contre 34 % pour les revenus d’investissement de portefeuille et 4 % pour les rémunérations.

Les revenus d’IDE sont composés de dividendes, de bénéfices non distribués (sous forme de dividendes) des filiales et succursales (soit l’épargne nette de ces entités après versement de l’impôt sur les bénéfices et déduction

des provisions pour la dépréciation du capital fixe), et d’intérêts sur les emprunts intragroupes. Ils sont crédités au compte du pays de l’investisseur direct, au prorata de son investissement.

Au niveau mondial, en 2016, les dividendes sont prépondérants en moyenne des flux dans la structure des revenus d’investissement (51 %), suivis par les bénéfices non distribués (36 %). Les intérêts versés ou reçus par les maison-mères occupent une part plus réduite mais en forte progression (13 %, contre 8 % en 1995).

Les revenus d’IDE ont progressé plus vite que le commerce mondial

La progression spectaculaire des échanges internationaux depuis deux décennies – les flux internationaux ont progressé à un rythme annuel moyen de 7,3 % (mesurés dans la balance des paiements par la moyenne des crédits et des débits du compte courant en valeur) contre 4,5 % pour le PIB mondial sur la période 1995-2016 –, se caractérise cependant par une remarquable stabilité quant à la structure des principaux postes de la balance courante. En 2016, les échanges de biens représentent ainsi 61 % du total (contre 65 % en 1995) et ceux de services, 19 % (contre 17 % en 2015). Le total des revenus primaires passe quant à lui de 14 % à 15 % dans le même intervalle de temps, tandis que les revenus secondaires restent stables à 4 %.

Des changements importants apparaissent cependant au sein de ces grands postes. En particulier, les revenus d’IDE, enregistrés dans les revenus primaires, connaissent la croissance la plus rapide sur la période 1995-2016, à 11,3 % en moyenne annuelle (7,2 % pour l’ensemble des investissements). La part des revenus d’IDE dans les revenus primaires double ainsi sur la période, passant de 20 % des flux moyens en 1995 à 44 % en 2016, soit de 3 % à 7 % des flux du compte courant en deux décennies. Cette multiplication par près de 10 des flux de revenus

d’IDE souligne le rôle croissant joué par les multinationales dans l’économie mondiale.

Author provided (No reuse)

Les pays riches en excédent mais pas les autres

Les flux permettent de caractériser les échanges de revenus mais ne disent rien sur l’importance des déficits ou des excédents des pays. En classant ces derniers par groupe, selon les critères de la Banque mondiale (en prenant le revenu national brut par habitant en 2015), il ressort que le groupe de pays à hauts revenus (à l’exclusion des paradis fiscaux et des pays de l’OPEP) est très largement excédentaire.

Cet excédent augmente au cours du temps, passant de moins de 100 milliards de dollars en 1995 à environ 400 milliards de dollars en 2016. Parmi les pays présentant les soldes de revenus d’IDE les plus excédentaires, on retrouve aussi bien des pays enregistrant des excédents courants (Allemagne, Japon, Suède, Danemark, Pays-Bas, Norvège, Suisse, Islande) que d’autres structurellement déficitaires (États-Unis, Royaume-Uni et France principalement).

De manière symétrique, l’ensemble des autres grandes zones affiche un solde déficitaire sur les revenus d’IDE. En particulier, les grands pays émergents et les pays à revenus intermédiaires supérieurs accusent un déficit important des revenus d’investissement direct croissant après la crise.

Comment le solde de revenus d’IDE affecte le revenu national des pays ?

Les déséquilibres sur les postes des revenus primaires se traduisent par des transferts de revenus entre pays et, au niveau national, par des différences entre revenu national brut (RNB) et PIB. Le RNB résulte de la somme du PIB (les revenus tirés de la production sur le territoire national) et des revenus primaires nets perçus du reste du monde (les revenus des agents économiques résidents à l’étranger générés par les activités productives). Un excédent est réalisé quand les revenus perçus (crédits) sont supérieurs à ceux qui sont versés (débits).

Author provided (No reuse)

Au niveau mondial, les déséquilibres de solde de revenus d’IDE se traduisent par des transferts conséquents au profit des pays à haut revenus (cf. graphique ci-dessus). Pour ce groupe de pays, les activités des multinationales viennent augmenter le revenu disponible brut d’environ 1 % par rapport au PIB sur la période 2010-2016. Dans cet ensemble, trois pays, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France se détachent particulièrement. À eux trois, ils représentent 90 % de l’excédent des revenus d’IDE de l’ensemble des pays à hauts revenus sur toute la période.

