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Archives Mensuelles: octobre 2019

Barbara Cassin : « Le discours a le pouvoir de fabriquer du réel »

31 jeudi Oct 2019

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The Conversation

 

  1. Benoît Tonson

    Éditeur Science + Technologie, chef de rubrique « Junior », The Conversation France

  2. Sonia Zannad

    Chef de rubrique Culture, social media manager, The Conversation France

 

CC BY ND

Barbara Cassin entre à l’Académie. AFP/ François Guillot
 

Neuvième femme admise à l’Académie française, la philosophe et philologue a fait son entrée sous la Coupole le jeudi 17 octobre 2019. Dans cet entretien vidéo, elle souligne le pouvoir du langage performatif, et établit un parallèle entre le dispositif de parole adopté par la commission Vérité et réconciliation – créée en 1995 en Afrique du Sud afin de sortir de l’apartheid – et le discours des sophistes.

Léonard de Vinci, ou l’histoire d’un autodidacte de génie

30 mercredi Oct 2019

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The Conversation

  1. Fernanda Arreola

    Professor of Entrepreneurship & Innovation @ EMLV, Pôle Léonard de Vinci – UGEI

InterviewéPascal BROUAYE

Directeur Général du Pôle Léonard de Vinci, Pôle Léonard de Vinci – UGEI

Pôle Léonard de Vinci

Union des Grandes Ecoles Indépendantes (UGEI)

CC BY ND

Leonardo da Vinci, Saint John the Baptist. Wikipedia, CC BY
 

« L’apprentissage est la seule chose que l’esprit n’épuise jamais, ne craint jamais et ne regrette jamais. » (Léonard de Vinci)

Léonard de Vinci fut un homme aux multiples facettes, aux convictions profondes, à la pensée complexe. À l’occasion des 500 ans de sa disparition, examinons l’héritage exceptionnel de celui qui fut l’un des derniers grands penseurs de l’humanité, doté d’une étonnante approche transversale ; le propre d’un génie. Son impact sur la société a été bien au-delà de ce que les œuvres comme Mona Lisa et la Cène peuvent laisser penser. Léonard de Vinci a incarné une autre façon d’apprendre et de comprendre, celle d’un autodidacte exceptionnel capable de rapprocher l’art et la science, qui a su apprendre tout au long de sa vie, qui s’appuyait sur un sens de l’observation remarquable et disposait de la capacité à inventer de nouvelles formes d’apprentissage.

Une brève histoire de Léonard de Vinci

Léonard de Vinci est né le 15 avril 1452 dans un petit village agricole de Toscane. Jeune garçon, il ne reçut pas d’éducation particulière mais manifesta un intérêt prononcé pour les arts et dans l’utilisation de la matière. Léonard n’était pas d’origine noble, mais un enfant « illégitime », né de parents non mariés qui le placèrent à l’âge de 15 ans sous la tutelle du sculpteur, peintre et orfèvre Andrea del Verrochio. Le système d’apprentissage de l’époque voulait que les élèves soient totalement investis dans des projets importants de leurs maîtres afin de développer des compétences fondées sur des expériences réelles. Du fait de son travail de grande qualité, Léonard fut rapidement responsable de ses propres projets, et reçut des financements pour les faire aboutir.

Léonard vécut alternativement entre Florence et Milan puis plus tard à Rome et finalement, à la suite de l’invitation de François 1er, en France où il finit ses jours à Amboise. Il travailla sur un grand nombre de projets, publics ou privés en utilisant un grand nombre de techniques allant notamment de la peinture, la sculpture, le dessin et les fresques aux matériels militaires jusqu’à la réalisation, parmi ses derniers ouvrages, d’un lion automate capable en marchant, d’ouvrir la poitrine en faisant apparaître un bouquet de fleurs.

Indifférence à la différence entre sciences et arts

Léonard n’avait aucune réticence à utiliser ses capacités artistiques pour développer ses compétences techniques et réciproquement. Par exemple, il était capable d’avoir un regard scientifique dans l’atelier de peinture pour produire des couleurs nouvelles, d’inventer des techniques, de la même façon qu’il savait se comporter en artiste dans ses travaux d’ingénierie. Ses nombreux dessins et esquisses en attestent. On le sait peu, mais cette faculté d’expérimentation constante est l’une des causes de la mauvaise conservation de ses nombreuses œuvres d’art qui, comme la Cène par exemple, ont dû subir des travaux de restauration très minutieux.

La richesse d’une telle transversalité des compétences nourrit les travaux de Léonard dans les domaines de la physique, de l’anatomie et de la psychologie. Il s’interrogeait sur l’utilité des objets, sur la précision des connaissances et les caractéristiques permettant à l’art sous toutes ses formes d’explorer la nature humaine. L’Homme de Vitruve est probablement l’œuvre la plus représentative de cette transversalité. Ce dessin, fondé sur les principes de l’architecte romain Vitruve qui associa les équilibres architecturaux à ceux des proportions du corps humain, permit à Léonard de réunir merveilleusement au sein d’une représentation du corps humain des concepts de mathématiques, d’anatomie et de dessin, faisant de cette œuvre une contribution majeure non seulement pour le monde des idées mais également comme la traduction visuelle des relations entre toutes ces sciences.

L’homme de Vitruve, toile géante au château du Clos Lucey. Google arts et culture

Apprendre toute sa vie par l’observation et l’expérimentation

La vie de Léonard de Vinci est aussi caractérisée par un désir d’apprendre permanent, une véritable addiction. Il était intimement convaincu de la nécessité de développer en soi des compétences complémentaires. Il en voyait expressément l’intérêt à travers sa propre vie.

Mais le plus remarquable dans tout cela, c’est que Léonard apprenait par lui-même. C’était un autodidacte. Avec un sens remarquable de l’observation, il était capable de comprendre le sens des phénomènes et les relations entre certaines de leurs dimensions. À travers ses croquis et ses écrits, on constate à quel point il rassemblait en permanence des informations qu’il était ensuite capable d’utiliser pour innover dans des domaines différents.

C’est à travers ses contributions dans le domaine de la géologie que s’exprime particulièrement cette capacité à produire de la connaissance à partir de l’observation. Ses études sur les roches étaient si abouties qu’il a été le premier scientifique à comprendre que les fossiles sont les empreintes d’animaux ou de morceaux d’animaux :

« … entre les couches de roches, on voit les traces des vers qui se sont frayé un chemin à l’époque où elles n’étaient pas ».

Le premier manager-ingénieur

Si d’un côté on apprécie toute la rationalité, la rigueur et le sérieux dont faisait preuve Léonard dans son travail, il est également important de considérer sa capacité à répondre aux demandes originales de ses divers admirateurs. Et plus encore de voir à quel point Léonard était capable de promouvoir son propre travail.

L’examen de l’ensemble de ses œuvres montre que Léonard était capable de « vendre » de nouveaux projets. Cette compétence lui permit de se voir confier de multiples responsabilités lors de travaux pour le compte mécènes. Des Médicis aux Sforza, De Vinci prit la responsabilité de projets en allant de la conception d’appareils militaires à la peinture de La Cène, de l’architecture à l’anatomie.

En ce sens, Léonard de Vinci, était non seulement capable de proposer des idées et des appareils innovants ou de magnifiques œuvres d’art mais il était aussi capable de les réaliser selon une véritable gestion de projet, de rassembler les fonds nécessaires et d’expliciter les moyens humains et techniques nécessaires. Et même de rendre les réalisations effectivement utiles par une compréhension fine des besoins des futurs utilisateurs. Léonard savait concilier ses compétences techniques (hard skills) avec une approche tournée vers les autres (soft skills) afin que ses idées nouvelles séduisent ses futurs clients.

Pour aller encore plus loin dans ses talents, Léonard était aussi un excellent organisateur d’événements. Le 19 juin 1518, Léonard organisa les festivités pour la célébration du mariage de Laurent de Médicis et de Madeleine de la Tour d’Auvergne à Amboise. Cela étant, même un génie n’est pas à l’abri d’un désastre en préparant un événement tel qu’un mariage. Ce fut le cas dans une expérience précédente lorsque Ludovico Sforza lui demanda, pour le mariage de sa fille, de réaliser un autel comestible de plus de 60 mètres de long fabriqué à partir de gâteaux et de polenta. De Vinci omit de prendre en considération un élément qui anéantit la surprise : les rats ! Ceux-ci mangèrent la plus grande partie de l’autel la veille du mariage…

À la recherche des nouveaux « Léonard »

À la veille du 500e anniversaire de sa mort et en admirant la richesse, l’ampleur et la transversalité de ses apports, la question suivante demeure. Comment notre système éducatif pourrait-il insuffler les nombreuses qualités de cet homme qui a tant apporté à notre société ?

De quoi avons-nous besoin, de quelle ambition devons-nous nous doter afin de former des ingénieurs sachant dessiner, des architectes sachant manager, des managers capables de comprendre la biologie et des biologistes maîtrisant la mécanique d’un robot ?

N’oublions pas non plus que ce chercheur avide était également un pionnier en matière de technologie qui savait utiliser les dernières techniques et dispositifs disponibles pour produire de l’innovation. Et rappelons-nous que, dans sa quête de telles avancées technologiques, Léonard se questionnait toujours sur l’impact que ces nouveaux dispositifs pourraient avoir sur l’humanité.

Prix Nobel d’économie 2019 : les limites de la méthode des essais cliniques

29 mardi Oct 2019

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The Conversation

  1. Isabelle Guérin

    Directrice de recherche à l’IRD-Cessma, Membre de l’Institute of Advanced Study, Princeton (2019-2020), Institut de recherche pour le développement (IRD)

  2. François Roubaud

    Économiste, statisticien, directeur de recherche à l’IRD et membre de l’UMR DIAL, Institut de recherche pour le développement (IRD)

Institut de Recherche pour le Développement (IRD)

 

CC BY ND

Annonce de l’attribution du prix Nobel d’économie à Abhijit Banerjee, Esther Duflo et Michael Kremer (de gauche à droite sur l’écran) pendant une conférence de presse tenue à l’Académie royale des sciences de Suède à Stockholm, le 14 octobre 2019. Jonathan Nackstrand/AFP
 

Le prix Nobel d’économie vient d’être attribué à Esther Duflo, Abijit Banerjee et Michael Kremer pour leur travail consistant à adapter la méthode des essais cliniques aux interventions en matière de développement. Le jury Nobel a jugé que ce nouveau type d’expérimentation a « considérablement amélioré notre capacité à lutter contre la pauvreté globale » et « à transformer l’économie du développement ». S’il y a des raisons de s’en réjouir (l’une des trois nominé·e·s est une femme, jeune et française de surcroît ; le prix rend ses lettres de noblesse à l’économie du développement et à des travaux empiriques proches du terrain), il faut néanmoins questionner la validité et les conséquences de l’usage croissant de cette méthode.

Réactualisant un article déjà publié, nous réitérons nos réserves. Si la méthode des essais cliniques est en apparence très attractive, prétendre l’utiliser pour évaluer toutes sortes d’interventions est à la fois problématique et dangereux.

