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Archives Journalières: 05/04/2020

Essais cliniques : on peut concilier éthique, qualité et urgence même en temps de crise sanitaire

05 dimanche Avr 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

  1. François Hirsch

    Membre du comité d’éthique de l’Inserm, Inserm

  2. Paul de Boissieu

    Assistant hospitalier universitaire, CHU Bicêtre, APHP, Université Paris-Saclay

Université Paris-Saclay

Inserm

 

CC BY ND
Un biologiste stocke un échantillon dans un laboratoire. Franck Fife / AFP
 

Cet article a été coécrit avec Christophe Longuet, praticien attaché, service des maladies infectieuses de l’Hôpital de la Croix Rousse (Hospices Civils de Lyon).


En France chaque année, dans la plus grande discrétion, des milliers de patients participent à des essais cliniques qui permettent de tester des produits de santé (médicaments, vaccins, dispositifs médicaux) qui les aideront à affronter la maladie.

C’est grâce à des essais cliniques menés avec rigueur que la mise au point de vaccins contre les maladies épidémiques, si souvent décriés lorsque les épidémies ne sont pas d’actualité, a notamment abouti à l’éradication de la variole et à la quasi-élimination de la poliomyélite dans le monde. Outre les succès obtenus dans le domaine de la vaccination, la recherche thérapeutique antivirale a aussi de belles victoires à son actif, avec par exemple la mise au point des antirétroviraux contrôlant le VIH ou des traitements qui désormais guérissent l’hépatite C. Comme nous l’avions mentionné dans une précédente publication, grâce à son encadrement réglementaire, de la loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales (loi Huriet-Sérusclat) jusqu’à la loi du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine (loi Jardé), la France n’a connu jusqu’ici que peu d’accidents lors d’essais cliniques.

Au cours des dernières décennies, le grand public a découvert que certains agents infectieux, connus des seuls scientifiques hors des périodes d’épidémie, pouvaient se répandre et tuer de manière foudroyante. Ces virus émergents ou réémergents posent de nouveaux défis à la recherche médicale. Face à l’urgence, et sous la pression du pouvoir politique, qui se fait le relais de la pression médiatico-sociale, la communauté scientifique doit adapter ses normes et pratiques. Mais jusqu’où ?

Nous nous proposons ici de rappeler comment se construisent les essais cliniques, selon quelles méthodologies et comment des essais cliniques ont pu être réalisés de manière conclusive en situation d’urgence sanitaire lors des récentes épidémies d’Ebola en Afrique de l’Ouest et Centrale.

Quelles méthodologies pour des essais cliniques fiables ?

Aujourd’hui, la méthodologie des essais cliniques repose essentiellement sur la réalisation d’essais cliniques « randomisés contrôlés ». Ceux-ci permettent de comparer des groupes de patients recevant différents traitements, en parallèle.

Lors d’un essai clinique randomisé contrôlé, un premier groupe de patient est défini comme le groupe « expérimental ». Il est composé de patients recevant le traitement à évaluer, dont on souhaite étudier la sécurité d’utilisation et l’efficacité. Lorsque plusieurs médicaments sont à l’étude en même temps, il peut exister plusieurs groupes expérimentaux.

Le second groupe est défini comme groupe « contrôle ». Il s’agit de patients recevant le traitement de référence s’il existe, c’est-à-dire un traitement ayant déjà une efficacité démontrée dans la pathologie d’intérêt ou un placebo, s’il n’existe aucun traitement de référence. Ce groupe permet de refléter l’évolution de la pathologie lorsque le traitement expérimental n’est pas administré.

