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Archives Journalières: 31/10/2018

Deuxième article du jour : Quand les gauches s’effondrent…

31 mercredi Oct 2018

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The Conversation

  1. Michel Wieviorka

    Sociologue, Président de la FMSH, Fondation Maison des Sciences de l’Homme (FMSH) – USPC

Université Sorbonne Paris Cité

Université Sorbonne Paris Cité apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Fondation Maison des Sciences de l'Homme

 

A Rio, le 28 octobre 2018, un partisan du nouveau président Jair Bolsonaro brandit un cercueil symbolique du Parti des Travailleurs. Mauro Pimentel/ AFP

Dans son histoire des origines de la Première Guerre mondiale, Christopher Clark évoque « les somnambules », ces chefs d’État et autres responsables politiques inconscients avançant gaillardement vers le désastre pour, croyaient-ils, ne pas céder aux provocations du camp adverse.

Quelques années plus tôt, un autre historien, George Mosse, montre (dans « La brutalisation des sociétés européennes ») comment la même Première Guerre mondiale a engendré un phénomène de banalisation de la violence et de « brutalisation » massive, préparée par des décennies d’une colonisation elle-même brutale, et débouchant sur une culture politique ouverte au nationalisme et le fascisme.

Dans Crashed, Adam Tooze suggère avec force que la crise financière de 2008, qui a failli déboucher sur une catastrophe planétaire, est la matrice de bien des bouleversements du monde contemporain. Les acteurs en cause, ici, appartiennent à divers univers, à commencer par ceux de la finance et de l’économie.

Irresponsabilité, inconséquence, banalisation du mal… Sommes-nous une fois de plus à la veille d’un cataclysme mondial, et incapables de penser le chaos qui se profile ? Le nationalisme, l’autoritarisme, l’extrémisme que nous observons dans de nombreuses démocraties n’appellent-ils pas une réflexion renouvelée, ouverte aux leçons de l’histoire ?

Une première entrée dans une telle réflexion consiste à considérer un phénomène spectaculaire : l’effondrement de la gauche.

Celle-ci est en perdition, du moins si l’on en juge par les scores électoraux. Le phénomène est mondial, mais cela ne veut pas dire qu’il revête partout le même sens, ou les mêmes formes. Une explication générale doit donc s’atteler à mettre au jour ce qui unit les modalités distinctes de cette déroute, au-delà des spécificités locales. Celles-ci ne manquent pas.

Brésil, Pologne : échec et dégoût

Au Brésil, le dégoût vis-à-vis de la classe politique, et plus particulièrement du Parti des Travailleurs, corrompu en profondeur, s’est emparé de la population qui a basculé à l’extrême droite. Celle-ci promet aussi de mettre fin à l’insécurité et à la violence, et de relancer l’économie, mal en point. Mais toutes les gauches ne sont pas corrompues, et l’écœurement brésilien correspond à un cas-limite.

La violence et l’insécurité sont ailleurs au cœur de programmes susceptibles de séduire l’électorat sans être pour autant d’extrême droite : on l’a vu au Mexique, où Andrés Manuel Lopez Obrador a été récemment élu président, là aussi nettement, sans avoir quoi que ce soit à voir avec les orientations de Jair Bolsonaro. Et les difficultés économiques ne conduisent pas partout à l’extrémisme, pas plus qu’une économie florissante ne l’empêche.

En Europe centrale post-soviétique, mieux vaut parler d’échec car ces pays sortant d’un communisme « réel » n’ont guère réussi à construire des forces de gauche durables. La relative complicité des gauches renaissantes dans les années 90 avec le néo-libéralisme doit certainement être incriminée : le cas polonais nous servira d’illustration.

Dans ce pays, comme le montre l’ouvrage lumineux de Karol Modzelewski Nous avons fait galoper l’histoire, le lien fondateur de Solidarnosc entre l’intelligentsia progressiste et les ouvriers s’est rompu, sous l’effet de la répression dès décembre 1981, et surtout ensuite. Une partie de ceux qui avaient contribué au mouvement social de 1980-1981 ont en effet opté pour la « thérapie de choc », la Pologne est sortie du communisme brutalement. Ses vieilles industries ont été liquidées, à l’image des célèbres chantiers navals de Gdansk.

