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Archives Mensuelles: février 2020

Aux origines de l’affaire Griveaux : la culture russe du « kompromat »

29 samedi Fév 2020

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The Conversation

  1. Andreï Kozovoï

    Maître de conférences en histoire russe, Université de Lille

Université de Lille

Université Lille Nord-Europe (ULNE)

 

CC BY ND
L’immeuble du FSB, place de la Loubianka à Moscou. A.Savin (Wikimedia Commons · WikiPhotoSpace) , CC BY-NC-SA
 

Vendredi 14 février 2020 : Benjamin Griveaux, candidat de la majorité présidentielle pour les municipales à Paris et porte-parole du gouvernement, annonce son retrait de la campagne après la publication d’une « vidéo à caractère sexuel » le mettant directement en cause. Quatre jours plus tard, le mardi 18 février, l’artiste russe Piotr Pavlenski et son amie Alexandra de Taddeo, destinataire de la vidéo (enregistrée en mai 2018), sont mis en examen pour « atteinte à l’intimité de la vie privée » et « diffusion sans l’accord de la personne d’un enregistrement portant sur des paroles ou images à caractère sexuel et obtenues avec son consentement ». Pavlenski, qui revendique son action, explique avoir voulu dénoncer l’« hypocrisie » de Griveaux (qui selon lui avait voulu se faire passer auprès de l’électorat pour un père de famille modèle et fidèle tout en ayant des aventures) et révéler les « mécaniques du pouvoir ».

Piotr Andreïevitch Pavlenski, né le 8 mars 1984 à Leningrad, est arrivé le 13 janvier 2017 en France où il a obtenu le statut de réfugié politique en raison des persécutions dont il avait fait l’objet en Russie. Sans évidemment accuser Pavlenski d’avoir été « téléguidé » par les services secrets russes suite aux démêlés de Griveaux avec la chaîne RT France, on ne peut manquer de s’interroger sur la similitude de son mode opératoire avec une pratique dans laquelle le Kremlin serait passé maître : l’exploitation du kompromat, qui désigne des matériaux collectés pour discréditer un acteur (politique, économique…) russe ou étranger ou, s’ils ne sont pas divulgués publiquement, pour le manipuler. Une pratique qui participerait d’une véritable « culture du chantage » en Russie et dans les pays de l’ex-URSS, qualifiés pour cette raison par le politologue américain Keith Darden d’« États-chantage » (blackmail states).

Si le vocable kompromat se retrouve désormais sous la plume des journalistes français, son origine et sa place dans la culture politique russe demeurent mal connues du grand public, d’où un détour nécessaire par l’Histoire.

Panneau brandi pendant une manifestation anti-Donald Trump, le 19 février 2019 à Los Angeles. Women’s March LA 2019, CC BY

Sexe, mensonge et KGB

Le kompromat naît dans un contexte d’ouverture de la Russie soviétique à l’Occident sous Staline, d’abord à des fins de propagande et d’espionnage. En avril 1929, quand voit le jour en URSS la société « Intourist », peu imaginent que l’objectif premier du Kremlin n’est pas tant de favoriser le développement du tourisme étranger et l’amitié entre les peuples que de surveiller les Occidentaux et si possible, d’obtenir du kompromat, terme du jargon policier qui se diffuse justement dans les années 1930.

Pendant la guerre froide, la collecte du kompromat, notamment dans les chambres d’hôtel, devient une activité à part entière du KGB, mobilisant nuit et jour une petite armée d’agents.

Les services secrets soviétiques font régulièrement appel aux services de prostituées afin de compromettre des personnalités politiques ou du monde des affaires. En cas de succès, les « compromis » deviennent des agents d’influence dont la mission est de contrer les discours antisoviétiques une fois rentrés chez eux, en racontant par exemple que l’URSS est un pays comme les autres et que les Occidentaux gagneraient à faire des affaires avec elle.

Plus rarement, le KGB réussit à attraper de « gros poissons » pour en faire des espions. En 1954, les services secrets soviétiques recrutent l’attaché militaire de l’ambassade britannique, John Vassall, grâce à des photos le montrant au lit avec plusieurs hommes. Trahi en 1961 par un officier de haut rang du KGB passé à l’Ouest, Anatoli Golitsyne, Vassall est finalement arrêté en septembre 1962. L’affaire marque puissamment les imaginaires : une scène de Bons baisers de Russie (1963) montre des agents soviétiques filmant le célèbre agent 007 en train de faire l’amour dans un hôtel avec une agente soviétique, Tatiana Romanova, derrière une glace sans tain. L’affaire Maurice Dejean a défrayé la chronique en 1964 : cet ambassadeur de France a dû être rappelé en urgence à Paris, les services soviétiques disposant d’un enregistrement vidéo de ses ébats avec une actrice.

James Bond et Tatiana Romanova filmés à leur insu dans Bons baisers de Russie. EON Productions

La démocratisation de la sextape

Le kompromat et sa forme la plus outrancière, la sextape, « se démocratisent » après la disparition de l’URSS. Avec l’avènement de la liberté d’expression, de médias indépendants (et corruptibles…) et le développement de réseaux criminels organisés, le pouvoir n’a plus le monopole de cette pratique. Dans le même temps, l’expérience acquise et les infrastructures des services secrets soviétiques, maintenues en l’état, favorisent le « recyclage » de très nombreux ex-agents du KGB auprès d’employeurs privés. Il convient de souligner qu’on observe le même phénomène dans tous les États issus de l’éclatement de l’URSS – chaque territoire soviétique ayant sur son territoire une branche du KGB locale (par exemple, le KGB d’Ukraine, le KGB de la Géorgie, etc.) et donc autant d’agents expérimentés dans le domaine du kompromat.

Dans le contexte chaotique de la première partie des années 1990 en Russie – c’est une période de « flottement législatif », en particulier en ce qui concerne la notion de diffamation –, la démocratisation du kompromat se constate d’abord dans la presse. La publication de documents compromettants est rendue possible à tout un chacun moyennant le versement à l’organe de presse d’une somme plus ou moins substantielle.

Le pouvoir russe s’efforce de récupérer le monopole du kompromat au cours de la seconde partie des années 1990, après la réélection d’Eltsine et la création du FSB, héritier indirect du KGB. Deux ans plus tard éclate l’affaire qui éclabousse le ministre de la Justice en personne, Valentin Kovalev. En juin 1997, un périodique russe qui se spécialise dans les révélations sur des personnalités politiques, Soverchenno sekretno (top secret), publie un article mentionnant l’existence d’une cassette vidéo – de deux ans d’âge ! – dans laquelle Kovalev prendrait du bon temps en compagnie de prostituées. Circonstance aggravante, apprend-on, sur cette vidéo Kovalev se trouverait dans un sauna appartenant à l’une des plus célèbres organisations criminelles de Russie, la « Solntsevskaïa » (du nom d’un arrondissement de Moscou, Solntsevo). L’information sur la sextape de Kovalev provient d’un banquier de trente-cinq ans proche de la mafia russe, Arkadi Anguélévitch. Pressentant son arrestation, Anguélévitch demande à ses amis de Solntsevskaïa de lui fournir un enregistrement vidéo du ministre, un kompromat destiné à être utilisé comme monnaie d’échange. Anguélévitch n’a pas le temps d’utiliser sa pièce à conviction : la sextape est découverte dans sa datcha suite à une perquisition.

Inspirées par le précédent du ministre de la Justice, les sextapes fleurissent dans tout le pays (un site dédié aux documents compromettants de toute sorte, Compromat.ru, sera créé en 1999 et connaîtra un succès colossal, qui ne s’est pas démenti à ce jour) ; ironie suprême, l’une de leurs victimes est le procureur général Iouri Skouratov en personne. Après la crise économique d’août 1998, le procureur s’en prend à l’entourage de Boris Eltsine, accusant plusieurs de ses proches de s’être enrichis frauduleusement en jouant sur la valeur des obligations émises par l’État, les GKO. Le scandale éclabousse aussi Boris Berezovski, le plus connu des « oligarques », un homme richissime proche du « clan » Eltsine.

Pour se débarrasser de Skouratov, les oligarques décident de recourir au kompromat. En mars 1999, sur instruction de Berezovski, la première chaîne du pays dont l’oligarque est le principal actionnaire, ORT, diffuse une sextape où l’on voit un homme « ressemblant au procureur général » (l’expression passera à la postérité) profiter des services de deux prostituées. L’intéressé a beau crier au trucage, rien n’y fait. Boris Eltsine le suspend de son poste, « en attendant de faire toute la lumière sur cette affaire ». Vladimir Poutine, administrateur loyal que le président a fait venir de la mairie de Saint-Pétersbourg pour le nommer à la tête du FSB, est appelé à servir de garant : le futur président russe joue son rôle à la perfection, certifiant l’authenticité de la vidéo. En participant à la crucifixion de Skouratov, Poutine finit de gagner les faveurs de la « Famille », et notamment de Tatiana Diatchenko, la fille d’Eltsine, qui convainc le président vieillissant et malade de le nommer Premier ministre, une manière de le désigner à sa succession.

Iouri Skouratov le 13 octobre 1999 pendant la session du Conseil de la Fédération (la Chambre haute du parlement russe) consacrée à son limogeage à la suite de la révélation d’une vidéo compromettante. Sergey Chirikov/AFP

La sextape russe 2.0

Dans les années 2000, avec Vladimir Poutine à la présidence, les tendances observées plus tôt se renforcent : d’un côté, les nouvelles technologies numériques tendent à accroître la vulnérabilité de cibles potentielles, permettant une fabrication et une diffusion quasi instantanée de kompromat, par n’importe qui, à moindre coût, à une échelle jamais vue auparavant. Dans le même temps, l’utilisation du kompromat en Russie redevient une prérogative de l’État. Utilisant le service de hackers, le Kremlin se réserve le droit d’utiliser la sextape contre des opposants du régime et, dans le contexte de la « nouvelle Guerre froide », contre des cibles étrangères.

Pour autant qu’on puisse en juger, ces opérations ne rencontrent pas toujours le succès escompté. En 2009, Kyle Hatcher, diplomate américain à Moscou, est aussi victime d’un chantage à la sextape, mais l’impossibilité de le distinguer sur les images de la vidéo, publiée sur un site web russe, permet au Département d’État de dénoncer un kompromat fabriqué de toutes pièces. En 2010 éclate une véritable « guerre des sextapes » orchestrée par le Kremlin, avec dans le rôle de l’appât Katia Guerassimova, dite « Moumou ». Parmi ses cibles, un jeune opposant à Poutine âgé de 25 ans, Ilya Iachine. Mais contrairement à d’autres opposants victimes du « moumougate », Iachine quitte l’appartement de Katia sans avoir touché à la cocaïne qu’elle lui offrait et surtout, il raconte son histoire, dans le détail, à la presse.

Plus récemment, en 2016, Mikhaïl Kassianov, ancien premier ministre de Poutine (2000-2004) passé depuis à l’opposition, a été filmé à son insu par sa maîtresse au lit, en train de critiquer plusieurs autres personnalités du camp libéral. L’objectif de la révélation de cette vidéo était clair : semer la discorde au sein d’une opposition « hors système » déjà très hétérogène. L’impact de ces opérations est encore une fois mitigé : le public russe s’est « endurci », et il est plus difficile de le choquer que dans les années 1990.

CBS Evening News, 13 janvier 2017.

Le kompromat le plus connu de l’ère Poutine est, de fait, une sextape peut-être imaginaire : il s’agit de la supposée « golden shower » (pee tape), où le futur président Donald Trump, en visite à Moscou en 2013, figurerait en compagnie de prostituées payées pour uriner sur le lit de la chambre de l’hôtel précédemment occupée par le couple Obama. L’affaire est révélée début 2017 par le FBI sur la base des informations fournies par un ancien agent des services secrets britanniques, Christopher Steele. Certains spécialistes comme Alena Ledeneva, de l’University College London, doutent de l’existence de la « pee tape », et ce, malgré les précédents de Trump en matière de frasques sexuelles ; quelle que soit la réalité, sa révélation n’aurait aucune conséquence sur la carrière d’un président « teflon » qui a survécu à une tentative de destitution. Tout le contraire d’un Benjamin Griveaux donc.

Débat : Trois idées (fausses) à l’origine des politiques culturelles françaises

28 vendredi Fév 2020

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The Conversation

 

  1. Fabrice Raffin

    Maître de Conférence à l’Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Auteurs fondateurs The Conversation France

 

CC BY ND
André Malraux. Flickr / la demeure du chaos, Thierry Ehrmann.
 

Dans le panorama actuel des politiques culturelles, la notion récente de droits culturels vient interroger l’ancien vocable de la démocratisation culturelle.

