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Archives Mensuelles: novembre 2018

Dans « Assassin’s Creed Origins », une Antiquité « mondialement correcte »

30 vendredi Nov 2018

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The Conversation

  1. Christian-Georges Schwentzel

    Professeur d’histoire ancienne, Université de Lorraine

Université de Lorraine

 

Les seins d’une statue grecque cachés par des coquillages, à Alexandrie, selon la reconstitution du Discovery Tour d’Assassin’s Creed Origins. gamespell
  •  

Le jeu Assassin’s Creed Origins, sorti en octobre 2017, a été suivi d’un Discovery Tour, lancé en février 2018, dont le but proclamé est pédagogique. Il s’agit d’une promenade culturelle, tirée du jeu, qui permet de visiter Alexandrie, la vallée du Nil et même la Cyrénaïque à l’époque de Cléopâtre. Le contenu se veut historique, comme le serait une sorte de musée virtuel.

Une promenade qui prolonge le jeu

Les concepteurs du jeu ont choisi comme point de départ l’année 49 av. J.-C. qui voit éclater la guerre civile entre la jeune Cléopâtre, reine ambitieuse, et son frère Ptolémée XIII, présenté comme un faible, pris dans un conflit qui le dépasse. Jules César, stratège militaire et politique, débarque à Alexandrie en 48 av. J.-C., et fait lui aussi partie des grandes figures historiques du jeu. Le joueur peut s’identifier à des personnages de fiction : Bayek, un soldat d’élite ou Medjay, originaire de l’Oasis de Siwah, et son épouse, Aya d’Alexandrie.

Le Discovery Tour propose une version sans morts ni assassins. Alors que le jeu est interdit aux moins de 18 ans, le Tour s’adresse au public à partir de 12 ans. C’est la première fois que la société Ubisoft lance un produit pédagogique qui peut être acheté séparément.

Le joueur devenu touriste ou explorateur peut se promener librement, dans la peau du personnage qu’il a choisi. Il peut marcher, courir, emprunter un cheval ou une barque, plonger dans le Nil et grimper sur le Phare d’Alexandrie pour y jouir d’un panorama à couper le souffle.

Il peut aussi opter pour l’une des 75 visites guidées qui s’affichent au menu. Il suffit alors de suivre un fil doré qui s’étire au sol afin de bénéficier, à chaque arrêt ou « station », d’un commentaire historique, sur le modèle d’une visite avec un audioguide. Une documentation de type encyclopédique est également accessible : des photos de nombreux objets archéologiques, des cartes, des reconstitutions de monuments…

Pour Ubisoft, le but est commercial : faire la promotion du jeu en rallongeant sa durée de vie. Ubisoft espère que des enseignants continueront à exploiter la version pédagogique, une fois que les joueurs se seront lassés du jeu.

Une superproduction

Ces objectifs commerciaux n’enlèvent rien à la qualité du travail réalisé. L’univers 3D est fascinant par son immensité. Il offre de magnifiques panoramas à divers moments de la journée. Le réalisme est étonnant : bruit de pas, respiration haletante, éclats de voix et cris d’enfants qui jouent au loin… Presque rien n’a été omis pour recréer l’ambiance. Il ne manque que la chaleur et les odeurs.

Vous êtes plongés dans une superproduction, une prouesse artistique, un peu comme ce qu’étaient les péplums à très gros budget du XXe siècle. En cela, Assassin’s Creed Originss’inscrit parfaitement dans notre imaginaire : depuis Cecil B. DeMille, une œuvre consacrée à l’Égypte ancienne est forcément monumentale.

Temple et statue du dieu Sérapis. Reddit

Quelques approximations

Bien sûr, toute reconstitution de l’Antiquité est forcément en partie hasardeuse. Ubisoft a pris le soin de consulter des spécialistes de l’Égypte ancienne qui ont su tirer profit des recherches les plus récentes conduites notamment à Alexandrie et dans ses environs.

Mais des erreurs subsistent, comme l’ont montré les participants d’une table ronde tenue à l’université de Lausanne au printemps 2018.

Dans une des courtes scènes intégrées au jeu, ou « cinématique », Cléopâtre se dit prête à passer la nuit avec tout homme qui accepterait de se faire exécuter le lendemain matin. Il s’agit là d’une référence non à l’histoire mais au mythe de la femme fatale, et plus précisément à une invention de Théophile Gautier, dans sa nouvelle Une Nuit de Cléopâtre(1838).

On peut aussi critiquer le vêtement de Cléopâtre qui fait parfois davantage penser à celui d’une actrice de Bollywood qu’à une reine ptolémaïque, bien que de nombreux documents iconographiques nous révèlent quelles étaient les tenues des souveraines de l’époque.

On peut encore énumérer toute une série de passages douteux dans le jeu comme dans la promenade : la statue du dieu Sérapis, à Alexandrie, tendant les bras en avant est bizarre et ne correspond pas aux sculptures antiques retrouvées ; les combats de gladiateurs à Cyrène ne sont pas attestés au Ier siècle av. J.-C., etc.

D’un point de vue géographique cette fois, on remarque que l’espace est compressé. Ainsi, on peut voir les pyramides de Gizeh et les montagnes du Sinaï depuis le sommet du phare d’Alexandrie. Ce qui était évidemment impossible dans la réalité.

La reconstitution du phare d’Alexandrie. Ubisoft

Peut-on utiliser Assassin’s Creed Origins dans un but pédagogique ?

Malgré ces entorses à l’histoire et à la géographie, le jeu peut-il quand même servir d’outil pédagogique ?

Lorsque vous annoncez durant un cours que vous allez vous appuyer sur des reconstitutions du jeu, l’intérêt est aussitôt palpable parmi les étudiants dont vous éveillez la curiosité. Le jeu renvoie aussitôt à une sensation de plaisir, ce qui contribue à capter l’attention. Il y a là un petit côté démagogique dont il ne faut pas abuser. Mais pourquoi ne pas s’en servir comme accroche ?

L’usage d’images tirées du jeu peut se révéler tout à fait pertinent. D’abord parce qu’il offre de belles reconstitutions tout à fait valables historiquement, comme le Phare d’Alexandrie, véritable merveille du monde antique. Mais même lorsque la reconstitution est discutable, comme pour la statue de Sérapis, cela donne l’occasion de la commenter et de la critiquer, en la comparant avec les documents authentiques. Le jeu devient alors un support pour la réflexion historique et critique. Il permet de montrer ce qu’est le travail de l’historien.

Multiculturalisme et nature intacte

Plus subtilement encore, il est possible, à partir du jeu, de voir comment se construit aujourd’hui un discours sur l’Antiquité. C’est en ce sens aussi que le jeu Assassin’s Creed est un document historique : non pas seulement pour ce qu’il révèle sur l’Égypte ancienne, mais pour ce qu’il dit sur notre époque et notre monde contemporain.

Le jeu montre une société multiculturelle, à l’image des populations rencontrées qui parlent grec ou égyptien. La diversité architecturale souligne elle aussi le caractère cosmopolite d’Alexandrie, où les sphinx, les obélisques et les colosses pharaoniques côtoient de riches demeures grecques, décorées de fresques, de sculptures et de mosaïques. Le jeu tire ici clairement parti des résultats des fouilles menées dans l’ancienne capitale de Cléopâtre depuis les années 1990.

Par la même occasion, il apporte des réponses à des questionnements très contemporains sur la mixité culturelle dont il offre une vision apaisée dans une société antique.

C’est aussi la nature diverse et lumineuse qui séduit le joueur ou le promeneur. Souvent fascinante, comme ces énormes nénuphars qui semblent flotter sur le Nil, loin de toute pollution. On y rencontre des bêtes sauvages : serpents, hippopotames, crocodiles, hyènes et gazelles en liberté. A Alexandrie, on traverse de magnifiques espaces verts luxuriants. De quoi apaiser nos inquiétudes écologiques.

L’Égypte multiculturelle à la nature intacte fonctionne comme le paradis dont rêve globalement notre XXIe siècle.

Cachez ce sein !

Mais cette vision idéale est aussi fortement désexualisée. Nous n’irons pas visiter l’un des bordels d’Alexandrie, ni une « maison de bière » égyptienne. Normal : notre époque condamne généralement la prostitution et l’abus d’alcool.

Plus étonnant encore : les statues des dieux et des déesses grecques sont en partie censuréesdans le Discovery Tour.

Imaginez la Vénus de Milo avec des coquilles saint Jacques en guise de soutien-gorge ou l’Hermès d’Olympie pourvu d’un cache-sexe, également en forme de coquillage. Mes étudiants ont beaucoup ri !

Pourquoi cette pudibonderie, vous demandez-vous ? C’est qu’Ubisoft a voulu prendre en compte le plus grand nombre de clients potentiels, en pratiquant l’autocensure à but commercial. L’Égypte ancienne selon Ubisoft est destinée à des attentes mondialisées.

En cela aussi le jeu est intéressant : il montre ce que peuvent être les impératifs économiques d’une industrie culturelle globalisée. Et ses conséquences : la production d’une Antiquité censée faire l’unanimité, grâce à la mise à l’écart des éléments jugés aujourd’hui « mondialement incorrects ». Non pas l’Antiquité telle qu’elle était, mais l’Antiquité telle qu’elle doit plaire au maximum de monde.

50 % de nucléaire dans le mix électrique pour 2035… et après ?

29 jeudi Nov 2018

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The Conversation

  1. Patrick Criqui

    Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes

Université Grenoble Alpes

 

À l’EPR de Flamanville, en 2016. Charly Triballeau/AFP

Peu de temps après la démission de Nicolas Hulot, le 28 août dernier, on apprenait que se trouvait sur son bureau un rapport, non rendu public, évoquant la construction de 6 réacteurs nucléaires de type EPR, pour une entrée en service à partir de 2035.

Il est probable que cet épineux dossier ait pu contribuer au malaise grandissant du ministre de la Transition écologique et solidaire et à sa décision de démissionner.