Pour le reste du monde, en revanche, la détérioration de ce solde est considérable jusqu’en 2008. Depuis 2011, le solde des revenus d’IDE s’améliore sensiblement grâce à des débits en baisse mais aussi à des crédits en hausse. Cependant, les revenus d’IDE ne sont pas les seuls responsables de la dégradation du solde des revenus primaires surtout à partir de 2011, même s’ils expliquent plus des deux tiers du déficit sur la période 2010-2016. Les intérêts versés sur les obligations et sur les prêts (en particulier par les grands pays émergents) constituent le tiers restant.

_Pour en savoir plus :

  • Nayman L. et Vicard V., (2018), « Profits des multinationales à l’étranger : mesure et impact sur leur pays d’origine », Panorama du CEPII, n° 2018-01 ;
  • Chaponnière J.R., (2018) « La Chine maître du monde », in « La mondialisation sans boussole », L’économie politique n°77, pp.71-84 ;
  • CNUCED, « Rapports sur l’Investissement dans le monde »_

Le train, grand oublié de la transition énergétique ?

24 dimanche Juin 2018

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  1. Aurélien Bigo

    Doctorant sur la transition énergétique dans les transports, École Polytechnique – Université Paris-Saclay

Université Paris-Saclay

École Polytechnique

Depuis septembre dernier, l’actualité de la politique des transports et du ferroviaire est chargée : Assises de la mobilité, rapport du Conseil d’orientation des infrastructures, préparation de la loi d’orientation des mobilités, rapport Spinetta, réforme ferroviaire… sans oublier le long conflit opposant les cheminots de la SNCF au gouvernement.

L’ensemble des évolutions qui en découleront auront un impact à long terme sur les infrastructures de transport et l’aménagement du territoire.

Mais ni les lois en discussion, ni le rapport Spinetta sur « L’avenir du transport ferroviaire » ne s’interrogent vraiment sur la place que devrait occuper le train dans un monde décarboné et aux ressources énergétiques de plus en plus contraintes.

8 à 20 fois moins d’émissions de CO2 que la voiture

Et pourtant, le train apparaît comme un bon élève concernant les émissions de CO2. En effet, alors que le transport ferroviaire représente environ 10 % du trafic de voyageurs et de marchandises, il n’est responsable que de 1,6 % des consommations d’énergie et de 0,4 % des émissions de CO2 des transports.

À quoi cela est-il dû ? À une meilleure efficacité énergétique du mode ferroviaire par unité de marchandise ou par passager transporté, et à un mix énergétique peu émetteur de CO2.

Le transport par rail est en effet plus efficace et les trajets sont mutualisés : les trains de passagers en France transportent en moyenne 230 passagers ; contre 1,5 pour les voitures et une vingtaine de personnes pour les transports collectifs routiers.

De plus, bien que seule la moitié du réseau ferré soit électrifiée, il s’agit de la partie du réseau la plus utilisée : plus de 80 % des trains y circulent, représentant plus de 90 % des kilomètres parcourus par les voyageurs.

En moyenne, les émissions des trains opérés par la SNCF sont de l’ordre de 10 grammes de CO2 par kilomètre parcouru par voyageur, variant de 3,2g pour les TGV à quasiment 30g pour le TER moyen. Ceci est dû notamment aux différences en termes de taux de remplissage et d’énergie utilisée.

Ces valeurs sont à comparer avec des émissions de 85 à 205g de CO2 pour la voiture particulière, selon le nombre de passagers et les types de parcours.

Le train émet donc de 8 à 20 fois moins de CO2 que la voiture. Cet ordre de grandeur est également valable sur la comparaison entre transport de marchandises par train ou par poids lourds.

Émissions de CO₂ par kilomètre parcouru de différents modes de transport selon le type de trajet. ADEME, Author provided

La neutralité carbone d’ici 2050

Le ferroviaire est donc aujourd’hui peu émetteur comparé aux autres modes de transport. Et la place qu’il pourra jouer à l’avenir dans la transition énergétique doit être jugée au regard des objectifs très ambitieux que la France s’est fixée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Le « plan climat » présenté en juillet 2017 vise désormais à atteindre la neutralité carbone en 2050. Une baisse des émissions au-delà des -75 % prévus par l’objectif de Facteur 4 est donc nécessaire afin que les émissions restantes soient compensées par du captage de CO2, via la séquestration du carbone par les sols et les forêts.

En 2016, la comparaison de 29 scénarios faisait apparaître un rôle fortement croissant du transport ferroviaire.

Pour illustrer cette tendance plus en détails, quatre études récentes permettent de mettre en évidence certains éléments structurants : l’étude réalisée à la demande du Commissariat général au développement durable (CGDD) et publiée en 2016, l’actualisation des visions de l’Ademe de 2017, le scénario négaWatt de 2017 ; et les scénarios de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) sur la mobilité des voyageurs en 2017.