Si la notion est inscrite dans le droit international depuis 1948 (Unesco, Nations-Unies), c’est en 2007, dans la déclaration de Fribourg, qu’elle est affirmée et apparaît comme une nouvelle ressource pour les politiques culturelles.

« Article 5 de la déclaration de Fribourg sur les droits culturels (accès et participation à la vie culturelle)

a. Toute personne, aussi bien seule qu’en commun, a le droit d’accéder et de participer librement, sans considération de frontières, à la vie culturelle à travers les activités de son choix.

b. Ce droit comprend notamment : la liberté d’exercer, en accord avec les droits reconnus dans la présente Déclaration, ses propres pratiques culturelles et de poursuivre un mode de vie associé à la valorisation de ses ressources culturelles, notamment dans le domaine de l’utilisation, de la production et de la diffusion de biens et de services. »

Les droits culturels consistent notamment en un élargissement de la définition de la culture à des aspects moins artistiques, au-delà du triptyque lettres, arts et patrimoines. Ils rendent possible la reconnaissance de pratiques plus quotidiennes, parfois très localisées, liées à des milieux sociaux restreints, des pratiques définies ou vécues comme culturelles par ceux qui les pratiquent et non par des experts ou des professionnels de l’art.

Les défenseurs de cette notion sont assez prompts à y voir, en France, une solution à l’échec de la démocratisation depuis 1959. D’autres, majoritaires, ne la connaissent pas, ne la comprennent pas vraiment, ou n’y voient qu’un avatar supplémentaire des politiques publiques. Pour considérer le potentiel de ce nouveau concept, peut-être faut-il s’arrêter ici sur des aspects des politiques culturelles et leurs effets sociaux rarement pris en compte.

Apporter la culture aux populations est ainsi depuis 1959 le fondement de la politique culturelle française, fondement qui s’est coulé dans le concept de démocratisation culturelle. Pour le dire avec les mots d’André Malraux dans son discours fondateur du Ministère de la Culture cette même année 1959, il s’agit « de rendre accessible au plus grand nombre les œuvres capitales de l’humanité ».

Pour les porteurs de cette politique, élus, professionnels de la culture, certains artistes eux-mêmes, ce fondement s’appuie sur une évidence implicite qui n’est jamais interrogée, mais dont la véracité est douteuse. L’idée qu’une partie de la population française, surtout les milieux sociaux les plus modestes, n’auraient pas accès à la culture.

« Les populations n’ont pas accès à la culture »

Cette idée directrice de la politique culturelle pourrait paraître exacte si l’on s’en tenait à la définition restrictive de la culture qui la sous-tend. Lorsqu’en France il est question de culture, il est surtout fait référence à des formes culturelles que l’on appelle « œuvres », qui ont été labellisées comme telles et intégrées à l’histoire de l’art, ou sont en passe de l’être. Il s’agit plus d’art que de culture.

Cependant, il est une autre manière radicalement différente de définir la culture, non pas à partir des objets qu’elle produit, mais à partir de l’expérience qu’elle procure. Parmi l’ensemble des pratiques sociales, la culture peut être identifiée dans une perspective pragmatiste, à partir de l’expérience esthétique qui la caractérise. La culture est alors un ensemble de pratiques à même de procurer cette expérience esthétique, elle-même caractérisée par la mobilisation de notions et de sentiments, comme le beau, le sensuel, l’émotionnel.

À l’analyse, si cette expérience ne diffère pas en « nature », elle diffère par les moyens et les dispositifs que chaque milieu social se donne pour y parvenir. Et chaque milieu de définir et de faire évoluer, ce qui, pour lui correspond à la culture.

Dès lors, si l’on reconsidère la question de l’accès à la culture, celle-ci apparaît bien moins misérabiliste qu’à l’accoutumée. En effet, depuis plus de trente ans que je fréquente les milieux sociaux les plus divers, des plus pauvres aux plus aisés, ruraux, urbains, péri-urbains, différenciés également selon des variables d’âge, d’ethnie, de genre, je n’en ai jamais rencontré qui ne construisent leurs propres pratiques culturelles, et donc, leurs propres expériences esthétiques.

Bien sûr, les jugements de classe sont assez spontanés et on a tôt fait de mépriser l’expérience esthétique des autres, surtout si elle s’éloigne de l’histoire de l’art. Mais si la culture est définie ici par l’expérience esthétique qu’elle procure, ses usages sociaux s’éloignent aisément d’un bon usage inhérent aux politiques culturelles. Et si Malraux préconisait en 1964 une politique culturelle austère en déclarant, que « si la culture existe ce n’est pas du tout pour que les gens s’amusent », nos concitoyens ont eux des usages sociaux de la culture divers et surtout joyeux, hédonistes.

« Il existe des formes artistiques universelles »

Par ailleurs, lorsque Malraux parlait « des œuvres majeures de l’humanité » dans son discours de 1959, il donnait une perspective universaliste à la politique qu’il plébiscitait. La version élitiste de la culture du Ministère, bien que restrictive, se présente toujours comme étant de portée universelle, autre manière d’argument pour autojustifier sa pertinence et l’intérêt d’y investir des sommes massives.

Or, on peut aisément douter de la portée universelle d’œuvres essentiellement occidentales, seraient-elles le fait de Molière, Mozart ou Da Vinci. Les œuvres majeures de l’humanité ne sont pas plus universelles que d’autres. Il suffit pour le prouver d’appréhender en situation leur inefficience à provoquer la moindre émotion pour la majorité des milieux sociaux au sein de nos sociétés occidentales.

Ce que provoquent de manière majoritaire ces « œuvres majeures de l’humanité » pour de nombreux publics, c’est de l’évitement, parfois du rejet, le plus souvent de l’indifférence, rarement du partage ou de l’envie. Les professionnels rétorqueront que c’est une question d’éducation, qu’il faut la commencer plus tôt à l’école ; que ces formes artistiques sont pour tous, puisqu’elles sont estampillées universelles. Négation de la culture d’autrui qui se cristallise dans la figure généralisée d’un individu passif devant son écran de télé et, aujourd’hui, d’ordinateur. Mais nos concitoyens, parfois rétifs, souvent créatifs, seront toujours à même de construire des tactiques et des ruses pour conserver voire développer leurs propres pratiques culturelles, ignorants les œuvres décrétées comme majeures et bénéfiques pour eux.


À lire aussi : Les pratiques culturelles « populaires », bien vivantes mais invisibles


« La culture crée du lien social »

Enfin, il faudra nuancer une autre affirmation récurrente inhérente aux politiques culturelles : le fait que la culture crée du lien social. Si l’on considère l’indexation de toute pratique culturelle sur un milieu social, le fait qu’il n’existe pas de formes esthétiques universelles, on peut s’interroger sur ce fameux lien social. En effet, les pratiques culturelles renvoient toujours à des questions identitaires, d’appartenances sociales et de valeurs. Dire ce que je suis, ce que je pense, à travers un objet esthétique quel qu’il soit, c’est générer potentiellement l’adhésion autant que le conflit, parfois la haine. Si lien social il y a, il peut être positif comme conflictuel, selon différentes intensités.

Nous sommes à nouveau à l’opposé de l’idéologie culturelle de Malraux, pour qui le Ministère de la Culture relevait également d’un projet nationaliste républicain de cohésion nationale. En l’occurrence, une fois encore, nos concitoyens ne sont pas dupes, et il y a dans le rejet actuel du politique, lisible dans le vote extrémiste, l’abstention ou les récents mouvements sociaux, un sentiment de domination et d’impuissance qui concerne aussi les politiques culturelles.

Ceux que l’on appelle les « professionnels de la culture » ont l’impression (sincère) de représenter l’intérêt culturel des populations, ce qui n’est pas le cas. Malgré les récentes avancées sur la notion de « droit culturel », les expériences esthétiques imposées à la population avec l’argent de tous, restent celles d’une minorité. Les tentatives de redéfinition des équipements culturels à travers, par exemple, la notion fourre tout de tiers-lieux, sont sous financées par rapport aux grands équipements et au patrimoine. Et les programmations des institutions culturelles publiques, quand bien même se voudraient-elles plus ouvertes, restent socialement très marquées, il n’est qu’à constater le profil des publics abonnés.

Droits culturels et élargissement des politiques publiques

Il ne s’agit pas de remettre en cause le soutien à des formes artistiques non rentables ou déficitaires, au contraire, nous sommes bien là dans les missions légitimes du service public. Néanmoins, eu égard à la notion de droits culturels et des limites pointées ici, il s’agit d’inviter à recalibrer ce soutien pour permettre le développement de formes culturelles plus contemporaines, dans une perspective qui ne soit pas strictement artistique. Il s’agit de tenir compte des demandes des populations dans leur diversité, quand bien même ces demandes procéderaient majoritairement d’un besoin de divertissement et de plaisir, sans en exclure pour autant les enjeux esthétiques, mais également économiques, politiques et sociaux.

Les festivals estivaux ou les évènements dans l’espace public portés principalement par les collectivités territoriales, représentent souvent une tentative de réponse à ce type de demandes culturelles et relèvent bien d’une politique de droits culturels. Cependant, leur dimension démocratique est un trompe-l’œil comme le montre l’homogénéité de leurs publics. Par ailleurs, ils relèvent du bon vouloir des collectivités territoriales, la majeure partie des financements publics étatiques restant consacrés aux formes artistiques classiques et notamment aux équipements (scènes nationales, musées, écoles d’art), très peu ouverts à la diversité culturelle réelle.

Planète Mars : les premiers séismes jamais détectés

27 jeudi Fév 2020

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The Conversation

  1. Philippe Labrot

    Responsable communication SEIS/InSight, Institut de physique du globe de Paris (IPGP)

  2. Charles Yana

    Chef de Projet Opérations SEIS pour la mission InSight, Centre national d’études spatiales (CNES)

  3. Philippe Lognonné

    Professeur en Géophysique et Planétologie, Institut de physique du globe de Paris (IPGP)

Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP)

Centre national d'études spatiales (CNES)

 

CC BY ND

Si, après la Terre, Mars est de loin la planète la plus étudiée du système solaire, seule sa surface commence à nous être familière : nous ne savons en effet presque rien de ce qui se trouve en dessous. Comme toutes les planètes telluriques, la planète rouge possède une structure interne composée de trois couches : croûte, manteau et noyau. Mais nos connaissances sur l’épaisseur, l’état (solide ou liquide), la densité et la composition de ces enveloppes sont très approximatives. Or la structure interne est fondamentale pour comprendre l’origine et l’évolution géologique d’un corps planétaire, tout comme son potentiel à accueillir le vivant.

Objectif Mars : que cherche-t-on ?/Université de Paris.

La mission InSight de la NASA a été envoyée vers Mars pour résoudre l’énigme de ses profondeurs, avec un atout principal, un sismomètre ultrasensible et ultrarésistant d’origine française, SEIS. Après un atterrissage en fanfare le 26 novembre 2018, puis la dépose et l’installation du sismomètre au niveau du sol poussiéreux de la plaine d’Elysium entre décembre et février 2019, l’instrument s’est mis à l’écoute de l’activité sismique martienne. Une année plus tard, les premiers résultats, publiés dans Nature, sont aussi spectaculaires qu’inattendus.

De Viking à InSight, quarante ans d’attente pour le premier sismomètre martien

La première tentative pour percer les mystères de l’intérieur de la planète rouge par le biais de la sismologie avait eu lieu dès 1976, avec les atterrisseurs américains Viking, les premiers à parvenir intacts à la surface de Mars. Si cette mission a été l’un des plus grands succès de la conquête spatiale, les sismologues étaient restés sur leur faim : le sismomètre de l’atterrisseur Viking 1 ne put être mis en service, et entre 1976 et 1978, celui de Viking 2 n’enregistra que les secousses provoquées par les assauts répétés du vent sur la structure de la sonde.

Quarante ans plus tard, la première chose que le sismomètre SEIS mesura sur Mars, lors de sa mise en route sur le pont d’InSight, fut également… les vents. Avec ses panneaux solaires, l’atterrisseur est même deux fois plus sensible aux bourrasques que les sondes Viking. Mais cette fois ci, nous avions tout prévu. La construction de cet instrument, fruit d’une vingtaine d’années de recherche, nous avait été confiée par la NASA car nous étions, à l’époque, la seule équipe dans le monde avec les compétences nécessaires.

