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Archives Journalières: 11/12/2018

Débat : La foule n’est pas le peuple

11 mardi Déc 2018

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

  1. Olivier Costa

    Directeur de recherche au CNRS / Directeur des Etudes politiques au Collège d’Europe –, Sciences Po Bordeaux

Région Nouvelle-Aquitaine

 

Sur les Champs-Elysées, le 8 décembre 2018. Lucas Barioulet / AFP

On a entendu, depuis un mois, beaucoup d’approximations sur ce que la démocratie est censée être, du côté des gilets jaunes et des responsables politiques qui entendent récupérer leur mouvement, mais aussi du côté de certains journalistes et chroniqueurs.

Au nom du peuple…

Certains affirment à satiété depuis un mois que « les gilets jaunes sont le peuple ». C’est un raccourci problématique à plusieurs égards. Dans un système démocratique, « le peuple », c’est la communauté formée par l’ensemble des citoyens. C’est une abstraction, un idéal qui permet de penser le vivre en commun.

Il reste à savoir ce que veut le peuple. Par convention, on peut s’en approcher par le suffrage universel. Aux présidentielles de 2017, rappelons que 37 millions de citoyens se sont rendus aux urnes. On peut insister sur l’importance de l’abstention et du vote blanc et nul, mais 37 millions, cela reste 100 fois plus que les plus importantes mobilisations de gilets jaunes.

La règle majoritaire est une approximation de ce que « veut » le peuple. En France, pour certaines élections du moins, notamment pour les présidentielles, le mode de scrutin veille à ce qu’une majorité se dégage. Au second tour, on contraint les électeurs à choisir entre deux candidats seulement, de sorte que le vainqueur puisse clamer avoir été élu par une majorité. C’est là encore une illusion, mais les électeurs jouent habituellement le jeu. Ainsi, ils confirment toujours le résultat de l’élection lors des élections législatives, car ils savent que – en France du moins – l’existence d’une majorité claire est indispensable au bon fonctionnement des institutions et à la conduite de l’action publique.

Certes, cette majorité est un peu artificielle, et Emmanuel Macron a sans doute perdu de vue qu’il a été élu par de nombreux citoyens qui entendaient, avant tout, s’opposer à Marine Le Pen. En outre, la démocratie ne s’épuise pas dans le vote, et la majorité ne peut pas tout imposer. Les citoyens doivent pouvoir s’exprimer entre deux élections. C’est la raison pour laquelle la démocratie garantit le droit de s’exprimer, de s’engager dans un parti, un syndicat ou une association, de manifester, de faire grève, de signer une pétition. Par ailleurs, les droits des minorités doivent être défendus par la Constitution et le droit, et par les autorités.

Distinguer les revendications légitimes

En France, la démocratie reste largement fondée sur la représentation. Les mécanismes de démocratie participative jouent un rôle modeste, les corps intermédiaires sont traditionnellement considérés avec suspicion, les juges ont une influence relativement modeste, et les élus ont une grande autonomie d’action. En effet, les députés ne sont pas censés représenter leurs électeurs, mais la Nation, et le Président jouit d’importantes prérogatives, dans une approche de sa fonction très gaullienne, voire bonapartiste.

La crise des gilets jaunes est sans doute l’occasion de repenser tout cela, et de donner plus de poids à des mécanismes de démocratie participative et délibérative. Elle est aussi une salutaire mise en garde pour les gouvernants qui ont trop fait abstraction de la manière dont certaines mesures ont été perçues par la population. Réforme de l’ISF, baisse des APL, hausse de la CSG pour les retraités, limitation à 80 km/h ou fiscalité sur le gazole sont autant de décisions qui ont suscité de fortes récriminations qui n’ont pas été entendues, au nom de l’idée que le Président avait un mandat clair et un projet pour la France, et qu’il devait garder le cap.

Il n’en reste pas moins qu’une minorité, même très mobilisée, même bénéficiant d’un soutien de l’opinion publique, ne peut pas se substituer à la majorité et effacer les résultats des élections. Les gilets jaunes sont un mouvement d’ampleur, mais on n’a jamais eu plus de 300 000 personnes dans la rue. La foule n’est pas le peuple et 300 000 personnes ne peuvent pas décider pour le peuple.

Que faire, en effet, si 300 000 personnes défilent pour demander l’interdiction de la chasse, et si la semaine d’après 300 000 défilent pour demander son maintien ? Quand les opposants au mariage pour tous ont défilé en masse, et durablement, le gouvernement aurait-il dû retirer sa loi ? Comment distinguer les revendications légitimes, qui doivent être prises en compte, des autres ?