Il est aussi probable qu’au moment où l’on discute la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) – qui fixe les objectifs en matière de transition énergétique pour la période 2019-2028 et sera présentée mi-novembre par le gouvernement –, cette annonce soit apparue à certains de nos concitoyens comme une nouvelle provocation de l’establishment nucléaire.

Cela est compréhensible, compte tenu du fait que l’industrie nucléaire française est aujourd’hui confrontée à la fois à des difficultés pour le démarrage de l’EPR de Flamanville et à des incertitudes majeures quant aux décisions de fermeture ou de prolongation, après rénovation, des centrales du parc existant.

L’EPR affiche en effet un retard important dans sa mise en service et ses coûts ont été multipliés par trois. Cela alors que le parc en service vieillit et que les premières centrales du programme nucléaire, mises en service à la fin des années 1970, vont à partir de l’an prochain devoir passer leur quatrième visite décennale.

Les questions s’enchaînent, les plus importantes étant sans doute : faudra-t-il construire de nouvelles centrales ? Combien ? Quand ? De quel type ?

Agence France-Presse

✔@afpfr

 · Oct 26, 2018

Le gouvernement laisse la porte ouverte à la construction de nouveaux EPR en France, mais veut avoir la garantie que les coûts seront maîtriséshttp://u.afp.com/ozhL  par @mheucAFP #AFP

Nucléaire: le gouvernement n’écarte pas de nouveaux EPR mais sous condition

Le gouvernement français laisse la porte ouverte à la construction d’une série de nouveaux réacteurs nucléaires de type EPR en France à l’avenir ma…

lepoint.fr

Agence France-Presse

✔@afpfr

Dans un document de travail du gouvernement consulté par l’ #AFP et rédigé pour la feuille de route énergétique du pays, le gouvernement envisage de décider seulement entre 2021 et 2025 de lancer la construction d' »une nouvelle série » d’ #EPRhttp://u.afp.com/ozhL  @mheucAFP pic.twitter.com/dQwoDhDSxp

3

11:11 AM – Oct 26, 2018
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Le point aveugle du débat

Pour évaluer ce que signifierait la décision de construire de nouveaux réacteurs, il faut se projeter plus loin que l’horizon final de la PPE en 2028.

Le débat autour de la transition dans le secteur électrique s’est jusqu’à maintenant focalisé sur la question de la date à laquelle sera atteint le seuil de 50 % nucléaire dans le mix électrique français (cette part étant actuellement de plus de 72 %).

Le véritable enjeu structurant est cependant tout autre. On peut bien discuter en effet de savoir s’il faut atteindre le 50 % en 2025 (proposition initiale de François Hollande en 2012), en 2030 (date qui semblait convenir à Nicolas Hulot) ou en 2035, date évoquée récemment par le Premier ministre.

Mais la question importante demeure : le 50 % est-il un plancher qu’il faut atteindre dans les prochaines années et qui constituera le socle nucléaire de la production électrique en France sur le long terme ? Ou bien n’est-ce qu’un point de passage dans une trajectoire de sortie complète du nucléaire ? C’est bien le point aveugle du débat.

Et en dehors de la discussion sur les quatre « trajectoires » dessinées dans le cadre du débat national sur la transition énergétique qui s’est clôt en 2013, la question a été éludée dans tous les processus de discussion et d’élaboration de la politique énergétique – la loi de transition énergétique pour la croissance verte, la discussion actuelle sur la PPE ou encore la stratégie nationale bas carbone.

Au-delà de la question du 50 % de nucléaire dans la production électrique française, pour savoir s’il faudra un jour construire de nouvelles centrales, il faut bien savoir si la France doit ou non sortir du nucléaire…

Nucléaire ON ou OFF ?

Le maintien des capacités nucléaires au niveau actuel est peu probable car il ne laisserait, dans un contexte de demande stable ou légèrement décroissante, aucun espace pour le déploiement des renouvelables.

On peut alors caractériser, en simplifiant, deux futurs possibles. En simplifiant, c’est-à-dire d’abord en prenant une hypothèse médiane sur la demande à long terme : celle d’une stabilisation de la production à 550 TWh/an. Et, ensuite, en supposant que le déclin du nucléaire sera « lissé » afin de faciliter l’ajustement progressif du système électrique.

Le premier scénario à examiner est alors celui d’une sortie complète à l’horizon 2050. Dans ce cas, seule une partie des 58 tranches (c’est-à-dire des réacteurs) nucléaires existantes est renouvelée pour dix ans ; il n’y a plus de nouvelle construction. La production nucléaire décline à partir de 2020, le point 50 % est atteint un peu avant 2030 et, au rythme d’une réduction de la production nucléaire de -14 TWh/an (soit l’arrêt d’en moyenne deux tranches chaque année), on atteint le point zéro en 2050.

En parallèle, la production éolienne et solaire doit augmenter de manière très significative pour atteindre près de 400 TWh sur la même période. Rappelons qu’en 2017 la production a été de 24 TWh pour l’énergie éolienne et de 9 TWh pour le solaire photovoltaïque : il faut changer d’ordre de grandeur.

Le scénario du nucléaire off en 2050. P. Criqui (calcul ElecSim), CC BY-NC-ND

Le second scénario à étudier serait celui du maintien d’un « socle nucléaire » à 50 % de la production électrique. Dans ce cas, on peut supposer que les centrales existantes seront, en moyenne, prolongées de dix ans. Pour atteindre le 50 %, environ huit tranches parmi les plus anciennes devraient être fermées à l’horizon 2028. Le déclin du parc existant se poursuivrait alors jusqu’en 2050.

Dans ce scénario, l’arithmétique est simple : pour une production totale de 550 TWh, un socle nucléaire de 50 % nécessite l’entrée en production de nouvelles centrales à partir de 2035. C’est l’horizon qui a été mentionné récemment par Édouard Philippe.

Le nucléaire toujours présent en 2050. P.Criqui (calcul ElecSim), CC BY-NC-ND

Deux futurs contrastés sont donc possibles, mais chacun embarque son lot d’incertitudes et de difficultés.

Du côté du « nucléaire OFF » la question est double : d’abord, sera-t-il possible d’installer, dans les temps et à des niveaux aussi importants, les éoliennes et les panneaux solaires nécessaires ? Ensuite, avec une part des « énergies renouvelables variables » dans la production électrique aussi élevée que 70 %, la question de l’ajustement en continu à la consommation d’une production intermittente devient un problème sérieux. Pour le gérer, il faudra absolument développer massivement le stockage d’électricité et l’interconnexion des réseaux à l’échelle européenne.

Quel nouveau nucléaire ?

Dans le « scénario ON », celui du maintien à 50 %, les incertitudes ne sont pas moindres.

Dans la liste : Quand l’EPR de Flamanville pourra-t-il démarrer et quelles seront ses performances ? Quelle sera l’issue des premières « quatrième visite décennales » effectuées par l’Autorité de sûreté nucléaire ? Quel sera ensuite le coût des travaux de « carénage », c’est-à-dire de rénovation, qu’EDF devra entreprendre pour la prolongation de la durée de vie ? Voilà pour le parc existant.

Mais les choses se compliquent encore lorsque l’on en vient à la question de quel réacteur construire à partir de 2035. Compte tenu des acquis mais aussi des difficultés actuelles de l’industrie nucléaire, il est peu probable que la France ait recours à des concepts développés par des entreprises étrangères, comme l’AP-1000 de Westinghouse ou le VVER-1200 du russe Rosatom (dont la Chine vient de commander quatre exemplaires).

Alors que l’option de la fusion nucléaire (avec le réacteur de recherche ITER), ne pourrait être opérationnelle que dans le dernier quart du siècle, on peut identifier quatre options possibles d’ici à 2050 :

  • l’EPR-NM (NM, pour « nouveau modèle » à la fois optimisé et simplifié) ;
  • les réacteurs surgénérateurs à neutrons rapides refroidis au sodium (type ASTRID, actuellement développé par le CEA) ;
  • les réacteurs à sels fondus et thorium (au stade du laboratoire en France) ;
  • enfin, les petits réacteurs modulaires, inspirés des réacteurs utilisés pour les sous-marins et porte-avions nucléaires et que Naval Group étudie en France.

Il reste plus de quinze ans avant une éventuelle entrée en production des nouveaux réacteurs et donc quelques années pour prendre une décision. Mais la France n’est pas la Chine, dont le marché est immense et où se testent tous les concepts. Il sera impossible en France de miser sur toutes les filières à la fois. Il faudra donc trancher, éliminer les options qui apparaissent non viables, et concentrer les efforts sur une ou deux voies prometteuses.

Avant toute décision, l’EPR de Flamanville devra avoir fait ses preuves. Les petits réacteurs modulaires ne constituent dans doute pas une option majeure dans le contexte français car ils sont plutôt destinés aux pays ne disposant que de réseaux de petite taille. Les réacteurs à sels fondus au thorium peuvent, de l’avis de nombreux experts du domaine, constituer un pari d’avenir pour une innovation de rupture. Mais ce n’est pas le cas des surgénérateurs à neutrons rapide au sodium, dont les limites ont déjà été explorées dans les années 1970 avec Phénix et Superphénix.

S’il est décidé de conserver une part de nucléaire dans le mix électrique français, ce sont ces questions qui devront être rapidement débattues.

Illettrisme ou « insécurité langagière » ?

28 mercredi Nov 2018

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The Conversation

Valérie Langbach

Maitre de conférences en Sciences du Langage, Université de Lorraine

 

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Université de Lorraine

Si l’illettrisme est aujourd’hui un problème socialement reconnu, les inégalités d’expression orale sont encore très peu prises en considération. Shutterstock

Une personne est en situation d’illettrisme lorsque, malgré une scolarité en France, elle n’a pas acquis une maîtrise suffisante les compétences de base en lecture et en écriture qui permettrait d’être autonome dans les situations simples de la vie courante.

Aujourd’hui, ces inégalités d’accès à l’écrit sont socialement reconnues et font l’objet de nombreux travaux de recherche tant au niveau de leurs origines, des conséquences et des remédiations possibles. Mais ces difficultés de communication se cantonneraient-elles à l’écrit ?