Grâce à son bras robotique, et contrairement à Viking, la sonde InSight fut capable de déposer son sismomètre directement sur le sol, puis de le recouvrir avec un bouclier de protection éolien et thermique diablement efficace. Dans cette configuration, le bruit causé par le vent parvient en effet à être diminué d’un facteur pouvant aller jusqu’à 1000. Les effets de cette opération à haut risque qui demanda deux mois furent stupéfiants : lorsque l’instrument, les pieds plantés dans la poussière ocre, fut rallumé sous sa cloche, il ouvrit pour les planétologues une fenêtre vers un domaine de fréquences et de vibrations jusqu’alors inconnu et inaccessible.

Le sismomètre SEIS, sous son bouclier blanc de protection thermique et éolien, photographié à la surface de Mars par la caméra ICC de l’atterrisseur InSight (NASA/JPL-Caltech). NASA

Très rapidement, l’analyse des premières données montra que la période la plus propice aux observations se situait en soirée, quelque part entre le coucher du soleil et minuit (en heures martiennes). À ce moment-là, l’environnement martien devient incroyablement calme, et le niveau de bruit, qui parasite les mesures, s’effondre. La plaine d’Elysium est alors si tranquille et paisible que les sismologues peuvent détecter des tremblements infimes de la surface, correspondant à des déplacements équivalents au diamètre d’un atome, et explorer en toute liberté des bandes de fréquence qui sont saturées de signaux parasites sur Terre.

Dans l’insolite et déconcertante plénitude de la nuit martienne, les premières secousses sismiques se mirent à apparaître sur les spectrogrammes. Le premier séisme jamais enregistré sur la planète rouge s’est produit le 7 avril 2019 (sur le calendrier de mission, il s’agissait du sol 128 ; un jour martien s’appelle un sol, et le premier sol, le sol 0, correspondant à l’atterrissage). Et avec lui est née une nouvelle discipline : la sismologie martienne.

Entre 17h00 et minuit, SEIS bénéficie de conditions exceptionnelles pour écouter l’activité sismique de Mars (IPGP/Nicolas Sarter). IPGP

Les premiers séismes

Le séisme du sol 128 était pourtant très timide. Classée parmi les séismes de haute fréquence, la majeure partie de son énergie vibratoire était située au-dessus de 1 Hz (c’est-à-dire une vibration par seconde). Son intensité était si faible que son épicentre n’a pas pu être localisé sur la grande mappemonde de Mars. Pourtant, il prouvait que la planète rouge était bel et bien active sismiquement. Ce séisme fut également le premier d’une très longue série. Parmi les quelque 300 événements détectés jusqu’à aujourd’hui, ceux de haute fréquence sont effectivement les plus nombreux.

Les secousses de haute fréquence demeurent également mystérieuses : leur nombre ne cesse d’augmenter au fil des mois, ce qui signifie qu’elles sont peut-être liées à un phénomène cyclique, impliquant un réchauffement saisonnier et des ébranlements de surface (glissements de terrain, chutes de pierre), ou le parcours de Mars sur son orbite. De plus, la plupart seraient indétectables si elles n’étaient pas intensifiées par une étrange résonance située à 2,4 Hz. Le sismomètre SEIS capte en effet continuellement un ensemble de vibrations, qui se répètent 2,4 fois par seconde, et qui gagnent en force quand un événement de haute fréquence se produit. D’origine inconnue, ce phénomène agit comme un amplificateur sismique naturel, pour le plus grand bonheur des sismologues.

Il y a cependant encore plus intéressant que les séismes de haute fréquence : ce sont ceux de basse fréquence (dont le contenu énergétique est situé cette fois-ci en dessous de la valeur seuil de 1 Hz, c’est-à-dire une vibration par seconde). Beaucoup plus rares, ces derniers sont aussi plus puissants, et proviendraient de zones bien plus profondes. Si les séismes de haute fréquence semblent confinés dans la croûte martienne, les séismes de basse fréquence pourraient prendre naissance aussi bien dans la croûte que dans le manteau.

Schéma illustrant les différentes catégories d’ondes sismiques générées par un séisme (IPGP/David Ducros). IPGP

De la poignée de séismes de basse fréquence observés jusqu’ici, celui du sol 173 (23 mai 2019) est assuré de rester dans les livres d’histoire des sciences. Avec une magnitude respectable de 3,6, il permit pour la première fois aux sismologues de pointer avec précision l’arrivée du front des ondes P (ondes de dilatation-compression désignées ainsi car elles arrivent en premier sur les stations sismiques), puis celui des ondes S de cisaillement (moins véloces, elles arrivent généralement en second).

Le pointage des ondes P et S permit de déterminer la distance du séisme : environ 1600 kilomètres de la sonde InSight. L’étude de la polarisation des trains d’ondes permit ensuite d’effectuer une opération habituellement très délicate quand on ne possède qu’un seul sismomètre en action, et non pas un grand nombre : l’estimation de l’azimut, c’est-à-dire la direction de l’épicentre par rapport au nord. Les scientifiques découvrirent alors que le séisme du sol 173 avait pris naissance à 1600 kilomètres à l’est d’InSight, dans un secteur de la surface martienne dénommé Cerberus Fossae.

Les failles de Cerberus Fossae

Cette région très vaste zébrée d’immenses failles avait depuis longtemps été repérée depuis l’orbite par les sismologues. De nombreux indices laissaient en effet penser que l’endroit avait encore été très récemment – moins de 10 millions d’années – le siège d’une activité tectonique et volcanique. La découverte, sur certains versants abrupts, de traces très fraîches laissées par la chute de lourds blocs rocheux, suggérait même qu’ici, le sol n’avait en fait jamais vraiment cessé de trembler. Si les analyses menées sur les données fournies par SEIS se confirment, les sismologues ont vu juste : Cerberus Fossae n’est rien de moins que la première zone sismique active jamais découverte sur la planète rouge.

Une faille de la zone de Cerberus Fossae, observée par la caméra surpuissante de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter. NASA/JPL/University of Arizona

Comme un bonheur ne vient jamais seul, au cours du sol 235 (26 juillet 2019), SEIS détecta un second séisme de basse fréquence dont l’épicentre était également situé dans le secteur de Cerberus Fossae. D’une magnitude équivalente à celle du sol 173, la secousse du sol 235 permit de surcroît aux scientifiques d’observer pour la première fois une réplique : 35 minutes après le séisme principal, le sismomètre enregistra un nouvel évènement, frère jumeau du premier.

Le voile se lève sur la structure interne de Mars

Grâce aux deux séismes significatifs des sols 173 et 235, les géophysiciens purent commencer à sonder l’intérieur de Mars, et en particulier la croûte supérieure. En analysant la façon dont certaines ondes P se convertissent en ondes S lorsqu’elles rencontrent des discontinuités, ils mirent en évidence la présence d’une couche d’environ 10 km d’épaisseur, constituée de matériaux volcaniques altérés et endommagés. En dessous de cette dernière se trouveraient des roches plus saines et compactes, et ce jusqu’au manteau.

Pour sonder le sous-sol de son site d’atterrissage, les sismologues de la mission InSight s’appuient sur trois techniques : résonance du berceau de support du sismomètre, ondes générées par l’enfouissement du pénétrateur HP3 dans le sol, et enfin passage des tourbillons de poussière (IPGP/Nicolas Sarter). IPGP

Plus proche de la surface, pour caractériser le site d’atterrissage, les scientifiques d’InSight mirent en œuvre trois techniques innovantes de sondage. En étudiant la résonance des trois pieds coniques du sismomètre, ils furent d’abord en mesure de déterminer l’élasticité d’une couche durcie du sol de quelques centimètres d’épaisseur, appelée duricrust. En écoutant les milliers d’à-coups provoqués par le pénétrateur HP3 dans son effort pour s’enfoncer sous la surface, il fut ensuite possible d’estimer l’épaisseur et certaines propriétés physiques du régolite situé sous la cuirasse de la duricrust. Enfin, grâce aux tourbillons de poussière qui traversent, très nombreux, la plaine d’Elysium, et qui soulèvent imperceptiblement le sol en l’aspirant le long de leur passage, SEIS a pu contempler ce qui se trouve sous ses pieds, jusqu’à environ 10 mètres et estimer l’épaisseur de la partie très peu consolidée qui ne semble pas dépasser 3 mètres.

Vers la structure profonde de Mars

Si les résultats de cette première année d’étude sont décidément très encourageants, les sismologues martiens ne sont cependant pas au bout de leur peine. Certes, il ne fait plus aucun doute que Mars est une planète sismiquement active, mais sur les quelque 300 événements identifiés jusqu’à ce jour, la plupart sont de faible intensité, et donc insuffisants pour parvenir aux couches les plus profondes de la planète. Jusqu’à présent, les séismes martiens ne génèrent pas non plus d’ondes de surface, y compris celles capables de faire un tour complet de la planète, et qui auraient dû permettre aux sismologues de réaliser une mesure de vitesse sur une distance très bien connue : la circonférence de Mars !

Structure générale de la planète Mars. Du centre vers l’extérieur : noyau métallique, manteau, croûte et enfin atmosphère (IPGP/David Ducros). IPGP

Un autre phénomène, dû à l’immense fracturation de la croûte, vient également fortement perturber les mesures. Soumise au martelage continu de chutes d’astéroïdes sur de très longues périodes, la croûte martienne est effectivement intensément concassée et fissurée. Lorsqu’elles doivent la traverser, juste avant de rejoindre SEIS, les ondes sismiques se réverbèrent dans toutes les directions. Forcés de parcourir des distances supplémentaires, certains trains d’ondes prennent du retard et arrivent à la station en même temps que d’autres ayant suivi des chemins différents.

Les conséquences d’un tel phénomène sont redoutables pour SEIS : lorsqu’un séisme se produit, au lieu d’entendre de manière très nette le craquement bref de la rupture des matériaux rocheux (les ondes sismiques se propageant en effet dans le sol avec des lois proches de celles du son), l’instrument détecte une succession d’échos, qui s’étirent dans le temps sur plusieurs dizaines de minutes. Sur Mars, ce phénomène semble intermédiaire entre ce qui est observé sur Terre et sur la Lune, ouvrant tout à la fois les perspectives d’une approche comparée en sismologie planétaire, mais créant également de nombreux défis pour les scientifiques chargés d’expliquer au mieux ces nouvelles données.

Cerberus Fossae est la première zone sismique active jamais découverte sur Mars. Située à environ 1 600 kilomètres à l’est de la sonde InSight, cette immense structure tectonique extensive a été l’épicentre de deux importantes secousses au cours des sols 173 (23 mai 2019) et 235 (26 juillet 2019) (IPGP/SEIS Team). IPGP

Mars a toujours été une planète difficile d’approche, qui demande à ses explorateurs persévérance et efforts incessants, avant d’accepter enfin de livrer ses secrets. Pour l’instant, seule la croûte supérieure a pu être investiguée, et sur la première carte de séismicité martienne, seuls trois séismes sont punaisés : ceux des sols 173 et 235, ainsi qu’un autre, détecté au cours du sol 183 (3 juin 2019) et placé pour l’instant à côté de la structure énigmatique d’Orcus Patera (une dépression elliptique qui pourrait être un cratère d’impact ou un volcan). À l’exception de ce triplet, tous les autres sont disposés sur de grands cercles, situés à plus ou moins grandes distances de l’atterrisseur InSight, sans qu’il soit possible de leur affecter un azimut, c’est-à-dire une direction.

Inlassablement, par l’intermédiaire de SEIS, les sismologues continuent donc d’écouter l’activité sismique martienne. Chaque jour, ils espèrent désormais apercevoir sur les spectrogrammes la trace du premier grand séisme martien. Celui qui permettra enfin de traverser le Moho, cette discontinuité qui sépare la croûte du manteau. Celui qui permettra enfin d’atteindre, des milliers de kilomètres sous la surface, le noyau métallique, le cœur de la planète rouge.

SEIS, une aventure spatiale. Dans cette web-série de cinq épisodes réalisée par l’Université de Paris, découvrez le travail des ingénieurs et chercheurs de l’IPGP sur le sismomètre SEIS de la mission NASA/InSight.

Modèles économiques de l’agriculture française : les gagnants et les perdants

26 mercredi Fév 2020

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The Conversation

  1. Bertrand Valiorgue

    Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, Université Clermont Auvergne

  2. Xavier Hollandts

    Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business School

Kedge Business School

Université Clermont Auvergne

 

CC BY ND
Un coq du Salon de l’agriculture. Petit_louis/Flickr, CC BY

Derrière l’unité de façade offerte par le Salon de l’agriculture – dont la 57e édition se tient à Paris jusqu’au 1er mars – se cache en vérité une très grande diversité des produits et modes de production agricoles.

On devrait ainsi parler de la coexistence de différents « mondes agricoles » en France tant la variété des pratiques est grande. En effet, il y a bien peu de points communs entre la petite exploitation familiale et l’entreprise agricole connectée en permanence aux marchés mondiaux.