Dans le cas du mouvement des gilets jaunes, le gouvernement aurait dû comprendre plus tôt qu’il était l’expression d’un fort mécontentement chez une partie substantielle du corps électoral. Les premières réactions – ou l’absence de réaction – n’ont fait que mettre de l’huile sur le feu et cultiver chez les citoyens mobilisés l’idée qu’ils étaient déconsidérés.

Il n’en reste pas moins que, dans une démocratie représentative, on ne peut laisser la rue gouverner, sinon toute réforme – qui fait généralement des gagnants qui s’ignorent et des perdants qui se mobilisent – serait exclue.

La logique du « tout ou rien »

En outre, comment intégrer la violence à cette équation ? Une manifestation violente est-elle plus ou moins légitime qu’une manifestation pacifique ? Certains estiment que la violence est un indice du degré de mécontentement des manifestants (de « désespoir », diraient ceux qui les soutiennent) et que le gouvernement doit être plus à l’écoute en cas de débordements. Mais, une fois encore, peut-on gouverner un pays ainsi ?

Ce qui caractérise le mouvement des gilets jaunes depuis le premier jour, c’est la méconnaissance des règles habituelles de la mobilisation, qui doit opérer à travers un ensemble d’outils démocratiques et pacifiques : pétitions, tribunes dans la presse, manifestations (déclarées et encadrées), contacts avec les élus, grèves…

Le mouvement avait trouvé, avec le gilet jaune, un marqueur de mobilisation très astucieux : chaque automobiliste français était équipé de cet accessoire visible, facile à porter ou à mettre en évidence sur son tableau de bord. Mais les initiateurs du mouvement ont choisi d’emblée d’opter pour des formes d’action illégales : manifestations non déclarées en préfecture et dépourvues de responsable et de service d’ordre, blocages de routes et de commerces, violences envers les automobilistes récalcitrants et les forces de l’ordre, dégradations et incendies volontaires…

Près de Marseille, le 9 décembre. Sylvain Thomas/AFP

Ils ont en outre, par principe, refusé de rencontrer les représentants de l’État et cherché à imposer leurs revendications de manière unilatérale, dans une logique du « tout ou rien ». Si n’importe quelle organisation – mouvement politique, syndicat, association, collectif – s’était rendue coupable du dixième des exactions commises par le mouvement des gilets jaunes, elle aurait sans doute été rapidement dissoute.

En l’espèce, l’impunité règne, car le mouvement n’a pas de structure et de représentants officiels : chacun peut s’improviser porte-parole des gilets jaunes auprès de médias très complaisants, sans endosser la moindre responsabilité, ou se livrer à une surenchère sur les réseaux sociaux.

La question de la violence, nœud du conflit

Certains commentateurs relativisent cette violence structurelle. Ils opposent la violence du gouvernement, qui étrangle de taxes les classes laborieuses et fait montre d’arrogance, et celle des manifestants. Ils comparent les débordements des gilets jaunes à ceux des supporters de foot les soirs de victoire ou à ceux du Nouvel An. Ils renvoient dos à dos casseurs et forces de l’ordre. Le citoyen qui se promène aujourd’hui dans les rues désolées de Paris, Bordeaux, Saint-Étienne ou Toulouse, entre carcasses de voitures brûlées, barricades et devantures de magasins défoncées, pourra difficilement considérer que ce ne sont que les inévitables effets collatéraux d’un mouvement fondamentalement non violent.

La question de la violence est le nœud de ce conflit. Elle en constitue alternativement la légitimité (« Il faut prendre en compte les revendications de ces gens en colère ») et l’illégitimité (« On ne cède pas aux casseurs et aux factieux »). Car, sitôt que le pouvoir accède à des revendications exprimées avec violence – et le gouvernement n’a eu d’autre choix que de le faire, pour que la pression retombe –, on encourage d’autres groupes sociaux à adopter des comportements inciviques et délictueux.

Pourquoi faire grève des semaines durant ou se réunir pacifiquement – à la manière du mouvement Nuit debout – pendant des mois sans rien obtenir si, en mettant à sac les Champs-Élysées ou en incendiant une préfecture, l’on provoque un recul immédiat du gouvernement ? La manière dont certains lycéens se sont récemment « mobilisés » – en brûlant des voitures et en s’équipant pour en découdre avec les forces de l’ordre – montre que le recul face à la violence crée des effets de contagion difficilement contrôlables.