Les travaux de psycholinguistes (repris notamment dans l’étude de Eme, Reilly et Almecija), ont montré que ces problèmes se manifestaient aussi à l’oral. Cette question reste très peu étudiée alors qu’il y a « une différence fondamentale entre ce qui n’est pas dit – parce qu’il n’y a pas d’occasion de le dire – et ce qui n’est pas dit – parce qu’on n’a pas de moyen de le dire », comme le souligne Hymes (1984, p.33).

L’écran du relativisme culturel

Ces problèmes de communication ont fait l’objet de quelques recherches dans les années soixante-dix. Nous pouvons mentionner les thèses de Bernstein sur le déficit langagier des classes défavorisées ou encore les travaux de Faïta qui ont fait état des difficultés d’expression orale d’adultes français de bas niveau de qualification, notamment hors du cercle restreint de situations familières.

Plus récemment, Alain Bentolila a tenté en 2004 de relancer ce débat mais en vain car les travaux scientifiques se sont limités à des analyses sociologiques qui n’ont guère abordé la question langagière. Celle-ci n’a été étudiée que sous l’angle d’un certain relativisme culturel, axant la critique sur le fait qu’aucun modèle culturel n’est supérieur en soi à aucun autre.

Prenons pour exemple le débat concernant le français des banlieues. Cette variété de langue peut être soit la cible de critiques, parfois très virulentes, qui pointent « la pauvreté lexicale et syntaxique » entre autres des jeunes de banlieue (Bentolila, 2007) ; soit au contraire un discours qui vante leurs « prouesses langagières stylistiques ou imaginatives » (Lepoutre, 1997 ; Trimaille, 2003). Mais est-ce vraiment la question à se poser ?

À la suite de Grignon (2008, p.31) nous affirmons que « poser en principe que toutes les langues se valent, qu’elles offrent toutes les mêmes possibilités, les mêmes ressources […] c’est à l’évidence manquer de réalisme ». La question scientifique et l’enjeu d’aujourd’hui nous semblent être de comprendre si la maitrise de la langue permet ou non de dominer le réel, de le penser en l’organisant mais aussi d’entrer en communication satisfaisante avec les autres, quels que soient les éléments de la situation de communication.

Un tabou social

Pourquoi ce silence autour de la question de la maîtrise de la langue orale par des adultes natifs ? Cette question est sans doute peu étudiée car elle soulève des enjeux politiques, sociaux et idéologiques à l’image de la reconnaissance de l’illettrisme à ses débuts.

S’intéresser aux difficultés de communication orale des personnes faiblement qualifiées semble tabou car il s’agit d’aborder le rapport au langage des classes populaires. Et il est difficile aujourd’hui de porter au débat scientifique les rapports de cette classe à la langue normée car il est difficile de traiter de cette question sans porter de jugement sur ces locuteurs.

Nous pouvons pourtant définir, sans aucun jugement de valeur, les personnes issues des classes populaires par des caractéristiques objectives : « [la] petitesse du statut professionnelle ou social, l’étroitesse des ressources économiques – sans que cela ne signifie nécessairement précarité –, l’éloignement par rapport au capital culturel, et d’abord à l’école » (Schwartz, 2008 p.2).

S’il ne s’agit aujourd’hui que d’un éloignement relatif pour l’auteur, grâce notamment à la scolarité obligatoire, à l’accès à Internet, etc., nous ne sommes pas pour autant sortis du modèle de la reproduction cher à Bourdieu et Passeron (1970). Une enquête récente (2016) du Centre national du système scolaire ne fait d’ailleurs qu’étayer la thèse des deux sociologues… près d’un demi-siècle plus tard.

Des champs de recherche à ouvrir

Cette volonté de ne pas prendre en compte ces problèmes de communication orale entre natifs est aussi marquée d’un manque lexical qui masque un peu plus encore cette réalité : il n’y a pas de pendant pour l’oral au terme « illettrisme » ou à l’expression « être en situation d’illettrisme ».

Nommer un problème c’est le prendre en considération et commencer à l’interroger. C’est pourquoi, pour évoquer la difficulté pour un locuteur/scripteur de gérer de façon efficace les interactions verbales dans lesquelles il est engagé, d’un point de vue linguistique, interactionnel, pragmatique et social nous utilisons le concept « d’insécurité langagière » (Adami, André, 2014).

Valérie Langbach, Author provided

Nos travaux récents (Langbach, 2014) tendent à montrer que les pratiques interactionnelles des locuteurs faiblement qualifiés ne leur permettent pas d’entrer en communication d’une manière satisfaisante dans l’ensemble des situations de communication rencontrées au quotidien. Au-delà des problèmes lexicaux et syntaxiques si souvent avancés dans le débat public, cette étude montre que le déroulement des échanges est différent en fonction du degré de scolarité des locuteurs.

En effet, l’analyse d’interactions entre des demandeurs d’emploi faiblement qualifiés et des conseillers en insertion dévoile les manques de compétences sociolinguistiques des locuteurs faiblement qualifiés et montre que ceux-ci ne perçoivent pas les facteurs pertinents qui influencent le déroulement des échanges. L’ensemble de ces difficultés va impacter la co-construction du discours et de fait, la possibilité d’une communication satisfaisante.

Notre objectif n’est pas d’adopter une posture misérabiliste ou au contraire populiste mais de montrer, en analysant minutieusement des interactions verbales, que certaines manières de s’exprimer empêchent certains locuteurs d’agir, de se faire comprendre et donc de s’insérer pleinement dans tous les espaces de la société.

Au-delà des querelles d’écoles, une approche scientifique approfondie de cette question nous apportera des données objectives et nous permettra d’ouvrir de nouvelles pistes didactiques pour les formations destinées aux publics faiblement qualifiés. C’est cette entreprise que nous souhaitons mettre en œuvre.

Scruter l’Amérique des années 1920 pour comprendre ses divisions d’aujourd’hui

27 mardi Nov 2018

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The Conversation

  1. Jerome Viala-Gaudefroy

    Assistant lecturer, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

 

Partenaires

Université Paris Nanterre

 

Un dessin datant de 1903 signé Louis Dalrymple dépeint les immigrés européens comme des « rats » (dans le magazine Judge). New York Public Library
 

Au lendemain des élections américaines de mi-mandat, l’économiste américain Paul Krugman opposait, dans sa tribune du New York Times, la « vraie Amérique » – celle diversifiée de la Chambre des Représentants – à l’« Amérique du Sénat », majoritairement blanche, rurale, masculine et sans diplôme universitaire. Par cette formule schématique, Krugman remet en cause le caractère démocratique du pouvoir législatif américain tel qu’il est pourtant défini depuis plus de 200 ans par l’article I de la Constitution.

C’est l’intensification de la fracture géographique, économique, raciale, sexuelle et scolairequi met aujourd’hui en lumière ce déficit démocratique des institutions américaines. Au regard de ces divisions, qui ne sont pas nouvelles mais qui se sont accentuées depuis les élections de 2016, l’Amérique d’aujourd’hui ressemble finalement de plus en plus à celle des années 1920, dites « années folles », également parfois qualifiées d’années tribales.

La peur d’un « autre » étranger et menaçant

Aujourd’hui, comme dans les années 1920, la mutation rapide de la société est le facteur principal de tension, la plus fondamentale étant démographique et ethnique. Celle-ci ramène l’Amérique à son péché originel : une définition de la nation fondée (sur l’exclusion raciale). Elle fait de l’immigration un sujet central de divisions identitaires. De nos jours, la peur de l’immigration se focalise sur les hispaniques. Dans les années 1920, elle était surtout centrée sur l’immigration d’Europe de l’Est et du Sud.

Dans les deux cas, elle est alimentée par une rhétorique de peur d’un « autre » extérieur et envahissant, qui menace l’existence même de la communauté nationale : hier, le bolchevique et l’anarchiste (c’est le temps de la première Peur rouge ou des Palmer raids), aujourd’hui le membre de gang (MS3) et le terroriste. A chaque fois, les immigrés sont dépeints avant tout comme de dangereux criminels. Dans les années 1920, les Italiens étaient accusés de faire grimper le taux de criminalité. Aujourd’hui, ce sont les Mexicains.

Ces discours ne sont pas sans conséquence politique. En 1924, la loi la plus restrictive sur l’immigration est votée (Johnson-Reed). En 2018, c’est la remise en cause du droit du sol, pourtant garanti par le XIVᵉ amendement de la Constitution. La question de l’immigration est d’autant plus sensible qu’elle fait appel à l’imaginaire et aux fantasmes, surtout dans les communautés rurales en déclin.

La montée du discours raciste

Tout comme dans les années 1920, mais heureusement dans une bien moindre mesure aujourd’hui, cette peur de l’immigration nourrit des discours haineux, xénophobes, racistes et antisémites.

Les quelques centaines de suprémacistes blancs qui ont manifesté à Charlottesville en août 2017, (qui ont tout de même tué une contre-manifestante), puis à Washington l’année suivante en sont les démonstrations les plus visibles. Ceci même s’ils font pâle figure à côté des 50 000 membres de Ku Klu Klan qui avait paradé sur Washington en 1925, à une époque où ils comptaient entre 1,5 et 5 millions d’adhérents.

Mais le KKK du passé, tout comme les nationalistes blancs d’aujourd’hui, ont en commun de tenter de redéfinir ce que signifie être américain, via un discours d’exclusion nationale et appropriation des symboles patriotiques.

Peur du changement et retour aux traditions

Les années 1920 sont également marquées par une opposition entre modernistes et traditionalistes qui n’est pas sans évoquer la guerre culturelle d’aujourd’hui.

Les sujets varient d’une époque à l’autre bien entendu : la prohibition, la théorie de l’évolution (le procès Scopes en 1925), la liberté sexuelle autrefois, le droit aux armes à feu, le changement climatique, et la place de la religion dans le société aujourd’hui. Si l’on schématise, ils ont tout de même comme point commun de refléter la dichotomie entre, d’un côté, le désir d’un retour à une société plus conservatrice, blanche et patriarcale, et, de l’autre, la construction d’un monde plus ouvert, diversifié et progressiste.