Le principe des essais cliniques consiste à tirer au sort deux groupes au sein d’une population homogène : le premier reçoit une « intervention » (médicament, subvention, crédit, formation, etc.), le second un placebo, une intervention différente ou tout simplement rien ; à l’issue d’une certaine période, les deux groupes sont comparés afin de juger de l’efficacité de l’intervention ou d’en analyser deux modalités distinctes. Cette méthode, couramment appliquée depuis le milieu du XXe siècle dans le domaine de la médecine – où elle suscite de nombreux débats –, a ensuite été transposée à l’évaluation des politiques publiques dans les domaines de l’éducation, de la criminalité, de la fiscalité, etc., notamment aux États-Unis dans les années 1960-1980.

Depuis une quinzaine d’années, ces essais cliniques (qu’on désigne couramment par leur acronyme anglais RCT, pour randomized control trials) se sont ouverts à un champ nouveau : celui des politiques et de l’aide au développement. Une vaste panoplie d’interventions est ainsi passée au crible de la « randomisation », notamment en matière d’éducation (incitations visant à réduire l’absentéisme des enseignants, vermifuges destinés à diminuer l’absence des élèves), de santé (filtres à eau, moustiquaires, formations ou systèmes de primes pour le personnel soignant, consultations gratuites, conseils médicaux par SMS, etc.), de finance (microcrédit, microassurance, épargne, éducation financière) ou encore de « gouvernance ».


À lire aussi : Le principe des essais cliniques peut-il s’appliquer aux politiques de développement ?


Un prétendu monopole de la rigueur scientifique

Les RCT sont présentées par leurs adeptes comme une véritable révolution copernicienne, mise en avant dans l’ouvrage Repenser la pauvreté d’Esther Duflo et Abijit Banerjee, ou dans leurs interventions publiques (voir également celle-ci). La communauté académique et politique tend à leur attribuer en exclusive les qualificatifs de « rigoureuses », voire de « scientifiques ».

Non seulement les RCT tendent à occuper une position de plus en plus dominante, mais elles exercent un effet d’éviction sur les autres approches. C’est très clairement le cas par exemple à la Banque mondiale : au cours de la période 2000-2010, à peine 20 % des évaluations étaient des RCT ; dans les cinq années suivantes, les proportions ont été quasiment inversées. Le réseau international 3IE, spécialisé dans l’évaluation, lui a emboîté le pas.

Cet effet d’éviction est-il réellement scientifiquement légitime et politiquement souhaitable ?

De la théorie à la pratique…

Toute évaluation d’impact (d’un projet, d’une politique, d’un programme) se heurte à un défi récurrent : comment isoler l’impact de cette intervention des changements advenus par ailleurs ? De multiples méthodes existent, mais l’avantage des RCT est en théorie incontestable du fait que la sélection aléatoire de grands échantillons garantit, en principe et en moyenne, que toutes les différences mesurées entre les deux groupes sont dues à l’intervention et à rien d’autre.

Mais les RCT ont en réalité bien du mal à répondre aux questions fondamentales sur le développement, et ce pour trois raisons au moins :

  • Leur validité externe est faible, c’est-à-dire qu’elles sont très localisées et ne s’appuient pas sur des échantillons représentatifs de la population dans son ensemble. Leurs résultats sont donc difficilement généralisables : impossible de savoir avec ces méthodes si les résultats obtenus dans une zone rurale du Maroc s’appliquent à une autre région marocaine, à la Tunisie voisine ou encore à la Bolivie. Cet argument est classique et bien admis par tous. Ceux qui suivent le sont moins.
  • Contrairement à ce qui est souvent asséné, la validité interne des RCT pose également problème. C’est-à-dire que leur capacité à mesurer l’impact de l’intervention évaluée est imparfaite. Comme l’ont bien montré le prix Nobel d’économie 2016 Angus Deaton et sa collègue épistémologue Nancy Cartwright, les RCT peinent à arbitrer de manière optimale entre biais (à minimiser) et précision (à maximiser) et sont donc amenées à se focaliser sur les résultats moyens, pour l’ensemble de la population considérée. Or les impacts des politiques étudiées sont souvent hétérogènes, et cette hétérogénéité est déterminante en matière de politique publique. Par ailleurs, la mise en œuvre des protocoles d’enquête se heurte à de nombreuses difficultés d’ordre pratique et éthique, si bien que la comparaison entre population témoin et population traitée est souvent biaisée.
  • Une autre raison, souvent inavouée, voire expressément occultée, tient au fait que les essais cliniques, dont le coût est souvent proche du million d’euros, mettent en scène une diversité de parties prenantes (populations étudiées, ONG, gouvernements, chercheurs, bailleurs de fonds, etc.) aux intérêts multiples, parfois divergents. Il en résulte un jeu d’acteurs qui influence autant le protocole technique et sa mise en œuvre que l’analyse des résultats, leur publication et leur dissémination. Ces bricolages se font, là encore, au détriment de la rigueur scientifique. Les intérêts en jeu au sein de ces arènes politiques que constituent les RCT concernent tout aussi bien la réélection de gouvernements (exemple du Mexique concernant l’évaluation d’une politique de subvention aux pauvres), la défense d’un discours dominant sur certains outils de développement (exemple de la microassurance), leur notoriété, parfois acquise grâce aux promoteurs des RCT (exemple de la controverse sur les vermifuges) et, parfois, les exigences de publication des chercheurs…
Fabrication d’une bière locale dans le cadre d’un programme de microcrédit à Leo, Burkina Faso, 24 janvier 2014. Lionel Bonaventure/AFP

Une illustration

Nous avons récemment répliqué une RCT menée par Esther Duflo et ses collègues sur le microcrédit au Maroc. Ce type d’exercice, essentiel pour garantir la fiabilité d’une étude, consiste à reprendre les données brutes de l’enquête et à en reproduire les résultats. Nous sommes parvenus à reproduire les résultats, ce qui est une bonne nouvelle, mais en mettant en évidence une multiplicité de problèmes et d’erreurs qui affectent profondément la validité interne et externe de cette RCT. En voici quelques exemples :

  • Un échantillonnage très différent du protocole initial, si bien qu’on ne peut pas caractériser la population étudiée et interpréter de quoi les résultats sont représentatifs ;
  • Le sexe et l’âge des membres des ménages censés avoir été interrogés avant et après l’intervention varie tellement qu’il ne peut s’agir des mêmes ménages dans 20 % des cas ;
  • Des estimations incohérentes du patrimoine possédé par les ménages, alors qu’il s’agit d’une variable centrale pour évaluer l’impact économique du programme ;
  • Alors que la zone d’enquête était supposée vierge de crédit avant le traitement et que la zone de contrôle était supposée le rester pendant l’étude, ce n’est pas le cas ;
  • Les chercheurs ont arbitrairement choisi d’écarter avant analyse les 27 ménages (0,5 % du total) présentant les valeurs les plus élevées sur certaines variables. Si on en écarte 12 de plus ou 12 de moins (0,3 % ou 0,7 % du total), les résultats changent totalement.

Cette réplication a donné lieu à des échanges avec Esther Duflo et ses collègues, disponibles ici sous la forme de documents de travail. Ces échanges attestent de nos profondes différences de vues sur ce qui fonde la validité scientifique d’une étude de terrain. Il nous semble nécessaire que nos pairs se penchent plus attentivement sur cette question.

Les raisons du succès

En définitive, le type d’interventions susceptibles d’être évaluées par les RCT est restreint : 5 % selon l’agence de coopération britannique. Circonscrire le champ des évaluations d’impact aux interventions susceptibles de respecter les canons de la randomisation écarte un grand nombre de projets, mais aussi nombre de dimensions structurelles du développement, tant économiques que politiques, comme la régulation des grandes entreprises, la fiscalité ou encore les échanges internationaux, pour n’en citer que quelques-unes.

Comment justifier un tel succès ? Ce n’est pas toujours la supériorité scientifique de certaines méthodes ou théories qui explique leur réussite, mais la capacité de leurs promoteurs à convaincre à un moment donné un nombre suffisant d’acteurs. En d’autres termes, le succès vient à la fois d’une offre et d’une demande. Du côté de la demande, le succès des RCT illustre l’évolution de la discipline économique (priorité est donnée à la quantification, aux fondements micro de processus macro, et, au sein des fondements micro, aux ressorts psychologiques et cognitifs des comportements individuels).

Le succès des RCT illustre également les transformations du secteur de l’aide au développement, où se multiplient les petits projets s’efforçant de corriger les comportements individuels plutôt que de mettre en place ou de maintenir des infrastructures et des politiques nationales de développement.

Quant à l’offre, elle est largement façonnée par des entrepreneurs scientifiques d’un genre nouveau qui déploient de multiples stratégies pour « tenir » le marché. Ces chercheurs sont jeunes, issus du sérail des meilleures universités (pour la plupart américaines). Ils ont su trouver la formule du carré magique en combinant excellence académique (légitimité scientifique), effort de séduction en direction du public (visibilité médiatique, mobilisation compassionnelle et engagement moral) et des bailleurs de fonds (demande solvable), investissement massif dans la formation (offre qualifiée), et modèle d’entreprise performant (rentabilité financière) ; toutes ces qualités se renforçant mutuellement.

Interview d’Esther Duflo le 15 octobre 2019, au lendemain de l’attribution du prix Nobel d’économie (Europe 1).

Les RCT appliquées au développement pourraient être une avancée scientifique, à condition d’en reconnaître les limites (nombreuses) et le champ d’application (étroit). Prétendre résoudre la pauvreté avec ce type de méthode, comme le revendiquent certain·es de ses promoteurs, et au premier chef les trois lauréats du prix Nobel, est une double régression : épistémologique d’abord, puisque cette prétention illustre une conception positiviste de la science, aujourd’hui surannée ; politique ensuite, puisque des questions pourtant centrales pour la compréhension et la lutte contre la pauvreté et les inégalités sont laissées de côté.

La consécration va-t-elle conduire les randomisateurs du développement à plus de mesure quant aux bienfaits des différentes méthodes, ou au contraire à en profiter pour consolider leur position déjà quasi hégémonique ? Il y a de bonnes raisons d’être inquiets.

À quelles conditions le covoiturage sera-t-il un mode de transport durable ?

28 lundi Oct 2019

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The Conversation

  1. Nicolas Coulombel

    Chercheur en économie des transports, École des Ponts ParisTech (ENPC)

  2. Teddy Delaunay

    Researcher in Urban Planning and Mobility Services , École des Ponts ParisTech (ENPC)

 

CC BY ND

La pratique du covoiturage, bien que médiatisée ces dernières années, demeure marginale dans la mobilité du quotidien. Philippe Desmazes / AFP
 

Le Parlement examine actuellement le projet de loi d’orientation des mobilités, dont l’un des grands axes est le développement des nouvelles solutions de mobilité, et notamment du covoiturage.