Les dispositifs médiocres, mais réels, qui assuraient à peu près à tous l’accès à l’éducation, à la santé, au logement, à la consommation, aux loisirs, aux crèches, etc. ont volé en éclats, et avec eux l’assurance d’un avenir sinon radieux, du moins clairement défini.

L’emploi n’a pas disparu, ni la croissance ; le taux de chômage actuel est faible, et les résultats économiques plutôt bons. Mais l’entrée dans une économie libérale et la liquidation brutale du système politique et social antérieur se soldent par un gouvernement hypernationaliste n’hésitant pas à mettre en cause la séparation des pouvoirs, au détriment notamment du judiciaire.

En Allemagne, l’affaiblissement durable du clivage gauche-droite

En Allemagne, la réunification a signifié à l’Est un changement comparable à celui de la Pologne. Puis la cohabitation de la social-démocratie avec la droite, et le fort tropisme gestionnaire et plus ou moins libéral de certains de ses courants, incarné par un Gerhardt Schroeder devenu dirigeant de Rosneft (société pétrolière russe) après avoir été chancelier à deux reprises, ont alimenté un sentiment de perte de sens au sein de classes populaires et de couches moyennes inquiètes : l’affaiblissement du clivage gauche-droite est aussi celui des perspectives permettant de se projeter vers l’avenir.

Ici, la crise économique, le chômage, n’expliquent donc pas véritablement la disparition de la gauche – ce que confirme l’examen de situations où l’économie se porte plutôt bien – en Autriche, en Norvège par exemple –, où le déclin de la gauche et la montée du national-populisme et de l’extrême droite sont patents – nous y reviendrons.

En Italie, la gauche ne fait plus rêver

En Italie, les équilibres politiques qui organisaient le pays, entre la démocratie chrétienne et le Parti communiste ont commencé à se défaire avec l’assassinat d’Aldo Moro par les Brigades rouges, en 1978. Le « compromis historique » devenu impossible, le pays est entré dans une ère politique et économique marquée par les avancées, là aussi, du libéralisme et des idéologies néo-libérales.

L’impuissance et les divisions de la gauche, incapable de se remettre de l’effondrement du communisme, mais aussi du socialisme de Bettino Craxi (dont l’intermède s’est achevé dans la corruption), ont abouti pour certains de ses acteurs à une sorte de fondamentalisme communiste, et pour d’autres, là encore, à l’identification à des options économiques réformistes se réclamant de la bonne gestion.

Matteo Salvini, le ministre italien de l’Intérieur, à Rome, le 24 octobre 2018. Alberto Pizzoli/AFP

Il n’y avait plus d’avenir politique avec la gauche, alors que s’affirmait un modèle économique et social fondé sur l’individualisme et confiant dans les images de réussite incarnées par Silvio Berlusconi. Beppe Grillo avec le Mouvement 5 étoiles, est venu, sur le mode clownesque et incohérent, signifier cette perte de sens et l’effondrement de la gauche classique, plus que celui de la droite. La Ligue du Nord est passée d’un régionalisme hostile au centre et au sud et à visée indépendantiste, à un nationalisme en appelant à toute l’Italie – il est vraisemblable que son alliance avec 5 étoiles affaiblis durablement ce mouvement.

La gauche italienne a complètement cessé de faire rêver, le rêve étant plutôt alimenté par le berlusconisme qui laissait entendre à chacun qu’il pouvait faire fortune, individuellement. La décomposition morale est venue avec.

En France, une gauche qui se liquéfie

En France, où la droite s’est disloquée, la gauche s’est effondrée, le Parti socialiste suivant le Parti communiste à trente ans d’intervalle. Dans l’ensemble, la gauche n’a pas adhéré aux idéologies néo-libérales, elle a par contre accordé une grande place à la pensée économique et technocratique, croyant sous François Hollande pouvoir garder son âme, qu’elle a perdue, tout en gérant (mal) l’État. Elle n’a pas donné l’image de la corruption, en tous cas bien moins qu’ailleurs, mais ce n’est pas sous son impulsion que la société a changé.