Lorsqu’un essai est réalisé sans groupe contrôle, il est alors difficile de déterminer l’effet réel du traitement. En effet, si l’état des patients s’améliore, on ne peut savoir si la raison en est que le traitement est efficace ou si c’est parce que, même en absence de traitement, leur état se serait malgré tout amélioré. Or ce dernier cas signifie que le traitement ne modifie pas l’évolution naturelle de la maladie, et est donc inefficace…

Le terme « randomisé », enfin, signifie que l’attribution du traitement à administrer est décidée, pour chaque patient, par un tirage au sort rendant ce choix imprévisible. Cette randomisation permet d’obtenir des groupes de patients homogènes et équilibrés ayant donc les mêmes probabilités d’amélioration, de guérison, d’aggravation ou de décès. Du fait de cet équilibre initial, si une différence (de sécurité d’utilisation ou d’efficacité) est mise en évidence à la fin de l’essai, elle pourra alors être attribuée à la différence de traitement.

Lorsqu’un essai est réalisé sans randomisation, il peut exister des déséquilibres initiaux entre les groupes de traitement. Il est alors plus difficile de déterminer l’origine de la différence observée à la fin de l’essai : est-elle liée à l’effet du traitement ? Au déséquilibre initial ? Ou un peu à chaque facteur ?

Des méthodes d’analyses statistiques peuvent être utilisées pour essayer de prendre en compte et corriger les éventuels déséquilibres initiaux. Mais il persistera toujours un doute quant aux conclusions d’un tel essai.

Le nombre de patients à inclure, un critère essentiel

Une partie importante dans la préparation de l’essai consiste à déterminer le nombre nécessaire de patients qu’il faudra inclure et suivre avant de pouvoir analyser les résultats de l’essai. Ce nombre doit être fixé avant le début de l’étude pour organiser la logistique : nombre de centres investigateurs à impliquer, quantité de produits à l’essai à utiliser…

Pour calculer le nombre de patients à inclure dans une étude, et ainsi éviter de le sur- ou sous-estimer, il existe des impératifs et des hypothèses statistiques à respecter. Ce point est particulièrement important. En effet, surestimer ce nombre consiste à inclure plus de patients qu’il n’en faudrait (statistiquement) pour conclure et arrêter l’étude. Des patients vont alors continuer de recevoir, à tort, le traitement le moins efficace. À l’inverse, sous-estimer ce nombre consiste à inclure moins de patients qu’il n’en faudrait (statistiquement) pour conclure. Les données ne sont alors pas suffisantes pour conclure si l’un des traitements est supérieur à l’autre. Les patients inclus dans l’étude ont donc été traités « pour rien », puisque les données ne sont pas assez précises pour obtenir une conclusion fiable.

Tous les patients inclus dans l’essai doivent être analysés, qu’ils aient reçu ou non, complètement ou partiellement, le traitement prévu. Il s’agit du principe d’analyse « en intention de traiter ». Les arrêts de traitement, les décès (ou tout autre évènement pouvant conduire à exclure les patients de l’analyse) ne doivent jamais être considérés comme dus au hasard, et exclus de l’analyse. Leur exclusion risque de détruire la comparabilité initiale, obtenue par la randomisation, et de favoriser le groupe expérimental, en ne gardant que les bons répondeurs.

Un contexte d’urgence sanitaire

Les épidémies récentes de maladie à virus Ebola en Afrique de l’Ouest et Centrale montrent comment les acteurs médicaux et scientifiques ont su s’adapter pour concilier les impératifs de qualité des soins, de santé publique et de recherche médicale éthique en situation d’urgence sanitaire.

Avec plus de 28 000 cas et 11 300 morts en quelques mois en Afrique de l’Ouest, cette épidémie qui dura de décembre 2013 à la fin 2015, la plus meurtrière à ce jour, a été une course contre la montre pour tous les acteurs concernés.