Le détour par le concept de modèle économique peut s’avérer précieux pour mieux saisir les évolutions de l’agriculture française. Certains modèles économiques agricoles semblent clairement en cours d’extinction alors que d’autres sont susceptibles de conduire à des stratégies durablement créatrices de valeur pour les agriculteurs.

La fin des petits paysans.

Des « mondes agricoles »

La notion de modèle économique permet de comprendre le positionnement d’une entreprise sur son marché et les modalités de création de valeur. Cette notion est très largement utilisée dans de nombreux secteurs d’activités (services, industries, Internet) et pour tout type d’entreprises (start-up, PME, grands groupes internationalisés). Elle en revanche trop peu mobilisée pour comprendre la variété des positionnements des exploitations agricoles françaises sur leurs marchés respectifs.

Or une exploitation agricole peut, comme n’importe quelle autre entreprise, être analysée à l’aune de son modèle économique. Chaque exploitation agricole offre une proposition de valeur : produits agricoles, transformés ou non (lait, vin, viande, céréales, légumes…) et parfois des services (formations, hébergements, location de matériels…) qui possèdent tous une certaine valeur. Cette proposition de valeur est plus ou moins innovante, plus ou moins rare ou tout simplement plus ou moins chère et impacte directement le niveau d’activité de l’exploitation.

Une exploitation sert également un ou des clients et utilise certains canaux de distribution. Certaines exploitations agricoles s’inscrivent dans des circuits longs via des relations commerciales avec des coopératives ou des industriels. D’autres transforment et vendent directement leurs produits à des clients fidélisés via des circuits courts.

Enfin, chaque exploitation supporte une structure de coûts liée à son activité de production (matières premières et intrants, matériel, salariés). Les prix des produits agricoles, souvent volatils, étant déconnectés des niveaux de coûts réels, la plupart des agriculteurs subissent une perte en vendant leur production ; plus d’un tiers d’entre eux ne touchent pas plus de 350 euros par mois. Signe du malaise profond et des difficultés économiques majeures que traverse ce secteur, pas moins de 732 suicides ont été recensés l’an dernier, ce qui en fait la catégorie socioprofessionnelle la plus exposée à ce type de risque.

La mobilisation des trois éléments majeurs du modèle économique (proposition de valeur, modèle de revenus, schéma de production et structure de coûts) permet de faire ressortir une grande variété de positionnements, au nombre de 8.

Agence France-Presse

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L’agriculture française en 10 chiffres #AFP

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3:41 PM – Feb 24, 2017
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Décryptage des grands modèles

Deux éléments majeurs du modèle économique sont particulièrement structurants pour appréhender la diversité des exploitations agricoles qui couvrent le territoire français. Il s’agit de la proposition de valeur et du schéma de production. Les choix opérés, parfois subis, par les agriculteurs en la matière structurent leurs exploitations agricoles et conditionnent souvent la viabilité économique.

• Trois options principales pour la proposition de valeur

La diversification de la proposition de valeur est une caractéristique historique des exploitations agricoles françaises. Elle correspond à une multiplicité de productions (lait, viande, céréales, fourrages…) qui permettait à l’exploitation agricole de diversifier les sources de revenus et d’être relativement autonome dans les entrants nécessaires à la production. Cette proposition est typique de la ferme en polyculture et élevage qui a traversé les générations et qui est mise en difficulté depuis plusieurs années. Dès 1967, Henri Mendras annonçait en effet la fin des paysans, longtemps à la tête de ces fermes polyvalentes.

La standardisation de masse correspond à une spécialisation de l’exploitation agricole sur un produit en particulier qui est destiné à être écoulé sur des marchés souvent globalisés. La concurrence se joue en grande partie sur le prix et les exploitants agricoles doivent en permanence optimiser leurs outils de production et leurs coûts pour rester compétitifs. On pense ici à la production de lait, avec des fermes comptant plusieurs centaines de vaches et des robots de traite fonctionnant en continu. On repère également ce positionnement dans les grandes exploitations céréalières (blé, colza, orges) qui comptent plusieurs centaines d’hectares grâce à une optimisation des processus de production et une recherche de rendements optimaux. Le grand maraîchage spécialisé entre également dans cette catégorie.

La spécialisation de niche correspond à des produits agricoles qui ont un enracinement local fort et dont les débouchés commerciaux se sont peu à peu élargis pour capter une clientèle qui peut être d’envergure nationale, parfois internationale. La production est localisée dans une région bien particulière (un terroir) avec un nombre d’agriculteurs réduits et des débouchés commerciaux qui dépassent souvent les capacités de productions. La lentille verte du Puy produite uniquement sur une partie bien délimitée du bassin du Velay ou encore le haricot tarbais sont typiques de cette spécialisation de niche. Plus globalement, la certification et la reconnaissance via des AOP (ex-AOC) rentrent dans cette catégorie.

Les différentes productions agricoles et leurs propositions de valeur associées que nous venons d’identifier peuvent être issues de différents schémas de production qui dessinent, au final, différents modèles économiques agricoles. Les mêmes denrées pouvant être produites selon des techniques et modes de culture très différents.

Les fruits et légumes frais@FruitsLegumesFR

[#SIA2017] Les producteurs de #pomme AOP du Limousin présentent leur produit. L’étiquette sur la 🍏 est un gage de qualité gustative

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10:42 AM – Feb 27, 2017
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• Trois options principales pour les schémas de production

Le schéma de production conventionnel signifie un recours à un ensemble de technologies qui vont permettre d’optimiser au maximum les rendements des exploitations agricoles. Le recours à des produits phytosanitaires, aux technologies OGM ou biomoléculaires sont emblématiques de ce mode de production qui vise des rendements maximum. L’efficacité de ces techniques est amplifiée par l’utilisation des dernières technologies, rendant toujours plus efficace l’organisation du travail. Les coûts environnementaux de ce schéma de production sont très élevés mais ce type d’agriculture a aussi contribué à l’indépendance alimentaire de la France et à l’obtention d’excédents commerciaux.

Le biologique est un schéma de production qui rejette toutes les formes de manipulation du vivant destinées à améliorer les rendements. Ce schéma de production rejette également le recours à des produits phytosanitaires. Il nécessite ainsi des connaissances pointues insuffisamment développées dans le système français ; et mobilise également une main-d’œuvre plus importante et un outillage spécifique. Il fait généralement l’objet d’une labellisation, d’une reconnaissance et d’une meilleure valorisation sur les marchés.

Le schéma de production agro-écologique peut être positionné à mi-chemin du conventionnel et du biologique. Il aspire en effet à atteindre un certain niveau de productivité tout en veillant à limiter les impacts négatifs sur l’environnement et la santé humaine. Il réintroduit de la diversité dans les systèmes de production agricole et restaure une mosaïque paysagère variée (diversification des cultures et allongement des rotations, implantation d’infrastructures agro-écologiques, par exemple) et le rôle de la biodiversité comme facteur de production est renforcé. Ce schéma de production demande beaucoup d’engagement et des compétences pointues ; il impose en outre des cahiers des charges souvent lourds et ne fait pas l’objet d’une reconnaissance spécifique sur le marché, contrairement au bio qui a su créer des labels et des normes valorisés par les clients.

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Le croisement de ces trois dimensions fait ainsi ressortir huit grands positionnements possibles en matière de modèle économique pour exploitation agricole. Ces huit modèles sont présentés dans le schéma ci-contre.

La fin de la ferme familiale polyvalente

L’agriculture française s’est construite historiquement sur le modèle de l’exploitation agricole familiale diversifiée. C’est cette agriculture qui souffre le plus aujourd’hui car le modèle économique de ce schéma agricole matriciel est mis à mal pour trois raisons complémentaires.

  • Une proposition de valeur non différenciante : ces exploitations agricoles produisent des produits standards pour des marchés de masse où seul le prix est différenciant. Elle peine à lutter face à des exploitations spécialisées, étrangères ou non, aux processus de production plus efficaces et moins coûteux, capables de supporter des prix durablement faibles.
  • Un pouvoir de négociation inexistant : ces exploitations ne transforment pas et privilégient les circuits longs. Elle ne pèse pas face aux industriels et distributeurs qui imposent des prix et réduisent les marges. L’engagement dans une coopérative agricole ne permet pas toujours de rééquilibrer les rapports de force.
  • Des coûts de production trop élevés : du fait de surfaces et de volumes trop faibles, ces exploitations agricoles ne sont pas capables de générer des économies d’échelle suffisantes et ne sont donc pas suffisamment productives. L’exposition de ces exploitations à des cours mondialisés les fragilise grandement.

Les grandes difficultés que rencontre le modèle économique de la ferme familiale en polyculture et élevage imposent de reconsidérer leurs modèles économiques. Plusieurs voies semblent possibles. Elles comportent des risques et des opportunités et nécessitent d’importants changements en matière de compétences et mentalités.

  • Grandir et se spécialiser : abandonner la polyculture et se spécialiser, mais cela suppose l’accès à des ressources foncières ou des capacités d’investissement souvent inaccessibles pour ce type de structure.
  • Valoriser via des labels idoines : sortir de la logique de différentiation par le prix et mieux valoriser la qualité ou les spécificités des produits. L’initiative Montlait qui regroupe les producteurs de lait de montagne est emblématique de cette stratégie de repositionnement tout comme la démarche innovante C’est qui le patron ?. Elle nécessite une action collective ou une prise à témoin des consommateurs qui peut être accompagnée par les pouvoirs publics.
La brique de lait « C’est qui le patron ? » (France 3 Centre-Val de Loire, 2016).
  • Rationaliser les coûts de production : mobiliser les techniques de l’agro-écologie pour améliorer les rendements et basculer vers une plus grande technicité et complémentarité des activités. Cela suppose des changements de culture importants, de nouvelles compétences et une meilleure reconnaissance sur les marchés. Ici aussi le soutien des pouvoirs publics est incontournable.
  • Se convertir en bio : ces exploitations peuvent aussi faire le choix de basculer en bio et valoriser ainsi leur production sur des marchés plus rémunérateurs. Les changements culturels et techniques sont très importants et nécessitent un accompagnement significatif pour réussir cette transition lourde, qui signifie concrètement une « perte » de plusieurs années de production. Les territoires ne sont pas tous égaux dans cette capacité de conversion en agriculture biologique.

Contrairement à l’image véhiculée, l’agriculture française est caractérisée par une très grande hétérogénéité des pratiques. Il n’existe pas une agriculture mais des agricultures. Cette hétérogénéité se traduit par des positionnements en matière de modèle économique très contrastés. Si certains modèles économiques s’avèrent rémunérateurs, d’autres au contraire conduisent les agriculteurs dans des impasses. Les pouvoirs publics et les candidats à l’élection présidentielle de 2017 doivent mieux intégrer cette diversité et conduire des actions ciblées qui permettront aux différents agriculteurs de tirer des revenus décents de leur travail.

L’armée algérienne à l’épreuve du mouvement citoyen du Hirak

25 mardi Fév 2020

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The Conversation

  1. Luis Martinez

    Directeur de recherches, CERI, Sciences Po – USPC

Université Sorbonne Paris Cité

Sciences Po

 

CC BY ND
Manifestation à Alger le 12 juillet 2019. Le militaire représenté sur la pancarte est le chef d’état-major Ahmed Gaid Salah. AFP
 

Aux yeux de l’armée, le mouvement dit Hirak, qui balaie l’Algérie depuis maintenant près d’un an, exprime avant tout la colère du peuple à l’encontre du système Bouteflika – un système caractérisé par la présence au gouvernement de nombreux civils, souvent accusés de corruption. La réponse politique des militaires, qui tiennent les rênes du pays depuis la démission de Bouteflika en avril 2019, a donc été de mettre en place un gouvernement de technocrates présentés comme compétents et intègres. L’armée ne souhaite pas démocratiser le régime, mais seulement améliorer la gouvernance afin de pouvoir répondre aux besoins socio-économiques de la population.

Des policiers anti-émeute algériens (R) montent la garde près du bâtiment du parlement à Alger lors d’une manifestation le 13 octobre 2019 contre le rôle de l’armée dans la vie politique. Ryad Kramdi/AFP

Un État dans l’État

L’armée se considère historiquement comme la colonne vertébrale de l’État algérien. Elle s’engage à garantir « la sécurité du pays et à préserver son caractère républicain ». L’institution militaire a toujours réussi à surmonter ses nombreuses divergences internes et à faire bloc face aux nombreuses crises politiques qui jalonnent l’histoire de l’Algérie depuis son indépendance. Disposant de relais et de réseaux dans tous les secteurs de la société, l’armée est un acteur social et économique doté d’importantes ressources financières : son budget s’élève à 12 milliards de dollars, soit 25 % du budget de l’État.