Une place grandissante dans le futur ?

Le développement du transport ferroviaire dans ces scénarios peut se juger au moins sur deux critères, aussi bien pour les voyageurs que pour les marchandises : la croissance des trafics (mesurés en voyageurs.km pour les voyageurs et en tonnes.km pour les marchandises) et l’évolution de la part modale du train dans l’ensemble des modes de transport (chiffres en gras dans le tableau ci-dessous).

Comparaison des trafics et des parts modales du ferroviaire dans les 4 publications citées. Author provided (No reuse)

Concernant l’évolution des trafics, tous les scénarios voient une croissance du ferroviaire, de 23 à 102 % pour les voyageurs et de 68 à 263 % pour les marchandises. En fonction des scénarios, cette augmentation peut provenir simplement d’une augmentation de la demande de transport ; dans d’autres, elle s’explique également par une forte progression des parts modales.

C’est le cas pour les scénarios négaWatt et Ademe qui prévoient une progression des parts modales d’environ 10 % à 25 %, tant pour les voyageurs que pour les marchandises. Ces fortes hausses des parts modales du ferroviaire impliquent nécessairement un maillage important du réseau ferré sur le territoire pour capter des parts modales aux modes routiers.

De tels scénarios invitent ainsi à envisager sous un jour nouveau l’avenir des « petites lignes » régionales, qui devraient être développées et rendues plus attractives, notamment via l’amélioration de leur qualité de service et de leur fréquence, en organisant leur sortie progressive du diesel (électrification et train hybride, hydrogène ou gaz) ; ou encore par le développement de l’intermodalité train-vélo.

Cependant, tous les scénarios ne montrent pas une progression importante des parts modales : comme l’illustre le scénario TECH-first, les prévisions misant beaucoup sur la technologie ont tendance à se reposer essentiellement sur l’efficacité énergétique et les changements d’énergie pour baisser les émissions.

C’est aussi le parti pris des scénarios du CGDD qui semblent illustrer une politique des transports actuellement fortement focalisée sur la technologie, et qui manque d’ambition sur les leviers importants que sont la modération de la demande ou le report modal.

Comparaison des parts modales du ferroviaire pour les voyageurs et les marchandises. Author provided (No reuse)

Cinq leviers à activer

Le développement du ferroviaire apparaît comme une des évolutions nécessaires pour tendre vers une France neutre en carbone. Non suffisant à lui seul, il s’inscrit parmi les cinq leviers de la transition énergétique dans les transports.

Il doit également s’accompagner d’une modération de la demande (urbanisme durable, réduction des distances, consommations locales), d’un report modal global (vers le vélo, la marche, les transports en commun), d’une hausse du taux de remplissage des véhicules (covoiturage, optimisation de la logistique), d’une amélioration de l’efficacité des véhicules (baisse de leur poids, des vitesses sur les routes, progrès technique) et baisse de l’intensité carbone de l’énergie (via le biogaz, l’électricité, les agrocarburants ou encore l’hydrogène).

Le manque d’ambition des scénarios du CGDD, et donc de la politique actuelle des transports, sur les premiers leviers s’illustre dans les résultats finaux des réductions d’émissions de CO2. En effet, la décarbonation du secteur est quasi-complète pour négaWatt et la réduction est de 92 % pour l’Ademe, dépassant largement l’objectif de -70 %. Au contraire, le scénario SNBC n’atteint que 63 % de réduction et n’est pas compatible avec l’objectif de Facteur 4, et encore moins avec la neutralité carbone.

Les scénarios atteignant des réductions compatibles avec la neutralité montrent que nous ne pourrons nous passer d’aucun des cinq leviers ; c’est bien leur combinaison et leur complémentarité qui permettront au secteur des transports de faire sa part.

Alors que les ambitions du « plan climat » tardent à se matérialiser à la hauteur des enjeux dans les politiques sectorielles, et au moment de débats intenses sur l’avenir du ferroviaire, il serait utile de s’interroger davantage sur la place du ferroviaire dans l’atteinte des objectifs climatiques et plus globalement dans les enjeux énergétiques de long terme.