L’urgence a d’abord été une urgence de santé publique et humanitaire, avec comme objectifs de détecter, isoler et soigner rapidement les personnes infectées. Mais l’ampleur de l’épidémie a rendu possible et indispensable de tester chez l’être humain de nouveaux vaccins et traitements identifiés chez l’animal, lors de phases précliniques, ou déjà utilisés chez l’humain pour d’autres infections virales. Ces nouvelles molécules ont pu être évaluées en temps record dans des essais cliniques de phase I et II (étude de l’efficacité du nouveau médicament, sa posologie et sa pharmacodynamique). Certaines études thérapeutiques ont été randomisées, d’autres pas, car il était estimé par leurs promoteurs que les traitements étudiés offraient un meilleur espoir de survie (ce que les analyses statistiques ultérieures n’ont en général pas montré).


À lire aussi : Essais cliniques : pratiques et réglementation en France


Durant l’épidémie de MVE d’Afrique de l’Ouest, certains traitements prometteurs ont été identifiés et l’efficacité d’un vaccin a pu être démontrée lors d’une étude de phase III randomisée – vaccination immédiate versus vaccination différée – selon l’approche vaccinale dite « en ceinture », consistant à vacciner les personnes-contacts ou résidant autour des malades.

D’autres avancées ont été obtenues toujours dans le cadre de cette urgence sanitaire. Des consortiums internationaux d’institutions de recherche ont été créés et des mécanismes de financement accéléré de la recherche en situation d’urgence ont été mis en place. Des protocoles d’études randomisées adaptatives ont été développés, permettant de gagner du temps dans la soumission de nouveaux essais, et permettant d’ajouter ou d’interrompre un bras de traitement en cours d’essai, en fonction du résultat des analyses intermédiaires.


À lire aussi : Face à l’épidémie d’Ebola, la question des traitements expérimentaux


Un cadre éthique respecté

Sur le plan éthique, les protocoles de recherche ont été soumis à une double approbation, celle des comités d’éthique des pays promoteurs, notamment en Europe et en Amérique du Nord, et celle des comités d’éthique des pays où a eu lieu la recherche, principalement la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone.

Il a fallu mettre en place des procédures innovantes pour recueillir le consentement libre et éclairé de malades en situation de stress et de vulnérabilité extrêmes, isolés dans des centres de traitement Ebola avec un personnel en équipement de protection intégrale. Les consentements écrits originaux ne pouvant pas sortir de la zone contaminée pour leur archivage, en raison du risque infectieux important, ils ont été photographiés à distance. En l’absence de proches au lit des malades, les équipes soignantes ont été garantes de leur choix éclairé, en toute indépendance vis-à-vis des équipes de recherche.

Ces avancées ont permis de réaliser lors de la récente épidémie d’Ebola en République Démocratique du Congo (2018-2020), la première étude randomisée de phase II-III, à plusieurs bras de traitements (groupe de participants recevant le même traitement ou la même absence de traitement, conformément au protocole), au cours de laquelle deux traitements ont montré de manière rigoureuse leur efficacité.


À lire aussi : Recherche biomédicale : quels principes éthiques en temps de pandémie ?


Concilier éthique, qualité et urgence n’est pas impossible en temps de crise

L’expérience acquise lors des flambées de maladie à virus Ebola démontre qu’une recherche alliant éthique et qualité peut se faire dans des conditions extrêmes, qui mettent à l’épreuve les systèmes de santé et les codes sociaux.

Ainsi, malgré la quasi-absence des systèmes de santé des pays affectés par ces épidémies et la déstructuration massive du tissu social des populations atteintes, qui ne pouvaient plus approcher les vivants ni honorer leurs morts, la connaissance de la maladie et l’identification de traitements a malgré tout progressé. Ces résultats ont été rendus possibles grâce au travail d’équipes de recherche internationales impliquant des personnels locaux : médiateurs (dénommés les « Champions » par les investigateurs du projet vaccinal « PreVac » – Partnership for Research on Ebola VACcination), techniciens de recherche, chercheurs, agents de santé, etc.

C’est la même approche qui a été utilisée mise en place pour pouvoir démarrer, en un temps record, des essais thérapeutiques randomisés adaptatifs multicentriques à plusieurs bras dans le contexte actuel de pandémie de Covid-19.