Les sondages, un outil à manier avec prudence

Les partisans des gilets jaunes argueront que le gouvernement n’a pas cédé à la violence, mais à l’opinion publique. Que les sondages établissent que les citoyens ont pris fait et cause pour les gilets jaunes, contre le Président. Mais qu’en est-il réellement ? D’abord, que veut dire « soutien aux gilets jaunes » ? On ne reviendra pas ici sur l’inanité de certains sondages. Interroger les gens sur leur comportement passés ou futurs (« pour qui avez-vous/allez-vous voter ? » ou sur leurs préférences « quelle est votre sensibilité politique ? ») a du sens, mais interroger les gens sur des questions vagues ou très complexes, donne des résultats qui doivent être considérés avec prudence.

Éprouver une forme de sympathie pour des citoyens qui protestent contre la hausse des taxes, réclament plus de pouvoir d’achat et de services publics, s’élèvent contre des réformes impopulaires, et dénoncent le mépris des élites, ne revient pas à valider l’ensemble de leurs revendications ou à souscrire à un changement de pouvoir ou de régime.

On rappellera alors que 80 % des Français désapprouvent l’action du Président. Mais qui peut se dire satisfait de son action alors que la France vit une situation insurrectionnelle, que les citoyens sont empêchés de circuler à leur guise ou de travailler, que les chaînes de télévision passent en boucle des images de guérilla urbaine ? Le citoyen de bonne foi ne peut que constater que le Président s’y prend mal pour gouverner le pays.

Pour autant, est-ce que les 80 % de sondés seraient prêts à porter Jacline Mouraud ou Éric Drouet au pouvoir, ou l’un des leaders de l’opposition ? Jean‑Luc Mélenchon, Marine Le Pen, Laurent Wauquiez et Olivier Faure soufflent sur les braises depuis le début du mouvement, en espérant tirer leur épingle du jeu et rejouer la présidentielle, mais les citoyens ne sont pas dupes : les sondages les plus récents montrent qu’aucun ne tire bénéfice du mouvement et ne constitue une alternative politique crédible.

Une vaste majorité attachée aux institutions et à la paix sociale

Nul ne sait où va ce mouvement. La mobilisation est numériquement en baisse, mais les plus radicaux pensent leur heure venue et ne vont sans doute pas relâcher la pression. Les échauffourées ne sont plus le fait de gilets jaunes, mais d’extrémistes, de casseurs et d’opportunistes.

Les chercheurs en sciences sociales n’aiment pas faire de prédictions : ils sont scientifiquement mal équipés pour cela et préfèrent plus prudemment « prédire le passé », en analysant le déroulement d’événements dont on connaît l’issue. On peut néanmoins penser que, à ce stade du mouvement, l’opinion publique va se retourner.

L’émotion passée, les citoyens français, dont la vaste majorité est attachée aux institutions, à l’ordre public et à la paix sociale, s’entendront sans doute pour considérer qu’une insurrection hebdomadaire n’est pas le moyen le plus sûr d’améliorer le sort des Français, et que le coup de semonce à l’endroit du gouvernement était suffisant. Désormais, rares sont les personnalités et les acteurs de la société civile qui affichent leur soutien à un mouvement marqué par une ligne politique confuse, par sa fascination pour la violence et par son refus de la négociation.

Les Français ont, dans un premier temps, largement approuvé les gilets jaunes parce qu’ils partageaient leurs revendications, étaient déçus par le gouvernement ou manifestaient une certaine sympathie pour un mouvement inédit. Certains étaient sans doute aussi mus par une forme de suivisme, de culpabilité de classe, de griserie médiatique ou de romantisme révolutionnaire. D’autres refusaient d’afficher leur soutien à un gouvernement sourd aux revendications, et désapprouvaient le discours de ceux qui affichaient leur mépris pour cette mobilisation populaire ou dénonçaient un peu rapidement la « peste brune ».

Au péage de La Barque, près de Marseille, le 9 décembre. Sylvain Thomas/AFP

On rappellera aussi que le mouvement des gilets jaunes n’a, initialement, guère laissé le choix au quidam. Face à un barrage, il était contraint, plus ou moins aimablement, d’enfiler son gilet jaune, de prêter allégeance à la cause, d’y contribuer éventuellement par une obole, afin de pouvoir aller travailler ou conduire ses enfants à l’école. Nombreux étaient les automobilistes qui arboraient un gilet jaune dans leur véhicule, « au cas où ».

« Ce qui n’était encore que le sentiment d’une partie de la nation parut ainsi l’opinion de tous… »

Face à ces pressions, face à la quasi-unanimité des responsables politiques, des commentateurs et des leaders d’opinion, il semblait difficile pour le citoyen de faire part de ses doutes. Mais, sauf à penser que l’électorat modéré, qui a dominé les élections l’an passé, s’est subitement volatilisé ou a radicalement changé d’orientation politique, on peut faire l’hypothèse qu’une partie des citoyens a dissimulé ses préférences.