En réduisant l’autosolisme – le fait de se déplacer seul dans sa voiture –, le partage de trajets est censé réduire le nombre de véhicules en circulation, et par conséquent la congestion, la pollution et les émissions de gaz à effet de serre. Il permettrait également de diminuer le budget déplacement des ménages – grâce au partage des frais entre covoitureurs – et fournirait enfin une solution de transport supplémentaire pour les individus non motorisés.

Alors que le covoiturage est aujourd’hui largement promu comme un mode de transport écologique, plusieurs études ont alerté sur le risque de possibles « effets rebonds » : c’est-à-dire des changements de comportements des individus liés au développement du covoiturage, qui atténueraient fortement la réduction espérée du trafic automobile et des émissions de gaz à effet de serre.

Quelles sont les mesures inscrites dans le projet de loi en faveur du covoiturage ? Quels sont les « effets rebonds » du covoiturage et à quelles conditions contribuera-t-il efficacement à la réduction des émissions fixée ?

Pour répondre à ces questions, nous nous appuyons sur deux travaux de recherche, l’un analysant les politiques publiques de covoiturage, le second évaluant l’effet de plusieurs scénarios de développement du covoiturage sur le trafic routier et les émissions de gaz à effet de serre associées en Île-de-France.

Le covoiturage courte-distance, une pratique marginale

Si l’on parle beaucoup du covoiturage dans les médias aujourd’hui, cette pratique est en réalité en décroissance quasi continue depuis les années 1970.

En France, le taux d’occupation des véhicules a ainsi baissé de 1,78 à 1,58 passager par véhicule en moyenne de 1990 à 2016, contribuant à la hausse du trafic routier, et donc de la consommation énergétique des voitures et des émissions de gaz à effet de serre associés. Le constat est encore plus marqué pour la mobilité du quotidien : aujourd’hui seuls 3 % des déplacements domicile-travail sont réalisés en covoiturage.

Conversation France

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Dépendance à la voiture en zone rurale, quelles solutions ? http://bit.ly/2LZE0CV 

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6:21 AM – Jan 9, 2019
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La pratique du covoiturage au quotidien implique en effet des contraintes d’organisation et des pertes de temps (liées aux détours et possibles attentes pour récupérer les covoitureurs). Sur longue distance, ces contraintes sont contrebalancées par les gains financiers liés au partage des frais, contribuant au succès mondial du service BlaBlaCar.

En revanche, la distance des déplacements du quotidien est en moyenne assez faible : en Île-de-France, 65 % de l’ensemble des déplacements sont inférieurs à 3 km, et seuls 14 % ont une portée supérieure à 10 km. Pour la voiture particulière, les distances réalisées sont en moyenne de l’ordre de 10 km, et seulement 12 % des déplacements automobiles ont une portée supérieure à 16 km, les économies réalisées grâce au covoiturage sur ces petits trajets ne viennent que rarement compenser les contraintes d’organisation et le temps de déplacement supplémentaire pour le conducteur (voire les passagers).

Consommation d’énergie liée aux voitures et facteurs d’évolution. CGDD, 2018, CC BY-NC-ND

Un forfait mobilité durable

Le projet de loi d’orientation des mobilités propose plusieurs mesures visant à subventionner financièrement les individus qui covoiturent, afin de réduire l’écart entre les contraintes et les gains financiers liés à la pratique.

Les autorités organisatrices de mobilité (AOM) seront désormais autorisées à subventionner les déplacements réalisés en covoiturage, à raison de deux trajets par jour et à un montant qu’elles sont libres de fixer. Les conducteurs pourront également être aidés sur les déplacements pour lesquels ils n’ont trouvé aucun passager. L’objectif est de les inciter à proposer systématiquement leurs sièges libres afin de créer une offre suffisante.

Par ailleurs, les entreprises auront la possibilité de verser un « forfait mobilités durables » à leurs employés réalisant leur déplacement domicile-travail en covoiturage ou à vélo, s’élevant à 400 euros par an, sans la moindre charge pour l’entreprise. Ce forfait pourra être cumulé avec le remboursement obligatoire d’une partie de l’abonnement de transports et des frais kilométriques en voiture. Ce qui permet aux usagers d’alterner selon les jours entre covoiturage et transports en commun, sans qu’ils aient à renoncer à l’une ou l’autre des aides à la mobilité.

On peut enfin noter que les collectivités seront autorisées à réserver des voies aux covoiturages à certaines heures, selon le niveau de congestion.

Réduction des émissions de CO₂ et effets rebonds dans le cas d’un scénario de covoiturage volontariste (hausse de 25 % du taux d’occupation moyen des véhicules en Île-de-France). Viguié et Coulombel, à partir de Coulombel et al. (2019), CC BY-NC-ND

Le risque, plus de trafic et d’inégalités sociales

Ces mesures en faveur du covoiturage entendent à la fois accroître l’offre de mobilité et réduire l’impact du trafic automobile sur l’environnement. Seulement, ces deux objectifs se heurtent à des tensions contradictoires, comme le révèlent des travaux de recherche menés par le LVMT (Laboratoire Ville Mobilité Transport) et le CIRED (Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement). Ils ont permis de modéliser l’impact du développement du covoiturage en Île-de-France sur les pratiques de mobilité, le trafic routier et les émissions de gaz à effet de serre associées.

Parce que le covoiturage réduit à la fois le coût (partage des frais) et le temps (via la baisse de la congestion) des déplacements en voiture, il génère divers « effets rebonds » atténuant fortement la baisse espérée de l’usage de la voiture. La modélisation met ainsi en évidence que le développement du covoiturage est susceptible d’entraîner un report modal depuis les transports collectifs et les modes doux (marche, vélo…) vers la voiture, ainsi qu’un allongement des distances parcourues en voiture. L’ampleur de ces effets rebonds est telle qu’ils atténueraient de 50 à 75 % les bénéfices environnementaux initialement attendus du développement de covoiturage (en termes de réduction des émissions de CO2), en grande partie à cause de ce report.

Par ailleurs, en réduisant le coût du déplacement en voiture, le covoiturage peut inciter les ménages, a fortiori les moins aisés, à résider plus loin des centres d’emploi pour pouvoir bénéficier de prix immobiliers plus faibles. En définitive, son développement pourrait ainsi renforcer les phénomènes d’étalement urbain et de périurbanisation, et par conséquent la dépendance automobile de ménages le plus souvent modestes.

Comment endiguer les effets rebonds ?

Diverses mesures d’accompagnement peuvent être mises en place pour accroître l’efficacité des politiques de promotion du covoiturage en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Trois mesures d’accompagnement sont testées dans l’étude : l’amélioration de l’offre de transport en commun (à travers la mise en place du Grand Paris Express), la réduction de la capacité routière et l’augmentation du coût d’usage de la voiture.

La modélisation révèle qu’accompagner des politiques de covoiturage par une amélioration de l’offre de transports en commun s’avérerait contreproductif du point de vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les deux mesures se concurrençant l’une l’autre pour attirer des usagers. À l’inverse, une réduction de la capacité routière avec par exemple conversion de voies routières en voies dédiées aux transports en commun, aux voitures partagées ou aux modes doux présenterait des synergies fortes avec le covoiturage car elle limiterait les effets rebonds associés à la réduction de la congestion.

Cela est d’ailleurs envisagé dans les travaux de la consultation internationale « Routes du futur du Grand Paris » sur le devenir des principales routes et autoroutes en Île-de-France, actuellement exposés au Pavillon de l’Arsenal. Renforcer les limitations de vitesse constituerait une autre manière de limiter les effets rebonds en augmentant le coût (temporel) d’usage de l’automobile, sans toucher au budget des ménages.

Le covoiturage urbain ne pourra par conséquent se traduire par une baisse significative des émissions de CO2 qu’à condition que des mesures d’accompagnement soient adoptées pour en limiter les effets rebonds. Ce n’est qu’à cette condition qu’il représenterait une réelle solution de mobilité durable.

Débat : La gratuité garantit-elle l’accessibilité de l’enseignement supérieur ?

27 dimanche Oct 2019

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  1. Jean-Philippe Ammeux

    Directeur, IÉSEG School of Management

IESEG School of Management

 

CC BY ND

Le 11 octobre 2019, le Conseil constitutionnel a confirmé le devoir de l’État français en matière de gratuité de l’enseignement supérieur public. Cette décision s’appuie sur le préambule de la constitution du 27 octobre 1947 qui, dans son alinéa 13, stipule que :

« La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’État. »

En 1947, les étudiants de l’enseignement supérieur représentaient une infime minorité de chaque génération, et la question était surtout de faire en sorte que chaque enfant puisse fréquenter, sans bourse délier, l’enseignement primaire et secondaire, qui était souvent dispensé à proximité. Mais dans cet alinéa, le Conseil constitutionnel lit aussi que l’enseignement public doit être gratuit à tous les niveaux, y compris après le bac.

Cela semble tout à fait raisonnable au premier abord, puisque la gratuité paraît être une condition pour assurer l’accessibilité pour tous. Si cela vaut pour la formation initiale, rien n’indique que ce ne serait pas le cas pour la formation continue. La première phrase de l’alinéa 13 semble le suggérer.

Les établissements publics devraient alors délivrer gratuitement leurs programmes destinés aux chômeurs, entrepreneurs et salariés – alors même que le ministère de l’Enseignement supérieur les encourage à développer leur activité dans ce domaine pour diversifier leurs ressources financières !

Il est vrai qu’en 1947, la formation continue pour adultes était peu développée et n’a peut-être pas été clairement identifiée par les membres de l’Assemblée nationale constituante. En revanche, il est probable qu’ils voulaient que l’enseignement, quel qu’en soit le niveau, soit accessible à tous.

Des coûts au-delà des frais de scolarité

Le suivi d’études supérieures représente un effort financier qui va bien souvent au-delà des frais de scolarité. Pour beaucoup d’étudiants s’ajoutent des coûts de déplacement et de logement qui sont souvent importants, et que le dispositif de bourses ne suffit à prendre en charge. La gratuité de l’enseignement n’est finalement qu’un des éléments de son accessibilité.

A contrario, le développement important des prêts étudiants (quasi inexistants en 1947) s’avère un tremplin non négligeable vers des formations payantes, qu’elles soient dispensées par des établissements publics ou privés. Assortis de taux d’intérêt réduits, ils contribuent à développer l’accessibilité aux formations supérieures.

Ceci n’est que partiel, car les banques demandent généralement aux parents de se porter caution. Il est alors évident que l’accessibilité de l’enseignement supérieur est un leurre pour les jeunes issus de milieu modeste.

En réalité, l’enseignement supérieur français rencontre bien des difficultés pour être au rendez-vous du préambule de la Constitution du 27 octobre 1947. L’état des finances publiques rend difficilement réalisable le principe de gratuité dans l’ensemble des formations, surtout si on veut garantir une véritable accessibilité à chacun, quels que soient son milieu familial et sa situation géographique.

En outre, l’accroissement du nombre d’étudiants chaque année, tend à réduire les moyens consacrés à chaque étudiant, et ce sont les plus fragiles qui en sont les victimes. Relativement peu de jeunes issus de milieu défavorisé, entrent dans l’enseignement supérieur, et lorsque c’est le cas, ils échouent beaucoup plus souvent que les autres. Nous sommes bien loin de l’intention des rédacteurs de ce préambule.