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L’important

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Autriche : les trains fonctionnent déjà à l’énergie solaire

Ces orchestres qui donnent du souffle aux universités

23 samedi Juin 2018

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

Auteur

  1. Mathieu Schneider

    Enseignant-chercheur en musicologie, vice-président Culture, sciences et société de l’université de Strasbourg, Université de Strasbourg

Interviewé

  1. Hervé Moritz

    Président de l’Orchestre universitaire de Strasbourg

Université de Strasbourg

 

A travers des concerts ouverts au grand public, les orchestres universitaires veulent démocratiser la musique classique. Joël Hellenbrand/Orchestre universitaire de Strasbourg – ESOF, Author provided

Du 6 au 10 juin 2018, c’est une sorte de Fête de la musique avant l’heure qui s’est déroulée à Strasbourg. Venus de Suède, de Suisse, d’Allemagne ou encore d’Italie, près de 500 jeunes musiciens s’y sont retrouvés pour la quatrième édition du festival des orchestres universitaires européens (ESOF). En quatre jours, ils ont donné neuf concerts, partageant des œuvres du patrimoine commun, de Wagner et Sibelius à Debussy, en passant par Brahms ou Prokoviev. Un programme qui a fait quasiment salle comble chaque jour, avec près de 5000 spectateurs au total, issus de toutes les générations.

A l’heure où les orchestres s’interrogent sur le renouvellement de leur audience – particulièrement en France, voilà qui dément les préjugés et montre que le vieillissement des publics n’est pas une fatalité. Mais quelle place la pratique symphonique tient-elle vraiment pour les étudiants ? Peut-elle jouer un rôle fédérateur dans la vie d’un établissement ou d’une ville ? En remontant l’histoire de la musique et en analysant le fonctionnement d’un orchestre universitaire, nous trouvons quelques éléments de réponse.

Un modèle « citoyen » en héritage

Lorsqu’elles créent des orchestres académiques, les universités cherchent-elles à se doter d’ambassadeurs capables de les représenter lors de manifestations internationales, comme c’était le cas début juin à Strasbourg ? La réalité des intentions est bien plus complexe, ne serait-ce que par l’éclatement des établissements en différentes facultés ou disciplines. Mais les orchestres symphoniques ont un indéniable potentiel de porte-paroles. Il suffit de jeter un œil sur leur histoire pour mieux le percevoir.

Faisant dialoguer les quatre familles d’instruments – cordes, bois, vents et percussions, le genre symphonique est défini à ses origines comme « l’expression du sentiment d’une foule tout entière » (Koch, Musikalisches Lexikon, 1802). De quoi s’imposer rapidement comme l’image d’une république citoyenne, dans laquelle chaque voix prête son concours à l’édifice collectif. Beethoven a concrétisé cet idéal dans sa Neuvième Symphonie, dont le choral final n’est pas devenu par hasard l’hymne européen. Plus généralement, le XIXe siècle est celui de la naissance des nations modernes, fondées sur un modèle parlementaire dans lequel la loi émane des citoyens.

Cet idéal promu par les Lumières a très tôt été expérimenté en musique. C’est ainsi que le genre symphonique connaît ses premiers développements à Mannheim (Allemagne), dans les années 1750, puis sous la plume de Haydn (1732-1809), Mozart (1756-1791) et Beethoven (1770-1827), à Vienne (Autriche). L’adhésion politique des trois grands classiques aux idées de la franc-maçonnerie et à celles, très proches, de la Révolution française les a confortés dans leur volonté de créer une forme musicale mettant sur un même plan les différents pupitres de musiciens et qui serait l’émanation d’une expression collective.

Les orchestres universitaires réunissent des étudiants d’horizons différents. Joël Hellenbrand/Orchestre universitaire de Strasbourg — ESOF, Author provided

Un vecteur d’intégration

Il serait tentant de penser que les universités ont conçu les orchestres avec un but premier, celui de traduire en musique l’identité de leur communauté étudiante. Mais l’existence de ces formations artistiques dans l’enseignement supérieur n’est en fait pas si ancienne. La composition par Brahms de son Ouverture académique en 1880 peut induire en erreur. Car si, à leur création, les conservatoires ont rapidement intégré les cours de pratique collective et promu la constitution d’orchestres symphoniques comme d’ensembles de musique de chambre, cela n’a généralement pas été le cas des universités, à de rares exceptions près.

A Berlin, la Friedrich-Wilhelms-Universität (aïeule de l’actuelle Humboldt-Universität) fait figure de pionnière, en 1907. Ailleurs, les orchestres universitaires modernes voient le jour bien plus tardivement : en 1954 à Leipzig, en 1968 à Munich, en 1993 à Vienne, 1961 à Strasbourg. Alors que se profile une nouvelle ère, celle de la massification de l’enseignement supérieur, ces créations sont portées par une forte demande étudiante : celle d’une pratique et de projets communs. Comme ils constituent évidemment un vecteur d’intégration dans la communauté universitaire, ils ont rapidement reçu le soutien des établissements eux-mêmes. L’histoire de l ‘Orchestre universitaire de Strasbourg illustre cette évolution.