La France conserve bien des aspects de son État-providence – en matière de santé, d’éducation ou de logement social par exemple – et il n’est pas possible de parler pour elle de passage brutal d’un modèle à un autre.

Ni corruption massive, ni réformes douloureuses : l’échec piteux de François Hollande n’en a pas moins enfanté, d’un côté, la radicalité de la France insoumise de Jean‑Luc Mélenchon et, de l’autre la présidence centriste d’Emmanuel Macron.

Entre les deux, c’est le quasi-vide, mais pas le même ressentiment. Si l’extrême droite prospère, y compris dans les décombres de la gauche classique, si les phénomènes migratoires suscitent les mêmes réactions et préjugés qu’ailleurs, la gauche a déçu, elle n’a pas trahi. Elle s’est liquéfiée, selon le vocabulaire de Zigmunt Bauman, elle disparaît, au moins pour l’instant, laissant un immense espace en jachère – car les valeurs ou les idées générales de gauche demeurent prégnantes.

Aux États-Unis, l’échec d’Hilary Clinton à l’élection présidentielle de 2016 a aussi été celui d’une gauche qui aurait plus ou moins trahi le peuple en ayant partie liée avec le monde des affaires et des médias…

On pourrait certainement continuer cet examen pays par pays. Mais, au-delà des différences, recherchons plutôt ce qui relie toutes ces expériences pour façonner le déclin planétaire de la gauche.

Gauches de gauche, gauches de droite

La gauche s’est révélée partout sans vision ni projet dans des contextes historiques de mutation, et a été plus ou moins tentée par deux impasses : la radicalité des gauches de gauche, conduisant à la marginalisation, mais aussi à la violence ou à un autoritarisme désastreux, comme au Nicaragua ou au Venezuela ; et le réformisme gestionnaire des gauches de droite déconnectées des attentes populaires.

Le phénomène s’est accéléré ces dernières années. Il avait été inauguré par la fin du communisme, au sein de l’Empire soviétique, et là où, dans les démocraties occidentales, existaient des partis communistes. Il s’est étendu avec la débâcle de la social-démocratie, en perdition y compris dans ses bastions historiques, pays scandinaves, Allemagne, sans parler du travaillisme britannique qui en fut une variante, avec un tropisme hier libéral avec Tony Blair, et aujourd’hui radical avec Jeremy Corbyn.

Que ce soit réellement, ou plus ou moins artificiellement, aussi bien le communisme que la social-démocratie se réclamaient d’un sens porté par une figure sociale, le prolétariat ouvrier qu’ils affirmaient représenter. Les ouvriers sont aujourd’hui, comme a dit Marine Le Pen, « oubliés » et « invisibles », tant la société a changé. Or sans cette référence à un acteur central de l’histoire, la gauche n’aurait jamais été ce qu’elle a été.

Les partis de gauche correspondent à une époque historique, ils sont datés. Ils s’étiolent, se déstructurent ou disparaissent parce que nous avons changé d’époque.

Ce qui n’exonère pas de leurs fautes et manquements ceux qui ont porté les couleurs de la gauche, ou qui s’efforcent encore de les porter. La corruption, dans certains cas, l’arrogance, souvent, la priorité parfois accordée à la modernisation et à un réformisme gestionnaire ou technocratique justifiant jusqu’aux purges économiques et autres thérapies de choc ont joué en plus. Et surtout, l’incapacité à proposer un sens adapté au monde contemporain et à ses périls et défis.

Perte de sens et montée des extrémismes

Le désenchantement se solde ici ou là par la violence des affects, par l’aversion et la méfiance généralisées, la montée de la xénophobie, y compris lorsque les forces concernées se rapprochent du pouvoir, ou y parviennent. Ce terrible retournement où l’extrémisme vient exprimer des passions haineuses débridées, rejette l’universalisme du droit et de la raison et l’humanisme que la gauche pouvait incarner, il les inverse dans l’immense ressentiment de ceux qui ont le sentiment d’avoir été finalement floués et prennent leur revanche.