Pour conclure, rappelons les trois grands principes qui fondent une éthique de la recherche sur l’être humain : le respect de la personne, autant que faire se peut dans son autonomie, la bienveillance pour maximiser les avantages et minimiser les dommages possibles et la justice, pour permettre une participation de tous à ces recherches.

Après le coronavirus, le monde ne sera plus jamais le même

05 dimanche Avr 2020

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≈ 1 Commentaire

 

The Conversation

  1. Ian Goldin

    Professor of Globalisation and Development; Director of the Oxford Martin Programme on Technological and Economic Change, University of Oxford

  2. Robert Muggah

    Associate Lecturer, Pontifical Catholic University of Rio de Janeiro (PUC-Rio)

University of Oxford

 

CC BY ND
Borongan City, dans la province de Samar Est, Philippines, le 28 mars 2020. Alren Beronio/AFP

176 pays de la planète sont désormais touchés par le Covid-19. Il apparaît clairement que la pandémie représente la plus grande menace que l’humanité ait eu à affronter depuis la Seconde Guerre mondiale. À l’époque, la confiance dans la coopération internationale et les institutions multilatérales avait atteint un point historiquement bas ; c’est à nouveau le cas aujourd’hui.

Si l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale avait pris de nombreuses personnes par surprise, ce ne fut pas le cas pour l’apparition du coronavirus en décembre 2019 : la crise sanitaire était annoncée. Depuis des décennies, les spécialistes des maladies infectieuses alertent l’opinion publique et les dirigeants sur l’accélération du rythme des épidémies. La dengue, Ebola, le SRAS, H1N1 et Zika ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Depuis 1980, plus de 12 000 foyers ont été documentés. Des dizaines de millions de personnes dans le monde – tout particulièrement parmi les populations les plus démunies – ont été infectées et bon nombre d’entre elles sont décédées. En 2018, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a détecté pour la toute première fois des foyers de six de ses huit « maladies prioritaires ».

Nous ne pourrons pas dire que nous n’avions pas été prévenus.

Même si notre attention est aujourd’hui prioritairement consacrée aux innombrables situations d’urgence générées par le Covid-19, nous devons réfléchir sérieusement aux raisons pour lesquelles la communauté internationale n’était pas préparée à une épidémie si inévitable. Ce n’est pourtant pas la première fois, loin de là, que nous sommes confrontés à une catastrophe mondiale.

La Seconde Guerre mondiale s’explique en bonne partie par l’incapacité dramatique des dirigeants à tirer les leçons de la guerre de 1914-1918. La création des Nations unies et des institutions de Bretton Woods à la fin des années 1940 et au début des années 1950 a donné quelques raisons d’être optimiste, mais celles-ci ont été éclipsées par la guerre froide. En outre, les révolutions Reagan et Thatcher des années 1980 ont réduit la capacité des gouvernements à lutter contre les inégalités par la fiscalité et la redistribution, ainsi que leur capacité à fournir aux populations des services de santé et des services essentiels.

La capacité des institutions internationales à réguler la mondialisation a été sapée précisément au moment où elle aurait été le plus utile. Les années 1980, 1990 et 2000 ont vu une augmentation rapide des mouvements transfrontaliers des biens commerciaux, des moyens financiers et des individus. L’accélération des flux de biens, de services et de compétences est l’une des principales raisons de la réduction de la pauvreté mondiale la plus rapide de toute l’histoire. Depuis la fin des années 1990, plus de 2 milliards de personnes sont sorties de la grande pauvreté.

L’amélioration de l’accès à l’emploi, à l’alimentation, à l’assainissement et à la santé publique (notamment grâce à la disponibilité des vaccins) a ajouté plus d’une décennie d’espérance de vie moyenne à la population mondiale.