Dès sa création en 1961, celui-ci réunit les étudiants de différentes facultés de l’université. Passant au statut associatif en 1973, il inscrit au cœur de ses missions son rôle d’intégrateur social. À chaque rentrée, une partie de ses effectifs se renouvelant, l’orchestre procède en effet au recrutement d’amateurs dans toutes les filières d’études et tous les services administratifs. Pour nombre de participants, c’est l’occasion de poursuivre une activité culturelle qui les passionne, tout en tissant des liens dans un établissement qu’ils découvrent et une ville où, souvent, ils viennent de s’installer.

La constitution en association permet une certaine indépendance. L’université laisse alors l’orchestre libre de sa ligne artistique, et joue surtout un rôle de soutien financier, et logistique. Ce sont les membres du comité, élus par l’assemblée générale, et le directeur musical qui définissent les projets de chaque saison, alignée sur le calendrier universitaire. Mais d’autres orchestres ont fait le choix d’une administration directe de leur université : c’est le cas du Royal Academic Orchestra d’Uppsala, qui était présent du 6 au 10 juin à Strasbourg. Même configuration pour le Chœur & Orchestre de Sorbonne Université qui joue d’ailleurs un rôle pédagogique plus officiel, avec des sessions d’orchestre intégrées aux cursus.

Un répertoire à démocratiser

Au-delà de la cohésion qu’ils peuvent créer, l’autre ambition des orchestres universitaires, c’est bien sûr la promotion du répertoire symphonique. Par des concerts à entrée gratuite, ou à bas tarifs, l’Orchestre Universitaire de Strasbourg espère ainsi mettre la culture classique à la portée de tous, étudiants et grand public. Une mission d’accessibilité comparable à celle dont l’université est investie pour l’accès à la connaissance.

Par ailleurs, la musique contribue à ouvrir l’université sur son environnement proche et international. En donnant chaque année des concerts au Palais universitaire, l’Orchestre Universitaire de Strasbourg invite le public à pousser les portes de ce joyau de son campus et à prendre place dans un lieu emblématique qui accueille régulièrement séminaires et colloques. Par des échanges étudiants et des tournées dans d’autres pays – par exemple en Chine en 2001, ou aux Pays-Bas en 2014, il contribue aussi au rayonnement de l’établissement.

En accueillant en 2018 la première itinérance de l’European Student Orchestra Festival, lancé en 2015 à Leuven (Louvain) en Belgique, il montre également que la pratique musicale étudiante ne s’inscrit plus seulement dans un établissement mais dans un réseau plus vaste. Un effort soutenu par la fondation en 2012, à l’Université d’Uppsala, de l’European Network of University Orchestras. Alors que l’on fête les 20 ans de la Déclaration de la Sorbonne, qui initiait la construction d’un espace européen de l’enseignement supérieur, ces partenariats montrent que la musique classique est un terrain d’échanges. Et que, même plus de deux cents ans après sa création, le genre symphonique n’a rien perdu de son dynamisme.

Le déclin des droits de l’Homme, un mouvement qui vient de loin

22 vendredi Juin 2018

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

Auteur

  1. Jean-Marc Huissoud

    Professeur et chercheur, Relations Internationales Stratégies d’internationalisation, Grenoble École de Management (GEM)

 

Partenaires

Grenoble École de Management (GEM)

 

Au siège des Nations unies à Genève, la salle où se réunit le Conseil des droits de l’Homme. Ludovic Courtès/Wikimedia, CC BY-SA

L’abandon par les États-Unis de leur participation au comité des Droits de l’Homme des Nations-Unies met au grand jour une évolution discrète observable depuis quelques années. Que Donald Trump suive en cela les idéologues les plus durs de son courant (Steve Bannon est resté dans l’ombre), qu’il s’affranchisse de toute contrainte légale opposable au niveau internationale dans l’optique de sa politique migratoire et, plus encore sans doute, prive d’une gamme de possibilité de recours son opposition interne est évident. Mais les États-Unis ne font finalement que prendre un train déjà lancé.

Les promesses non tenues des années 2000

Le recul progressif de l’importance de la Déclaration universelle s’observe en fait au moins depuis les années 80 et la consolidation politique des ex-colonies occidentales. Il s’est renforcé au fur et à mesure de la perte d’hégémonie de l’Occident sur le corpus de normes du droit international. L’émergence économique (et son instrumentalisation politique) de la Chine et d’autres a accéléré le mouvement.

Pour preuve, l’évolution de la formulation des stratégies du développement au sein même des Nations unies. Lors du lancement des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), en 2000, ceux-ci sont affichés comme ayant comme conditions et comme but le renforcement des droits humains. La mention figure dans tous les paragraphes, rappelant que le développement ne peut pas être qu’économique et que sa réalisation implique la mise en œuvre des principes de la Déclaration Universelle.