Modèle australien

Cependant, certains pays ont trouvé le moyen de faire face à ce challenge : être accessible au plus grand nombre et offrir un enseignement supérieur de qualité pour tous. Il est vrai qu’ils s’appuient sur des dispositifs qui ont vu le jour après 1947.

Par exemple, depuis 1989, l’Australie a mis en place le système des prêts à remboursement contingent (PARC) qui permettent à l’enseignement supérieur de bénéficier d’un financement public complété par un financement assuré par les bénéficiaires de la formation. Les étudiants australiens suivent des études supérieures sans payer 1 dollar AU de frais de scolarité mais, une fois diplômés, s’ils occupent des emplois suffisamment rémunérateurs, ils remboursent le prêt qui leur a été octroyé.

Ainsi, les diplômés qui ne trouvent pas un bon emploi, ne remboursent rien, et si leur revenu annuel est supérieur à 45 881 dollars AU (27 987 euros), ils consacrent 1 à 10 % de celui-ci au remboursement de leur dette, sachant que ce pourcentage croît avec le revenu. Comme le clame une publicité, 100 % des gagnants ont joué ; mais avec ce dispositif, personne ne peut perdre. Difficile d’imaginer mieux.

Le modèle s’est révélé vertueux pour les étudiants australiens et pour l’ensemble de la société. Depuis 1989, le pays a connu une croissance ininterrompue et un taux de chômage très faible, notamment en raison de l’impact positif des PARC sur l’accroissement du capital humain et l’innovation. L’impact positif de l’éducation, et en particulier de l’enseignement supérieur, sur la croissance économique et la compétitivité a été démontré dans l’article de P. Aghion, L. Boustan, C. Hoxby et J. Vandenbussche, et dans celui de Anna Valero et John Van Reenen.

Risques pris en charge

Le modèle australien permet de lever deux obstacles au financement de l’enseignement supérieur par les étudiants :

  • l’absence de caution qui permet à tous les jeunes de bénéficier des prêts ; elle est assurée par l’État
  • les difficultés potentielles de trésorerie des emprunteurs, dans la mesure où le remboursement n’est prélevé que lorsque le revenu est suffisamment élevé, et pour une fraction limitée de celui-ci.

Ainsi, le taux maximal de revenu affecté au remboursement, 10 %, concerne les diplômés qui gagnent plus de 79 300 euros (130 000 dollars AU).

Avant 1989, l’enseignement supérieur était gratuit en Australie. Les observations menées notamment par Bruce Chapman de l’Australian National University montrent que l’introduction de frais de scolarité, accompagnés d’un dispositif de prêts à remboursement contingent, n’a pas eu d’impact sur la mixité socio-économique de la population étudiante, alors que le nombre d’étudiants a doublé, qu’ils soient d’origine modeste ou plus aisée.

Les universités australiennes ont bénéficié de moyens suffisants pour accueillir, de façon qualitative, un nombre croissant d’étudiants australiens et sont devenues très attractives pour les étudiants internationaux.

Une étude récente, sur le cas de l’Angleterre, qui a adopté le modèle des PARC en 1997, alors que la gratuité prévalait auparavant, aboutit aux mêmes conclusions. Les moyens affectés à chaque étudiant ont augmenté (ce qui a permis d’améliorer la qualité de la formation) et le nombre de ceux-ci a progressé, sans qu’il y ait de changement en matière de proportion d’étudiants issus de milieu défavorisé.

Nouvelles équations

Finalement, gratuité ne rythme pas avec accessibilité et l’accessibilité peut être excellente, même si les études sont payantes. Pour que cette dernière condition soit remplie, il faut, comme en Australie, que l’État se porte caution pour les prêts étudiants et donc qu’il assume le risque financier de l’échec des diplômés.

Enfin, lorsque la gratuité induit une qualité médiocre, faute de moyens financiers publics suffisants, l’étudiant accroît son risque d’échec pendant les études et le diplômé n’est pas armé pour trouver un bon emploi.

C’est une question qui se pose dans les pays aux finances publiques fragiles, et qui veulent que l’enseignement supérieur soit exclusivement financé par de l’argent public. La paupérisation absolue ou relative de l’enseignement supérieur met en danger les jeunes et compromet l’avenir économique et social du pays.

Mais cet enjeu n’était pas nécessairement perceptible en 1947, sinon les rédacteurs de l’alinéa 13 du Préambule de la Constitution auraient peut-être écrit : « La Nation garantit l’égal accès de tous les citoyens à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public et laïc, de qualité et accessible à tous, à tous les degrés est un devoir de l’État. »

Les Libanais entre exaltation et angoisse, vent debout contre la corruption des élites

26 samedi Oct 2019

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  1. Jihane Sfeir

    Historienne, Université Libre de Bruxelles

 

Partenaires

Université Libre de Bruxelles

AUF (Agence Universitaire de la Francophonie)

 

CC BY ND

Les Libanaises se sont emparées de la rue depuis cinq jours, contre l’accaparement du pouvoir par les élites et un pouvoir d’achat qui s’écroule, le 21 octobre 2019 sur la place Riad al-Solh Square, à Beyrouth. Anwar Amro/AFP

Tout a commencé avec l’annonce du projet de taxe sur les appels WhatsApp lancé le 17 octobre dernier. Ce fut la taxe de trop pour les Libanais qui sont descendus en masse manifester leur colère contre le système corrompu et kleptocrate de la classe dirigeante. « Tous ! Ça veut dire tous ! » (Kellon ya’ni kellon), fut le slogan lancé dès le début des mobilisations, appelant au départ de tous les dirigeants de toutes tendance politique et appartenance religieuse. Le gouvernement de Hariri accusé de corruption et de népotisme est contesté par les Libanais qui réclament sa démission.

Aucune des figures connues de la classe politique libanaise n’est épargnée. Ils vilipendent aussi bien Nabih Berri, chef du mouvement chiite Amal et président du Parlement, que Michel Aoun, président de la République et fondateur du parti chrétien le Courant patriotique libre ainsi que son gendre Gebran Bassil ministre des Affaires étrangères. Saad Hariri, premier ministre et chef du parti sunnite al Mustaqbal, Walid Joumblatt chef druze du Parti socialiste progressiste, Samir Geagea ministre et chef des Forces libanaises chrétiennes et enfin Hassan Nasrallah, icône sacrée presque intouchable de la résistance contre Israël et chef du parti chiite le Hezbollah n’échappent non plus à leur rage.

Contre la corruption

Tous doivent dégager, tous « puent la corruption et le vol systématique » des biens de l’État. Ces hommes politiques, seigneurs de la guerre civile (1975-1991) qui règnent encore sur le Liban ont construit leur pouvoir sur le clientélisme et la captation des fonds publics. Joumblatt, Berri, Geagea ou Aoun tous ont participé à la guerre civile. Hariri a hérité du pouvoir de son père et Nasrallah justifie sa légitimité par la résistance armée contre Israël.

Ils ont posé les bases d’une économie de guerre mettant à genoux un pays entier. Près de 30 ans après la fin de la guerre, rien n’a changé : le système d’éducation et de santé publique est en faillite et la pénurie d’électricité et d’eau potable est chronique. Dans les deux cas le privé prend le relais du public, rendant la vie des citoyens chère et difficile.

Les Libanais en manifestant expriment leur colère contre des politiciens qui ont « volé le pays » et l’ont plongé dans une crise économique sans précédent avec une menace de dévaluation de la livre libanaise. Ainsi, malgré les aides internationales, notamment le programme d’aide pour la réforme de l’État lancé à Paris lors de la conférence Cèdre en avril 2018, les hommes politiques libanais n’ont pas réussi à assainir les institutions libanaises et leurs promesses de réformes arrivent aujourd’hui un peu tard…

Le confessionnalisme mis à mal

Les manifestations expriment aussi le rejet du système confessionnel créé il y a 100 ans par le mandat français et qui devait être réformé à la fin de la guerre civile lors de la signature des accords de Taëf en 1989. Le slogan « Lâ Islâm wa lâ massihiyyé, badna wehdé wataniyy) » (ni musulmans, ni chrétiens nous voulons une unité nationale) était scandé partout du nord au sud du Liban et lors des manifestations de soutien à Paris, Londres, Montréal ou Sydney le 20 octobre dernier.

Mohammad Hijazi@mhijazi

#LebanonProtests all over the world so far!

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1:53 AM – Oct 21, 2019 · Lebanon
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Partout on pouvait entendre des chants contre la division de la population par confessions pour une identité nationale commune. « Dînî loubnâni, ma religion est le Liban » scandaient les manifestants. Une unité nationale qui se traduirait par une séparation de l’Église et de la Mosquée de l’État pour la naissance d’une république laïque.

« Ils sont tous terrifiés par notre unité… ne reculez pas ! » FB Wissam Wael Beidas, Author provided

Coup de pied au patriarcat

Une des images les plus fortes qui a circulé sur les réseaux sociaux montre une jeune femme qui donne un coup de pied à un homme armé, garde personnel du ministre de l’Éducation Akram Chehayeb.

Cette image issue d’une captation vidéo est devenue virale, elle illustre la place centrale des femmes dans les manifestations, leur courage et leur volonté de changer le système patriarcal. Certaines femmes sur place revendiquent ainsi l’égalité avec les hommes à travers notamment la reconnaissance du droit de transmission de la citoyenneté libanaise par la mère ou la mise en place d’un système plus juste que celui des tribunaux religieux en matière de divorce pour la garde des enfants. Cette image illustre aussi la fin du règne des armes.

Les réseaux sociaux se font les témoins d’un ras-le-bol face au patriarcat. Rami Kanso, Author provided

L’exaltation d’un peuple uni

Partout sur le territoire libanais des portraits d’hommes politiques sont arrachés et souillés ; la surprise venant de la communauté chiite que l’on croyait soudée autour de ces deux chefs historiques : Nabih Berri et Hassan Nasrallah.

Ils sont conspués et hués au même titre que les autres leaders. Le clientélisme n’est plus, la conscience politique d’un Liban solidaire qui unit tous les citoyens des villes (Beyrouth, Tripoli, Sayda et Tyr) et des villages (du Sud-Liban au Akkar) est en éveil.

On marche en criant à bas le gouvernement, on invente des slogans, on se réunit tous les soirs pour faire la fête sur des airs populaires détournés et le lendemain on balaie les rues. On rit beaucoup aussi des politiques et on rêve d’un Liban nouveau débarrassé des oripeaux de guerre. Un peuple déprimé mais heureux et exalté de vivre cet instant magique qui réunit musulmans et chrétiens toutes génération et classe confondues. Contrairement aux manifestations de 2005 où la population était divisée autour de deux courants : celui du 8 mars pro-Hezbollah et celui du 14 mars pro-Hariri, les mobilisations d’aujourd’hui rassemblent tous les déçus, les laissés-pour-compte, mais aussi toutes les catégories de la classe moyenne, qu’ils soient de l’un ou de l’autre mouvement.