Mais les institutions internationales n’ont pas su gérer les risques générés par la mondialisation. Les prérogatives des Nations unies n’ont pas été élargies, loin de là. Le monde est gouverné par des nations divisées qui préfèrent faire cavalier seul, privant les institutions censées garantir notre avenir des ressources et de l’autorité nécessaires pour mener leurs missions à bien. Ce sont les bailleurs de l’OMS, et non son personnel, qui ont lamentablement échoué à faire en sorte qu’elle puisse exercer son mandat vital de protection de la santé mondiale.

L’effet papillon néfaste de la globalisation

Plus le monde est connecté, plus il devient interdépendant. C’est le revers de la médaille, « le Butterfly defect » de la mondialisation qui, s’il n’est pas corrigé, signifie inévitablement que nous allons être confrontés à des risques systémiques croissants et de plus en plus dangereux.

Une touriste devant le Colisée, à Rome. L’Italie a enregistré le plus grand nombre de morts. Andreas Solaro/AFP

La crise financière de 2008 a été l’une des illustrations les plus frappantes de ce phénomène. L’effondrement économique a résulté de la négligence dont les autorités publiques et les experts ont fait preuve dans la gestion de la complexité croissante du système financier mondial. Il n’est pas surprenant que l’insouciance de l’élite politique et économique mondiale ait coûté cher à ses représentants dans les urnes. Faisant campagne explicitement sur l’hostilité envers la mondialisation et les experts, les populistes ont pris d’assaut le pouvoir dans de nombreux pays.

Enhardis par l’indignation du grand public, ils ont remis au goût du jour une tradition ancienne consistant à blâmer les étrangers et à tourner le dos au monde extérieur. Le président des États-Unis, en particulier, a rejeté la pensée scientifique et diffusé des fausses nouvelles, et s’est détourné des alliés traditionnels de Washington et des institutions internationales.

Le nombre de personnes infectées augmentant rapidement, la plupart des responsables politiques reconnaissent désormais le terrible coût humain et économique du Covid-19. Le pire scénario envisagé par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies (Centers for Disease Control) est qu’environ 160 à 210 millions d’Américains seront infectés d’ici à décembre 2020. Jusqu’à 21 millions de personnes devront être hospitalisées et entre 200 000 et 1,7 million de personnes pourraient mourir d’ici un an. Les chercheurs de l’Université de Harvard estiment que 20 à 60 % de la population mondiale pourrait être infectée, et qu’entre 14 et 42 millions de personnes pourraient perdre la vie.

Le niveau de la mortalité dépendra de la rapidité avec laquelle les sociétés sauront réduire les nouvelles infections, isoler les malades et mobiliser les services de santé, et de la durée pendant laquelle les rechutes pourront être évitées et contenues. Sans vaccin, le Covid-19 restera une force perturbatrice majeure pendant des années.

Quelles catégories de la population mondiale seront le plus affectées ?

La pandémie sera particulièrement préjudiciable aux communautés les plus pauvres et les plus vulnérables dans de nombreux pays, ce qui met en évidence les risques associés à l’accroissement des inégalités.

Aux États-Unis, plus de 60 % de la population adulte souffre d’au moins une maladie chronique. Environ un Américain sur huit vit en dessous du seuil de pauvreté – plus des trois quarts d’entre eux ont du mal à boucler leurs fins de mois et plus de 44 millions de personnes aux États-Unis n’ont aucune couverture santé.

La situation est encore plus dramatique en Amérique latine, en Afrique et en Asie du Sud, où les systèmes de santé sont considérablement plus faibles et les gouvernements moins aptes à répondre aux défis posés par l’épidémie. Ces risques latents sont aggravés par l’incapacité de dirigeants tels que Jair Bolsonaro au Brésil ou Narendra Modi en Inde à prendre la question suffisamment au sérieux.