Les années 2000 sont une époque de promesses. Les émergents sont perçus comme convergents vers les standards européens, et beaucoup pense que cette convergence dans les modes de vie et de consommation initie une démocratisation généralisée.

Le réveil progressif d’une vieille critique

Les textes finaux du programme sont d’une autre nature. Lors de la clôture du programme en 2015, et dans les textes annonçant la stratégie suivante (affichant une priorité plus grande pour le développement responsable), les droits de l’Homme se font plus discrets. En cause ? L’influence croissante de la Chine, de la Russie, de l’Inde et des coalitions de pays du Sud dans les négociations, la prise de leadership de la CNUCED (plus influencée par les Sud) sur le PNUD dans l’élaboration des stratégies, et le réveil d’une vieille critique quant à la Déclaration universelle : celle de véhiculer une vision occidentale colonialiste, ignorante des réalités et des valeurs sociales en dehors de la vieille Europe et de l’Amérique du Nord.

Ce n’est d’ailleurs pas tant le principe des droits de l’Homme qui est rejeté que sa formulation dans la Déclaration universelle. L’Organisation de la Conférence islamique en propose, dès les années 70, une autre version, et le Mali revendique dans les années 2000 l’antériorité des sociétés africaines dans la définition d’une philosophie des Droits de l’homme, se basant sur un texte du XVème siècle dont on ignore s’il a eu, à l’époque, une réelle influence.

Dans la même période, Monique Ibundo, ministre du Développement du Burkina Faso, affirme dans une interview, en février 2007, que « le premier des droits de l’Homme, c’est le développement », rejetant en bloc toute idée d’une conditionnalité de l’aide (néanmoins plus ou moins mise en œuvre par les donateurs).

L’usure du temps

L’affaiblissement de la norme des droits de l’Homme n’est cependant pas uniquement le fruit d’une géopolitique des normes dans le champ de laquelle se joue aussi la compétition pour le leadership mondial, mais dans sa relative usure avec le temps.

Ecrit en réponse aux abus de l’absolutisme monarchique, le texte est aujourd’hui interprété à l’aune exclusive de l’individualisme moderne, déviant de plus en plus de sa signification première. Celle-ci, rappelons-le, cherche à fonder les droits des communautés de colons américains face à la Grande-Bretagne. Etendue au-delà de ses intentions initiales, mobilisée par tout un ensemble d’organisations dans un processus de recours croissant à la justice en son nom, la charte est devenue envahissante et le consensus qu’elle incarnait s’est perdu parmi les multiples interprétations particulières.

L’ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU, Nikki Haley, le 14 mars 2018 au Conseil de sécurité. Spencer Platt/AFP

L’abandon (sans doute momentanée) par les États-Unis d’un comité chargé de mettre en œuvre un texte dont ils sont l’origine marque aussi ce constat d’une dérive. Ne simplifions pas, quitter le comité des droits de l’Homme de l’ONU n’est pas abandonner toute prétention à incarner les principes du texte. Cela correspond totalement à la position affichée par Donald Trump vis-à-vis du système international.

D’une part, il s’agit de redire qu’il souhaite un retour à une Amérique idéalisée plus proche de ses origines (et le texte était destiné à asseoir les droits de petites communautés plutôt rurales isolées à définir leurs propres règles) ; d’autre part, il réaffirme son souci de ne pas soumettre les Américains à des règles établies ailleurs (réaffirmation de souveraineté).

La conséquence sera sans nul doute une nouvelle dévaluation de l’image internationale des États-Unis. Cela ne changera pas grand-chose dans de nombreuses parties du monde, pour qui ce pays n’incarne plus depuis longtemps les principes qu’il affiche.

C’est même la fin d’une politique de contrôle des activités du comité par les États-Unis, qui laisse le champ libre à d’autres pour reprendre le flambeau. C’est plus dommageable vis-à-vis des opinions européennes, qui dans l’ensemble associent l’Occident aux valeurs de la déclaration.

En Europe, prudence

Alors l’Europe prendra-t-elle le relais dans la défense du projet onusien de diffusion des droits de l’Homme ? Rien n’est moins sûr. Les démocraties européennes se heurtent à des opinions publiques ressentant leur société comme étant en crise profonde, leurs États comme impuissants, et leurs droits à choisir leurs valeurs bafouées, entre autre sous la triple injonction de se plier aux normes européennes, à celles de la mondialisation, et à s’ouvrir à une vague migratoire sans précédent qui challengent leurs consensus identitaires et sociaux.