Le rôle de l’armée dans la vie politique peut se définir comme celui d’un régulateur central qui détermine, pour l’ensemble des partis politiques et mouvements, la place et la fonction qu’ils doivent occuper sur la scène politique. Au sein de la population, l’armée suscite des sentiments ambigus, entre fierté et frustration.

En avril 2019, la démission du président Abdelaziz Bouteflika est exigée par le chef d’état-major, le général Gaid Salah, qui entend ainsi satisfaire l’une des demandes du Hirak, ce mouvement contestataire pacifique de masse qui souhaite un changement radical de l’État algérien. Avec habilité, l’armée utilise les revendications du Hirak (dont les principaux slogans sont « qu’ils dégagent tous » et « tous des voleurs ») pour démanteler la totalité des réseaux politiques, administratifs, financiers et sécuritaires liés à l’ancien président, sans doute devenus trop autonomes par rapport aux militaires : des premiers ministres, des ministres, des chefs d’entreprise et des hauts responsables des forces de sécurité sont jetés en prison sous prétexte de corruption ou d’atteintes à la sûreté de l’État.

Ces attaques éclair contre les proches de l’ancien président provoquent dans un premier temps un sentiment de satisfaction au sein de la population puis un sentiment d’inquiétude lorsque, peu après, l’armée, à travers son chef d’état-major, annonce la tenue d’une nouvelle élection présidentielle – en dépit des protestations et dénonciations du Hirak, qui se méfie d’un scrutin contrôlé d’un bout à l’autre par les militaires.

L’élection à la présidence, le 19 décembre 2019, d’Abdelmadjid Tebboune – un proche du général Gaïd Salah – représente pour l’armée, en dépit du faible taux de participation (40 %) un succès qui lui permet de confirmer son rôle central dans la régulation de la vie politique.

Le chef de l’armée, le général Salah (en uniforme) se tient devant la tribune depuis laquelle le président nouvellement élu, Abdelmadjid Tebboune, prononce son discours d’investiture, à Alger, le 19 décembre 2019. Ryad Kramdi/AFP

Au cœur du pouvoir depuis l’indépendance

De l’indépendance acquise en 1962 jusqu’en 1991, même si c’est officiellement le FLN (Front de libération nationale) qui se trouve aux affaires, ce sont les militaires qui contrôlent la présidence – un poste occupé par le colonel Boumedienne de 1965 à 1979 et par le colonel Chadli Bendjedid de 1980 à 1991.

En 1991, le FIS (Front islamique du salut) remporte les législatives. L’armée refuse de laisser ce parti islamiste accéder aux responsabilités. Cette décision plonge le pays dans une guerre civile et contraint l’armée à diriger directement l’Algérie, jusqu’à l’élection à la présidence du général Liamine Zéroual en 1995.

Critiquée pour sa violation massive des droits humains durant la guerre civile (1991-1999), l’armée est consciente qu’elle doit se retirer, se rendre invisible pour rendre les autorités politiques algériennes à nouveau fréquentables. Les militaires décident de faire élire Abdelaziz Bouteflika à la présidence. Une élection truquée est organisée en 1999 afin de l’introniser et un référendum sur la concorde civile est programmé afin de construire l’image d’un président réconciliateur. Par la suite, le Département du renseignement et de la sécurité (DRS) dirigé par le général Toufik va tirer profit du contexte international qui s’instaure après les attentats du 11 septembre 2001 pour vendre l’expertise algérienne en matière de lutte anti-terroriste aux États-Unis et à l’Europe et replacer la coopération sécuritaire au cœur de la diplomatie algérienne.

Durant la décennie 2000, l’armée et le DRS sont ravis du travail réalisé par Abdeaziz Bouteflika. Ses premier et deuxième mandats (1999-2004 et 2004-2009) permettent de tourner la page de la guerre civile : les dépenses publiques augmentent et la population retrouve un semblant de perspective. La hausse du prix du baril de pétrole à partir de 2003 facilite l’achat de la paix sociale et politique – et cela, jusqu’en 2014.

En retrait de la vie politique, l’armée voit son budget annuel multiplié par cinq pour atteindre les 11 milliards de dollars : elle modernise ses équipements, professionnalise ses unités et développe un embryon d’industrie militaire.

Mais les révoltes arabes de 2011, la guerre en Libye, les menaces dans le Sahel bouleversent la doctrine statique et défensive de l’armée. Une réorganisation de la défense territoriale est décidée. Sur le plan politique, l’institution militaire comme la présidence souhaitent réduire le pouvoir du DRS et donc écarter le général Toufik, considéré alors comme l’homme le plus puissant d’Algérie. Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée depuis 2004, et Abdelaziz Bouteflika parviennent à le démettre de ses fonctions le 13 septembre 2015. Afin de l’écarter définitivement, il est arrêté le 4 mai 2019 et condamné à 15 ans de prison par le tribunal militaire de Blida.

L’armée se retourne contre Bouteflika

En réalité, l’armée n’avait pas souhaité qu’Abdelaziz Bouteflika, malade depuis 2013, effectue un quatrième mandat (2014-2019). Mais des réseaux influents – Forum des chefs d’entreprise, Sonatrach, le grand syndicat UGTA, le FLN et le deuxième parti au parlement, le Rassemblement national démocratique (RND) – se livrent à un intense lobbying pour obtenir le maintien en poste du président sortant. Pour une raison simple : ils savent parfaitement tirer parti du système tel qu’il existe alors pour se procurer toutes sortes d’avantages. Dans ce contexte, Saïd Bouteflika, le frère du président et officiellement conseiller, est accusé par une partie de la presse algérienne d’être devenu le nouveau régent de l’Algérie, profitant de l’affaiblissement d’Abdulaziz. Quant à l’armée, il lui est impossible de démettre le président en 2014 : ce serait perçu comme un coup d’État, d’autant plus qu’aucun mouvement populaire dans le pays ne réclame à ce moment-là une telle intervention. Bouteflika, de plus en plus affaibli, effectue donc un quatrième mandat.

Sortie indemne des printemps arabes, l’armée reste convaincue que les menaces ne peuvent provenir que du voisinage et non de l’intérieur. Pourtant, le très faible taux de participation aux élections législatives de 2017 (15 % en réalité, même si, officiellement, il s’est élevé à 40 %) vient conforter toutes les craintes relatives à la décomposition politique et sociale du pays et au risque d’implosion : le « système Bouteflika » ne fonctionne plus et aucune alternative politique n’est prévue.

L’effondrement du prix du baril de pétrole à partir de 2014 accentue le sentiment de crise en raison de l’hyper-dépendance de l’Algérie aux exportations d’hydrocarbures (celles-ci représentent 95 % des recettes d’exportation et 47 % des recettes budgétaires du pays). La décomposition du « système Bouteflika » est à son comble… et pourtant, en 2019, les réseaux d’influence liés à la présidence encouragent le président – mourant et incapable de parler et de bouger – à se représenter pour un cinquième mandat. L’émergence heureuse et inattendue du Hirak, en février 2019 – due en bonne partie au rejet qu’éprouve la population à l’égard de l’idée qu’un Bouteflika cacochyme puisse effectuer un mandat de plus –, offre à l’armée l’occasion de démettre le président, de neutraliser son frère (dont la condamnation à quinze ans de prison vient d’être confirmée en appel) et de détruire tous les réseaux liés à sa personne.

Un manifestant pousse un homme en fauteuil roulant portant un masque représentant le président Abdelaziz Bouteflika lors d’une manifestation à Alger le 29 mars 2019. Ryad Kramdi/AFP

Vers une alliance avec les islamistes ?

Depuis, l’armée est à la recherche de nouveaux partenaires politiques pour administrer l’État et gérer les revendications de la société. Si le FLN et le RND constituent des viviers toujours utiles pour faire tourner l’administration, ils n’ont plus aucun crédit politique auprès de la population. Les caisses de l’État se vident, ce qui empêchera donc l’armée de faire comme l’ancien président, à savoir acheter la paix sociale et politique.

Le Hirak peut-il devenir un partenaire de l’armée ? Les militaires se méfient de ce mouvement civil qu’ils jugent radical et qui aspire ouvertement à mettre fin au rôle central de l’armée au sein de l’État. Son slogan est, en effet, explicite : « État civil, non militaire ». L’émergence du Hirak représente un défi considérable pour l’armée car ce mouvement s’est construit contre les partis politiques, accusés d’être des « sous-traitants » du régime. Pour l’armée, il est impératif de faire revenir les partis politiques et l’UGTA sur le devant de la scène afin de reconstruire des alliances nécessaires à la gestion des institutions politiques.

Pendant une manifestation à Alger, le 24 décembre 2019. Ryad Kramdi/AFP

Les scrutins à venir – référendum sur la Constitution, élections législatives et municipales anticipées – seront autant de moments de négociations entre l’armée et les différents acteurs politiques, sociaux et économiques du pays. La réforme territoriale, qui vise à augmenter le nombre de communes (de 1 541 à 15 000) et de wilayas (de 58 à 80) permettra d’offrir de nouvelles ressources politiques et financières aux partenaires politiques de l’armée.

Pour l’instant, le parti des Frères musulmans, le Mouvement de la société pour la paix (MSP), s’est empressé de soutenir le nouveau président et espère en contrepartie profiter de la crise de légitimité de celui-ci pour se rendre indispensable. À défaut de trouver de nouveaux partenaires politiques à la fois populaires et soucieux de préserver ses intérêts, l’armée sera-t-elle contrainte de gouverner avec les Frères musulmans, à l’instar de la monarchie marocaine, qui compose avec le Parti de la justice et du dévéloppement (PJD) ? Ce n’est pas à exclure…

Sport : changer le système pour mettre fin aux violences sexuelles

24 lundi Fév 2020

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The Conversation

  1. Jean-Christophe Seznec

    Psychiatre, chercheur Inserm sur les troubles du comportement alimentaire chez l’adolescent, Université Paris-Saclay

Université Paris-Saclay

 

CC BY ND

Le 30 janvier dernier, l’ancienne sportive professionnelle Sarah Abitbol, 44 ans, était l’invitée de l’émission Le Grand Entretien, sur France Inter. Titrée à de nombreuses reprises avec son partenaire, Stéphane Bernardis, la championne de patinage artistique venait présenter son livre-témoignage, Un si long silence, aux éditions Plon. Comme son titre le laisse supposer, l’ouvrage n’est pas consacré à ses exploits sportifs : Sarah Abitbol y dénonce les abus sexuels que lui a fait subir, de 15 à 17 ans, son entraineur, « Monsieur O ».

Elle l’appelle Monsieur O. car elle n’a pas la force de prononcer son nom. Le traumatisme demeure trop important, malgré les trois décennies qui se sont écoulées depuis les faits. Elle a consigné chacun d’eux dans un carnet. Aujourd’hui, elle peut enfin en parler, dans le livre qu’elle co-signe avec la journaliste Emmanuelle Anizon.

Le témoignage de Sarah Abitbol est terrible. Il révèle non seulement la violence de ce qu’elle a vécu, mais aussi les conséquences psychologiques qui en ont découlé, et dont elle dit encore souffrir. Ce témoignage est terrible, aussi, car il met en lumière les insuffisances et les complaisances d’un milieu sportif qui ne prend pas encore pleinement la mesure de ces drames. Et donc ne met pas en place les moyens de prévention nécessaires.

Un isolement propice aux dérapages

Les aspirants sportifs professionnels intègrent très tôt les filières sportives de haut niveau, particulièrement dans la gymnastique, le patinage artistique et le tennis. L’âge d’entrée dans ces disciplines se situe en effet aux alentours de 10 ans, la carrière des jeunes sportifs commençant alors qu’ils sont mineurs. Par comparaison, en cyclisme l’intégration des filières de haut niveau se fait vers 15-16 ans, pour le rugby cela peut même commencer à 18 ans dans certains cas.

De très jeunes enfants se retrouvent ainsi coupés de leur milieu familial, de leurs amis et de leur « village social ». Élevés afin de devenir les champions de demain, ils grandissent dans un monde hors norme, à l’écart de la vie des jeunes de leur âge.

Bien souvent se construit alors une relation fusionnelle avec l’entraîneur, qui est là pour les transformer et les magnifier. Il est à la fois leur mentor, celui qui va leur faire atteindre leur Graal, et la personne dont ils dépendent, le seul repère à leur disposition pour les rassurer. Il est aussi celui qui peut, du jour au lendemain, les éjecter du système…

Des limites floues, un ressenti difficile à exprimer

Apprentissage des mouvements, parades, correction des postures… Pour construire le geste sportif, l’entraîneur doit nouer une relation tactile avec son élève, afin de le guider dans son apprentissage. Ces très jeunes gens n’ont pas toujours la conscience des limites, et la maturité suffisante pour déterminer « ce qui se fait » ou « ce qui ne se fait pas ». De plus, ils n’ont pas toujours d’espace de communication pour partager leur ressenti, que ce soit avec des amis proches ou avec leur famille. Ressenti qu’ils ne savent pas toujours correctement identifier, du fait de leur jeune âge.