Les retombées économiques du Covid-19 seront considérables partout. La gravité de l’impact dépendra de la durée de la pandémie et de la réponse nationale et internationale qu’apporteront les gouvernements. Mais même dans le meilleur des cas, cette crise économique dépassera de loin celle de 2008 par son ampleur et son impact, entraînant des pertes qui pourraient dépasser 9 000 milliards de dollars, soit bien plus de 10 % du PIB mondial.

Dans les communautés pauvres où de nombreux individus vivent à plusieurs dans une pièce prévue pour une seule personne et doivent travailler pour mettre de la nourriture sur la table, l’appel à la distanciation sociale sera très difficile, voire impossible à respecter. Dans le monde entier, alors que de plus en plus de personnes verront leurs revenus baisser, on assistera à une augmentation rapide du nombre de sans-abri et de personnes souffrant de la faim.

Le bidonville de Mukuru Kwa Njenga à Nairobi. Le Covid-19 devrait être particulièrement dévastateur pour les pays pauvres. Simon Maina/AFP

Aux États-Unis, un nombre record de 3,3 millions de personnes ont déjà demandé des allocations chômage ; en Europe, le chômage atteint également des niveaux record. Mais alors que dans les pays riches, un certain filet de sécurité existe encore, même s’il est trop souvent en lambeaux, les pays pauvres, eux, n’ont tout simplement pas la capacité de garantir que personne ne meure de faim.

Les chaînes d’approvisionnement sont rompues du fait de la fermeture des usines et du confinement des travailleurs ; et les consommateurs sont empêchés de voyager, de faire des achats autres qu’alimentaires ou de s’engager dans des activités sociales. Il n’y a donc pas de possibilité de relance budgétaire. Et la marge de manœuvre en matière de politique monétaire est quasiment inexistante car les taux d’intérêt sont déjà proches de zéro. Les gouvernements devraient donc s’efforcer de fournir un revenu de base à tous ceux qui en ont besoin, afin que personne ne meure de faim à cause de la crise. Alors que ce concept de revenu de base semblait utopique il y a seulement un mois, sa mise en place doit maintenant se retrouver en tête des priorités de chaque gouvernement.

Un Plan Marshall mondial

L’ampleur et la férocité de la pandémie exigent des propositions audacieuses. Certains gouvernements européens ont annoncé des trains de mesures visant à éviter que leurs économies ne soient paralysées. Au Royaume-Uni, le gouvernement a accepté de couvrir 80 % des salaires et des revenus des travailleurs indépendants, jusqu’à 2 500 livres (2 915 dollars) par mois, et de fournir une bouée de sauvetage aux entreprises. Aux États-Unis, une aide colossale de 2 000 milliards de dollars a été décidée, et ce n’est probablement qu’un début. Une réunion des dirigeants du G20 a également débouché sur la promesse d’un déblocage de 5 000 milliards de dollars, mais les modalités restent encore à préciser.

La pandémie marque un tournant dans les affaires nationales et mondiales. Elle met en évidence notre interdépendance et montre que lorsque des risques se présentent, nous nous tournons vers les États, et non vers le secteur privé, pour nous sauver.

La réaction économique et médicale sans précédent mise en œuvre dans les pays riches n’est tout simplement pas à la portée de nombreux pays en développement. Il en résulte que les conséquences seront beaucoup plus graves et durables dans les pays pauvres. Les progrès en matière de développement et de démocratie dans de nombreuses sociétés africaines, latino-américaines et asiatiques seront remis en cause. Cette pandémie mondiale aggravera considérablement non seulement les risques climatiques et autres, mais aussi les inégalités au sein des pays et entre eux.

Un plan Marshall global, avec des injections massives de fonds, est nécessaire de toute urgence pour soutenir les gouvernements et les sociétés.