Le sentiment que les principes doivent céder la priorité à l’action et à l’efficacité pour répondre aux doutes et problèmes se répand. Les populismes prospèrent, et peu d’entre eux sont compatibles avec les principes de la Déclaration tels qu’on les conçoit aujourd’hui.

Le véritable défi, pour les Nations unies comme pour les démocraties, ne serait-il pas, dès lors, non pas de défendre coûte que coûte les principes des droits de l’Homme, que de re-questionner leur signification, de les adapter aux contingences contemporaines, de reconstruire un consensus sur leur sens pour le monde moderne et celui à venir.

L’ambivalence du cannabidiol, produit récréatif ou thérapeutique ?

21 jeudi Juin 2018

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

 Auteur
  1. Nicolas Authier

    Médecin psychiatre, professeur, Université Clermont Auvergne

 

Partenaires

Université Clermont Auvergne

Depuis quelques mois, fleurissent en France des boutiques de vente de dérivés du cannabiset plus particulièrement des produits riches en cannabidiol, le CBD. Les vendeurs l’appellent le « cannabis légal » : une formule pour dire le faux, lourde de sens et de conséquences. En effet, cette dénomination se veut rassurante pour les usagers mais incite probablement aussi à la consommation de ces produits. Elle laisse croire qu’il y aurait un cannabis légal non dangereux et un cannabis illégal. Vanté pour son absence de risque de dépendance, en oubliant ou en méconnaissant ses effets psychoactifs, le cannabidiol vendu dans ces boutiques « soulage, apaise mais ne soigne pas », un peu « comme de la camomille » rapporte une vendeuse d’une de ces boutiques.

Au-delà des questions réglementaires, récemment clarifiées par les autorités, et des intérêts commerciaux évidents, il est utile de faire le point sur ce que la science sait du CBD et permettre ainsi aux usagers de faire un choix éclairé.

Dérivé psychoactif de Cannabis sativa

La molécule du CBD en 3D.Gotgot44/Wikimedia, CC BY-SA

Il existe plus de 100 composés cannabinoïdes dans un plant de Cannabis sativa. La molécule chimique dite cannabidiol ou CBD, identifiée en 1963, est la deuxième dans la plante en termes de concentration après le delta-9-tetrahydrocannabinol ou THC. On peut l’obtenir par extraction des fleurs mais aussi par synthèse, connue depuis 1969. Le mode d’action du cannabidiol n’est pas encore parfaitement connu mais il semble être différent du THC. Il module l’action dans le cerveau de nos propres substances endocannabinoïdes. Il va aussi interagir avec des systèmes impliqués dans la transmission de la douleur et activer certains récepteurs comme ceux de la sérotonine impliqués dans l’anxiété et l’humeur.

Son absorption par voie orale semble très mauvaise, d’où la multiplication des formes fumées ou « vapotées », qui permettent par ailleurs un effet plus rapide. Tout comme le THC, le CBD est très lipophile : il s’accumule dans les tissus gras, au premier plan desquels le cerveau. Ainsi, il faut être vigilant sur le risque d’accumulation de la substance dans le système nerveux, d’autant plus que son élimination est lente. Il peut, de même, modifier l’élimination de certains médicaments associés, avec des risques d’accumulation et de toxicité.

Le cannabidiol, avec ou sans THC

La cannabidiol n’est pas inscrit en France sur les listes des stupéfiants, des psychotropes ou des substances vénéneuses. Face à la multiplication des informations contradictoires, et souvent erronées, sur la réglementation du cannabis ou de certaines molécules cannabinoïdes en France, La Mission Interministérielle de Lutte contre les Drogues et les Conduites Addictives (MILDECA) a publié une mise au point sur la réglementation relative au cannabidiol. Il y est rappelé que tout produit contenant du cannabidiol extrait de la plante de cannabis est interdit. Sauf si celui-ci ne contient pas de THC, est extrait uniquement des graines et des fibres des plants de cannabis autorisés par le code de santé publique (feuilles et fleurs interdites), ne revendique aucune vertu thérapeutique et ne font pas l’objet d’une publicité sur de tels arguments. Le taux maximal de 0,2 % de THC très souvent évoqué par les vendeurs de CBD ne s’applique pas aux produits issus de la transformation des plants de cannabis autorisés. Or, des contrôles réalisés dans certains produits présentés comme contenant du CBD ont révélé la présence de THC.

Cannabis sativa. Dessin de Koehler/Wikipedia

L’Organisation Mondiale de la Santé doit analyser plus en détails la question du cannabidiol et des dérivés du cannabis lors de la prochaine réunion de son comité d’experts en pharmacodépendance. Elle s’était déjà prononcée dans un rapport préliminaire en novembre 2017, ne recommandant ni le classement du cannabidiol, ni son usage à des fins médicales.