Il n’est dès lors pas étonnant que, dans les deux époques, les tensions se soient cristallisées de la même façon sur le rôle des femmes, de la religion, de la place des minorités et même de la science dans la société. Aujourd’hui, comme hier, ces divisions se sont incarnées géographiquement dans une opposition entre le monde rural et urbain.

D’un point de vue économique, enfin, les deux époques connaissent une forte croissance liée à des transformations technologiques et à l’ouverture au commerce mondial qui ont eu également pour conséquence l’effondrement de certains secteurs plus traditionnels : l’agriculture ou l’industrie minière dans les années 20 ; l’acier, le textile, le charbon et le secteur manufacturier de nos jours.

Un déclin politique

L’analogie avec les années 1920 peut aussi être étendue au domaine politique. Les élections de 1928, tout comme celles de 2016 et 2018, ont par exemple été marquées par une scission du vote entre les villes et les campagnes.

Des similitudes existent également entre les présidents Herbert Hoover et Donald Trump. Tous deux soutiennent une politique isolationniste et protectionniste. Hier, c’était l’augmentation des droits de douane sur les produits issus de l’agriculture : la loi Hawley-Smoot), signée par Hoover, et ce malgré la condamnation générale des économistes de l’époque et de son propre parti (comme le sénateur Borah). Aujourd’hui, celle sur l’acier de Donald Trump, qui inquiète tout autant les Républicains. Dans les années 30, la guerre commerciale avec l’Europe qui s’en est suivi, n’a fait qu’aggraver les effets de la dépression après le krach de 1929.

Portrait du Président Hoover. Library of Congress/Wikimedia

Donald Trump, tout comme Hoover, s’attaque également violemment à l’immigration : Hoover promettait des « emplois américains pour les vrais Américains » et avait mis en place un programme de « rapatriement des personnes d’origine mexicaines ». Celui-ci a donné lieu à la déportation massive de presque 2 millions de personnes, dont une bonne partie était des citoyens américains de naissance.

Enfin, Hoover et Trump sont les seuls présidents à avoir été d’abord de riches hommes d’affaires. Tout comme Trump aujourd’hui, Hoover ne venait donc du sérail. Il s’opposait à l’establishment de son parti, et gouvernait en solitaire, balayant les dogmes du passé et faisant voler en éclat le consensus idéologique qui prévalait.

Pour le politologue Stephen Skowronek, Hoover fait partie de ces présidents qui signalent la fin d’un cycle politique. C’est l’échec de leur présidence qui permet l’arrivée d’un nouveau leader qui engendre un nouveau cycle en posant de nouvelles bases idéologiques. Ce fut le cas d’Herbert Hoover, incapable de gérer les conséquences de la crise de 1929. Il précède Franklin D. Roosevelt et 35 ans de quasi-consensus autour de la doctrine du New Deal. Ce fut également le cas de Jimmy Carter, auquel succède Ronald Reagan et sa révolution conservatrice qui marquera tous les présidents des trente dernières années. Selon Stephen Skowronek, c’est sans doute également le cas de Donald Trump aujourd’hui.

Une crise à venir ?

D’aucuns pourront objecter que, du point de vue économique, la présidence de Trump est un succès puisque les États-Unis sont en pleine croissance, avec un chômage au plus bas. Pourtant, certains observateurs pensent que « nous devrions nous préparer pour une déstabilisation économique » D’autres, à la banque JP Morgan par exemple, ou dans le milieu des affaires, décèlent déjà les signes de l’arrivée prochaine d’une crise économique, peut-être même avant la fin du mandat de Donald Trump.

Récemment, The Economist prévenait que « des politiques toxiques et une banque centrale à la marge de manœuvre restreinte rendaient le prochain retournement de tendance difficile à éviter », tandis que le New York Times voit des signes laissant « redouter une récession ».

Le couple présidentiel à la Maison Blanche, le 19 novembre 2018, en route vers les célébrations de Noël. Jim Watson/AFP

Enfin, d’autres économistes pensent même que la crise a en fait déjà commencé et sera pire qu’en 2008. Si tel est le cas, on peut craindre que, comme Hoover, Trump soit incapable de gérer une telle crise, dans un contexte de guerre commerciale, de taux d’intérêt encore bas et d’endettement massif. Le président Trump pourrait également engendrer un autre type de crise, constitutionnelle, militaire ou diplomatique. Sa remise en cause des normes démocratiques pourrait être elle-même une crise suffisamment grave pour amener un nouveau régime politique.

La comparaison historique a tout de même ses limites. Le monde est davantage interconnecté et la société américaine d’aujourd’hui est bien plus diversifiée, urbaine et ouverte que celles des années 1920.

Ce que l’on peut dire avec certitude, à ce stade, c’est que Donald Trump est davantage le symptôme que la cause des tensions politiques et sociétales actuelles, comme le reconnaît Barack Obama lui-même. Ceci dans un contexte de profonds bouleversements qui semblent indiquer que nous sommes dans une ère de transition rapide vers un monde dont nous peinons encore à discerner les contours, vers une future source d’angoisse et de fantasme.

Éric Zemmour, un symptôme

26 lundi Nov 2018

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The Conversation

  1. Alain Policar 
    Alain Policar est un·e ami·e de The Conversation

    Chercheur en science politique (Cevipof), Sciences Po – USPC

Université Sorbonne Paris Cité

Université Sorbonne Paris Cité apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Sciences Po

 

Eric Zemmour à Bruxelles, le 6 janvier 2015. Emmanuel Dunand / AFP

Dans un récent texte, Ariane Chemin et Vincent Martigny évoquaient « les ombres qui planent sur l’esprit des Lumières ». Le moins que l’on puisse dire est que la portée de l’ombre a encore crû lorsque Alain Finkielkraut a jugé utile d’inviter Éric Zemmour à parler de Pétain dans sa célèbre émission de France-Culture, Répliques.

N’étant pas historien, je ne ferai pas l’inventaire des énormités proférées par l’invité (voir, à ce sujet, la mise au point de Laurent Joly, sur le site de l’association « Vigilance-universités ») avec la complicité implicite de Paul Thibaud, que l’on a connu infiniment plus vigilant, et celle de leur hôte, dont l’indignation n’est pas réellement parvenue à être audible.

Comment expliquer la visibilité accordée à cet agitateur proche (c’est un euphémisme) de l’extrême droite, capable d’affirmer sans ciller que, dans le chaos meurtrier de la Seconde Guerre mondiale, le génocide n’est guère qu’un détail ? Plusieurs pistes interprétatives sont possibles et je n’ai évidemment pas la prétention d’en dresser une liste exhaustive. J’en privilégierai deux.

Souverainisme et déclinisme

D’une part, le rapprochement, sous couvert de souverainisme et, dans une moindre mesure, de déclinisme, de tous ceux qui poussent des cris d’orfraie devant les menaces supposées mettre en péril la survie de la nation, tel que leur nostalgie et leur ressentiment les fantasment. Tout changement dans la composition disons « ethnique » de la population est perçu comme dénaturation.

Ces professionnels du pessimisme vouent un culte aux origines, exaltent leurs racines, et se détournent de l’altérité en arguant de leur tragique lucidité. Ces faux prophètes se recrutent aussi bien à droite (surtout extrême) qu’à gauche (parfois extrême). Ils défendent une conception strictement nationale de la citoyenneté et ne font, dès lors, que peu de cas du souci moral à l’égard de ceux qui en sont privés.

Ils se font les défenseurs de la partialité morale, c’est-à-dire qu’ils se soucient exclusivement du bien-être de leurs concitoyens. Ils méprisent corrélativement l’impératif politique de la solidarité internationale, ou, si l’on préfère, destinent à leurs seuls « semblables » le devoir de porter assistance à ceux qui souffrent.

Ils peuvent ainsi affirmer, d’un commun accord (Finkielkraut, Thibaud, Zemmour), qu’il est parfaitement normal de célébrer le vainqueur de Verdun (expression convenue sur laquelle d’ailleurs il y aurait beaucoup à dire), lequel ne saurait être confondu avec l’artisan de la Collaboration. Mais cela revient à considérer qu’il serait acceptable de vanter les mérites d’Hitler pour la réussite de sa politique économique de relance dès 1933.

On ne manquera pas de nous rétorquer qu’il n’est pas déraisonnable de séparer l’homme et l’œuvre – argument que les heideggériens manient à la perfection !

L’indifférence à la vérité

Il existe une piste explicative plus générale. Nous vivons une époque durant laquelle s’efface le partage entre le vrai et le faux, une époque de falsification de la réalité que cet effacement autorise. L’ère de la post-vérité, définie comme celle dans laquelle les faits deviennent affaire d’opinion, obère la possibilité du débat argumentatif.

Ce qui nous guette, peut-être déjà là, est l’indifférence à la vérité et l’abolition de sa valeur normative. Ce brouillage des frontières entre vérité et mensonge s’exprime dans la notion de « faits alternatifs » : désormais il est permis d’être en désaccord avec les faits. Nous pouvons même désormais en nier la réalité, y compris en présence de ceux qui en sont les témoins.

Et c’est exactement cet exercice qu’affectionne Zemmour avec, désormais, l’indifférence de certains de nos intellectuels. Il fut un temps, lointain, où Alain Finkielkraut s’inquiétait lucidement de l’avenir d’une négation.

Aujourd’hui, hélas, il ne fait guère de doute que cet avenir est assuré, notre modernité tout entière est devenue négationniste. La faiblesse du vrai, pour reprendre le titre du beau livre de Myriam Revault d’Allonnes, qui nous conduit à renoncer à nos idéaux de vérité et d’objectivité, se conjugue avec l’abandon de notre puissance d’agir aux mains des puissants pour qui ces idéaux sont désormais inutiles.

