• Actualités régionales
    • Communes limitrophes
    • Régionales
  • Adhésion
  • André Lhote
  • Au-delà du 14 juillet, des interrogations tenaces sur l’usage des armées
  • Auteurs morts en 17, (déjà…)
  • BD « Sciences en bulles » : À la recherche des exoplanètes
  • Bonnes feuilles : Le château d’If, symbole de l’évasion littéraire
  • Comment la lecture enrichit l’éducation des enfants
  • Corruption, contrebande : le drame de Beyrouth et la question de la sécurité dans les zones portuaires
  • Des crises économiques à la crise de sens, le besoin d’une prospérité partagée
  • Evènements
  • Lecture : comment choisir un album qui peut vraiment plaire aux enfants
  • L’économie fantôme de l’opéra
  • L’Europe s’en sortirait-elle mieux sans l’Allemagne ?
  • Maladie de Lyme : attention au sur-diagnostic !
  • Mirmande
    • Pages d’histoire
    • AVAP et PLU
    • Fonds de dotation et patrimoine
  • NutriScore : quand l’étiquetage des aliments devient prescriptif
  • Penser l’après : Le respect, vertu cardinale du monde post-crise ?
  • Podcast : le repos, une invention humaine ?
  • Prévoir les changements climatiques à 10 ans, le nouveau défi des climatologues
  • Qui sommes-nous?
  • Réforme de la taxe d’habitation… et si la compensation financière n’était pas le seul enjeu ?
  • Revues de presse et Chroniques
  • S’INSCRIRE AU BLOGUE
  • Scène de crime : quand les insectes mènent l’enquête
  • The conversation – Changement climatique : entre adaptation et atténuation, il ne faut pas choisir
  • Une traduction citoyenne pour (enfin) lire le dernier rapport du GIEC sur le climat

Mirmande PatrimoineS Blogue

~ La protection des patrimoines de Mirmande.com site

Mirmande PatrimoineS Blogue

Archives Journalières: 16/04/2020

« America First », de l’ambition hégémonique à l’effondrement sanitaire et social – Article n° 3 de ce jour

16 jeudi Avr 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

 

The Conversation

  1. Thérèse Rebière

    Maître de conférences en économie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

  2. Isabelle Lebon

    Professeur des Universités, directrice adjointe du Centre de recherche en économie et management, Université de Caen Normandie

Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

 

CC BY ND
Donald Trump pendant une rencontre avec des patients ayant guéri du coronavirus à la Maison Blanche, le 14 avril 2020. Pool/Getty Images North America / Getty Images via AFP
 

Sous sa devise qui proclame sur fond noir « Democracy dies in darkness », le site Internet du Washington Post présente une carte mondiale de l’épidémie suivie d’un tableau actualisé plusieurs fois par jour du terrible décompte des cas et des décès dus au Covid-19. Le 11 avril 2020, avec un nombre de morts qui dépasse désormais celui de l’Italie, les États-Unis sont passés en première position. Le slogan « America First » résonne alors de façon tragique.

Les chiffres américains actuels sont-ils vraiment si inquiétants ?

Les États-Unis comptent un peu moins de 330 millions d’habitants. Si l’on souhaite effectuer une comparaison entre le bilan humain enregistré dans ce pays immense et celui affiché par les pays d’Europe, il est préférable de considérer séparément la situation de chacun des États américains et de chaque pays européen en tenant compte non pas du nombre de décès absolu mais du nombre de décès pour 100 000 habitants. Ce faisant, on obtient le début de classement suivant :

Nombre de décès cumulé pour 100 000 habitants au 12 avril 2020

Johns Hopkins CSSE, Eurostat, Author provided

Le 12 avril, l’État de New York, dont la population est le double de celle de la Belgique, a présenté le taux de décès pour 100 000 habitants le plus élevé au monde, bien supérieur à celui de l’Italie, le premier pays occidental à avoir été massivement touché par le virus. À la même date, l’État du New Jersey dépasse nettement la France, elle-même suivie de la Louisiane. Au niveau fédéral, les États-Unis présentent un taux de décès pour 100 000 habitants de 6,55, bien plus faible que la zone euro (18,26 décès pour 100 000 habitants).