Manifestation à Managua, capitale du Nicaragua, le 28 octobre 2018. Inti Ocon/AFP

C’est ainsi que toute position en faveur des migrants est vécue en Europe ou aux États-Unis par une large partie de la population comme une provocation insupportable et supplémentaire de la part des élites – de gauche –, qui seraient de ce point de vue au mieux naïves, et plutôt cyniques, car bien-pensantes pour autrui mais protégées, elles, de la supposée concurrence sur le marché du travail, ou de la promiscuité d’avec les migrants.

La gauche n’apporte plus de sens, de perspectives d’avenir, et l’exaspération vis-à-vis d’elle n’a cessé d’enfler, et de se retourner contre les valeurs universelles. Il faudra du temps pour inverser à nouveau la tendance.

Ainsi, l’analyse de l’effondrement de la gauche, à l’échelle mondiale, nous conduit à souligner un point majeur : la mise en cause, finalement, des valeurs universelles, ou, si l’on préfère, le rejet politique d’une modernité incarnée par une gauche qui fut émancipatrice et confiante dans la raison, qui proposait un sens, des repères, une vision progressiste de l’avenir, et est jugée finalement impuissante et plus ou moins corrompue.

Il n’est pas surprenant, dès lors, qu’un tel rejet comporte une dimension qui mérite examen : l’association fréquente du nationalisme et de l’extrémisme de droite avec des affirmations religieuses, dans des contextes qui ne sont pas nécessairement marqués par la crise ou l’échec économique pour les pouvoirs qui, éventuellement, les incarnent.

L’association religion et extrémisme de droite

En voici quelques illustrations. Au Brésil, l’extrême droite a progressé avec l’appui d’Églises évangéliques particulièrement actives et influentes, et avec celui de lobbys importants, agroalimentaires notamment, qui lui font confiance pour relancer l’économie sur un mode libéral.

Il en est de même aux États-Unis, où Donald Trump bénéficie du soutien actif de diverses Églises protestantes, en même temps qu’il conduit une politique économique qui, pour l’instant, donne des résultats lui assurant l’adhésion d’une large base politique.

Le cas d’Israël est plus complexe s’il s’agit de la religion, puisque d’un côté, du dehors, Benyamin Nétanyahou peut compter sur le soutien jusqu’ici sans faille de Donald Trump en liaison avec les Églises évangéliques ; et que, d’un autre côté, il adosse son action au messianisme sioniste de groupes religieux de plus en plus influents. Et en matière économique, là aussi, la situation du pays, pourtant contrastée, lui assure une forte adhésion de milieux dirigeants, comme d’une large partie de la population : croissance convenable, plein emploi, mais aussi, pauvreté, et inégalités criantes.

Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, le 28 octobre 2018, lors du conseil des ministres à Jérusalem. Oded Balilty/AFP

En Turquie, Recep Tayyip Erdogan a d’abord incarné le lien entre l’islam et la politique, en même temps qu’une réelle réussite économique. Inflation, chômage, déficit de la balance des paiements, etc. : la situation du pays s’est récemment dégradée, le régime a fait de plus en plus preuve d’autoritarisme et a récemment fait alliance avec les forces nationalistes d’extrême droite du MHP, le Parti d’Action nationaliste.

En Russie, le nationalisme exalté par Poutine sur fond de difficultés économiques s’adosse sur des courants orthodoxes plus ou moins orchestrés par une Église qui renaît de ses cendres sur un mode très conservateur.

En Pologne, pays qui n’a guère été affecté par la crise de 2008 et où les chiffres de l’économie demeurent bons, le nationalisme peu démocratique du régime va de pair avec un catholicisme qui retrouve ses accents réactionnaires du passé. L’antisémitisme se relance, et paradoxalement, alors que ce pays accueille des centaines de milliers d’immigrés ukrainiens, et que Londres est devenue une grande ville polonaise, le discours public est très hostile à une politique ouverte aux phénomènes migratoires de la part l’Union européenne.