Quelles preuves d’efficacité thérapeutique ?

Le site international clinicaltrial.gov qui recense les études cliniques sur les médicaments rapporte actuellement 130 études terminées, en cours, ou à venir impliquant l’évaluation de l’effet du cannabidiol. L’intérêt médical du cannabidiol seul est essentiellement étudié dans des maladies neurologiques, au premier rang desquelles l’épilepsie, mais aussi dans la maladie de Parkinson, les troubles du sommeil et la douleur chronique. Le niveau de preuve le plus élevé concerne des formes réfractaires d’épilepsie de l’enfant : ainsi, le cannabidiol devrait être le premier médicament dérivé du cannabis commercialisé aux USA. Une demande d’autorisation de mise sur le marché est aussi en cours en Europe. Les études portant sur la douleur et le sommeil n’ont pas permis pour l’instant de conclure à un réel intérêt du cannabidiol seul.

Le cannabidiol est aussi très étudié dans des maladies psychiques, comme l’anxiété avec des résultats contradictoires, mais aussi dans la schizophrénie. Cette dernière indication, compte tenu de résultats cliniques encourageants, fait l’objet d’un programme de recherche d’un laboratoire pharmaceutique néerlandais pour une forme orale de cannabidiol (Arvisol)en première phase d’essai chez l’humain. Les autres pathologies pour lesquelles les preuves d’efficacité sont insuffisantes mais font l’objet de travaux de recherche sont par exemple la dépendance au cannabis ou à l’alcool, la maladie de Parkinson, le diabète, les troubles de l’humeur et les maladies intestinales inflammatoires.

Effets indésirables parfois sévères

Bien que les données scientifiques et médicales ne rapportent pas un risque caractérisé d’abus et de dépendance au cannabidiol, il n’en reste pas moins une substance psychoactive pouvant induire des effets indésirables, comme l’avait déjà souligné en juin 2015 la commission des stupéfiants et psychotropes de l’ANSM.

Le recueil obligatoire des effets indésirables lors des essais cliniques, notamment dans les études sur l’épilepsie de l’enfant, permet de bien décrire ces effets négatifs à des posologies quotidiennes de 5 à 20 mg/kg. Trois classes d’effets ont ainsi été rapportées. Plus de de la moitié des patients ont présentés une altération du fonctionnement cérébral avec majoritairement de la somnolence voire des états léthargiques. Des troubles digestifs de type diarrhées et perte d’appétit ont été déclarés par 17 % des patients traités, de même que la survenue d’infections notamment respiratoires et plus rarement une atteinte du foie (6 %).

Compte tenu des effets observés sur la vigilance des usagers de produits à base de cannabidiol, doit aussi se poser la question de la conduite automobile, voire de l’aptitude au travail pour certains postes. Le cannabidiol n’est pas détecté par les tests salivaires effectués par les forces de l’ordre qui ne recherchent que le delta-9-THC. Néanmoins, si des produits contiennent même de faibles quantités de THC, ils pourraient, en cas de consommation régulière, rendre positifs ces tests.

Usage récréatif ou thérapeutique ?

La frontière est parfois ténue entre le soulagement et le plaisir, le thérapeutique et le récréatif. La question d’un possible usage à finalité plus récréative que thérapeutique procurant une sensation agréable, un plaisir, comme d’autres produits, au premier rang desquels l’alcool, ne doit pas être exclue, voire reconnue. L’opportunisme commercial des vendeurs de ce faux « cannabis légal » dont la promotion se fait sous couvert d’allégations thérapeutiques non démontrées et interdites pourrait ne pas être sans conséquences pour les patients. Agnès Buzyn, ministre de la santé, a d’ailleurs annoncé dimanche 17 juin son souhait de mettre fin à ce commerce. Aussitôt, la confédération des buralistes français a dit vouloir devenir le « drugstore de la vie des Français » et se positionne pour la vente du cannabidiol (on suppose récréatif) si la réglementation le permet.

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CBD Health Co@cbdhealthco

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2:54 AM – Jan 22, 2017
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L’emballement commercial et médiatique entretient la confusion entre l’usage de cannabis à visée récréative et une utilisation thérapeutique médicalement sécurisée. Il ne doit pas freiner la réflexion sérieusement lancée depuis quelques semaines en France, et reprise par la ministre de la santé, sur la nécessité d’expérimenter l’intérêt de préparations pharmaceutiques à base de cannabis dans certaines indications comme la douleur chronique, la sclérose en plaque ou les nausées induites par les chimiothérapies anticancéreuses.

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