Hisham Kekhia@HKekhia
 · Oct 21, 2019

@garbage did you hear about #LebanonProtests? Were trying to take our country back from corrupt warlord politicians who’ve robbed us for decades. During the day, we revolt; at night, army+police+armed thugs attack us. In the morning, we clean up the trash. Repeat. Today is Day 5. https://twitter.com/mhijazi/status/1186067958512128000 …

Mohammad Hijazi@mhijazi

#LebanonProtests all over the world so far!

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Hisham Kekhia@HKekhia

@garbage (📷: @walid1993)#LebanonProtests

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8:41 AM – Oct 21, 2019
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Angoisse de l’avenir

Les manifestations ont réussi à mettre au grand jour la corruption et à réunir le peuple libanais autour d’un même objectif : se débarrasser de la classe politique dirigeante.

Cependant, et si elles réunissent tous les jours des centaines de milliers dans une ambiance festive et pacifique, une profonde angoisse demeure quant à l’avenir qui se profile. Certains prédisent une crise économique encore plus grave, d’autres brandissent la menace d’une guerre civile comme en Syrie enfin il y a ceux qui croient en un futur plus serein ; pour ceux-là, on ne peut plus regarder en arrière, il faut continuer à avancer pour apporter le changement.

Dans un discours daté du 21 octobre, Hariri annonce entre autres les réformes suivantes : diminution des salaires des politiques, suppression des postes jugés inutiles (le ministère de l’information), et octroi de licences pour la construction de centrales électriques… Des réformes vraisemblablement insuffisantes pour faire cesser le mouvement, mais qui pourraient constituer une base de dialogue.

Pour limiter le risque de cancer colorectal, doit-on vraiment consommer moins de viande rouge et de charcuterie ?

25 vendredi Oct 2019

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The Conversation

  1. Paule Latino-Martel

    Directrice de recherche. Coordinatrice du Réseau National Alimentation Cancer Recherche (réseau NACRe), Inra

  2. Fabrice Pierre

    Directeur de recherches INRA, Responsable de l’équipe « Prévention & Promotion de la Carcinogenèse par l’Alimentation »

  3. Mathilde Touvier

    Directrice de l’Equipe de Recherche en Epidémiologie Nutritionnelle, U1153 Inserm,Inra,Cnam, Université Paris 13, Université Sorbonne Paris Cité (USPC)

Université Sorbonne Paris Cité

INRA

 

CC BY ND

Le lien entre charcuteries et cancer colorectal est avéré. Leo Aus dem Wunderland / Unsplash
 

Un article publié le 1er octobre 2019 dans la très respectée revue Annals of Internal Medicine (AIM) a fait couler beaucoup d’encre. Et pour cause : rédigé par une vingtaine de chercheurs, l’article encourage les consommateurs de viandes rouges et charcuteries à continuer à en consommer comme à leur habitude.

Une recommandation surprenante en l’état actuel des connaissances sur les risques associés à une consommation excessive de ces aliments : le Centre international de recherche sur le Cancer (CIRC) estime notamment qu’en limitant la consommation de viandes rouges et de charcuteries, environ 6 000 cancers colorectaux pourraient être évités chaque année rien qu’en France.

L’article d’AIM a suscité de nombreuses réactions d’instances de santé publique internationales, telles que l’École de santé publique de Harvard ou le World Cancer Research Fund International, et d’experts américains ou australiens. Tous ont dénoncé les nombreux biais et limites de la démarche suivie par ses auteurs. En outre, peu de temps après la publication, des liens d’intérêt avec l’industrie agro-alimentaire non déclarés ont été pointés par le New York Times et par Le Monde.

Alors, qui croire ? Peut-on vraiment continuer à consommer à l’envi viande rouge et charcuterie ?

De l’importance des différents types d’études

Les auteurs de l’article à l’origine de la polémique ne contestent pas l’existence d’un accroissement possible du risque de maladie cardiaque, de cancer et de décès prématuré en lien avec la consommation de viande rouge. Ils concluent en revanche que l’impact sur la mortalité est trop faible pour justifier de moins consommer de viande et, surtout, que les études sur le sujet sont de mauvaise qualité. Ils ont notamment basé leur conclusion sur le manque d’études épidémiologiques d’intervention. Pour comprendre ce que cela signifie, il faut brièvement revenir sur quelques notions d’épidémiologie.

En épidémiologie, on distingue les études « observationnelles », durant lesquelles les scientifiques recueillent les habitudes des participants via différents outils (questionnaires, mesures cliniques, etc.), et les études « d’intervention », où l’on compare un « groupe d’intervention » (qui a reçu un traitement particulier, ou doit suivre des recommandations spécifiques…) à un « groupe témoin » (qui sert de contrôle).

Pour les facteurs délétères, par exemple le tabac, l’alcool, ou l’excès de viandes rouges et de charcuteries, on comprend aisément qu’il n’est pas possible, pour des raisons éthiques et pratiques, de réaliser des essais d’intervention de longue durée visant à étudier le risque de pathologies chroniques lourdes comme les cancers, les maladies cardiovasculaires ou encore la mortalité. Il est hors de question de faire consommer pendant des années le facteur de risque à des volontaires afin de vérifier s’il provoque chez eux plus de cancers que dans un groupe contrôle !

Les études observationnelles, notamment les études de cohortes, ont donc un rôle clé à jouer dans ce domaine.

Établir un lien de causalité

Le challenge pour ce type d’étude réside notamment dans le recueil de données fiables pour l’exposition. Il faut limiter les biais de mémoire (les participants peuvent oublier ou mal déclarer certaines données) et limiter les potentiels biais de confusion : dans l’analyse, il faut prendre en compte les autres facteurs qui peuvent être liés à l’exposition et à la maladie et pourraient fausser l’estimation de l’association entre la maladie et le facteur étudié.

Par ailleurs, un lien de causalité ne peut être établi à partir d’une seule étude d’observation, même si elle révèle une association entre un facteur de risque et une pathologie. Cependant, lorsqu’un nombre conséquent d’études d’épidémiologique de cohorte bien conduites, contrôlant un large spectre de facteurs de confusion sont disponibles et sont cohérentes, il est possible de réaliser une méta-analyse (analyse statistique de travaux déjà publiés) de qualité et rigoureuse. De plus, si des mécanismes expliquant de façon plausible les résultats de cette méta-analyse ont pu être mis en évidence grâce à des études expérimentales (menées chez la souris, par exemple), on aboutit alors à un ensemble d’arguments forts en faveur de la causalité.

C’est exactement la démarche qui a été suivie par les groupes d’experts internationaux et nationaux qui ont évalué par le passé la cancérogénicité des viandes rouges et des viandes transformées. À l’inverse, les auteurs de l’article controversé n’ont pas suivi une démarche complète d’expertise collective intégrant les résultats des études de cohortes prospectives et des études mécanistiques, ce dernier point ayant été totalement passé sous silence.

Autre étrange argument avancé par les auteurs : les omnivores seraient attachés à la consommation de viande et ne voudraient pas réduire leur consommation, quand bien même ce serait bénéfique pour leur santé… Certes, ce type de considération est utile pour identifier les freins et les leviers pouvant influer sur les changements de comportements alimentaires. Cependant, il ne doit pas rentrer en ligne de compte lorsqu’il s’agit de déterminer si, oui ou non, un paramètre nutritionnel est facteur de risque d’une pathologie.

Or dans le cas des viandes rouges et transformées, les données épidémiologiques, quand on les considère dans leur ensemble, sont claires.

Viandes rouges, charcuteries et risque de cancer colorectal : des preuves bien établies

Le 29 mars 2018, le CIRC a publié une monographie portant sur « viandes rouges et viandes transformées ». Dans ce contexte, les « viandes rouges » désignent la viande de bœuf, de veau, de porc, d’agneau, de mouton, de cheval et de chèvre ; les « viandes transformées » correspondent aux viandes conservées par salaison, maturation, fermentation ou fumaison (elles incluent les « charcuteries » : saucisses, pâté, jambon cru et jambon blanc…).

Le groupe de travail, composé de 22 experts de dix pays, a examiné plus de 800 études analysant l’association entre la consommation de ces produits et la survenue d’un cancer. Les résultats sont sans appel : dans le cas du cancer colorectal (sur lequel portent la majorité des études), la consommation de viandes rouges ou de viandes transformées est associée à une augmentation du risque de ce cancer. En conséquence, le groupe d’experts du CIRC a classé la consommation de viandes transformées comme « cancérogènes pour l’Homme » (Groupe 1) et la consommation de viandes rouges « comme probablement cancérogènes pour l’Homme » (Groupe 2a).

Ces résultats sont concordants avec ceux des autres rapports d’expertise collective internationale publiés par le World Cancer Research Fund et l’American Institute for Cancer Research, qui ont réalisé une revue exhaustive de la littérature scientifique. Depuis 1997, ces deux institutions ont évalué à plusieurs reprises les niveaux de preuve des associations entre consommation de viandes rouges et viandes transformées et risque de cancer. Leur dernier rapport publié en 2018 juge que l’augmentation du risque de cancer colorectal associée à la consommation de viandes transformées est « convaincante ». L’augmentation du risque de cancer colorectal associée à la consommation de viandes rouges quant à elle considérée comme « probable ».

En ce qui concerne la France, l’expertise collective de l’Institut National de Cancer (INCa) en 2015 a également conclu à un niveau de preuve élevé concernant l’association entre viandes rouges, charcuteries et risque de cancer colorectal.

Par quels mécanismes l’excès de viandes rouges et transformées peut-il agir ?

À l’appui des résultats des études épidémiologiques, plusieurs mécanismes biologiques plausibles peuvent expliquer comment ces aliments, s’ils sont consommés en excès, peuvent favoriser le développement de cancers.

Parmi les principaux, on peut citer en premier lieu l’excès de fer héminique (fer contenu dans l’hème, structure chimique trouvée notamment dans l’hémoglobine, et très présent dans les viandes rouges). Celui-ci génère un stress oxydant qui oxyde les graisses (lipides), formant des composés cancérogènes. Ensuite, les composés N-nitrosés liés à l’emploi de sels nitrités pour conserver les viandes transformées entraîne la formation de composés génotoxiques (c’est-à-dire toxiques pour l’ADN). Par ailleurs, le chauffage au cours de la cuisson peut lui aussi mener à l’oxydation des lipides ou à la formation d’amines aromatiques hétérocycliques cancérogènes.

Ces mécanismes ont en partie été identifiés grâce aux études pluridisciplinaires des équipes de recherche publique du Réseau national alimentation cancer recherche (NACRe), qui ont également découvert de nouvelles pistes de prévention.

Viandes rouges, charcuteries et cancer du côlon : mécanismes identifiés (équipe NACRe 07).

Limiter les effets cancérogènes des viandes rouges et transformées ?

Le suivi de la cohorte de volontaires Su.Vi.Max a par exemple permis d’observer que les apports en antioxydants moduleraient favorablement le risque potentiel de cancer du sein associé à la consommation de charcuteries ou aux apports alimentaires totaux en fer.