Les vérités factuelles sont vulnérables

Ainsi que le souligne Laure Murat, on aurait tort de prendre à la légère « ces petits arrangements avec le réel, le vrai et le juste ». Il nous faut résister à la « sémantique du crépuscule », celle que décrit Orwell dans 1984, instrument d’assujettissement des individus par l’intermédiaire d’un langage appauvri et manichéen.

Et nous devons le faire avec les ressources qui font l’humanité de l’homme, celles de la raison dans sa capacité à unir et à dénoncer ceux qui cherchent à précipiter son sommeil. Quand la vérité factuelle est niée, c’est-à-dire quand elle devient une simple opinion déconnectée de la réalité, c’est notre monde commun qui est en péril. Or, les vérités factuelles sont vulnérables.

Raison de plus pour les garantir contre les mensonges qui les trahissent et la propagande qui les dénature. Avec l’aide d’Alain Finkielkraut, Éric Zemmour se livre, sans vergogne, aux uns et à l’autre.

« #Daesh c’est ÇA ! » ou comprendre l’exploitation politique des images violentes

25 dimanche Nov 2018

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  1. Justine Simon

    Maîtresse de conférences, Centre de recherche sur les médiations, Université de Lorraine

 

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Université de Lorraine

« Hallucinant ». C’est ainsi que Marine Le Pen (Rassemblement national, RN) qualifiait sa convocation à une expertise psychiatrique le 20 septembre dernier sur Twitter. Cette convocation s’inscrit dans le cadre d’une mise en examen de la cheffe du parti, encore Front national (FN) alors, pour « diffusion d’images violentes » sur les réseaux sociaux il y a trois ans. Ce nouvel épisode relance la polémique de la diffusion de tweets reprenant des photos de propagande djihadiste. Retour sur ces faits et leur singulière portée politique.

Nous sommes le 16 décembre 2015 : un mois à peine après les attentats de Paris et au lendemain des élections régionales. Marine Le Pen s’oppose à Jean‑Jacques Bourdin qui vient de recevoir, dans son émission Bourdin direct, un universitaire spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain : Gilles Kepel. Le spécialiste est interrogé sur l’analyse qu’il fait du « repli identitaire » – caractéristique jugée commune à certains électeurs du FN et aux djihadistes français.

La Présidente du parti accuse le journaliste d’avoir soi-disant comparé le FN à Daesh. Elle publie trois tweets multimodaux – alliant texte et image – qui s’adressent publiquement au compte @JJBourdin_RMC. Ces publications introduites par la formule « #Daesh c’est ÇA ! » représentent des photos d’assassinats de prisonniers de l’organisation islamiste. La première photo montre le cadavre d’un homme décapité. Les deux autres sont des photos d’exécution, où un homme est brûlé vif et un autre est écrasé par un tank.

Les réactions de la twittosphère ne se font pas attendre. Les militants d’extrême droite et les personnes s’opposant aux valeurs du parti se livrent à une véritable bataille d’images.

Deux communautés virtuelles s’affrontent

La violence émanant des tweets publiés par Marine Le Pen suscite une spirale de réactions des internautes. Parmi ces réactions, 432 publications originales contenant une ou plusieurs image(s) sont analysées (sur la période du 16 au 23 décembre 2015).

Deux communautés virtuelles distinctes s’affrontent grâce à l’image : les partisans du FN et les anti-FN. Deux « procès » se déroulent dans le cyberespace : d’une part, la polémique porte sur la légitimité de la comparaison du FN à Daesh, et d’autre part, les twittos s’affrontent sur la question du droit (ou non) de publier des images violentes sur les réseaux sociaux.

Les interactions sont qualifiées de « polémiques » dans le sens où celles-ci sont dominées par un désaccord fondamental, radical et durable. Il ne s’agit pas juste d’un échange violent entre internautes mais d’une véritable opposition de points de vue radicalement différents.

La violence par la violence

Pour soutenir Marine Le Pen, les pro-FN se servent, entre autres, d’images violentes extraites de leur contexte historique de départ. La valeur mémorielle de ces images permet de légitimer les publications de la Présidente du parti. La reprise d’images d’archives du 11 septembre 2001 est un des moyens choisis pour dénoncer l’amalgame de la comparaison FN/Daesh.

Les opposants aux valeurs du FN exploitent également des références à des événements particulièrement violents de notre Histoire. L’insertion d’images d’archives constitue généralement un argument par la preuve puisqu’elles attestent une réalité passée.

Dans la rhétorique anti-FN, les images convoquées assimilent très souvent les valeurs du FN à celles du régime nazi hitlérien.

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Reivax’@XavBrumon

@MLP_officiel, vous publiez d’horribles images « #Daesh c’est ça ». Mais ne pensez vous pas que « Le #FN c’est ca ?! »

1

1:00 AM – Dec 17, 2015

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Accusés d’indécence

Sur la question de l’indécence de la publication d’images à caractère violent, on assiste à des attaques et contre-attaques ad hominem.

Les anti-FN n’hésitent pas à présenter Marine Le Pen comme une « alliée de Daesh » qui aurait « pris en charge » la « propagande » de cette organisation islamiste. En contre-accusation d’indécence, une des stratégies utilisées par les militants du parti est de rejeter la faute sur autrui.

La reprise de représentations de victimes des attentats du Bataclan ou encore de la photographie d’Aylan Kurdi servent non seulement à légitimer le geste de Marine Le Pen mais aussi à critiquer certains médias (comme France 2 ou Libération) ou certains opposants politiques (comme Bernard Cazeneuve ou Manuel Valls).

Lisa HK ♦️@elisahk92
 · Dec 16, 2015
Replying to @cherenceleheron

@cherenceleheron il faut y penser

ChêЯencê le HêЯنn ✡@cherenceleheron

@elisahk92
Comme @cazeneuve dénonçons ceux qui postent des photos de victimes de #Daesh. Comme @libe (au hasard) pic.twitter.com/Ocg2AXzLPV

1

4:51 PM – Dec 16, 2015
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Twitter prédisposé à une spectacularisation de la violence

Réponse à la violence par la violence, exhibition d’images issues d’un contexte de haine, accusations, dénonciations, etc.. La spectacularisation de la violence par l’image ne laisse que peu de place à la prise de recul. Et les particularités technodiscursives de la plate-forme Twitter participent de l’accentuation de ces réactions sur le vif. Twitter offre en effet les conditions les plus favorables au déploiement d’un spectacle médiatique de la violence.

Interroger spécifiquement les liens hypertextes parcourant les discours permet d’analyser la complexité des pratiques discursives réalisées sur le web. Parmi les différentes formes d’hypertextualité exploitées par les réseaux sociaux figurent les technomots – des mots cliquables – les plus utilisés étant l’adresse (mention du nom du compte d’un twitto) et le hashtag.

La prise à témoins grâce à l’adresse publique (ajout d’un signe non invasif – souvent le point – devant l’arobase) permet de rendre visible l’interpellation d’une personne dans la timeline de chacun de ses propres followers. Marine Le Pen a su exploiter cette stratégie de visibilité dans la formule introductive de ses trois tweets : « .@JJBourdin_RMC ».

Ce double niveau d’interactivité permet de rendre témoin deux communautés distinctes : l’ensemble des abonnés de Jean‑Jacques Bourdin et ceux de Marine Le Pen. Les accusations, dénonciations et autres attaques directes sont majoritairement accentuées par l’insertion d’adresses ou d’adresses publiques.

Les procédés rhétoriques de création de hashtags sont quant à eux caractérisés par l’affrontement. Les anti-FN contre-attaquent en imitant la formule de leurs opposants (« #Daesh c’est ça » vs « Le #FN c’est ça »). Le hashtag « #SoutienMLP » correspond à un acte de langage. Et le hashtag axiologique « #FNhorsjeu » vise à dévaloriser l’ennemi.

Un risque calculé

La stratégie hyperviolente de Marine Le Pen arrive à peine à la sortie d’une campagne électorale qui a vu augmenter le pourcentage de votes en faveur du FN – le contexte post-attentats, ayant favorisé la montée de ce score. Et la figure de la haine représentée par Daesh lui a permis de se positionner en tant que victime et non en tant que bourreau.

Le potentiel viral d’une publication à caractère violent a certainement dû être pris en compte par les conseillers en communication de Marine Le Pen.

Et le risque d’accusation pour le délit de « diffusion d’images violentes » a pu correspondre à un risque calculé, puisque les publications de la personnalité politique restent ancrées dans les mémoires.

Le pouvoir de l’image est de toucher les sentiments les plus profonds du public. Sans que cela soit verbalisé, une image hyperviolente peut s’ancrer de manière durable dans les esprits.

Peu importe le parti-pris, les images violentes qui ont circulé sur Twitter ont fait parler du FN. La violence des tweets met le public au cœur d’un spectacle de la violence et développe un climat de peur, de rejet de l’autre et d’incitation à la haine.


L’auteure a présenté un article en cours d’évaluation dans le cadre du colloque Violences et radicalités militantes en France événement dont The Conversation est partenaire.

Taxe carbone, les centimes de la discorde

24 samedi Nov 2018

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The Conversation

  1. Christian de Perthuis

    Professeur d’économie, fondateur de la chaire Économie du climat, Université Paris Dauphine – PSL

  2. Anouk Faure

    Doctorante en économie, chaire « Économie du climat » (Université Paris Dauphine), Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

 

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Université Paris Dauphine

 

Le 17 novembre 2018, manifestation au Boulou (Pyrénées-Orientales). Raymond Roïg/AFP

L’an passé, les hausses de fiscalité énergétique proposées par Nicolas Hulot étaient passées lors de la discussion budgétaire comme une lettre à la poste. Elles sont moins fortes cette année. Et pourtant, cela coince. Au parlement, en premier lieu, où un débat très vif s’est engagé sur la question. Encore plus sur le terrain, où l’incompréhension d’une partie des citoyens provoque une véritable fronde qui se cristallise sur le prix des carburants : la révolte des « gilets jaunes ».