Et même lorsqu’ils parviennent à clairement identifier la cause de leur malaise, leur parole se trouve muselée par le sentiment de honte et la peur que leur inspirent ces agressions. Révéler quoique cela soit leur fait peur et, n’ayant pas encore appris à négocier leurs émotions, ils ont peur de la peur, ce qui les bloque.

La dénonciation de ces pratiques par les parents eux-mêmes, lorsqu’ils en sont informés, est parfois difficile. Plusieurs freins peuvent en effet s’opposer à leur désir de sortir le plus rapidement possible leur enfant de ce milieu maltraitant : difficulté à surmonter l’épreuve d’aller à la police pour dénoncer le crime, culpabilité de ne pas avoir été à la hauteur pour le prévenir et protéger leur enfant, deuil parfois difficile de leurs espoirs de succès sportifs, surtout en regard du coût engagé et des sacrifices qui ont été consentis, etc.

Les sports individuels, particulièrement à risques

Les sports individuels sont davantage propices à ces abus car les enfants sont davantage isolés. Moins en contact avec des jeunes de leur âge, ils sont plus seuls et vulnérables. Dans les sports d’équipe, le groupe protège un peu plus.

Les jeunes filles sont particulièrement vulnérables aux prédateurs. S’il n’existe pas de chiffre spécifiquement en lien avec le milieu sportif, les statistiques des violences sexuelles montrent une prévalence supérieure des agressions sexuelles vis-à-vis des filles que des garçons. Elles sont en effet plus dans la relation que ces derniers et, en cas de stress, sont davantage à la recherche d’un réconfort relationnel. Les criminels savent manipuler ce caractère pour en abuser.

Il ne faut cependant pas imaginer que les jeunes garçons sont protégés : ils sont également victimes d’abus sexuels. Ces derniers peuvent être perpétrés par des femmes comme par des hommes, même si la prédominance masculine dans la population des entraîneurs et des dirigeants sportifs fait qu’un plus grand nombre de criminels sont de sexe masculin.

Le risque de ce type de dérapage est d’autant plus grand que certains entraîneurs se résolvent à cette carrière suite à des reconversions difficiles plutôt que par réelle vocation (deuil de leur propre carrière sportive, insécurité financière et statutaire, désir d’accomplissement par procuration…) et qu’ils ont eux-mêmes ont parfois subit des violences sexuelles.

Des conséquences trop longtemps sous-estimées

Pendant longtemps, les conséquences des agressions sexuelles ont été déniées ou banalisées, particulièrement chez les filles. Dans le film Le Mur, de Sophie Robert, une célèbre psychanalyste déclare que « l’inceste paternel ça ne fait pas tellement de dégâts, ça rend juste les filles un peu débiles ». L’enfant est un être humain en chantier. Toute agression sexuelle fonctionne comme un caillou qui vient frapper un pare-brise. Ce qui importe, ce n’est pas la taille du caillou, ou l’importance de l’agression, mais son impact, la façon dont celui-ci va briser, et faire parfois voler en éclat, l’équilibre émotionnel d’une personne.

On a pu observé une plus grande prévalence de troubles de la personnalité type borderline, de troubles alimentaires ou d’addictions chez des personnes ayant subit dans leur enfance des traumas précoces. Les filles sont souvent plus profondément impactée que les garçons car elles ont un fonctionnement moins compartimenté que ces derniers ce qui permet à l’onde de choc de se propager plus profondément. Cet impact a été particulièrement été bien exprimé dans la série Unbelievable, sur Netflix.

Vers un changement de mentalités ?

Le drame vécu par Sarah Abitbol n’est malheureusement pas le premier cas d’abus sexuel dans le sport. En mai 2007, l’ancienne joueuse de tennis professionnelle Isabelle Demongeot avait déjà écrit un livre, Service volé, dans lequel elle dénonçait les viols perpétrés par son entraîneur.

Cependant, le contexte a changé : du phénomène #MeToo au témoignage de l’actrice Adèle Haenel en passant par les affaires qui n’en finissent pas de secouer l’Église catholique, le clip d’Angèle « Balance ton Quoi » et le livre Le consentement, de Vanessa Springora, prélude à « l’affaire Matzneff ».

Récemment, de nombreuses affaires ont été révélées aux États-Unis dans le milieu de la gymnastique, à l’instar de celle qui a mené à la condamnation à la prison à perpétuité Larry Nassar, ancien médecin de l’équipe des États-Unis.

Le milieu sportif doit prendre ses responsabilités

Il n’est plus possible de se voiler la face devant ces crimes. Des mesures de protection doivent être prises. Les instances sportives ont effet aujourd’hui des obligations morales. Au niveau des entraîneurs et cadres sportifs, elles se doivent de les former sur les relations adéquates dans l’exercice de leurs fonctions, et de mettre en place un plan de prévention des risques, à l’instar du document unique de prévention des risques professionnels qui existe dans les entreprises.

Concernant la prévention des risques psychosociaux, ce document s’intéresse plus particulièrement à la souffrance au travail, au harcèlement, à la violence et aux addictions. Il s’agit notamment d’apprendre le principe du consentement à toute personne travaillant dans une organisation. Nommer ces risques est déjà un premier pas pour en faire prendre conscience, les considérer puis organiser des moyens de préventions.

En ce qui concerne les jeunes sportifs, les instances dirigeantes doivent s’assurer qu’ils soient bien informés de leurs droits et qu’ils connaissent les ressources à leur disposition, telles que le numéro national d’aide aux victimes mis à leur disposition. Il faut les former à la gestion émotionnelle, les mettre en capacité de faire appel à des aides si nécessaire. Des espaces d’écoute et d’expression doivent également être instaurés.

Enfin, il faut modifier le système actuel afin de sortir des relations duelles entraîneurs/sportifs. En créant une situation de dépendance, elles créent les conditions propices au développement de relations fusionnelles, voire d’emprise, et augmentent le risque de dérapage.

L’efficacité de ces mesures en termes de prévention et leurs résultats sur le terrain devront être évaluées régulièrement. Ce sujet devra en particulier faire partie de l’évaluation psychologique longitudinale obligatoire chez les sportifs de haut niveau. Il est urgent de moderniser et professionnaliser les pratiques et les structures sportives pour que jamais plus de tels actes ne puissent avoir lieu.

Voltaire et Montesquieu pour éclairer la crise climatique actuelle

23 dimanche Fév 2020

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The Conversation

  1. Thibaut Dauphin

    Doctorant en science politique, Université de Bordeaux

Université de Bordeaux

 

CC BY ND
L’œuvre de Simon Mathurin Lantara, « Coucher de soleil » (XVIIIᵉ). Wikipedia
 

Quand on évoque aujourd’hui le dérèglement climatique, deux positions antagonistes apparaissent clairement dans le débat public. La première, celle de l’effondrement, semble s’imposer en France. La seconde, nourrie des prescriptions du GIEC, entretient l’espoir de contrecarrer les effets de la crise.

Paradoxalement, le débat entre Montesquieu et Voltaire illustre bien ces deux positions dans un XVIIIe siècle pourtant étranger aux questions environnementales contemporaines.

Et si les philosophes d’hier pouvaient, sur ce sujet-là aussi, nous guider sur les solutions de demain ?

La question du déterminisme climatique

Montesquieu en 1728 (peinture anonyme). Wikipedia

Dans De L’Esprit des lois (1748), Montesquieu soutient que le tempérament des hommes et des femmes varie considérablement en fonction du climat dans lequel ils évoluent. Persuadé d’avoir la médecine et les sciences naturelles avec lui, le philosophe explique comment les habitants des pays froids sont moins sensibles aux plaisirs et à la douleur que ceux des pays chauds – « Il faut écorcher un Moscovite, pour lui donner du sentiment » – et comment les zones tempérées profitent d’un équilibre avantageux qui serait le secret de leur rayonnement. En d’autres termes, Montesquieu défend un déterminisme climatique.

Voltaire, comme d’autres, n’est pas du même avis. En 1734, quatorze années avant l’ouvrage de Montesquieu, il écrit que les lois « dépendent des intérêts, des passions et des opinions de ceux qui les ont inventées, et de la nature du climat où les hommes se sont assemblés en société ». Le climat constitue une influence parmi d’autres du contenu des lois.

En 1752, Voltaire critique frontalement la théorie des climats dans ses Pensées sur le gouvernement, excluant une nouvelle fois le déterminisme climatique :

« Toutes les lois religieuses ne sont pas une suite de la nature du climat. »

Voltaire (Maurice Quentin de La Tour, 1737). Wikipedia

En 1756 paraît l’un des ouvrages les plus importants de la production voltairienne : l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations. Voltaire y défend l’idée que le climat ne fait qu’inspirer des comportements ; il ne les détermine pas. Pour lui, la fougue et la grandeur de l’Égypte ancienne (opposée à sa léthargie au XVIIIe siècle) constitue « une preuve sans réplique, que si le climat influe sur le caractère des hommes, le gouvernement a bien plus d’influence encore que le climat ». Plus loin, Voltaire développe encore :

« Trois choses influent sans cesse sur l’esprit des hommes, le climat, le gouvernement et la religion. C’est la seule manière d’expliquer l’énigme de ce monde. »

Dans un article des Questions sur l’encyclopédie (1770-1774) – conçu comme une réponse à l’entrée « Climat » de l’Encyclopédie d’Alembert et de Diderot –, Voltaire accuse Montesquieu d’avoir poussé trop loin une idée forgée longtemps avant lui (par Bodin, Fontenelle, Dubos…), criblant sa théorie des contre-exemples français, égyptien, athénien, romain et anglais. La réfutation voltairienne se conclut ainsi :

« Tout change dans les corps et dans les esprits avec le temps. Peut-être un jour les Américains viendront enseigner les arts aux peuples de l’Europe. Le climat a quelque puissance, le gouvernement cent fois plus ; la religion jointe au gouvernement encore davantage. »

Lubie d’un autre âge ?

Si la « théorie des climats » ne date pas de Montesquieu, elle ne lui survivra guère qu’un siècle avec le développement de la climatologie moderne et l’abandon des théories monocausales en sciences humaines et sociales, affaiblissant cette croyance alors répandue que « l’empire du climat est le premier de tous les empires » (De l’Esprit des lois, livre XIX).

L’orientation intellectuelle du juge bordelais se voulait résolument scientifique et comparatiste. Aujourd’hui, elle peut nous paraître grossière et exagérée. C’est le privilège implacable du lecteur du XXIe siècle, aidé des connaissances de son temps, qui lui fait regarder la théorie des climats comme une lubie d’un autre âge. Elle le fut en effet, tout particulièrement au XVIIe siècle mais aussi au XVIIIe siècle, en gagnant notamment les faveurs de Jean‑Jacques Rousseau.

Montesquieu n’est pourtant coupable que d’avoir cultivé une intuition jusque dans ses derniers ressorts. Le climat – ou « l’environnement » comme nous le dirions aujourd’hui – exerce évidemment une influence (souvent négligée) sur l’espèce humaine. Mais dans la théorie du baron de la Brède, le climat occupe une place démesurée, au point que la disposition de quelque organe du corps suffise, dans un pays ou dans un autre, à faire varier sensiblement les mœurs et les lois.

« Un peu d’histoire, les Lumières du XVIIIᵉ siècle » (Grand Palais/YouTube, 2017).

Comment (re)lire ces textes au XXIᵉ siècle

Ne prétendons pas, au siècle où nous sommes, pouvoir faire parler les philosophes à notre place. L’interprète d’un texte devient toujours l’auteur d’un nouveau texte ; en particulier lorsque trois siècles les séparent.

Le lecteur du XXIe siècle sera plus sensible aux arguments qui flattent ses préoccupations, et l’urgence climatique est l’une de ses plus impérieuses. Le lien entre la théorie des climats et le changement climatique n’est pas manifeste. Mais, si l’on articule le « déterminisme » et le « changement » climatiques, l’idée principale serait alors que le changement climatique altérerait progressivement les esprits et les législations, puisque ces dernières en dépendent par-dessus tout.