Mais le raisonnement à une date donnée, même sur la base des chiffres les plus récents, ne donne qu’une image statique de l’étendue de la maladie et exclut la dynamique des contaminations. Sur ce point, les inquiétudes sont fondées.

Les États-Unis peinent à apporter une réponse fédérale à la crise sanitaire. Des décisions de confinement hétérogènes sont prises au niveau des États, alors que les frontières entre eux sont inexistantes. Si les festivités du Mardi Gras le 25 février en Louisiane – qui pourraient expliquer le foyer épidémique positionnant cet État dans le haut du tableau – se sont déroulées avant que la France elle-même n’interdise les rassemblements, le Spring Break, qui a réuni des milliers de personnes sur les plages de Floride à la mi-mars avant d’être finalement suspendu, illustre la réaction très tardive de certains États. Les contaminations de masse provoquées par de telles manifestations concourent à disséminer le virus sur l’ensemble du territoire.

Pour mieux appréhender la dynamique de l’épidémie, le graphique ci-dessous présente l’évolution du nombre de décès pour 100 000 habitants entre le 13 mars et le 12 avril dans les pays/États les plus touchés.

Évolution du nombre de décès cumulé pour 100 000 habitants entre le 13 mars et le 12 avril par pays/État

Johns Hopkins CSSE, Eurostat, Author provided

On observe que l’Espagne a dépassé l’Italie dès le 4 avril et le New Jersey la France depuis le 8 avril. Le 11 avril, l’État de New York est devenu le territoire le plus atteint, passant devant l’Espagne.

La pente des décès dans l’État de New York est bien supérieure à celles de l’Italie, de la France ou de l’Espagne. Les pentes les plus fortes concernent les États de New York et du New Jersey, mais aussi de la Belgique. Elles traduisent une dynamique plus importante de la morbidité. Sous cet angle, la situation américaine est plus inquiétante que le nombre absolu des décès au niveau fédéral.

Des conséquences sociales immédiates plus dures qu’en zone euro

Indépendamment de la vitesse de propagation du virus sur le territoire et des difficultés à y apporter une réponse harmonisée sur le plan fédéral, les conséquences socioéconomiques peuvent se révéler bien plus dévastatrices aux États-Unis que dans la zone euro. En effet, l’économie américaine risque de payer cher ses choix idéologiques historiques :

  • Le marché du travail aux États-Unis est beaucoup plus flexible que dans les économies européennes. Les arrêts de production liés au confinement se sont traduits par une vague massive de licenciements et une hausse brutale du taux de chômage. Les trois premières semaines de la crise sanitaire ont ainsi conduit à l’inscription au chômage de plus de 15 millions d’Américains, soit 9 % de la population active. Cette hausse considérable révèle la faiblesse traditionnelle des systèmes d’amortissement. Il n’existe en effet que très peu de dispositifs de type chômage partiel. Quant aux congés payés, quand ils existent, ils sont de trop faible durée (une dizaine de jours en moyenne) pour constituer une solution d’attente pour les salariés.
  • Comme le fait remarquer un article du Brookings Institute, les filets de sécurité sociale sont à la peine. Le système d’indemnisation-chômage existant est à la fois complexe, différent entre les États en matière d’accès et de montant des allocations – avec un taux de remplacement moyen faible (36 % en 2019 dans le secteur industriel) – et parfois inadapté à la situation actuelle parce qu’incapable de répondre à l’urgence.
  • L’accès aux soins, qui repose principalement sur des prises en charge d’assurance privée par l’employeur, peut se poursuivre temporairement lorsque les salariés se retrouvent au chômage à condition qu’ils puissent assumer l’intégralité des primes d’assurance. Si les systèmes Medicare (pour les séniors) et Medicaid (pour les non-assurés respectant certaines conditions) sont là pour pallier cette limite, l’accès à ces filets de sécurité est là encore mal aisé et ils sont loin de concerner toute la population. Sont en effet exclus de Medicaid tous les individus dont les revenus dépassent le seuil de pauvreté d’au moins 38 %. En outre, les critères d’accès et les services couverts varient selon les États.