On notera au passage le rapprochement stratégique troublant d’Israël avec des gouvernements antisémites en Europe, à commencer par ceux de Pologne et de Hongrie.

L’exception française

Et en France ? Saisis comme beaucoup d’autres pays par la montée des extrêmes, les différences avec eux n’en sont pourtant pas moins considérables. Le catholicisme a perdu de son importance, les nouvelles Églises protestantes sont moins présentes et influentes qu’en Amérique, du Sud comme du Nord, ou en Afrique ; la question juive n’est guère une question religieuse, elle est bien plus dominée par le rapport des Juifs de France à Israël, et si l’islam est devenu la deuxième religion du pays, il est source de débats, d’interrogations et de polémiques bien plus que d’influence politique directe.

Les Français sont très attachés à la laïcité et aux valeurs républicaines, et cet attachement s’observe sur tout l’échiquier politique, de l’extrême gauche à l’extrême droite. Il y a là un point décisif : en dehors de secteurs « identitaires », relativement marginaux, le nationalisme est bien moins attaché au christianisme qu’il pouvait l’être avant la Deuxième Guerre mondiale, sa poussée s’effectue dans un contexte idéologique républicain et laïc.

Ce qui indique qu’il est moins qu’ailleurs animé par un rejet des valeurs universelles telles qu’elles ont été mises en avant par les forces politiques de la gauche et de la droite classiques. D’où peut-être aussi une autre particularité française : en France, on rencontre non pas une, mais deux grandes forces de type populiste, localisées chacune à une des deux extrémités de l’échiquier politique.

Deux extrémités peuvent-elles se rejoindre ?

Le Rassemblement national est l’héritier d’un nationalisme qui comporte des dimensions d’extrême droite et qui a su se transformer depuis l’époque fondatrice de Jean‑Marie Le Pen. Et La France insoumise capitalise des affects de gauche et d’extrême gauche sur un mode radical.

A eux deux, ces partis représentent entre 40 et 50 % de l’électorat ; l’un comme l’autre ont pris leurs distances par rapport à la pensée économique libérale ou néo-libérale, et tous deux ont des visées sociales, même si le départ de Florian Philippot a privé le Front national, devenu entre-temps Rassemblement national, d’un leader soucieux, comme avant lui Bruno Mégret, de mobiliser l’électorat sur une base sociale et pas seulement culturelle.

Mais les orientations de la France insoumise et du Rassemblement national, même si elles présentent des points communs (par exemple sur l’Europe), s’opposent plus qu’elles ne peuvent converger, sur d’importantes questions politiques et morales, comme le racisme ou la xénophobie ; elles ne permettent pas d’envisager un rapprochement conséquent – ce qui, d’une certaine façon, protège le pouvoir actuel.

On ajoutera ici qu’il n’y a pas une symétrie parfaite entre les deux extrêmes : l’électorat de celui de gauche pourrait être à terme plus ou moins happé par celui de droite, qui est plus robuste, et s’y dissoudre en perdant sa charge de classe, héritée du communisme et de la « gauche de la gauche », alors que le mouvement en sens inverse est peu vraisemblable.

Le temps de la reconstruction

Les singularités françaises sont donc sociales, religieuses et politiques, et toutes permettent d’être un peu plus optimiste – ou un peu moins pessimiste. Il n’est donc pas exclu que, finalement, la France soit plus capable que d’autres pays de résister aux tendances qui les emportent vers l’extrémisme.

Le gouvernement peut agir, et devrait sauf graves évènements imprévisibles, se maintenir aux affaires jusqu’aux prochaines élections, présidentielle et législatives en 2021- c’est une chance pour la France, qui peut éviter le pire, réfléchir et agir dans la durée.

Dans cette hypothèse, le plus urgent pour des oppositions autres que radicales n’est peut-être pas de critiquer systématiquement l’action gouvernementale, avec les extrêmes, et au bonheur des médias. Mieux vaut qu’elles se reconstruisent en vue d’échéances relativement lointaines où elles pourraient se présenter avec des idées, des visions, des projets d’avenir, des programmes, un personnel politique neuf et affûté ?