Il y a près de deux siècles, Tocqueville avait révélé les falsifications auxquelles pouvaient conduire certaines contraintes, en prenant l’exemple du sentiment religieux durant la Révolution française. Selon lui, les pressions qui s’exerçaient sur les croyants, qui jugeaient malvenu d’exprimer leur attachement au christianisme, avaient fait apparaître l’opinion publique comme antireligieuse, alors qu’elle ne l’était pas.

Ce phénomène s’entretenait de lui-même, la faiblesse supposée du nombre des croyants au sein de la société française les incitant à continuer de taire leurs convictions :

« Ceux qui niaient le christianisme élevant la voix et ceux qui croyaient encore faisant silence, il arriva ce qui s’est vu si souvent depuis parmi nous, non seulement en fait de religion, mais en tout autre matière. […] Ce qui n’était encore que le sentiment d’une partie de la nation parut ainsi l’opinion de tous, et sembla dès lors irrésistible aux yeux mêmes de ceux qui lui donnaient cette fausse apparence. » (De la démocratie en Amérique. Laffont, p. 1045)

La Déclaration universelle a 70 ans : quels défis pour les Nations unies ?

11 mardi Déc 2018

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The Conversation

  1. Olivier de Frouville

    Professeur de droit public (Paris-Assas), Institut Universitaire de France (IUF)

Institut Universitaire de France

 

Vue sur le Palais de Chaillot, à Paris, en septembre 1948, où q’est tenue l’Assemblée des Nations unies à l’issue de laquelle la Déclaration sera signée (le 10 décembre 1948). AFP

70 années après l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’Homme (DUDH), nous n’avons pas que des raisons de nous lamenter, loin de là. Il faut prendre la mesure du chemin parcouru. Avant 1945 et la Charte des Nations unies, les droits de l’Homme n’existaient tout simplement pas en droit international. L’individu n’était qu’un « objet » du droit international et les États n’avaient pas, sauf dans quelques cas particuliers, à se justifier du traitement qu’ils réservaient à leurs nationaux : leur souveraineté équivalait à un droit de vie et de mort sur leurs citoyens.

Depuis, s’est développé sur le socle de la Déclaration un système complet et cohérent de normes, largement acceptées par les États, ce que l’on appelle souvent le « droit international des droits de l’Homme » : neuf conventions fondamentales à l’ONU, dont les deux « pactes » sur les droits civils et politiques et les droits économiques sociaux et culturels, et sept autres traités qui déclinent les obligations des États s’agissant de certaines violations (torture, disparitions forcées, discriminations raciales et à l’égard des femmes…) ou pour certaines catégories de personnes (enfants, handicapés, travailleurs migrants) ; des conventions régionales comme la Convention européenne des droits de l’Homme ; et une multitude d’autres textes, conventionnels ou non.

Une base juridique pour agir

Ce qui est frappant, lorsqu’on regarde cet ensemble, c’est sa cohérence : tous ces textes se fondent sur les mêmes principes, ceux qui sont affirmés dans la DUDH. Dire aujourd’hui que les droits humains ne seraient pas universellement acceptés en droit international n’a pas de sens : le processus d’universalisation juridique a eu lieu ces 70 dernières années et plus aucun Etat ne le conteste sérieusement.

Certes, les normes ne suffisent pas à mettre un terme à toutes les violations des droits de l’Homme, mais elles donnent à chacun une base juridique pour agir et s’y opposer. Et il n’y a pas que les normes, il y a aussi les mécanismes d’application. Depuis 1948 s’est mis en place progressivement un dispositif foisonnant de procédures et d’organes qui opèrent une surveillance continue de la situation des droits de l’Homme dans tous les pays. Dix comités des Nations unies sont ainsi les « gardiens » des conventions fondamentales, tandis qu’un ensemble de « procédures spéciales » – rapporteurs spéciaux, experts indépendants et groupes de travail – réagissent au quotidien aux violations des droits de l’Homme et effectuent des visites dans les pays à l’issue desquelles ils rendent des rapports publics.

Une série de commissions d’enquête internationales ont également été créées de manière plus ponctuelle ces dernières années, pour documenter les violations et les crimes commis en Syrie, au Burundi, au Yémen, au Myanmar ou dans les territoires occupés par Israël… Sur le plan régional, des juridictions ont été mises en place : la Cour européenne, bien sûr, mais aussi la Cour interaméricaine et la Cour africaine des droits de l’Homme. On en arrive à atteindre en pratique ce que Kant formulait, en 1795, comme un idéal : que toute violation commise en un seul lieu soit ressentie partout ailleurs.