Certes, les admissions en réanimation ne dépendent pas des capacités financières des patients. Il est cependant à craindre qu’une partie de la population choisisse de ne pas aller se faire soigner à l’hôpital en dépit de symptômes qui le nécessiteraient, pour éviter de devoir payer tout ou partie de la facture ultérieurement. Cette simple inquiétude, fondée ou non, suffit à accroître le taux de mortalité ainsi que la contagion au sein de certaines populations, au-delà des facteurs de comorbidité qui sont autant de marqueurs sociaux aux États-Unis (l’obésité et le diabète touchant davantage les plus pauvres et les populations afro-américaines).

Les mécanismes de sécurité proposés jusqu’à présent seront-ils suffisants ?

Tout dépend de ce que l’on entend par suffisant.

Le 27 mars, le CARES Act (Coronavirus Aid, Relief, and Economic Security Act) était signé. Ce plan d’urgence à destination des particuliers, des petites et grandes entreprises, du secteur de la santé, des États et administrations locales, et de l’éducation débloque un montant colossal de 2 000 milliards de dollars pour faire face à la crise, soit près de 10 % du PIB de 2019.

Les mesures sont multiples et très inhabituelles dans une économie à tendance fortement libérale : chèque de 1 200 dollars (plus 500 dollars par enfant) adressé aux personnes percevant moins de 75 000 dollars de revenus par an (soit une grande partie de la population) ; augmentation et extension des allocations chômage de 600 dollars par semaine au-delà des montants prévus ; obligation pour les assurances privées de prendre en charge les traitements, vaccins et tests liés au Covid-19 ; facilités d’emprunt et aides aux petites entreprises ; filet de sécurité alimentaire à destination des plus pauvres (banques et chèques alimentaires notamment). Les États sont également incités à adopter et à communiquer sur des programmes STC (Short-Term Compensation programs) de chômage partiel qui permettent à l’employeur de réduire le volume horaire de travail. Pour compléter ces dispositifs, le gouvernement américain a consenti une aide de 1 milliard de dollars aux États à travers le FFCR Act (Families First coronavirus Response Act) pour les aider à mettre en place les procédures relatives à l’extension de l’assurance chômage.

Cette réponse à l’urgence est salutaire. Cependant, elle arrive tard et n’exclut pas les risques associés à un système de sécurité sociale fragile.

Miguel Diaz, qui travaille pour la ville de Hialeah, Floride, distribue des formulaires de demande d’emploi à des personnes faisant la queue dans leur véhicule devant la bibliothèque John F. Kennedy le 8 avril 2020 à Hialeah, en Floride. La ville distribue des formulaires de chômage imprimés aux résidents, car le site web correspondant est saturé. La fermeture d’entreprises du fait de la pandémie de coronavirus a provoqué de nombreux licenciements. Joe Radle/AFP

S’agissant des allocations chômage, dont les montants, la durée et les conditions sont très inégales sur le territoire, les États risquent d’avoir du mal à mettre en place les extensions alors même que les services – parfois déjà à la limite de leur capacité avant la crise – sont désormais saturés par l’afflux de nouveaux dossiers. Le système exclut par ailleurs les nouveaux entrants sur le marché du travail ainsi que ceux dont les salaires ne sont pas suffisamment élevés pour prétendre aux allocations chômage. S’agissant des programmes STC de chômage partiel, seuls 26 États disposaient de programmes opérationnels en début d’année ; les autres risquent d’avoir des difficultés de mise en œuvre, quelle que soit leur volonté d’y recourir.

Le chômage pourrait-il se résorber aussi vite qu’il est monté ?

S’il est permis de le penser, il serait également naïf de l’affirmer. Les statistiques des taux de chômage et de croissance montrent que la flexibilité du marché du travail américain est à la fois une bénédiction et un piège. Après la crise des subprimes, le chômage américain a décru bien plus vite que dans nos économies européennes mais non sans avoir doublé dans les premiers mois. En outre, cette crise sanitaire n’a strictement rien à voir avec la crise des subprimes qui a débuté dans la sphère financière avant de se diffuser à l’économie réelle. Elle n’a rien non plus à voir avec grande dépression de 1929 qui a débuté par une crise de surproduction.