Par ailleurs, des chercheurs ont fait mariner de la viande dans un mélange aqueux d’extrait d’olive et de raisin (riche en antioxydants), puis l’ont fait consommer à un groupe de rats et de souris de laboratoire, tandis qu’un second groupe recevait de la viande non marinée. Résultat : dans le premier groupe, l’augmentation de la cancérogenèse colorectale et l’oxydation des lipides dans les contenus fécaux était moins augmentée que dans le second. De la même manière, chez des volontaires sains, cette marinade permettait de limiter l’augmentation de l’oxydation des lipides polyinsaturés des selles, et ceci sans que les consommateurs ne détectent d’altération des propriétés organoleptiques de la viande.

Ces pistes intéressantes devront bien sûr être confirmées. En attendant, il est conseillé de s’en tenir aux directives des autorités de santé publique. Le 22 janvier 2019, Santé publique France a justement publié ses nouvelles recommandations sur l’alimentation, l’activité physique et la sédentarité, à destination des adultes.

On y apprend notamment qu’il est recommandé de limiter la consommation de charcuteries à 150 g par semaine et celle de viandes rouges à 500 g par semaine. Or, d’après l’étude Esteban 2014-2016, deux tiers des Français (70 % des hommes et 57 % des femmes) consomment trop de charcuteries par rapport aux recommandations, et un tiers (41 % des hommes et 24 % des femmes) consomment trop de viandes rouges.

Consommation de charcuterie.

Consommation de viande rouge.

Que retenir finalement ?

Les cancers sont des maladies multifactorielles. De ce fait, la prévention des cancers colorectaux passe par la réduction de l’exposition à plusieurs facteurs de risque (boissons alcoolisées, surcharge pondérale, viandes rouges et charcuteries) et par une plus grande exposition aux facteurs protecteurs (activité physique, aliments contenant des fibres, produits laitiers – dans la limite de 2 portions par jour).

Prévention nutritionnelle du cancer colorectal.

En conclusion, limiter la consommation de viandes rouges et de charcuteries est une mesure essentielle pour réduire le risque de cancer colorectal, notamment chez les personnes ayant des niveaux de consommation supérieurs aux recommandations actuelles.

Cette limitation doit s’inscrire dans le cadre d’une alimentation équilibrée et diversifiée, c’est-à-dire riche en fruits et légumes, donc en antioxydants. Et il ne faut pas oublier, dans le même temps, de pratiquer une activité physique régulière, ainsi que de diminuer sa consommation de boissons alcoolisées.

Viandes rouges et charcuteries : je peux agir.

Parmi les Kurdes visés par l’offensive turque : les milliers de femmes qui ont affronté Daech

24 jeudi Oct 2019

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Les forces démocratiques syriennes dirigées par les Kurdes sur le champ pétrolier d’al-Omar à Deir Al Zor, en Syrie, lors de l’annonce qu’elles avaient mis fin au contrôle de l’État islamique sur les terres de l’est du pays, 23 mars 2019. Rodi Said/Reuters

  1. Haidar Khezri

    Assistant Professor, University of Central Florida

CC BY ND

Les combattants kurdes qui font face à l’offensive turque – dont on vient d’apprendre la suspension temporaire – ont comparé la décision de Donald Trump de retirer les troupes américaines du nord de la Syrie à un « coup de poignard dans le dos ».

Depuis le début des bombardements, le 9 octobre, les opérations militaires menées par l’armée turque dans le nord de la Syrie contre les Forces démocratiques syriennes – qui sont les alliés les plus déterminés et les plus efficaces de Washington dans la guerre contre Daech – ont fait au moins 72 morts parmi la population et plusieurs autres dans les rangs des combattants kurdes, au sein desquels les pertes pourraient se compter en dizaines, voire en centaines.

Les combattants kurdes sont des partenaires majeurs des États-Unis au Moyen-Orient. Entre 2003 et 2017, ils ont contribué à renverser le régime de Saddam Hussein, lutté contre Al-Qaïda et chassé Daech du nord de l’Irak et de la Syrie.

Les femmes ont largement participé à ces combats, comme c’est le cas depuis le XIXe siècle, période à laquelle la commandante kurde Kara Fatma dirigea un bataillon ottoman de 700 hommes et 43 femmes contre l’Empire russe.

C’était certes inhabituel à l’époque, mais les femmes kurdes font depuis longtemps figure d’exceptions dans un Moyen-Orient en général très conservateur.

Qui sont les Kurdes ?

Le Kurdistan, où je suis né, est l’une des plus grandes nations du monde à ne pas avoir d’État propre. Quelque 35 millions de Kurdes occupent une région montagneuse qui s’étend sur une partie de la Turquie, de l’Iran, de l’Irak, de la Syrie et de l’Arménie.

Le peuple kurde a été divisé une première fois sur le plan politique au XVIIe siècle, quand son territoire a été réparti entre les empires ottoman et safavide. Lorsque l’érudit romain Pietro Della Valle se rendit dans la région, il s’étonna d’y croiser « des femmes kurdes qui se déplaçaient en toute liberté, sans porter le hijab ». Il précisa par ailleurs dans son carnet de voyage de 1667 qu’elles « s’entretenaient avec les hommes, Kurdes comme étrangers, sans la moindre difficulté ».

Après la Première Guerre mondiale, les accords Sykes-Picot, conclus entre la Grande-Bretagne et la France, ont conduit au tracé de frontières arbitraires au sein du Moyen-Orient et à la création de protectorats coloniaux. Ce partage a de nouveau divisé le peuple kurde, en quatre pays distincts : la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie tels que nous les connaissons aujourd’hui.

Les Kurdes ont établi des régions semi-autonomes en Irak et en Syrie. En Iran et en Turquie, ils dépendent du gouvernement central. Reuters

Depuis, les Kurdes n’ont eu de cesse de se battre pour leur indépendance. Au cours des dernières décennies, ils sont parvenus à établir des régions autonomes en Irak et en Syrie.

En revanche, leur lutte armée se poursuit en Iran et en Turquie. Les deux pays considèrent que cette minorité ethnique représente une menace terroriste et oppriment les populations kurdes en toute impunité.

Cette configuration a placé le Kurdistan – qui se trouve être, sur son territoire, une nation plutôt pacifique et prospère, car dotée d’importantes réserves pétrolières – au cœur d’un véritable bourbier sur le plan géopolitique.

Jusqu’à la récente volte-face de Donald Trump, les États-Unis ont apporté leur concours aux Kurdes en Syrie, en Irak et en Iran, ce qui s’est révélé essentiel dans le cadre de la lutte contre Daech, puisque pas moins de 11 000 membres de l’organisation terroriste ont été capturés.

Or la Turquie, alliée des États-Unis, estime que les Forces armées syriennes sont intimement liées au Parti des travailleurs du Kurdistan, le PKK, lequel se bat en faveur de l’autonomie kurde en Turquie depuis les années 1980.

En mai 2018, plus de 250 personnes ont été tuées lorsque la Turquie a bombardé la ville syrienne d’Afrin, à majorité kurde, considérée par l’armée turque comme un « corridor terroriste ».

Des panaches de fumée s’élèvent du côté syrien, aux abords de la frontière sud-est de la Turquie, au cours des bombardements des forces turques, le 10 octobre 2019. Lefteris Pitarakis/AP

Les féministes du PKK

Si le PKK, mouvement marxiste-léniniste fondé en 1978, fait sans conteste figure d’adversaire de l’État turc, il s’agit aussi de l’un des mouvements les plus féministes de tout le Moyen-Orient.

L’organisation politique a tenu son premier congrès sur les droits des femmes en 1987. À cette occasion, Sakine Cansiz, cofondatrice du parti assassinée en 2013, faisait valoir que le principe fondateur du PKK, à savoir « l’émancipation de tous », s’appliquait aussi aux femmes.

Aujourd’hui, l’une des priorités politiques du parti consiste en la reconnaissance expresse de la place essentielle des minorités religieuses, des dissidents et des femmes au sein de la vie démocratique.

Dans les régions autonomes kurdes d’Irak et de Syrie, les femmes jouissent des mêmes droits que les hommes. Par ailleurs, le gouvernement régional kurde irakien compte une plus forte proportion de femmes que le gouvernement du Royaume-Uni, par exemple (30 % contre 20 %).

La charte de la Fédération syrienne semi-autonome du Kurdistan, établie en 2012, prévoit que les femmes occupent au moins 40 % des postes dans la fonction publique. Chaque institution publique syrienne kurde doit en outre être coprésidée par un homme et par une femme.

Les femmes représentent par ailleurs 30 % des combattants kurdes déployés au Moyen-Orient. Plus de 25 000 Kurdes sont par ailleurs mobilisées en Syrie au sein des Unités de protection des femmes, brigades exclusivement féminines reflétant les principes d’émancipation des femmes du PKK. À titre de comparaison, l’armée américaine ne compte que 14 % de femmes dans ses rangs.

Ce sont des troupes kurdes féminines qui ont sauvé des milliers de Yazidis pris au piège par Daech sur le mont Sinjar en Irak en 2014, et ont participé à la libération de la ville de Raqqa du joug de l’organisation terroriste en 2017.

Une combattante irakienne membre des Peshmergas, l’armée kurde, nettoie son arme (2003). Caren Firouz/Reuters

Égalité au front, mais pas sur tous les fronts

Malgré la relative liberté dont jouissent les femmes au Kurdistan par rapport à d’autres régions du Moyen-Orient, l’égalité des sexes n’est pas un fait accompli dans la société kurde.

En 2014, au Kurdistan irakien, seuls 12 juges sur 250 étaient des femmes, et le gouvernement ne comptait qu’une ministre. Les mutilations génitales féminines, les mariages d’enfants et les crimes d’honneur – l’assassinat de femmes accusées d’avoir déshonoré la famille d’un homme – persistent, notamment dans les zones rurales du territoire kurde. De plus, à ma connaissance, les préoccupations féministes telles que l’égalité salariale ou le mouvement #MeToo ne sont pas d’actualité dans la région.

Il apparaît par ailleurs clairement, d’un point de vue historique, que de nombreuses dirigeantes kurdes de renom n’ont réussi que dans la mesure où leur émancipation ne remettait pas en cause l’autorité masculine. Au cours de la Première Guerre mondiale, Lady Adela Khanum, alors à la tête de la province kurde d’Halabja, a sauvé la vie de nombreux officiers de l’armée britannique sur le champ de bataille, ce qui lui a valu d’être surnommée la « Princesse des braves ».

Il se trouve qu’elle n’avait accédé au pouvoir à la mort de son mari. Bien qu’elle ait gouverné la province de 1909 à 1924, elle n’a rien fait de particulier en faveur des droits des femmes.

Alors que les femmes britanniques se battaient encore pour obtenir le droit de vote, la dirigeante kurde Lady Adela menait ses propres troupes dans le cadre de la Grande Guerre. Wikimedia

Une liberté durement acquise

Bien souvent, lorsque les femmes kurdes ont été perçues comme défiant l’autorité masculine, elles l’ont payé très cher, parfois de leur vie.