Là encore, ce qui frappe dans cette architecture, c’est sa cohérence : tous ces experts et ces juges appliquent les mêmes normes et, si l’on met à part quelques cas isolés, en adoptent la même interprétation. Par cette application patiente aux cas d’espèce, aux situations spécifiques à chaque pays, à chaque contexte, ils contribuent à faire que les droits de l’Homme, universels dans leurs principes et sur le plan juridique, deviennent un universel concret pour tous les citoyens du monde.

Mais si le chemin parcouru depuis 70 ans est impressionnant, les défis ne manquent pas pour autant.

Le défi intellectuel

Le premier défi est intellectuel : on assiste à une résurgence des courants d’idées hostiles aux droits de l’Homme et, plus largement, à ce qui les fonde, à savoir les principes issus de la philosophie des Lumières. Les droits de l’Homme sont accusés par certains d’être complices du néolibéralisme économique, ou encore d’être le masque de l’impérialisme de certaines grandes puissances.

Pour d’autres, les droits de l’Homme seraient « contre le peuple », parce qu’ils défendraient uniquement les minorités contre la majorité ou donneraient le pouvoir à des « experts » dépourvus de toute légitimité démocratique. D’autres cercles encore reprochent aux droits de l’Homme de déformer la « nature » supposée de l’être humain, en portant atteinte à certaines structures anthropologiques telles que la famille.

A l’intérieur du Palais de Chaillot, le 22 septembre 1948. AFP

Dans toutes ces attaques, on distingue souvent l’ignorance ou la déformation consciente de ce que sont les droits de l’Homme en tant que normes juridiques : ceux qui formulent ces critiques ont rarement lu un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme.

Or si ces courants de pensée anti-Lumières étaient devenus minoritaires après la Seconde Guerre mondiale, ils trouvent aujourd’hui un écho nouveau au sein des opinions publiques : des politiciens sans scrupule les utilisent pour donner une réponse à un sentiment d’injustice légitime au sein des sociétés. Désormais, les défenseurs de la démocratie et des droits de l’Homme ne peuvent plus se contenter d’ignorer ces critiques mais doivent les affronter et déconstruire ces discours pour montrer qu’ils donnent de mauvaises réponses à ce qui sont souvent de vraies questions.

Le défi institutionnel

Un autre défi est institutionnel et concerne plus particulièrement le système des Nations unies : on l’a dit, les mécanismes de protection des droits de l’Homme sont aujourd’hui nombreux et jouent un rôle indispensable. Mais leur multiplication a rendu le système peu lisible et a compliqué son utilisation par les simples citoyens, tandis que le manque de moyens freine son efficacité pratique.

Plusieurs réflexions sont actuellement en cours afin de le perfectionner. En 2020, l’Assemblée générale est ainsi appelée à favoriser la rénovation de la procédure essentielle de présentation de rapports périodiques par les États devant les comités des Nations unies, par la mise en place d’un calendrier global et coordonné.

Mais au-delà, c’est surtout la fonction d’examen des plaintes individuelles qui doit être améliorée, par la création, au-dessus des comités compétents, d’une Cour des droits de l’Homme des Nations unies, qui assurerait l’unité d’interprétation des normes et raffermirait l’autorité de cette jurisprudence, en coordination avec les autres cours régionales et avec la Cour internationale de Justice.

Le défi normatif

Enfin, le dernier défi est normatif car si le droit international des droits de l’Homme est particulièrement concret et cohérent, il doit faire face à des questions inédites. Les nouvelles technologies, en particulier, bouleversent notre rapport à la liberté et à la dignité.

La surveillance de masse, par exemple, engendre une nouvelle échelle dans les atteintes à la vie privée et il n’est pas certain que les normes existantes permettent d’y faire face. La capacité prédictive de la science, de même, met en jeu le principe d’autonomie : si la science peut toujours prévoir ce que nous serons, quelle place nous reste-t-il pour exister ?

Un autre enjeu majeur se situe dans la dégradation de notre environnement et dans le changement climatique : alors même que les droits de l’Homme sont construits sur la base d’une philosophie anthropocentrique, ne devons-nous pas aujourd’hui repenser notre rapport à la Nature (et non plus seulement à l’environnement humain) ? Le défi est de réaffirmer les principes de la modernité politique, tout en faisant droit à la Nature, voire en reconnaissant ses droits propres.

Ces défis sont importants : n’attendons pas le 80ème anniversaire de la Déclaration pour les relever !

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