Cette fois, il est bien plus difficile de prévoir la durée d’une crise dont le calendrier n’est pas lié à des enjeux économiques. Il est par conséquent compliqué de présager du comportement de consommation, d’épargne et d’investissement des ménages et des entreprises lorsque le confinement sera progressivement levé.

L’incertitude est d’autant plus grande aux États-Unis que les amortisseurs sociaux sont faibles. Il est en effet plus facile pour un ménage de reprendre un mode de consommation proche de celui qu’il avait avant la crise s’il n’a pas lui-même subi de choc économique à travers un licenciement. Ce besoin de sécurisation de l’emploi et des revenus des ménages est d’autant plus crucial pour la reprise économique qu’une grande partie du corps médical anticipe une succession de vagues de Covid-19 risquant de provoquer des retours au confinement, perspective propre à renforcer les inquiétudes sur l’avenir.

Une question de choix de société

Les perspectives sanitaires qui conduisent à confiner les populations se heurtent nécessairement aux perspectives économiques qui appellent à la reprise de l’activité. Cela est encore plus vrai pour l’économie américaine dont le choix de société repose sur une individualisation du risque avec une faible protection sociale.

En France et dans la zone euro, l’intervention de l’État, de la BCE et de l’UE permet de laisser du temps au temps en limitant les conséquences économiques directes d’un confinement prolongé. Aux États-Unis, au contraire, la question de la reprise ou du maintien de l’activité domine dans une partie du discours politique celle du coût sanitaire et humain, car un choc économique violent correspond lui-même – qu’il soit temporaire ou plus durable – à un choc futur sanitaire, social et humain, dont le bilan à terme pourrait être plus destructeur que la crise sanitaire elle-même. Il est trop tôt pour vérifier si les mesures adoptées en urgence pourront inverser cette logique.

Qu’est-ce qu’une « crise » ?

16 jeudi Avr 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

The Conversation

  1. Ousama Bouiss

    Doctorant en stratégie et théorie des organisations, Université Paris Dauphine – PSL

 

CC BY ND

« N’employez pas de mots que vous n’employez pas à penser », nous conseillait Paul Valéry. À ne pas penser les mots que nous employons, nous finissons par tomber dans de nombreux pièges qui finissent par obscurcir notre vision, nous empêchent de comprendre et, parfois, nous asservissent. Ainsi, en ces temps d’épidémie, où la peur vient parfois réduire notre lucidité, il semble essentiel de préciser notre langage afin de mieux préciser notre pensée. À cet égard, nous vous proposons dans cet article une approche complexe de la notion de « crise » fondée sur les travaux d’Edgar Morin.

La société est un « système capable d’avoir des crises »

Qu’est-ce qu’une « société » capable d’avoir des crises ? À cette question, Edgar Morin répond que la société est un système complexe qui se régule par lui-même tout en étant régulé par son environnement.

Tout d’abord, la société est un système complexe c’est-à-dire que son organisation émerge des relations complexes entre ses constituants (les individus, les groupes sociaux ou encore les classes sociales).

Aussi, ce système parvient à maintenir son équilibre par l’autorégulation qui repose sur un jeu de boucles de rétroaction (ou feedbacks). On distingue deux types de boucles de rétroaction : positives lorsqu’elles remettent en cause la stabilité du système et crée du désordre ; négatives lorsqu’elles renforcent la stabilité du système et l’ordre. Par un jeu de régulation entre ces boucles de rétroaction positives et négatives, on parvient à maintenir un certain équilibre (qu’on appelle homéostasie). Les boucles négatives venant « contrecarrer » et refouler les effets potentiellement déstabilisants des boucles positives.

Enfin, pour survivre dans son milieu dont les évolutions sont incertaines et aléatoires, le système doit sans cesse se réorganiser et se régénérer. Selon la célèbre formule morinienne : « Tout ce qui ne se régénère pas, dégénère ». Et pour opérer une telle régénérescence, pour se réorganiser, le système puisera dans les forces antagonistes ! Et c’est là un point essentiel : c’est en puisant dans les forces antagonistes qu’un système se régénère et assure sa survie.

Voyons à présent les composantes d’une crise pour mieux la (re)connaître.