Violences scolaires : en 1883 déjà, au lycée Louis‑le‑Grand

31 mercredi Oct 2018

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The Conversation

  1. Claude Lelièvre

    Enseignant-chercheur en histoire de l’éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris Descartes – USPC

Université Sorbonne Paris Cité

Université Paris Descartes

 

Réputé pour son élitisme, le lycée parisien Louis-le-Grand a aussi une longue histoire, parfois mouvementée. Flickr, CC BY

Établissements huppés et punitions élevées ne sont pas des garanties contre la violence des élèves. Il existe de nombreux exemples historiques de cet état de fait, depuis le XVIIe siècle jusqu’à la période contemporaine, et j’en ai fait amplement mention dans Histoires vraies des violences à l’Ecole, publié en 2007 aux éditions Fayard. Retour sur quelques-uns de ces épisodes.

Une période historique pour l’exemple

On se contentera ici du moment « ferryste » de l’institution républicaine et laïque, précédée de la période que l’on a appelée « l’Ordre moral » (lorsque la Troisième République proclamée n’était pas encore aux mains des républicains)

On peut suivre l’une des « révoltes » les plus célèbres de ce temps-là dans le « saint des saints » des lycées de France, le lycée Louis-le Grand, à partir des rapports de son proviseur. Cela commence dans la soirée du 17 janvier 1883 par un chahut qui prend de l’ampleur suite à une injustice ressentie par les élèves. Le proviseur appelle sept agents de police et procède à l’expulsion des plus turbulents ; cinq élèves sont mis aux arrêts – au « cachot »-, ce qui a pour effet d’accentuer le désordre.

Trois cents élèves « insurgés » se rendent dans les dortoirs : les vitres, les vases de nuit, les lavabos sont cassés et jetés, les matelas sont éventrés à coups de couteau. Les agents de police, renforcés par des troupes nouvelles (ils sont alors soixante) bloquent les « émeutiers » dans un dortoir. Armés de tessons de vase et de barres de fer arrachés aux lits, les élèves se battent contre eux. Les dégâts matériels sont évalués à 20 000 francs or, soit le revenu annuel moyen de 10 enseignants. Les sanctions suivent rapidement : 89 élèves sont exclus définitivement de Louis-le-Grand et 13 autres de tous les lycées de Paris. Des mesures qui n’empêcheront toutefois pas une autre révolte, cinq ans plus tard.

Un air du temps républicain laxiste et délétère ?

Les conservateurs de l’époque mettent en cause l’air du temps délétère, voire laxiste, depuis que les républicains ont pris le pouvoir. Le journal Le Gaulois du 15 mars 1883 accuse :

« Les collégiens de Louis-le-Grand se battent contre les agents de ville. On enseigne à l’écolier qu’il a des droits, et il fait des barricades dans son dortoir pour chasser ses maîtres ; on lui défend de croire en Dieu, et il ne respecte plus personne. »

Le journal royaliste « Le Clairon » du 14 mars est encore plus direct :

« Les auteurs responsables de cette révolte sont Jules Ferry et Paul Bert qui ont eu un écho funeste dans le cerveau si facilement irritable de ces adolescents en fringale d’émancipation prématurée. »

Le 1er décembre 1882, le journal conservateur L’Abbevillois avait déjà pris prétexte d’une manifestation quelque peu débridée dans un lycée de jeunes filles de Montpellier pour s’en prendre au nouveau pouvoir républicain :

« Une directrice d’externat déplacée harangue les externes qui démolissent les barrières, brisent les vitres et vomissent des obscénités à la face de la directrice de l’internat. Elles ont beuglé la Marseillaise. Ces infantes, élevées sur les genoux de la République dans le culte des idées nouvelles que résume la formule “Ni Dieu ni Maître”, promettent de fières épouses aux infortunés crétins qui voudraient bien les honorer de leur confiance. Que de promesses, sapristi, dans les incartades de ces Louise Michel en herbe pour qui l’insurrection est déjà le plus sacré des devoirs ! »

Révoltes contre l’Ordre moral ?