C’est ce qui est arrivé à la toute première femme à avoir combattu au sein de l’armée kurde. Margaret George Malik a rapidement gravi les échelons d’une hiérarchie exclusivement masculine dans les années 1960, ce qui l’a amenée à diriger les troupes kurdes au cours de la guerre d’indépendance contre l’Irak.

Elle a été assassinée en 1969 dans des circonstances non élucidées. Certains historiens pensent qu’elle a été tuée par son amant pour avoir rejeté sa demande en mariage, tandis que d’autres sont convaincus qu’elle a été assassinée par les autorités kurdes, qui voyaient d’un mauvais œil son influence croissante. Quoi qu’il en soit, le meurtre de Margaret Malik témoigne des combats que doivent encore mener les femmes kurdes aujourd’hui.

Il est intéressant de noter que, dans la langue kurde, le mot « femme », jin, a la même racine que le terme utilisé pour désigner la vie, jiyan. Jin et jiyan sont par ailleurs tous deux liés au mot jan, qui renvoie aux contractions de l’accouchement.

Dans une région où de multiples menaces pèsent sur elles – qu’il s’agisse des frappes de la Turquie, des actes terroristes perpétrés par Daech ou des multiples manifestations du patriarcat –, les femmes du Kurdistan se battent pour rester en vie et demeurer libres, au prix d’efforts considérables et courageux.

Nobel 2019 : l’économie comportementale, une expertise au service d’un néolibéralisme à visage (presque) humain

23 mercredi Oct 2019

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The Conversation

  1. Jean-Michel Servet

    Honorary professor, Graduate Institute – Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)

 

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Graduate Institute - Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID)

 

CC BY ND

Les études d’impact de la distribution de moustiquaires ne visent-elles pas finalement à suggérer des pistes d’amélioration de la santé et donc de la productivité des populations ? Punghi / Shutterstock
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L’économie comportementale revêt aujourd’hui deux modalités. La première est un comportementalisme revendiqué : il s’appuie sur des tests menés en laboratoire révélant des biais dans le comportement des individus par rapport aux traditionnelles normes de rationalité de l’Homo œconomicus. Parmi les supposées irrationalités des individus, citons par exemple le fait que les humains tendent à surestimer une perte d’argent par rapport à un gain de même montant. Richard Thaler, lauréat du prix de la Banque de Suède, dit « Nobel d’économie », à l’automne 2017 est la figure la plus connue aujourd’hui de cette régénération du savoir économique.

La seconde modalité du comportementalisme peut être qualifiée d’implicite. Il s’agit d’expérimentations de terrain comparant in vivo des réactions parmi deux échantillons de population ; les uns bénéficient d’un bien ou d’un service, et les autres pas ; ou ils les reçoivent selon des modalités différentes (technique dite de « randomisation »). Les économistes menant ce type d’expérimentations, comme l’économiste française Esther Duflo, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT) et lauréate 2019 du « Nobel » avec les Américains Abhijit Banerjee et Michael Kremer pour leurs travaux sur « l’allègement de la pauvreté globale », prétendent être pragmatiques, même si les présupposés de la première économie comportementale sous-tendent la seconde.

Faible degré d’interdisciplinarité

Dans les tests en laboratoire comme dans les expérimentations de terrain prime le constat chiffré à niveau individuel. Cela au détriment d’une explication, au sens d’une mise en évidence de processus, de logiques de fonctionnement et d’une reconnaissance de déterminations par les particularités socio-économiques et culturelles d’un milieu spécifique. Une caractéristique forte des deux types d’approche du comportementalisme est leur très faible degré d’interdisciplinarité, y compris dans leurs rapports avec les divers courants de la psychologie comme la psychanalyse et de la psychologie sociale.

L’hypothèse centrale de l’argumentation des économistes comportementalistes est la croyance en une uniformité des caractéristiques psychologiques essentielles des humains et des biais qui en résultent dans leurs prises de décisions et dans leurs choix. Le postulat de cette uniformité permet pour les tests devant ordinateurs d’embaucher des étudiants pour leur faire jouer un rôle et d’en tirer des conséquences quant à ce qui serait les choix de vrais chômeurs, de vrais pauvres, de vrais micro-entrepreneurs, de vrais épargnants, ou de potentiels assurés, etc. De même, il est acceptable pour les comportementalistes de mesurer l’impact d’une offre de biens ou services sur la fraction d’une population en la comparant à une fraction similaire qui ne la reçoit pas ou la reçoit sous une modalité différente.

Cette focale sur l’individu (ou au mieux sur le ménage) conduit à une négligence des effets systémiques à échelons intermédiaires (meso) ou globaux des actions humaines. Sont exceptionnellement saisis les effets collatéraux sur le reste de la population. Par exemple, si un prêt est accordé à une partie des entrepreneurs d’une localité, ceux-ci ne capteront-ils pas des clients au détriment de leurs concurrents ne bénéficiant pas d’un prêt ? Et le versement d’intérêts par les emprunteurs n’exerce-t-il pas une ponction financière du fait d’une expatriation de ressources locales ?

Expression d’une bienveillance

La généralisation des résultats obtenus dans ces tests permet l’élaboration de nudges, terme que l’on peut traduire en français par « incitations ». Autrement dit, les individus qui y sont soumis adoptent un comportement jugé positif ou, au contraire, renoncent à un comportement jugé négatif. Ce peut être l’envoi d’un message téléphonique pour rappeler la nécessité de respecter l’échéancier d’un prêt, la prise d’un médicament, l’acquittement d’un impôt, l’absorption d’un médicament ou le respect d’un rendez-vous ; ce peut être la disposition des aliments dans un présentoir, ou un emballage pour diminuer la consommation de produits trop sucrés ou trop salés. Ce peut aussi être l’installation d’un appareil photographique dans des salles de classe pour contrôler la présence de l’enseignant.

Ces interventions visent à améliorer, sans contraintes apparentes, le bien-être de ceux et celles qui en bénéficient. Ces nudges font ainsi une grande partie du succès des comportementalistes lorsque ces derniers parviennent à mettre en évidence les bénéfices de leur utilisation dans différents contextes.

On peut donc voir dans ces travaux l’expression d’une bienveillance. Plus exactement d’une bienveillance qui s’inscrit dans une idéologie néolibérale qui souhaiterait se doter d’un visage plus humain. Plusieurs éléments l’indiquent, comme je le décrypte dans « L’économie comportementale en question », un ouvrage paru aux éditions CLM au printemps 2018.

Études de marché

Par exemple, les propositions des économistes comportementalistes se caractérisent par une prédilection pour une régulation marchande de la production, des échanges et de leur financement. Même lorsque leur expérimentation a pour objet la réduction de la corruption, on constate ce primat du marché étendu à la gestion du champ politique. Les électeurs sont pensés comme des acheteurs de biens et services que la corruption leur ferait acquérir plus cher que leur valeur réelle.

« Économie comportementale : un regard critique », interview de Jean‑Michel Servet pour Xerfi canal, 2018.

Quant aux expérimentations qui concernent la demande potentielle de certains produits ou services, ou des modalités de leur distribution, elles peuvent être vues comme de vastes études de marché dans les pays en développement ou émergents en matière d’offres de microcrédits, de produits pour purifier l’eau, d’installation de compteurs d’eau, de panneaux solaires pour fournir de l’électricité, etc.

Régulation par le marché

Même lorsque la finalité de commercialiser un produit ou un service par une institution marchande à caractère lucratif n’est pas la proposition exclusive, c’est bien ce type d’organisation qui paraît la solution normale et préférable. Elle l’est explicitement par rapport à une gestion étatisée. Pour ce qui est d’une gestion collective délocalisée de ressources communes (ce qu’on appelle les « Communs ») sous contrôle de parties prenantes, elle est tout simplement quasi absente du fait d’une confusion entre bien public et bien commun ainsi que d’une préférence pour les solutions individualisées.

Les comportementalistes ont également tendance à étudier la création des conditions permettant un bon fonctionnement de l’économie (par ailleurs régulée essentiellement par le marché). On le constate dans des centaines d’expérimentations : avec la distribution de moustiquaires (la meilleure santé des populations n’augmente-t-elle pas la productivité des travailleurs ?) ; la diffusion de vermifuge auprès d’écoliers (celle-ci est supposée améliorer leur fréquentation et donc leurs résultats scolaires en vue de leur future qualification), etc.

Les économistes comportementalistes, à travers les objectifs de leurs tests et expérimentations, sont donc les experts d’un État qui n’est pas/plus lui-même producteur de biens et de services, mais dont le rôle est de créer et de soutenir le meilleur fonctionnement possible de la concurrence et du respect de la propriété privée. Capacités d’expertise qui s’étendent aujourd’hui aux organisations multilatérales et bilatérales de coopération comme aux fondations qui jouent le rôle de supplétifs de services publics que les restrictions budgétaires ne permettent plus ou pas d’assurer.

Le retour d’une géopolitique archaïque serait un désastre stratégiqu

23 mercredi Oct 2019

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The Conversation

La Ratification du traité de Münster, Gerard Terboch, 1648. Wikipedia

  1. Nicolas Tenzer

    Chargé d’enseignement International Public Affairs, Sciences Po – USPC

Université Sorbonne Paris Cité

Sciences Po

 

CC BY ND

La tentation d’une normalisation des relations avec le régime russe ne vient pas de nulle part. Elle n’est que la continuation de la pusillanimité de l’Occident devant l’invasion de l’Ukraine et de son absence de toute volonté de mettre fin aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre commis en Syrie depuis bientôt neuf ans.

Notre incapacité à adopter une position ferme devant les risques dont est porteur l’accord du 1ᵉʳ octobre sur le Donbass et notre entêtetement à croire à des négociations avec la Russie sur la Syrie ne relèvent pas seulement d’une forme d’abandon de nos principes et ne font pas que traduire un retrait stratégique. Ces attitudes s’ancrent dans une vision ancienne de la géopolitique. Certes, du côté de l’Allemagne, on pourra, dans le cas de l’Ukraine, évoquer des intérêts économiques à courte vue, notamment sa défense de l’oléoduc Nordstream 2, danger majeur pour la sécurité énergétique de l’UE et gain stratégique et financier pour le régime russe. Mais c’est d’abord notre conception des relations internationales qui est en cause.

La géopolitique, un concept flou

Parler de géopolitique archaïque mérite quelques explications. L’emploi du terme lui-même, forgé en 1900 par le Suédois Rudolf Kjellén, est régulièrement discuté en raison de l’idéologie de ses premiers penseurs et de son utilisation par le régime nazi. Il renvoie souvent à une vision fondée sur les seuls « intérêts » de l’État et épouse un fort déterminisme géographique, voire historique. Depuis, certains auteurs ont abandonné ce biais en introduisant dans leurs analyses la dynamique des peuples, des éléments de contexte micro-géographiques et une approche plus empirique. On pourra certes conclure que la géopolitique est tout sauf une science exacte et reconnaître que, comme l’écrit Frédéric Lasserre, « il est difficile de théoriser la géopolitique de façon crédible ». Souvent, y compris l’auteur de ces lignes lorsqu’il plaidait pour une conception géopolitique de l’Europe, on utilise aussi le mot géopolitique, faute de mieux, pour faire valoir une conception du monde ou d’une région vus sous l’angle des relations internationales et de la sécurité, et pas seulement de l’économie et des institutions.