Les quatre composantes de la crise

Pour penser le concept de crise, Morin articule sa réflexion autour de dix composantes que nous pourrions synthétiser en quatre : la perturbation, l’accroissement des désordres et de l’incertitude, les phénomènes de blocage/déblocage et le déclenchement d’activités de recherche.

« L’idée de perturbation »

L’idée de perturbation permet à la fois de signifier l’origine de la crise ainsi que son résultat. Toutefois, que l’origine de la crise soit une perturbation intérieure ou extérieure, le résultat est le même : le système se trouve en surcharge. En effet, lorsque la crise survient, le dispositif de régulation révèle ses failles et se trouve incapable de refouler les désordres donc l’instabilité (par des boucles négatives) ; ce qui génère une surcharge.

Ainsi, « la vraie perturbation de crise est le dérèglement ». Les règles habituelles qui assuraient la stabilité d’alors ne fonctionnent plus et n’offrent aucune solution aux problèmes de la crise.

« L’accroissement des désordres et des incertitudes »

Lorsque les dispositifs de régulation fonctionnent, ils créent des déterminismes qui permettent de prédire aisément les conséquences des actions ou des évènements. Toutefois, lorsque ce système de régulation ne fonctionne plus totalement (mais partiellement voire plus du tout), il devient difficile de prédire. Et c’est par cette porte que l’incertitude fait son entrée. La crise entraîne donc une « progression des incertitudes » et « une régression des déterminismes ».

Cependant, si l’incertitude devient progressivement la règle, tout n’est pas imprévisible. Ainsi, l’analyse « des rapports de force, de stratégie dans ladite société et son environnement » permettent de prédire des tendances de long-terme. Les décisions prises par des acteurs influents de l’organisation peuvent permettre de comprendre ce qui sera transformé de ce qui sera conservé. Toutefois, l’incertitude est telle, que ces mêmes décisions sont incertaines, peuvent changer rapidement, l’incertain devant alors de plus en plus certain.

Le phénomène de « blocage/déblocage »

Nous l’avons vu, le dispositif de régulation est bloqué, devenant incapable d’offrir des solutions et participant à la rigidification du système. Dès lors, on assiste à un déblocage de ressources jusqu’alors inexploitées, des réalités jusqu’alors inhibées sont révélées et de nouveaux potentiels se dévoilent pleinement.

Les boucles de rétroaction positives, celles qui remettaient en cause la stabilité du système et qu’il refoulait, tendent à s’amplifier et à se développer de plus en plus rapidement. Le système entre alors dans un processus de morphogénèse : il intègre les déviances et les antagonismes d’antan pour développer de nouvelles formes d’organisation.

Aussi, dans l’incertitude et l’ambiguïté propres à la crise, on voit se déployer des alliances et des coalitions temporaires. Parfois, on observe également que « partout le caractère conflictuel tend à s’accroître, voire à devenir dominant ». Les conflits sont alors amenés à se renforcer et à se manifester avec davantage de clarté sans pouvoir être résorbés ou refoulés.

Enfin, la crise peut conduire à la multiplication des doubles contraints. On peut, notamment, observer ce phénomène au niveau des instances de pouvoir et de contrôle qui se trouvent prises dans la nécessité de répondre à des exigences contradictoires. Aussi, on peut observer ce même phénomène au niveau des « revendicateurs » dont la crise offre un espace d’expression des revendications tout en révélant certaines contraintes contradictoires qui rendent difficiles la tenue de revendications simples. La crise est un éveil brutal, une prise de conscience soudaine de la complexité.

Le déclenchement d’activités de recherche

Par ailleurs, cet éveil s’allie à un double mouvement de destructivité/créativité : alors que des règles et des idées sont détruites, les membres de la société s’engagent dans un mouvement de créativité en action, recherchant des solutions de « sortie de crise ».

Cette recherche de solution peut prendre deux orientations. La première est une activité intellectuelle critique et scientifique qui permet de poser un diagnostic, de corriger des connaissances fausses ou insuffisantes ou encore de proposer des innovations techniques, juridiques ou philosophiques. Simultanément à ce genre de recherche, on voit aussi se développer des « solutions mythiques ou imaginaires ». Aux côtés d’une recherche complexe (première orientation), se déploie des simplifications et des simplismes qui cherchent des boucs émissaires. Dès lors, « la recherche de solution se déverse et dévie dans le sacrifice rituel ».