En réalité, et quoi qu’en disent les conservateurs de l’époque, la plupart des révoltes lycéennes ont eu lieu soit sous la Monarchie de Juillet et l’Empire, soit surtout pendant la période de l’Ordre moral, au début des années 1870, avant même que les républicains ne triomphent dans la République. Plus d’une centaine de révoltes ont eu lieu dans les lycées de 1870 à 1888 (sur guère plus d’une centaine de lycées en France !..), ce qui atteste de l’ampleur du phénomène.

Or de 1870 à 1879 (année de la fin de l’Ordre moral et de l’avènement de la Troisième République triomphante) on comptabilise 80 révoltes lycéennes sur la centaine recensées durant la période concernée (de 1870 à 1888). Les révoltes au moment de la Troisième République triomphante sont donc en réalité très minoritaires : pour la plupart, elles ont eu lieu avant, bien avant.

Un taux de punitions très élevé

Il convient sans doute de rapprocher cette comptabilité des révoltes d’une autre comptabilité, celle des punitions, qui sont extrêmement nombreuses, massives, omniprésentes. L’exemple approfondi offert par Louis Secondy dans son Histoire du lycée de Montpellier – un lycée tout à fait ordinaire, et réservé là comme ailleurs aux « fils de famille » – est éloquent.

Pour le seul premier semestre de l’année 1877-1878, les peines infligées au lycée se détaillent ainsi : « division supérieure : 962 retenues simples, 305 privations de promenade, 54 privations de sortie, 4 exclusions (moyenne : 3,5 punitions par élèves en cinq mois). Division de grammaire : 1 102 retenues, 400 privations de promenade, 23 de sortie, 6 exclusions (moyenne : 5,3 punitions par élève). Division élémentaire : 1 400 retenues, 261 privations de promenade, 15 de sortie (moyenne : 7,3 punitions par élève).

Les révoltes sont parfois très violentes

Les révoltes sous l’Ordre moral, qui ont lieu dans des établissements secondaires n’accueillant pourtant guère alors que des « fils de famille », peuvent être très violentes. Dans un lycée marseillais, rapporte ainsi le recteur d’académie à son ministre,

« Les internes se sont rendus au cabinet où dormait le maître répétiteur, qu’ils ont frappé violemment. Profitant ensuite de ce qu’il était étourdi par les coups, ils l’ont ligoté, traîné sur le parquet et lui ont coupé à moitié la barbe. Enfin le censeur, le surveillant général, et d’autres maîtres, réveillés par le tapage sont accourus et ont réussi, non sans peine, après avoir enfoncé la porte, à rétablir l’ordre. Il était temps : les élèves avaient passé la corde au cou du maître et délibéraient s’ils le jetteraient par la fenêtre !

À Bastia, dans la nuit du 15 au 16 novembre 1874, la première division cherche à étrangler son maître et l’assaille à coups de chaise ! Le recteur reste persuadé que les élèves ont voulu le tuer. En février 1880, il suppose le même projet chez les élèves du même établissement. »

À Auch, le 14 février 1870, les lycéens de la première division se ruent sur un maître en salle d’étude et lui portent des coups violents avec des morceaux de bois. « Cette exécution terminée, sans que les efforts des maîtres présents aient pu l’empêcher ou en modérer la violence, les élèves du premier quartier sont rentrés dans leur étude et l’ordre n’a plus été troublé ».

Mais la période de l’Ordre moral – on le sait – n’a pas eu le monopole de ces révoltes violentes. On peut citer – entre autres – celle qui a bouleversé le collège d’Amiens en 1835, aux proportions assez inquiétantes. Elle commence dans une salle d’étude par des cris « À bas les maîtres ! » « Un élève armé d’un canon de fusil fait sortir le maître d’étude. Des barricades se dressent faites de bancs et de tables. Le proviseur fait enfoncer la porte. Les collégiens brûlent du papier dans les tables renversées et assaillent le proviseur de dictionnaires et morceaux de bois. Le proviseur les conjure d’éteindre le feu. En vain : il est de nouveau assailli, et, finalement, blessé. Il alors recours à la force armée – douze militaires – et aux parents qui finissent par persuader leurs enfants de se rendre

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