Contrairement à ce qu’ont avancé certains commentateurs, la pandémie de Covid-19 ne sonne pas le glas de la mondialisation. Si les voyages et le commerce sont gelés pendant la pandémie, il y aura une contraction ou une démondialisation. Mais à plus long terme, la croissance continue des revenus en Asie, qui abrite les deux tiers de la population mondiale, signifiera probablement que les voyages, le commerce et les flux financiers reprendront leur trajectoire ascendante.

Il reste que, en termes de flux physiques, 2019 restera probablement dans l’histoire comme une période de fragmentation maximale de la chaîne d’approvisionnement. La pandémie accélérera le redéploiement de la production, renforçant une tendance à rapprocher la production des marchés qui était déjà en cours. Le développement de la robotique, de l’intelligence artificielle et de l’impression en 3D, ainsi que les attentes des clients qui souhaitent une livraison rapide de produits de plus en plus personnalisés, des politiciens désireux de ramener la production chez eux et des entreprises cherchant à minimiser le prix des machines, suppriment les avantages comparatifs des pays à faible revenu.

La structure du coronavirus. Getty Images

Ce n’est pas seulement la fabrication qui est automatisée, mais aussi les services tels que les centres d’appel et les processus administratifs qui peuvent maintenant être réalisés à moindre coût par des ordinateurs dans le sous-sol d’un siège social plutôt que par des personnes situées dans des endroits éloignés. Cela pose de profondes questions sur l’avenir du travail partout dans le monde. Il s’agit d’un défi particulier pour les pays à faible revenu qui comptent une population jeune à la recherche d’emplois. Rien qu’en Afrique 100 millions de nouveaux travailleurs devraient entrer sur le marché du travail au cours des dix prochaines années. Leurs perspectives n’étaient pas claires avant même que la pandémie ne frappe. Aujourd’hui, elles sont encore plus précaires.

Les conséquences pour la stabilité politique

À une époque où la foi en la démocratie se trouve à son plus bas niveau depuis des décennies, la détérioration des conditions économiques aura des implications profondes sur la stabilité politique et sociale. Il existe déjà un énorme fossé de confiance entre les dirigeants et les citoyens. Certains dirigeants politiques envoient des signaux contradictoires aux citoyens ; ce qui réduit encore la confiance de ceux-ci envers les autorités et « les experts ».

Ce manque de confiance peut rendre la réponse à la crise beaucoup plus difficile au niveau national, et a déjà commencé à affecter négativement la réponse mondiale à la pandémie.

Même si elles ont lancé des appels urgents à la coopération multilatérale, les Nations unies demeurent hors jeu, ayant été mises à l’écart par les grandes puissances au cours de ces dernières années. La Banque mondiale et le Fonds monétaire international, qui ont promis d’injecter des milliards, voire des billions de dollars, dans l’effort international, devront intensifier leurs activités pour avoir un impact significatif.

Les villes, les entreprises et les organisations philanthropiques viennent combler le vide laissé par le manque de leadership international des États-Unis. La réaction de la Chine à la pandémie lui a permis de passer, aux yeux de l’opinion publique mondiale, du rôle de responsable de la catastrophe à celui de héros, notamment parce qu’elle a su développer son soft power en envoyant des médecins et des équipements aux pays touchés. Des chercheurs singapouriens, sud-coréens, chinois, taïwanais, italiens, français et espagnols publient et partagent activement leur expérience, notamment en accélérant les recherches sur ce qui fonctionne.

Certaines des actions les plus enthousiasmantes n’ont pas été lé fait des États. Par exemple, des réseaux de villes tels que la Conférence américaine des maires et la Ligue nationale des villes échangent rapidement des bonnes pratiques sur la manière d’empêcher la propagation des maladies infectieuses, ce qui devrait améliorer les réponses locales. La Fondation Bill et Melinda Gates a contribué à hauteur de 100 millions de dollars au développement des capacités sanitaires locales en Afrique et en Asie du Sud. Des groupes comme le Wellcome Trust, Skoll, les Open Society Foundations, la Fondation des Nations unies et Google.org se sont également engagées dans le combat global contre la pandémie.