Ce changement s’exprimerait notamment par un réchauffement de la température mondiale, car c’est le sens du mot « climat » au XVIIIe siècle. Or quel est l’effet d’un climat chaud ? Montesquieu nous met en garde :

« La chaleur du climat peut être si excessive, que le corps y sera absolument sans force. Pour lors, l’abattement passera à l’esprit même ; aucune curiosité, aucune noble entreprise, aucun sentiment généreux ; les inclinations y seront toutes passives […]. » (De l’Esprit des lois, livre XIV)

La théorie de Montesquieu résiste-t-elle, à la lumière de notre situation actuelle, à la critique voltairienne ?

Individualisme et holisme

Si le gouvernement et la religion sont considérablement plus influentes que le climat, nous ne devrions donc pas constater ce qu’annonce Montesquieu. La part scientifique de ses arguments ne nous incline d’ailleurs pas à le croire, et l’on perçoit mal comment quelques décennies de réchauffement pourraient bouleverser la disposition de nos organes au point de nous rendre à peu près indolents, à supposer que nos organes soient la cause nécessaire de nos comportements sociaux.

Contre ce déterminisme, la critique de Voltaire suggère plutôt que les lois et les arts dépendent d’abord des « intérêts, des passions et des opinions » de ceux qui les produisent avant de dépendre du climat. Voltaire croit à la politique et surtout au pouvoir des hommes qui la mènent : ce sont les acteurs qui agissent sur l’environnement plus que l’environnement qui agit sur les acteurs.

Voltaire et Montesquieu représentent dans ce débat deux approches bien connues en sciences sociales : l’individualisme et le holisme méthodologiques. D’un côté, l’explication par le comportement des acteurs ; de l’autre, par les structures dans lesquels ils évoluent.

Pas impuissants face au climat

Il y a chez Voltaire la conviction que le climat ne saurait influencer les hommes plus que les hommes ne peuvent s’influencer eux-mêmes. S’il y a une urgence climatique, les hommes peuvent agir pour eux et sur eux, et leur caractère et leurs lois ne dépendre jamais entièrement du climat.

Montesquieu n’est pas pour autant résigné à un déterminisme absolu. Certaines de ses intuitions résonnent étrangement avec nos préoccupations présentes. Ainsi, le chapitre V du livre XIV de l’Esprit des lois s’intitule : « Que les mauvais législateurs sont ceux qui ont favorisé les vices du climat, et les bons sont ceux qui s’y sont opposés ». Il décrit comment la doctrine de la divinité indienne Foé, « née de la paresse du climat », l’a favorisée à son tour, alors que les législateurs chinois ont introduit dans leur philosophie une rigueur et une frugalité qui les préserveraient de l’oisiveté.

Si l’on s’attarde sur la logique de l’argument plutôt que sur ces deux exemples, Montesquieu recommande donc aux gouvernements d’aller contre les tendances induites par le climat au lieu de les épouser ou de les tolérer. Si l’esprit des hommes est conditionné par les humeurs climatiques, le législateur doit empêcher ses écarts « naturels » en produisant des normes correctrices. Cela consisterait à rendre les hommes plus courageux, plus industrieux et moins tolérant à la servitude.

Au fond, Voltaire et Montesquieu se rejoignent sur une chose : les gouvernements peuvent, et même doivent agir sans se penser impuissants face aux contraintes du climat.

Les stratégies d’écosystème des grandes entreprises en Asie

22 samedi Fév 2020

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The Conversation

  1. Valérie Mérindol

    Enseignant chercheur en management de l’innovation et de la créativité, PSB Paris School of Business – UGEI

  2. David W. Versailles

    Chair professor, strategic management and management of innovation, PSB Paris School of Business – UGEI

PSB Paris School of Business

Union des Grandes Ecoles Indépendantes (UGEI)

 

CC BY ND
Les grandes entreprises mettent en place des stratégies d’écosystèmes d’innovation pour préserver leur leadership économique et technologique. Metamorworks / Shutterstock
 

Comment une entreprise peut-elle générer des innovations radicales ? Pour répondre à cet enjeu, les grandes entreprises deviennent les chefs d’orchestre de nouveaux écosystèmes capables de soutenir leur recherche de ruptures.

Elles ne cherchent pas seulement à travailler avec des start-up mais tentent aussi de travailler avec tous les talents qui peuvent contribuer à atteindre cet objectif. Elles s’emploient à impulser de nouveaux cadres collaboratifs. Les nouveaux écosystèmes sont plus diversifiés. Ils couvrent l’ensemble de la chaîne de valeur tant pour explorer les idées nouvelles que pour en exploiter les conséquences.

L’Asie représente un terrain de jeu particulier car de grandes entreprises y ont créé de nouveaux écosystèmes sur les deep techs : big data, IA, etc. Une compétition larvée s’exerce entre firmes occidentales et asiatiques pour construire leurs sphères d’influence. Une étude réalisée par la chaire newPIC de PSB et cofinancée par BPIfrance le Lab et Innovation Factory a analysé ces stratégies.

Conversation France

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Collaboration start-up–grands groupes : les leçons des « open labs » d’entreprises en Asie http://bit.ly/2R6obgT 

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9:17 AM – Jan 10, 2020
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Faire émerger un écosystème créatif

En Asie, les grandes entreprises ont deux objectifs quand elles mobilisent leur open lab : accélérer les projets de start-up et créer un réseau d’acteurs prêts à développer des projets novateurs en relation avec les business units de l’entreprise.

Des villes comme Singapour illustrent bien ces nouvelles dynamiques : Unilever y a créé la Foundry ; la banque DBS y a installé DBS Dax ; et Thales y anime un innovation hub spécialisé.

Les open labs ont vocation à faire émerger de nouveaux modes de collaboration autour de thématiques prioritaires pour l’entreprise. La Foundry d’Unilever permet d’illustrer ces éléments. Elle se situe au cœur d’un nouvel écosystème sur le « big data » et l’intelligence artificielle. Elle repense la logistique, le commerce électronique et les technologies de l’agriculture en lien avec les problèmes alimentaires de demain.

« What is the Unilever Foundry ? » (The Unilever Foundry, juillet 2015).

Sur ces thématiques, l’open lab permet de mobiliser une variété d’acteurs dans la durée. Les employés de l’entreprise pourront interagir avec des acteurs qu’ils ne côtoient pas usuellement dans leurs activités opérationnelles : étudiants, associations, start-up de la tech, investisseurs, représentants du gouvernement (local ou national), sous-traitants et, aussi, d’autres grandes entreprises opérant dans des secteurs qui partagent des préoccupations similaires.

Comment animer ces écosystèmes ? Les open labs proposent une variété d’événements qui se déroulent dans leurs espaces physiques, facilitant de nouvelles rencontres. L’agencement et la localisation du lieu physique jouent un rôle majeur : convivial et facile d’accès pour tirer parti de la proximité physique, il doit ouvrir la porte à des rencontres improbables et permettre de développer des liens forts. Le foisonnement et la concentration des open labs génèrent une dynamique d’innovation qui, au final, transforme la ville de Singapour en un point focal d’attractivité et d’innovation sur certaines thématiques.

Certains open labs d’entreprises vont même jusqu’à proposer des services de coworking : ils monétisent leurs espaces sous forme de « flex office » ouvert à une variété d’acteurs qui peuvent y développer librement leurs projets.

La démarche va même jusqu’à les y laisser travailler avec leurs propres partenaires à la condition que ceux-ci ne soient pas des concurrents directs. Pour les personnes qui utilisent ce service, l’open lab d’entreprise est finalement un moyen d’accélérer des projets en participant à une communauté qui partage des préoccupations communes.

« Le rôle essentiel des plates-formes d’innovation en régions » avec Valérie Mérindol (Xerfi Canal, avril 2018).

Ceux qui acceptent de participer aux activités de l’open lab sont conscients que les éventuelles opportunités d’exploitation de leur projet auront toutes les chances de s’inscrire dans le cadre de la stratégie globale de l’entreprise qui héberge l’open lab si le projet devient un succès.

Un entrepreneur installé à la Foundry d’Unilever précise :

« Ce n’est pas une obligation. […] On peut bien entendu quitter le lieu librement si on se rend compte que le projet d’exploration ne fait plus sens avec la stratégie d’entreprise. […] Mais quand on participe à ce type d’open lab, on a tous en tête qu’une des options se trouve précisément dans le partenariat avec le grand groupe. »

La structuration d’écosystèmes territoriaux

Certaines entreprises vont parfois beaucoup plus loin et structurent l’ensemble d’un écosystème en relation (directe ou implicite) avec des acteurs institutionnels régionaux. Cela conduit à gérer l’implantation physique sous la forme d’un « tech park ».

C’est le cas d’Alibaba à Hangzhou, capitale de la province du Zhejiang en Chine à 180 km de Shanghai. Cette licorne structure un nouvel écosystème dédié à l’intelligence artificielle et au « big data » en lien, au départ, avec les solutions de distribution en B2B, B2C et B2B2C, et qui s’élargit sur les smart cities. L’Innovation Center d’Alibaba anime un réseau d’échanges créatifs avec des espaces de coworking et d’autres open labs qui s’implantent dans les districts de la ville.

Jack Ma, PDG « emblématique » de l’entreprise de e-commerce Alibaba. Feelphoto/Shutterstock

Les pouvoirs publics locaux et régionaux accompagnent cette évolution par un plan de développement économique qui aménage le territoire, fait sortir de terre des quartiers ultramodernes, des bâtiments dédiés aux entreprises ou aux personnes, et tous les services attendus par les porteurs de projets et les start-up. La ville de Hangzhou a été totalement transformée en l’espace de dix ans.

La démarche repose aussi sur un concours mondial de start-up organisé par Alibaba, dont la finale se déroule à Hangzhou avec tous les acteurs privés, publics et les financeurs de leur réseau. Les dotations du concours sont le plus souvent limitées à des moyens de s’intégrer dans l’écosystème local, en plus de l’accès à des services informatiques (dont le cloud d’Alibaba) et à des possibilités de tester les idées ou les prototypes sur les usagers locaux, en utilisant les données d’Alibaba ou en travaillant avec les acteurs de leur chaîne d’approvisionnement.

Alibaba anime aussi un campus de formation (en particulier à l’entrepreneuriat) et facilite la mise en relation des start-up avec un réseau d’investisseurs privés, sans jamais investir directement à ce stade. La force de cet écosystème repose sur le rôle d’Alibaba en tant qu’acteur local. Les start-up sont incitées à s’installer à proximité de son innovation center pour intégrer leurs produits ou services à l’offre d’Alibaba ou pour entrer dans sa chaîne d’approvisionnement. L’enjeu est toujours de renforcer l’écosystème d’innovation de la ville d’Hangzhou en y ramenant les talents et les compétences critiques.

Finale du concours mondial de start-up organisé par Alibaba à Hangzhou. Alibaba

Le concours de projets et de start-up organisé au niveau mondial conduit à installer une dynamique « glocale », globale et locale, qui renforce cet écosystème sur tout les sujets « deep techs » (intelligence artificielle, biotechs, etc) et prépare la concurrence avec les autres firmes comme Amazon ou Google.

Le concours « Create@Alibaba Cloud Startup Contest » repose sur des finales régionales organisées un peu partout dans le monde (Paris et Berlin sont parmi les plus anciennes villes organisatrices). Le fonds d’investissement géré par un des seize associés fondateurs d’Alibaba illustre également cette stratégie « locale ».

Ces exemples ne sont pas uniques. Les grandes entreprises ont bien compris qu’un écosystème peut être autant une source de contraintes que d’opportunités pour innover. Elles travaillent pour en faire une force. Les grandes entreprises internationales mettent en place des stratégies d’écosystèmes d’innovation pour élaborer les capacités clés capables de préserver leur leadership économique et technologique.

La pollution par microplastiques est partout, mais on connaît mal ses effets sur la faune

20 jeudi Fév 2020

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The Conversation

  1. Kennedy Bucci

    PhD Student, Department of Ecology and Evolutionary Biology, University of Toronto

  2. Chelsea Rochman

    Assistant Professor of Ecology and Evolutionary Biology, University of Toronto

University of Toronto

CC BY ND

La pollution par les matières plastiques est une préoccupation mondiale croissante. De gros morceaux de plastique ont été trouvés presque partout sur la Terre, des plages les plus fréquentées aux îles isolées et inhabitées. Comme la faune est régulièrement exposée à la pollution par le plastique, nous cherchons à comprendre les effets de celle-ci sur les animaux.

Au fil du temps, les macroplastiques (débris de plus de cinq millimètres) se décomposent en minuscules particules appelées microplastiques (moins de cinq millimètres), qui peuvent demeurer dans l’environnement pendant des centaines d’années.