Face à la montée des mécontentements, les locataires de Bercy ont été envoyés au front, se découvrant soudain des affinités écologiques. Ils ont ensuite été relayés par le Premier ministre et le Président, le ministère de l’Écologie restant en retrait. Cela donne du grain à moudre à tous ceux qui suspectent – ils sont nombreux – que la « fiscalité écologique » est une simple ruse de Bercy pour trouver des recettes fiscales et combler le trou budgétaire.

Ce face à face divise le corps social, alors que l’action face au changement climatique devrait au contraire rassembler les citoyens. Une étude récente de la chaire « Économie du climat » diagnostique les causes de la fronde actuelle. Ce diagnostic conduit à proposer des voies de sortie qui impliquent une bonne information des citoyens et des mesures d’accompagnement ciblées à destination des foyers le plus vulnérables.

L’effet prix du pétrole

En renchérissant l’usage des énergies fossiles en proportion de leurs contenus respectifs en CO2, la taxe carbone frappe le porte-monnaie du citoyen. Lorsque le prix du pétrole et du gaz d’origine fossile est en baisse, le prélèvement est indolore. Le percepteur encaisse subrepticement l’impôt. Le citoyen s’en acquitte sans s’en rendre compte. C’est ce qui s’est passé en France entre 2014, année d’introduction de la taxe carbone, et 2017.

Changement total de perspective à l’automne 2018. Lorsque Nicolas Hulot proposait d’accélérer la montée en régime de la fiscalité énergétique, le prix du baril sur le marché international n’était pas éloigné de 40 dollars. Lorsque Bruno Le Maire a présenté cette année le projet de budget, il était au-dessus de 80 dollars. Un double choc pour le porte-monnaie des citoyens.

C. de Perthuis & A. Faure, projet de loi de finances 2019, « Taxe carbone, l’heure de vérité », étude de la Chaire économie du climat, novembre 2018.

Entre septembre 2017 et septembre 2018, les ménages ont fait face à une hausse des tarifs de 22 % pour le gaz naturel et de 27,5 % pour le fioul domestique, les deux principales énergies utilisées pour le chauffage. La taxe carbone qui a été relevée au premier janvier dernier a contribué pour un peu plus d’un cinquième à ce renchérissement, le reste provenant de l’évolution des cours internationaux du pétrole et du gaz.

Les carburants à la pompe ont augmenté un peu moins fortement que les produits énergétiques pour le chauffage. La hausse du prix de l’essence sur la même période a été de 13 %. Celle du diesel a atteint 21 %. À l’impact du renchérissement de la taxe carbone s’est ajouté le rattrapage de la fiscalité diesel sur l’essence dont la finalité n’est pas de réduire les émissions de CO2 mais de lutter contre les pollutions locales propres à ce type de carburant.

Si les énergies destinées au chauffage ont le plus augmenté, c’est pourtant sur les carburants que se cristallise le mécontentement. Pour le diesel, cela s’explique par le retournement total des politiques publiques opéré en quelques années. Le bonus-malus écologique, introduit à la suite du Grenelle de l’environnement, incitait fortement à acheter des voitures diesel, du fait de son barème reposant sur les émissions de CO2 au km.

Une famille qui a répondu aux incitations de la politique publique au nom de la lutte contre le changement climatique se retrouve ainsi aujourd’hui avec un véhicule dont le coût d’usage augmente rapidement et dont la valeur de revente est en chute libre. On comprend son mécontentement.

Mais la raison principale de la cristallisation des mécontentements sur les carburants réside dans la grande faiblesse des mesures d’accompagnement destinées aux ménages.

Un accompagnement pas très social

Aussi souhaitable qu’elle soit, la montée en régime de la tarification carbone ne peut se faire « contre » les citoyens. Or, la fiscalité carbone sans recyclage ciblé des recettes est, par nature, anti-redistributive : elle pèse en proportion plus sur les ménages pauvres que sur les riches, et, pour les carburants, de plus en plus lourdement à mesure qu’on s’éloigne des centres villes. Ce constat implique des mesures d’accompagnement tant à court terme qu’à moyen et long terme. Commençons par les secondes.

À moyen et long terme, le seul antidote contre les impacts négatifs de la fiscalité carbone est l’accès à l’énergie décarbonée pour tous. Une panoplie d’instruments vise à favoriser ces transformations d’ordre structurel, dont les effets ne peuvent se faire sentir qu’avec du temps.

En matière d’énergie utilisée dans la maison, il s’agit principalement des crédits d’impôts, des tarifs d’achat garantis pour les énergies renouvelables, des aides de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) et des certificats d’économie d’énergie. À l’exception des aides de l’ANAH, la plus grande partie de ces mesures bénéficie en proportion plus aux ménages aisés. Elles font de l’anti-redistribution.

Les aides publiques ciblant la mobilité concernent traditionnellement les transports en commun dont les effets distributifs sont incertains : les lignes à grande vitesse bénéficient en proportion d’avantage aux cadres supérieurs et celles desservant la « France de la périphérie » profitent d’avantage aux foyers moins favorisés.

Il s’y ajoute désormais le système du bonus-malus, en principe neutre financièrement, qui bénéficie de plus en plus aux ménages aisés qui peuvent investir dans la voiture électrique. On y a récemment greffé le dispositif des primes à la reconversion des vieux véhicules, avec une modulation en faveur des ménages non imposables. Ce dernier dispositif est présenté comme redistributif. Rien n’est moins sûr. L’expérience montre que ce type de subvention fléchée sur une certaine catégorie de biens bénéficie souvent plus au vendeur qu’à l’acheteur. Ainsi, le prix des chaudières à bois a pratiquement augmenté du montant des aides quand l’État a décidé de les subventionner.

Pour une refonte du chèque énergie

À court terme, le gouvernement doit faire face à la montée des récriminations face au renchérissement des prix des carburants, bien inutilement attisée par des postures politiciennes. Mais derrière ces postures, il y a une réalité incontournable : l’indigence des mesures d’accompagnement pour les ménages à faible revenu n’ayant pas ou peu d’alternatives à la voiture individuelle pour leurs déplacements.

La bonne méthode pour y remédier consiste à transformer le chèque énergie qui devrait inclure une composante mobilité et gagnerait à être versé en monnaie, si possible en s’intégrant dans un dispositif plus global de type revenu minimum universel. Un tel tournant permettrait d’amortir la pression fiscale écologique grâce à des versements compensatoires forfaitaires et laisserait aux ménages bénéficiaires le libre choix de leurs dépenses.

Les sommes à mobiliser risquent d’apparaître comme autant de « manques à gagner » à Bercy, ce qui est une erreur de diagnostic : ce sont des investissements en capital humain, totalement justifiés sous l’angle de l’équité, et indispensables pour gagner l’adhésion des citoyens à la transition bas carbone.

Cette transition est devant nous : à la suite du contre-choc pétrolier et de la reprise pourtant modeste de l’économie, nos émissions de gaz à effet de serre ont augmenté pendant trois années consécutives (voir le graphique ci-dessous).

De l’été 2017 à septembre 2018, la remontée du cours du pétrole a été un peu supérieure à 40 % en dollars et de 38 % en euros. Prix du baril, cours officiel

Le « mieux » sur l’économie nous a éloigné de l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 adopté par notre pays. Nous avons besoin d’une fiscalité écologique ambitieuse pour rompre avec cette addiction aux fossiles qui nous conduit vers un réchauffement global bien supérieur à 2 °C.

Qui seront les premières victimes de ce réchauffement ? Les ménages aujourd’hui les plus vulnérables à la hausse du prix des énergies fossiles. Ceux-là même qui alimentent la fronde des « gilets jaunes ».

Rapport Savoy-Sarr : les œuvres d’art, otages du débat sur la colonisation ?

24 samedi Nov 2018

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The Conversation

 

  1. Erick Cakpo

    Enseignant, histoire des religions, Université de Lorraine

Déclaration d’intérêts

Erick Cakpo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.

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Université de Lorraine

 

Le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, à Paris. flickr, CC BY-SA
 

Après huit mois de consultations, l’historienne de l’art Bénédicte Savoy et l’écrivain et universitaire Felwine Sarr rendent aujourd’hui leur rapport « sur la restitution du patrimoine culturel africain » commandé par Emmanuel Macron suite aux déclarations de Ouagadougou.

Quels sont les points saillants du rapport ? Par certaines de ces préconisations, réduit-il le débat aux questions liées à la colonisation ? Comment prend-il en considération le point de vue de l’art ?

Les conclusions essentielles du rapport

En s’inscrivant uniquement dans le contexte subsaharien, les préconisations du rapport vont sans détour vers « le retour définitif et sans condition d’objets du patrimoine sur le continent africain ». Pour les auteurs, ce retour ou plutôt la restitution pure et simple des œuvres est la « voie vers l’établissement de nouveaux rapports culturels reposant sur une éthique relationnelle repensée ».

C’est donc dans un esprit d’éthique et de justice que le rapport recommande de rendre, de manière progressive, en s’adaptant « à l’état de préparation des pays africains », les objets spoliés, volés, pillés, etc. et ceux ayant fait l’objet d’un consentement forcé.

En se voulant plus explicite et précis, le rapport fixe les conditions de « restituabilité ». Ainsi doit être restitué le patrimoine extorqué en contexte militaire avant la première convention de La Haye (1899). Encore appelée Conférence internationale de la Paix, cette convention interdit, entre autres, la saisie des biens privés en contexte de guerre. Les œuvres d’art datant de la période coloniale qui se retrouvent massivement dans les collections des musées français, principalement le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, sont en grande partie concernées par la restitution.

En parallèle, les objets issus des missions scientifiques et qui, eux aussi, enrichissent les collections des musées ethnographiques, sont censés opérer un retour vers les lieux d’où ils proviennent. Les biens qui font l’objet d’un trafic avéré, notamment depuis les indépendances (1960), sont bien entendu visés par la restitution. Dans tous les cas évoqués, pour échapper aux dispositions de restitution, le détenteur doit être en mesure de prouver qu’il s’agit de biens acquis dans des conditions légales relatives au Code du patrimoine et à la Convention de 1970 établie par l’Unesco en vue d’« interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels ».