Il va sans dire que les problèmes complexes liés à la mondialisation ne seront pas résolus par des appels au nationalisme et à la fermeture des frontières. La propagation du Covid-19 doit s’accompagner d’un effort international coordonné pour trouver des vaccins, fabriquer et distribuer des fournitures médicales et, une fois la crise passée, faire en sorte que nous ne soyons plus jamais confrontés à ce qui pourrait être une maladie encore plus mortelle.

Le temps n’est pas aux récriminations, mais à de l’action. Les gouvernements nationaux et les administrations municipales, les entreprises et les citoyens ordinaires du monde entier doivent faire tout leur possible pour aplatir immédiatement la courbe de l’épidémie, en suivant l’exemple de Singapour, de la Corée du Sud, de Hongkong, de Hangzhou et de Taïwan.

La réponse mondiale doit être organisée par une coalition de volontaires

Aujourd’hui plus que jamais, une réponse globale s’impose. Le G7 et les principales économies du G20 semblent à la dérive sous leur direction actuelle. Bien qu’ils aient promis d’accorder une attention particulière aux pays les plus pauvres et aux réfugiés, leur récente réunion virtuelle a été trop tardive et n’a pas débouché sur des résultats notables. Mais cela ne doit pas empêcher les autres acteurs de tout faire pour atténuer l’impact de Covid-19. En partenariat avec les pays du G20, une coalition créative de pays volontaires devrait prendre des mesures urgentes pour rétablir la confiance non seulement dans les marchés mais aussi dans les institutions mondiales.

L’Union européenne, la Chine et d’autres nations devront monter en puissance et diriger un effort mondial, en entraînant les États-Unis dans une réponse mondiale qui comprendra l’accélération des essais de vaccins et la garantie d’une distribution gratuite une fois qu’un vaccin et des antiviraux auront été trouvés. Les gouvernements du monde entier devront également prendre des mesures draconiennes pour investir massivement dans la santé, l’assainissement et la mise en place d’un revenu de base.

Hôpital de campagne temporaire destiné à l’isolement des patients atteints du Covid-19 à Shoreline, État de Washington, États-Unis. EFE-EPA

Nous finirons par surmonter cette crise. Mais trop de gens seront morts, l’économie aura été gravement touchée et la menace de pandémie subsistera. La priorité doit donc être non seulement la reprise, mais aussi la mise en place d’un mécanisme multilatéral solide visant à garantir qu’une pandémie similaire, voire pire, ne se reproduise jamais.

Aucun mur, aussi haut qu’il soit, ne suffira à empêcher la prochaine pandémie, ni d’ailleurs aucune des autres grandes menaces qui pèsent sur notre avenir. Mais ce que ces hauts murs empêcheront, c’est la circulation des technologies, des personnes, des finances et surtout des idées et de la volonté de coopération collective dont nous avons besoin pour faire face aux pandémies, au changement climatique, à la résistance aux antibiotiques, au terrorisme et aux autres menaces mondiales.

Le monde avant et après le coronavirus ne peut pas être le même. Nous devons éviter les erreurs commises au cours du XXe siècle et au début du XXIe siècle en entreprenant des réformes fondamentales pour faire en sorte que nous ne soyons plus jamais confrontés à la menace de pandémies.

Si nous pouvons travailler ensemble au sein de nos pays respectifs, pour donner la priorité aux besoins de tous nos citoyens, et au niveau international pour surmonter les clivages qui ont contribué à l’intensification des menaces de pandémie, alors un nouvel ordre mondial pourrait être forgé à partir du terrible feu de cette pandémie. En apprenant à coopérer, nous aurions non seulement appris à arrêter la prochaine pandémie, mais aussi à faire face au changement climatique et à d’autres menaces fondamentales.

Le moment est venu de commencer à construire les ponts nécessaires, dans nos pays et partout dans le monde.

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