On connaît les effets néfastes des macroplastiques sur la faune. Les animaux peuvent ingérer de gros morceaux ou s’enchevêtrer dans des objets en plastique, tels que du matériel de pêche, et s’étouffer ou mourir de faim. S’il ne fait aucun doute que les macroplastiques sont nocifs pour la faune, les impacts des microplastiques sont plus subtils.

De nombreuses études démontrent que les microplastiques peuvent affecter l’expression des gènes, la croissance, la reproduction ou la survie des animaux, mais d’autres concluent qu’ils n’ont pas d’effets négatifs. L’absence de consensus clair rend plus difficile l’adoption de politiques efficaces pour réduire la pollution par les plastiques.

Les plastiques : pas tous pareils

Nous avons analysé en profondeur des études sur les impacts de la pollution plastique sur la faune aquatique et terrestre.

Nous avons constaté que si les macroplastiques ont effectivement des effets néfastes sur des animaux individuels, ils provoquent également des changements à grande échelle dans les populations d’animaux et les écosystèmes. Ainsi, la pollution par les plastiques peut introduire des espèces envahissantes dans de nouveaux habitats en transportant des organismes à des centaines de kilomètres de leur aire de répartition naturelle, modifiant la composition des communautés.

Les effets des microplastiques sont cependant beaucoup plus complexes. Près de la moitié (45 pour cent) des études que nous avons incluses dans notre analyse ont conclu que les microplastiques avaient une incidence sur la faune. Certaines ont montré qu’ils réduisaient la durée de vie des animaux, que ceux-ci mangeaient moins ou nageaient plus lentement, tandis que d’autres ont constaté des changements dans le nombre de rejetons engendrés et dans les gènes exprimés. Toutefois, 55 pour cent des études n’ont détecté aucun effet.

Pourquoi certaines études découvrent-elles des impacts alors que d’autres n’en trouvent pas ? Il existe plusieurs réponses possibles. Tout d’abord, les chercheurs ont utilisé différents modèles pour leurs expériences de laboratoire.

Il y a aussi la question de savoir de quoi on parle. Le terme « microplastiques » désigne un mélange complexe de plastiques dont la matière (comme le polyéthylène, le polystyrène ou le polychlorure de vinyle), les produits chimiques qu’on y retrouve (comme les additifs, les charges et les colorants), ainsi que la taille et la forme varient. Chacune de ces caractéristiques, de même que la quantité de plastique à laquelle l’animal est exposé au cours de l’expérience, peuvent modifier la possibilité de constater un effet.

Microfibres et microbilles

Par exemple, nous avons constaté que lorsqu’on expose des crustacés au polystyrène – qu’on retrouve dans des contenants, des couvercles et des couverts jetables –, les crustacés produisent en général plus de descendants. Mais quand ils sont en contact avec du polyéthylène ou du polyéthylène téréphtalate – dans les sacs en plastique et les bouteilles de boisson –, ils en ont moins.

Nous avons également observé que les études utilisant des particules plus petites détectent plus souvent un impact. Cela peut être attribuable au fait que ces particules sont plus facilement consommées par les petits organismes ou qu’elles peuvent traverser la membrane cellulaire et provoquer des effets tels que l’inflammation.

On trouve des microbilles dans les produits exfoliants tels que les nettoyants pour le visage et le dentifrice. Plusieurs pays ont interdit leur production et leur vente. (Shutterstock)

En ce qui concerne la forme du plastique, les microfibres (de tissus ou de cordes) et les fragments ont plus souvent un impact sur l’organisme que les billes (des nettoyants pour le visage). Ainsi, une étude a démontré que les microfibres étaient plus toxiques pour une espèce de crevettes marines que les fragments ou les sphères de microplastique.

D’autre part, on peut s’attendre à ce que les impacts chez les animaux soient proportionnels aux concentrations de microplastiques. S’il est vrai que les crustacés ont plus de risques de mourir lorsqu’ils sont exposés à des doses accrues de microplastiques, l’effet sur la reproduction est plus complexe. Le nombre de descendants augmente avec des doses extrêmement élevées, mais diminue à des doses plus faibles, comme ce que l’on observe dans l’environnement.

Différentes particules, différents résultats

À la lumière de notre étude, nous considérons que la recherche doit reconnaître la complexité des microplastiques et que les scientifiques doivent concevoir leurs tests de manière stratégique afin que nous puissions réellement comprendre comment les différents types, tailles, formes et doses de microplastiques ainsi que la durée d’exposition à ceux-ci affectent la faune.

Plusieurs pays, dont le Canada, le Royaume-Uni et les États-Unis, ont récemment interdit les microbilles de plastique – les perles et fragments présents dans les nettoyants pour le visage, les gommages corporels et le dentifrice – parce qu’ils contaminaient l’environnement et ont des effets potentiellement négatifs sur les animaux aquatiques. Bien que cette législation réduise un type de microplastique dans l’environnement, elle ne concerne pas beaucoup d’autres types.

Pour prendre les bonnes décisions politiques, il nous faut mieux comprendre comment les différents types, formes et concentrations de microplastiques affectent la faune et la flore. Si, par exemple, les microfibres s’avèrent effectivement plus nocives que les sphères, nous pourrions travailler à empêcher la pénétration de ces fibres dans les cours d’eau à partir de sources connues, telles que les machines à laver.

Comment Song Chao, ancien mineur en Chine, est devenu un photographe de renom

19 mercredi Fév 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

  1. Diana Cooper-Richet

    Chercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines – Université Paris-Saclay

Université Paris-Saclay

Université de Versailles Saint-Quentin en Yvelines

 

CC BY ND
Le regard humaniste de Song Chao sur les mineurs, dans la série Miners II. 500photographers
 

Song Chao est né dans le Shandong en 1979, une province à 500 km à l’est de Pékin. Son pays, la Chine, est le plus gros consommateur de charbon au monde, mais également un important producteur de ce minerai avec lequel il fabrique de l’électricité et grâce auquel une grande partie de la population se chauffe.

Dans cette région, les mines sont nombreuses et les réserves importantes. Les exploitations sont, comme partout dans l’Empire du Milieu en dépit des récents efforts faits par les autorités en matière de sécurité, très dangereuses. Les accidents y sont fréquents à l’image de ceux qui ont lieu en octobre 2018 (21 morts) et en février 2019 (20 morts).

Song Chao, fils de paysans, est allé vivre avec son oncle dans le bassin minier à l’âge de 10 ans. Il a commencé à la mine en 1997 où, comme ses camarades, il travaillait 12 heures par jour, descente et remontée comprises. En 2001 il a la chance de rencontrer le désormais célèbre photo-journaliste professionnel Hei Ming, né en 1964 dans le Shanxi, qui a fait ses études à l’Académie de l’artisanat et des beaux-arts de Tianjin, venu cette année-là de la capitale faire un reportage sur les mines du Shandong.

Hei Ming sera la première source d’inspiration de Song Chao, qui décide d’ouvrir avec l’aide de son frère un studio éphémère en plein air, sur le carreau de la mine dans laquelle il descend chaque jour. Entre mars et septembre 2002, à l’heure où avec ses camarades il remonte du fond, il les prend en photo tels qu’ils sont dans leurs tenues de travail, le visage noirci, sur le vif, même si beaucoup d’entre eux tentent de prendre la pose. Avec l’aide de sa famille le photographe, encore amateur, acquiert un premier appareil 35 mm, puis après avoir étudié – sur les conseils de Hei Ming qui l’a pris sous son aile –, le travail de l’Américain Richard Avedon, porteur d’une forte conscience sociale et, notamment, auteur de clichés de cow-boys, il se dote d’un appareil plus précis, un 4-5 inches, ce qui pour un mineur représente une dépense considérable, soit près d’un an de salaire.

La naissance d’un grand artiste

Hei Ming parle alors de son protégé à Alain Jullien, un photographe français qui travaille en Chine. Jullien est à l’origine de plusieurs manifestations culturelles dans ce pays. Co-fondateur, en 2001, du Festival international de la photographie de Pingyao, devenu depuis un évènement incontournable pour les amateurs et les professionnels. Dans cette ville chinoise traditionnelle très bien conservée, classée au Patrimoine mondial par l’Unesco, ils sont de plus en plus nombreux à se réunir. Véritable vitrine de la création d’aujourd’hui, 4 000 photographes originaires de 31 pays, y ont été accueillis en 2017. C’est là, en 2003, que le jury décerne à Song Chao une récompense spéciale, dans le cadre du Prix l’Oréal de la photographie chinoise contemporaine, pour ses clichés de mineurs.

Aux 34e Rencontres de la photographie d’Arles qui se tiennent du 5 juillet au 12 octobre 2003, dix-huit photographes chinois sont présents, dont Song Chao. Âgé de 23 ans, il est le plus jeune et ne pratique la photo que depuis peu de temps. Alain Jullien, commissaire de l’une des 36 expositions, a reconnu dans ce jeune ouvrier, qui a travaillé à 430 mètres de fond dans les entrailles de la terre, dans cet autodidacte de la photo, un talent exceptionnel fait de réalisme et de mise en lumière de ces hommes qui travaillent dans les ténèbres. Il décide de le faire connaître en France. C’est à cette occasion que le jeune mineur de houille prend l’avion pour la première fois et commence à exposer ses clichés à l’étranger. Ils sont ensuite montrés dans le cadre de l’Année de la Chine en France, lors de l’Exposition internationale de la photographie – « Pingyao à Paris » –, organisée dans les locaux du cinéma MK2 Bibliothèque nationale de France, situé dans l’emblématique arrondissement chinois de Paris, le XIIIe, du 6 février au 28 mars 2004.

Un portrait de mineur par Song Chao. Collection personnelle de Diana Cooper-Richet, Author provided

Il expose de nouveau à Paris, huit ans plus tard, à la Galerie Paris-Beijing – rue du Vertbois (IIIe) – en 2012. « Back and Forth » est une rétrospective montrant l’ampleur prise par son travail en dix ans. En effet, à la suite des deux séries consacrées aux « gueules noires » : « Mineurs I » et « Mineurs II », il a posé son objectif sur leurs familles – « Miners’ families » –, puis sur la communauté minière au sens large – « Coal-mine communities » –, ainsi que sur le paysage minier si particulier – « The landscape of coal-mines » –, plus noir que vert, pollué et enclavé, que crée l’exploitation – souterraine ou en « découverte », comme à Decazeville ou en Allemagne encore aujourd’hui – du charbon. Les photos de Hei Ming ont, elles aussi, été exposées à Paris, à la Mairie du XIIIe arrondissement, en février 2019 à l’occasion du Nouvel An chinois. « Capturer l’âme » comportait plusieurs séries de portraits : d’anciens combattants, de moines….

Réalisme et humanité

Comme tous les mineurs de charbon qui s’adonnent à une activité artistique ou littéraire – qu’ils se muent en peintres, qu’ils se transforment en écrivains, en poètes ou en chansonniers –, leur seul sujet, quel que soit le pays d’où ils sont originaires, quel que soit la langue dans laquelle ils écrivent, quel que soit le genre ou la forme d’art à travers lequel ils choisissent de s’exprimer, est toujours la mine, ceux qui y travaillent et leur environnement.

De ce point de vue, Song Chao, comme Baldomero Lillo (1867-1923) au Chili au début du XIXᵉ siècle, les Pitmen Painters d’Ashington (Grande-Bretagne) dans les années 1930 ou Sakubei Yamamoto (1892-1984) à Fukuoka au Japon dans les années 1950-1960, ne déroge pas vraiment à la règle, même si plus récemment il s’est tourné vers les Mingong avec « Migrant workers », montrant ces Chinois qui migrent par centaines de milliers des campagnes vers les villes à la recherche d’une vie meilleure, laissant le plus souvent au village femmes et enfants, auxquels il a dédié sa série intitulée « Hold ».

La force de tous ces mineurs, artistes ou écrivains, réside dans le réalisme et l’humanité de leurs œuvres. Les portraits de Song Chao sont en noir et blanc, sur fond blanc. Les clichés qu’il a réalisé de ses camarades l’ont été à la lumière du jour. Lorsque ceux-ci prennent la pose, elle semble simple, presque naturelle, comme prise pour faire plaisir au photographe-amateur qui travaille tous les jours avec eux. Ses portraits, au cadrage et à la composition très épurés, sont extrêmement attachants.

Song Chao a quitté la mine. Il vit désormais à Pékin. Rares ont été, dans l’histoire des mineurs-artistes ou des gueules noires-écrivains, et ils ont été assez nombreux, ceux qui ont pu définitivement s’extraire de leur condition d’ouvrier, traverser le miroir, à avoir été connus et reconnus pour la qualité de leurs œuvres. Tel est, pourtant, le cas de Song Chao, dont les photos se disputent aujourd’hui sur le marché de l’art.

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