Dans le même sens, parmi les mesures les plus significatives, le rapport propose une modification majeure du code du patrimoine français afin d’introduire la possibilité de retirer des collections nationales un objet africain mal acquis lors de la période coloniale, dès lors que la demande est exprimée de manière officielle par un État. Pour rappel, les collections nationales françaises sont protégées par des dispositions d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité depuis le XVIe siècle par l’Édit de Moulins.

Objets de repentance ?

Si les pays africains concernés par la question de la restitution patrimoniale ont de quoi exprimer leur satisfecit vis-à-vis des préconisations du rapport, on voit bien certains milieux français dénoncer ce qui pourrait leur apparaître comme un aveu de repentance par rapport à la colonisation. De quoi réveiller le sempiternel et vieux débat sur la colonisation gouverné par le camp de tenants d’une réparation d’une part et celui des défenseurs d’un passé assumé de la colonisation d’autre part.

Les auteurs du rapport peuvent-ils eux-mêmes se cacher de ce débat ? Même s’ils s’en défendent en récusant toute tentation d’« enclavement identitaire » derrière la préconisation de retour des objets en Afrique, les termes de « reconnaissance », de « réparation » et de « restauration » qui apparaissent dans le rapport tendent à ramener le débat au point de départ en réinventant les mêmes enjeux coloniaux autour des œuvres d’art.

Dans cette affaire de restitution, au-delà des questions de légitimité, de justice et de droit aux Africains de disposer de leur patrimoine qu’on peut difficilement remettre en cause, c’est le sort réservé aux œuvres dans ce débat qu’il semble nécessaire d’interroger. Sont-elles prises en otage par le débat sur la colonisation ? On avait espéré que le présent rapport nous en sorte, en essentialisant quelque peu le point de vue de l’art. Mais c’est sans compter le caractère atavique du sujet.

Depuis l’histoire de la pénétration des objets africains en Occident, caractérisée par les cabinets de curiosité au XVIe siècle – ce que les Allemands appellent Wunderkammen – jusqu’aux grandes collections de l’Entre-deux-guerres, la réception de ce qu’on nomme aujourd’hui l’art africain mêle objets utilitaires et œuvres d’art. L’histoire de l’art africain en Occident se confond ainsi avec l’histoire des découvertes, de la science, de la colonisation et des musées si bien qu’elle ne peut s’écrire sans référence aux notions de conquête, de domination et de pouvoir.

Des œuvres d’art avant tout

Mais adopter uniquement ce point de vue, c’est oublier que l’histoire de l’art occidental au XXe siècle est résolument empreinte des relations avec les arts d’autres civilisations. Ce qu’on appelle le primitivisme n’est pas le simple pillage des motifs empruntés aux arts premiers. Le primitivisme a transformé un regard de curiosité exotique en regard artistique, si bien qu’il faut se garder de réduire ce qu’on a rassemblé sous le vocable « arts premiers » à une simple réserve d’accessoires.

C’est dans cette optique que l’on pourra considérer l’un des principaux objets concernés par la restitution, la statue du dieu Gou du panthéon vodoun des fon du Bénin comme une véritable œuvre d’art et non prioritairement comme un objet pillé, que cette sculpture soit toujours conservée au musée du Quai Branly-Jacques Chirac comme c’est le cas aujourd’hui ou qu’elle se retrouve dans quelques années dans le musée des palais des rois d’Abomey au Bénin.

La statue en question est un chef-d’œuvre. Fabriquée entre 1858 et 1889 par un artiste de la cour du royaume de Dahomey (ancien royaume africain situé dans le sud-ouest de l’actuel Bénin) connu sous le nom de Ekplékendo Akati, la sculpture en bois et en métal de récupération a fait l’objet d’une variété de techniques de travail du métal allant du fer forgé, laminé, martelé, clouté au rivetage du métal. À l’instar de cette sculpture, des milliers d’œuvres issues de la période coloniale requièrent une considération pleinement artistique qui ne saurait s’effacer devant l’histoire de leur provenance, même si cette dernière demeure essentielle pour leur appropriation.

La question de la restitution appelle donc un jeu d’équilibre entre la dimension artistique et historique de l’objet, quel que soit l’endroit où il se trouve. Or les aspects éthiques tendent à prendre le pas sur la dimension artistique, surtout dans le présent contexte de restitution. Le risque est de considérer les objets africains, dès lors qu’ils se retrouvent en Occident, comme le résultat systématique de spoliation, de pillage des biens culturels qui ne sont pas destinés à être des objets de monstration, reclus derrière les vitres de protection des musées – puisque c’est ainsi que sont conservés en majorité les objets concernés par la restitution.

Réinventer le sens des musées

Pour ne pas laisser cette idée s’imposer de manière définitive, il semble important aujourd’hui de réinventer le sens des musées. Ces derniers doivent cesser d’être des réservoirs d’œuvres pour devenir de véritables lieux de circulation patrimoniale. Si c’est déjà le cas, à bien des égards, il s’agit de penser le musée comme lieu de revendication de nouveaux modèles révoquant l’idée d’espace de confinement. Il correspondrait alors à l’idée des « espaces autres » imaginés par Michel Foucault selon son concept d’« hétérotopie », qui juxtapose en un lieu réel plusieurs emplacements qui semblent incompatibles.

L’idée de circulation des biens culturels présente dans les débats qui ont préludé au rapport a quelque peu été occultée par Bénédicte Savoy et Felwine Sarr. Fidèles à la ligne de retour définitif des œuvres, ils ont mis sous le boisseau la proposition de prêt temporaire entre-temps envisagée et allant dans le sens de la circulation.

Les recommandations du rapport, si elles sont prises en compte, même en partie, mettront des années à être mises en œuvre tant le problème de la restitution englobe plusieurs domaines, du juridique au politique. À cela, il faut rajouter la volonté réelle des États africains à engager des démarches pour la restitution. L’amendement du principe d’imprescriptibilité envisagé par le rapport leur laisse tout le temps.

Quelle que soit la suite donnée à ce rapport, Emmanuel Macron aura réussi à s’imposer comme celui qui aura fait avancer cette question. Mais on retiendra surtout qu’il s’agit d’un acte qui s’appuie sur les objets d’art pour servir une cause politique.

Affaire Carlos Ghosn : quand les marchés sanctionnent la toute-puissance du dirigeant

23 vendredi Nov 2018

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The Conversation

  1. Gunther Capelle-Blancard

    Professeur d’économie (Centre d’Economie de la Sorbonne et Paris School of Business), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

  2. Thomas Renault

    Maître de Conférences – Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

Dans les minutes qui ont suivi l’annonce de l’arrestation du dirigeant, le cours de l’action Renault à la bourse de Paris s’écroulait. Frederic Legrand – COMEO / Shutterstock

Cet article a été co-écrit par Adrien Desroziers, étudiant en master 2 à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.


Lundi 20 novembre, peu après l’ouverture de la bourse de Paris, le quotidien nippon Asahi Shimbun révélait que Carlos Ghosn était sur le point d’être arrêté à la descente de son jet privé. Le PDG « star » de l’alliance automobile Renault-Nissan-Mitsubishi Motors est soupçonné par le parquet de Tokyo d’avoir dissimulé une grande partie de ses revenus au fisc. En outre, selon plusieurs médias japonais, une filiale du groupe aurait financé l’achat de plusieurs résidences luxueuses aux quatre coins du monde. Tout est parti d’une enquête interne ouverte par les révélations d’un lanceur d’alerte, et remis à la justice japonaise.

Dans les minutes qui ont suivi l’annonce, le cours de l’action Renault à la bourse de Paris s’écroulait, passant de 65 à 56 euros, avant de se stabiliser autour de 59 euros. Au total, sur la journée, l’action Renault a perdu 8,43 %, soit plus de 1,5 milliard d’euros de capitalisation boursière volatilisé dans la journée. Le lendemain à Tokyo, dès l’ouverture du marché, les actions Nissan et Mitsubishi Motors ont perdu à leur tour 6 %.

Une telle annonce est évidemment une mauvaise nouvelle pour les entreprises concernées, mais comment expliquer que les pertes se mesurent en milliards ? Faut-il dès lors craindre pour les entreprises et leurs centaines de milliers salariés ?

Incertitude

On peut s’étonner de la violence de la réaction des marchés dans le cas de Renault puisque, en général, les marchés se soucient assez peu du sort des dirigeants, aussi emblématiques soient-ils. Les changements d’équipe sont, au fond, assez fréquents. Les investisseurs ne font guère dans le sentimental, même lorsque les changements à la tête des entreprises se font dans des circonstances aussi soudaines et brutales. Par exemple, en cas de décès du PDG, les marchés ont tendance à réagir… positivement (voir à ce sujet l’étude de Quigley, Crossland et Campbell, 2017) ! L’action Total avait ainsi gagné 3 % le jour de l’annonce de la mort accidentelle de Christophe de Margerie.

Une de l’édition du 20 novembre 2018 du quotidien Libération.

Dans le cas de Carlos Ghosn, les médias se sont quasiment tous focalisés sur sa personnalité. Les titres de presse sont à cet égard symptomatiques : on y parle de la « chute du roi soleil », on vante son « génie », on rappelle qu’il est (soi-disant) « adulé » au Japon, etc. Mais tout cela relève surtout du storytelling. La première raison à la brutale réaction des marchés tient en fait davantage à la phase de grande incertitude qui s’ouvre pour le groupe, d’autant plus que l’équipe en place envisageait depuis plusieurs mois de procéder à une consolidation de l’alliance entre les trois entreprises.

Risque réputationnel

Deuxième raison qui explique la chute de l’action : les investisseurs redoutent l’ouverture d’une enquête et une potentielle amende en cas de manquement ou d’erreur dans les processus de contrôle de l’entreprise. Plus que le montant lui-même de l’amende (il est peu probable qu’elle atteigne le milliard dans la mesure où l’activité de l’entreprise n’est pas directement concernée), ils craignent surtout une perte liée au risque réputationnel pour l’entreprise.