Il est révélateur que, consciemment ou non, certains responsables politiques ou analystes de la vie internationale puisent des concepts ou des modes d’argumentation dans le vocabulaire et les axiomes anciens de la géopolitique pour défendre leur point de vue. Car soyons nets : ces concepts permettent de justifier théoriquement, donc idéologiquement, une vision du monde qui leur préexiste. Certes, il n’est guère possible, dans le champ des relations internationales comme dans celui de la politique en général, de prétendre échapper soi-même à ces conceptions portées par des convictions et des valeurs. Mais celles-ci, et c’est inquiétant, peuvent conduire à écarter les faits. Les concepts en question sont notamment ceux de réalisme, de stabilité, d’histoire et d’États. Aucun n’est illégitime, mais leur usage peut être détourné et leur sens corrodé.

Détail du tableau Les Ambassadeurs de Hans Holbein le jeune, 1533. Wikipedia

La querelle du réalisme

Le réalisme est un terme souvent utilisé par certains géopolitologues afin de constater un rapport de puissance à un moment donné. Mais ce réalisme-là n’a que peu à voir avec le réalisme critique de Raymond Aron qui se démarquait des « pseudo-réalistes » : ceux-ci, expliquait-il, adoptent de ce terme une acception théorique et fondée essentiellement sur les seuls rapports de force et ont une vision quintessenciée de la continuité de la politique étrangère des États et de l’intérêt national.

On voit surgir ce réalisme autoproclamé oublieux des menaces chez d’anciens hauts responsables, tels Hubert Védrine, pour qui « il fau[drai]t prendre notre perte […] sur la Crimée et la Syrie » et qui n’hésite pas à étendre ce cynisme défaitiste à l’ensemble de l’Ukraine. Selon cette acception, le réalisme ne cherche aucunement à analyser les menaces qui pèsent sur notre sécurité et sur nos principes. Le réalisme se réduit dès lors à l’acceptation du présent. Mais que vaut un réalisme qui ne part pas, dès le départ, d’une reconnaissance des risques et qui considère, sans la moindre démonstration élaborée, qu’une agression ne peut être contrée ? Un réalisme conséquent suppose au contraire d’analyser les rapports de force en cherchant ce qui peut permettre de les modifier à notre avantage. Chercher à les déplacer suppose de prendre en considération, comme le soulignait déjà Aron, non seulement les forces militaires et la puissance économique, mais aussi la force que peuvent porter la volonté et la mobilisation psychologique des populations.

Faire fond sur de prétendus « intérêts éternels » est également erroné. Ainsi, l’intérêt bien compris de la Russie, économique et de sécurité, serait d’avoir à l’égard de l’Occident une attitude coopérative et non hostile. Ce que le régime défend n’a rien à voir avec de tels intérêts, mais avec une volonté avant tout idéologique de destruction d’un ordre international fondé sur des principes libéraux.

Vladimir Poutine contemple une carte de la Russie dans sa résidence de Novo-Ogarevo, le 11 août 2006. À cette époque, les cartes russes ne contestent pas encore l’appartenance de la Crimée à l’Ukraine. Dmitry Astakhov/AFP

La stabilité, ou le fixisme géostratégique

Dans cette conception, peu importe l’aspiration des peuples à la liberté. Le droit international, faute de garant résolu, n’aurait guère d’importance puisqu’il ne serait que le résultat momentané de rapports de force qui évoluent régulièrement. L’idée qu’il faille imposer un effet de cliquet à ses progrès afin d’éviter un retour en arrière ne serait qu’une manifestation d’idéalisme et ne contribuerait pas à la stabilité de l’ordre international : d’un côté, il attiserait les revendications de droits ; de l’autre, il empêcherait la puissance de s’exercer pour corriger les erreurs passées. Il serait contre nature. Cette conception archaïque de la géopolitique considère dès lors souvent les protestations – voire les révolutions – populaires comme le premier danger.

Cette défiance s’est notamment exprimée devant ce qu’on a appelé les « printemps arabes » et, plus récemment, l’insurrection pour la liberté à Hong Kong. Ces mouvements sont perçus comme un saut dans l’inconnu. Brandissant les menaces dont ils seraient porteurs, notamment l’islamisme ou le chaos, certains, comme l’ancien président Nicolas Sarkozy, célèbrent la stabilité des régimes et glorifient les hommes forts. C’est aussi au nom de la stabilité que certains estiment qu’Assad, quoique criminel contre l’humanité, représente « la moins pire des solutions », alors que, par le massacre de son peuple, le ciblage délibéré des opposants modérés et la libération des djihadistes de Daech, il constitue en fait le premier facteur d’instabilité de la Syrie. D’autres encore, tels Donald Trump, tiennent le même raisonnement pour l’Égypte et veulent voir dans le président Sissi un rempart contre le terrorisme et contre l’extrémisme islamiste, alors que l’expérience historique montre que les régimes autoritaires alimentent ces phénomènes.

Cet éloge de la stabilité à tout prix va de pair avec une autre constante de cette ancienne géopolitique : le relativisme culturaliste. Dans cette conception du monde, certains pays, en raison de leurs traditions, de leurs structures sociales ou de leurs religions, ne seraient jamais mûrs pour la démocratie, la liberté et les droits de l’homme. Il n’est pas fortuit qu’un think tank proche du régime russe défende ainsi, dans son intitulé même, le « dialogue entre les civilisations », chacune étant supposée avoir sa propre voie de développement. Cette ancienne géopolitique a un ennemi : l’universalisme.

L’histoire magnifiée et écartée

Cette stabilité, selon la vulgate de ces autoproclamés réalistes, ne proviendrait que d’un accord entre les Grands pour se partager des zones d’influence. Quant à l’histoire longue, elle serait mise au service d’une vision « continentale » dont seraient logiquement exclues les révolutions pour la liberté, notamment celles qui ont conduit à l’autonomie des pays d’Europe centrale et orientale et à l’indépendance des pays de l’ancienne URSS, de même que les mouvements luttant pour la préservation de l’indépendance de Taïwan et de l’autonomie de Hong Kong par rapport à la Chine continentale.

Sans toujours en percevoir la portée, certains dirigeants privilégient ainsi l’histoire longue de la Russie ou de la « Chine éternelle », de même qu’ils expliquent l’Iran par l’héritage perse ou la Turquie par celui de l’Empire ottoman. Que des responsables politiques de ces pays utilisent et détournent ces réminiscences historiques à des fins de propagande, comme l’a bien montré Bruno Tertrais, est une chose ; que d’autres, politiques ou journalistes, chez nous, leur donnent un certain crédit en est une autre.

Dans cette vision éternitariste de la politique, là aussi, curieusement, à force de trop compter, l’histoire ne compte plus du tout. Revenue à un temps antérieur à l’École des Annales, les aspirations populaires, le mouvement des idées et leur impact sur la pensée, les différences au sein des pays, sont écartés au profit d’une vision géographique propre aux débuts de la géopolitique. Cette vision essentialise par exemple les luttes sectaires pour expliquer les rivalités du Moyen-Orient, sans voir qu’elles n’en fournissent pas une explication globale et sont instrumentalisées.

Petites nations contre grands États

Dans cette vision, outre les peuples, les « petites nations » dont parlait Kundera n’auraient qu’un droit résiduel de cité. Elles ne seraient qu’un obstacle pour la paix, des « problèmes » qui ne pourraient que faire obstacle aux « grands accords » si elles manifestaient par trop leur volonté. Comptent d’abord les grands pays. Seules les positions des principales puissances devraient être prises en compte dans cette « géopolitique » cruelle et, pour tenter d’empêcher un affrontement généralisé, le sacrifice des « petits » pourrait être nécessaire, y compris au profit d’États qui ne partageraient pas nos idéaux. D’une certaine manière, ce qui s’est passé en Europe entre 1989 et 1992 serait oublié, voire effacé – y compris parfois au sein de ces nations elles-mêmes –, au profit de l’histoire exclusive des « grandes nations » et cet héritage de l’émancipation du communisme, qui passait forcément par l’affirmation nationale, ne serait que marginal par rapport à une prétendue « grande histoire ».

Carte postale de propagande nazie de 1939 proclamant. Wikipedia

Cette vision illibérale et arrogante se manifeste régulièrement et l’Ukraine, qui n’est pas exactement une petite nation, paraît parfois considérée comme un obstacle ou un facteur d’irritation. On voit poindre chez certains politiques la tentation implicite d’une naturalisation des appartenances : la Crimée, voire l’Ukraine, seraient « naturellement » russes et certains, y compris des opposants à Poutine et certains journalistes, convoqueront de manière contestable l’histoire pour s’opposer au droit.

Une telle vision « géopolitique » ne peut qu’aller dans le sens du Kremlin qui, comme Timothy Snyder l’a magistralement montré dans The Road to Unfreedom, promeut cette conception ethno-naturaliste de l’histoire russe en bannissant la considération de la volonté personnelle au profit d’ensembles territoriaux déshumanisés. Le pouvoir russe, nationaliste et autoritaire, n’a eu de cesse de contrer les revendications nationales lorsque celles-ci s’appuyaient sur le désir de liberté. En revanche, ce même pouvoir russe n’a jamais hésité à reprendre à son compte un discours fondé sur la « nature » du peuple russe, voire sur son caractère ethnique, pour englober les populations qu’il entendait assimiler. Cette conception s’étend logiquement à la religion – l’orthodoxie dont le régime nie au passage la diversité – et à la langue, comme l’avait déjà fait Hitler au moment de la crise des Sudètes. Dans le cas de l’Ukraine, les russophones du Donbass et de Crimée seraient réputés favorables au régime alors même qu’une majorité d’entre eux se sentent ukrainiens pour des raisons politiques, bien qu’ils parlent d’abord le russe.

Non seulement la pénétration accrue dans les esprits des dirigeants de l’Ouest de cette vision géopolitique ancienne serait désastreuse pour les peuples en lutte pour la liberté, mais elle menacerait aussi les pays européens. En se montrant compréhensif envers le discours des États autoritaires, voire en reprenant leurs thèmes de propagande – ces grands États auraient été « humiliés » par ceux qui résistent à leurs coups de force et il faudrait « respecter » leurs régimes en raison de l’histoire –, c’est précisément l’histoire des luttes pour la liberté et les conquêtes du droit qu’on efface. Au nom de l’histoire longue, on annihilerait celle du présent. Penser que les démocraties pourraient survivre en étant entourées d’États ayant voué à la mort les principes libéraux est une illusion tragique. Et cette histoire ainsi annoncée, selon les mots de Hegel, ne serait qu’un charnier.

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