Plusieurs études académiques ont cherché à mesurer le coût de ce risque réputationnel en comparant, sur de nombreuses expériences passées, la baisse de la valeur boursière des entreprises dont le dirigeant était accusé de fraudes, et le montant des amendes augmentées de tous les frais juridiques associés. Jonathan Karpoff, de l’université de Washington, a notamment travaillé longuement sur ces questions. Avec ses coauteurs, il a examiné de nombreux cas de fraudes, de toutes sortes, impliquant les dirigeants. En moyenne, ces fraudes se traduisent par une perte de valeur pour l’entreprise de 5 % à 10 %, voire jusqu’à 25 % s’il s’agit de manipulations comptables. Mais pas plus d’un dixième de ces pertes ne s’expliquent par l’anticipation du coût futur de l’amende et des frais judiciaires.

La gouvernance en question

Le problème, du point de vue des marchés, n’est donc pas tant l’incarcération de Carlos Ghosn, ni le montant d’éventuelles amendes. Le problème tient surtout à ce que cette affaire traduit de la gouvernance du groupe. Alors que l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi Motors, premier constructeur mondial, était jusque-là vu comme un immense succès, Hiroto Saikawa, le patron de Nissan, dénonce désormais « le côté obscur de l’ère Ghosn », considérant que « c’est un problème que tant d’autorité ait été accordée à une seule personne ». Les débats sur la toute-puissance de Carlos Ghosn ne remontent pas à hier. Mais jusque-là, ils se limitaient au montant de ses rémunérations, régulièrement critiqué et suscitant, en leur temps, la réprobation de Naoto Kan, ancien Premier japonais, ou d’Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie et des Finances.

Un dirigeant auréolé de succès qui finit par confondre ses intérêts et ceux de l’entreprise dont les actionnaires lui ont confié les rênes, est-ce au fond si surprenant ? Malheureusement non. Dans un groupe bien structuré, avec une gouvernance efficace, il ne devrait pas y avoir une dépendance si forte à une personne. Les recherches en économie, gestion et en psychologie sociale ne cessent de mettre en garde contre l’enracinement des dirigeants, l’opportunisme managérial et la personnalisation du pouvoir : un article publié dans le Journal of Business Ethics montre notamment que, plus les dirigeants sont narcissiques, plus la probabilité de fraude est importante. À l’évidence, les conseils d’administration peinent à jouer leur rôle de contre-pouvoir. Rappelons par exemple qu’en 2015, les administrateurs de Renault ont avalisé le salaire de Carlos Ghosn, alors que les actionnaires avaient exprimé un avis contraire en assemblé générale quelques jours plus tôt !

Extinction Rebellion : « Pourquoi je m’engage dans l’action non violente contre le changement climatique »

22 jeudi Nov 2018

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The Conversation

  1. Rupert Read

    Reader in Philosophy, University of East Anglia

University of East Anglia

Le 31 octobre, plusieurs centaines de personnes se sont regroupées à Londres devant le Parlement, brandissant un sablier enfermé dans un rond. Le rond symbolise notre planète et le sablier, le compte à rebours de l’extinction. Kay Michael/Flickr, Author provided

Le dérèglement climatique a affecté l’humanité de 467 façons différentes depuis 1980. C’est le bilan glaçant que dresse une vaste étude publiée dans Nature Climate Change ce lundi 19 novembre. Santé, alimentation, économie, infrastructures, sécurité, accès à l’eau et aux services basiques… Ces manifestations touchent toutes les dimensions de nos vies, et s’intensifieront si les émissions de gaz à effet de serre ne chutent pas d’ici la fin du siècle.

Face à l’urgence climatique, de nouvelles formes de mobilisation émergent. Lancé au Royaume-Uni fin octobre par des activistes anglais, Extinction Rebellion (XR) revendique une vocation internationale et annonce compter déjà 500 personnes formées à l’action non violente et prêtes à aller en prison. Son appel a reçu la signature d’une centaine d’universitaires. Rupert Read, enseignant britannique en philosophie, a rejoint le mouvement. Il nous explique pourquoi.


Vous ne connaissez pas « Extinction Rebellion » ? Le texte qui suit est pour vous et parions que, bientôt, plus personne n’ignorera ce nom. Ce mouvement, fondé sur la non-violence, entend défier l’inaction face au changement climatique et l’extinction massive d’espèces qui menace à terme notre propre survie.

Criminels du climat

Le samedi 17 novembre 2018 a ainsi été déclaré « Jour de rébellion » : des personnes opposées à ce qu’elles estiment être un gouvernement de « criminels du climat » ont décidé de réunir suffisamment de manifestants pour fermer certaines zones de la capitale britannique, en bloquant le trafic routier en divers points stratégiques.

J’enseigne la philosophie à l’université de East Anglia et je me suis lancé tout entier dans ce mouvement. Notre objectif à long terme est de créer un contexte dans lequel le gouvernement ne pourra plus ignorer la détermination d’un nombre croissant de personnes pour détourner le monde de la catastrophe climatique. Et, qui sait, le gouvernement pourrait bien se trouver contraint de négocier avec les rebelles.

En tant que vétéran de l’action directe et universitaire cherchant à comprendre ces mouvements, j’ai beaucoup réfléchi à Extinction Rébellion, l’héritage dans lequel il s’inscrit et sa nouveauté.

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Extinction Rebellion@ExtinctionR

.@sajidjavid @theresa_may @SadiqKhan

This is the #traffic chaos caused by just 100 #swarming people who don’t fear arrest, because they fear #ClimateBreakdown more.

We are calling on the @GOVUK to declare a state of #ClimateEmergency!https://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/climate-change-protest-london-tower-bridge-lambeth-global-warming-extinction-rebellion-a8644166.html …

Image: #XRMedia

182

1:55 PM – Nov 21, 2018

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Un risque certain

Cette mobilisation s’enracine dans des traditions de longue date, parmi lesquelles le mouvement radical pour le désarmement nucléaire. Les fondateurs d’XR ont étudié avec attention les précédents en matière d’action non violente, afin d’identifier ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.

Ils ont, par exemple, remarqué qu’un petit pourcentage de la population engagé activement suffit parfois à faire triompher le changement radical, à condition de défendre une cause vertueuse, susceptible de recevoir le soutien tacite d’une part bien plus large de la population.

Extinction Rebellion se distingue aussi par rapport à ses prédecesseurs. Certes, le mouvement pour le désarmement nucléaire concernait notre propre existence, mais la dévastation nucléaire n’était, et ne reste, qu’un risque. L’objectif d’Extinction Rebellion est de prévenir une dévastation de notre monde qui est certaine et risque de survenir rapidement, à moins que nous réussissions à changer radicalement le cours des choses.

Les activistes environnementaux comparent souvent leur lutte à certaines victoires passées. Mais selon moi, les parallèles établis – avec l’indépendance indienne, le mouvement des droits civiques ou la campagne pour le suffrage universel, par exemple – sont excessivement optimistes, voire naïfs. Ces mobilisations historiques concernaient souvent des classes opprimées, se soulevant pour s’émanciper afin d’accéder à ce que les classes privilégiées possédaient déjà.

Transformer nos modes de vie

Tous ces objectifs se dressent contre des intérêts profondément ancrés et exigent aussi un effort considérable des citoyens ordinaires, particulièrement dans les pays « développés »comme le Royaume-Uni ou la France. Cela rend la tâche particulièrement ardue… et les chances de succès du mouvement très minces. Mais cela ne conteste en rien la légitimité de la démarche qui apparaît, bien au contraire, comme notre dernière chance.

La police arrête une manifestante pendant une manifestation contre le changement climatique devant Downing Street à Londres, le 14 novembre 2018.Andy Rain/EPA

C’est pour toutes ces raisons que je me suis assis sur une route bloquant l’entrée de Parliament Square, le 31 octobre dernier, lorsque Extinction Rebellion a été lancé – et pourquoi j’étais à nouveau « sur les barricades », le samedi 17 novembre. En temps que quaker – ce mouvement religieux fondé au XVIIe siècle par des dissidents de l’Église anglicane – j’affectionne les premiers mots du célèbre hymne shaker – branche du protestantisme issu des Quakers : « C’est le cadeau d’être simple ». Que signifie vivre simplement aujourd’hui ? Cela implique de mettre tout en œuvre pour permettre aux autres – et avant tout nos enfants et petits-enfants – de pouvoir vivre. Il ne suffit pas de mener une vie volontairement sobre.

Nous devons nous engager dans une action directe et pacifique dans le but de stopper la méga-machine d’un capitalisme d’entreprise obsédé par la croissance qui détruit notre avenir commun. À mes yeux, il est clair qu’une rébellion pacifique s’impose dès à présent, afin d’empêcher la dévastation ou l’extinction de notre espèce – et de nombreuses autres.

La seconde phrase de l’hymne shaker dit : « C’est le cadeau d’être libre ». Se libérer aujourd’hui signifie s’émanciper de toutes les lois qui condamnent nos enfants à vivre un enfer. Prendre soin de ses enfants exige de prendre soin par avance des leurs. Cette logique se multiplie indéfiniment : nous ne veillons pas correctement sur une génération si la suivante est sacrifiée.

De même que les mammifères ont pour vocation première de veiller sur leur descendance, il est logique que nous résistions et nous rebellions contre ce qui menace purement et simplement le futur des prochaines générations, indépendamment de ce que nos lois pitoyablement inadaptées nous dictent.

Dernière chance

Ce n’est pas la première fois que je ressens la nécessité de m’engager dans une désobéissance civile par objection de conscience : j’ai lutté à Faslane et à Aldermaston contre les armes nucléaires, et avec EarthFirst pour défendre les forêts de séquoias menacées de destruction dans le Pacifique nord-ouest des États-unis.

Mais de toutes, le mouvement Extinction Rebellion me paraît la cause la plus convaincante. Car à moins que nous réussissions l’impossible, ou presque, il n’y aura plus, dans quelques décennies, aucune cause à défendre. Oui, le tableau est à ce point sombre mais ne doit pas empêcher de passer à l’action.

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