Toutefois, ce n’est pas là le seul visage des solutions mythiques et imaginaires. Elles témoignent aussi de grandes espérances, font parler les utopies, permettent aux idéaux de s’exprimer. La présence simultanée d’une recherche « saine » et « pathologique » de solutions conduit ainsi à renforcer l’ambiguïté dans la crise car ces deux formes s’entrecroisent, « s’entre-influencent et s’entre-détruisent dans le désordre ».

La recherche de solutions inventives et constructives s’allie donc à la recherche de solution de liquidation et de destruction. Des solidarités nouvelles se développent et des antagonismes se cristallisent et se renforcent. Tout cela peut-il conduire à une transformation du système ?

La crise débouche-t-elle toujours sur une transformation du système ?

Il est essentiel de rappeler le caractère incertain et ambigu d’une crise. Si les diagnostics et les prévisions peuvent se multiplier, la possibilité de voir surgir des imprévus demeure un principe fondamental.

Cependant, la crise offre des conditions nouvelles pour l’action. En situation de stabilité, les modalités d’actions sont soumises à des dispositifs de régulation. Or, ces derniers n’étant plus fonctionnels, le dérèglement s’impose comme perturbation majeure. Ainsi, comme l’explique Edgar Morin : « la crise est tributaire de l’aléa : à certains de ses moments carrefours, il est possible à une minorité, à une action individuelle, de faire basculer le développement dans un sens parfois hautement improbable ».

Ces conditions de l’action qui permettent, notamment, à des acteurs isolés de « faire basculer » le cours des évènements ne résout pas la question de savoir si, a posteriori, la crise aura été synonyme de régression ou de progression. La crise est un risque et une chance : « ici s’éclaire le double visage de la crise : risque et chance, risque de régression, chance de progression ». Toutefois, cela éclaire aussi un point : en temps de crise, on n’attend pas le changement mais on saisit l’opportunité des nouvelles conditions de l’action pour le créer.

Est-ce le moment de changer de banque ?

16 jeudi Avr 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

 

The Conversation

  1. Jérémie Bertrand

    Professeur de finance, IÉSEG School of Management

  2. Aurore Burietz

    Professeur de Finance, IÉSEG School of Management

IESEG School of Management

 

CC BY ND
Les crises engendrent des pertes de confiance qui poussent les agents économiques à s’interroger sur leurs partenaires financiers. Joel Saget / AFP
 

Alors qu’on se souvient encore de la crise financière de 2008, le Covid-19 vient ébranler une nouvelle fois notre société avec des conséquences non seulement sanitaires mais aussi économiques, notamment vis-à-vis du secteur bancaire déjà sous tension.

Ce choc à l’échelle mondiale détériore la confiance des agents économiques (ménages et entreprises) envers leurs banques et les pousse à remettre en question leur choix de partenaire bancaire. Mais est-ce le meilleur moment pour changer de banque ? La réponse est clairement non. Une telle décision reviendrait à sous-estimer l’importance du relationnel bancaire et ses avantages à la fois en période de crise et sur le long terme.

Les banques facturent le risque aux clients

Une crise, qu’elle que soit sa nature, augmente l’incertitude pour l’ensemble des agents économiques (entreprises et ménages). Elle peut provoquer non seulement des pertes financières pour les banques suite aux potentielles faillites d’entreprises mais également une ruée aux guichets des épargnants (bank run), craignant pour leur argent et/ou déçus de la qualité des prestations de leur partenaire bancaire.

Ruée aux guichets d’une banque de la ville de Millbury dans le Massachusetts pendant la crise de 1929. AFP

Face à une telle situation, la solidité des banques est mise à rude épreuve, ce qui altère davantage la confiance des acteurs économiques qui envisagent alors d’opter pour un partenaire bancaire plus fiable.

Comme le démontre la recherche dans le domaine bancaire, c’est tout sauf une bonne idée.

Deux facteurs en sont la cause. Tout d’abord, en période de crise, les banques sont frileuses quant à l’accueil de nouveaux clients. Rappelons que le métier principal d’une banque est d’évaluer la santé financière d’un agent économique, dans le but de lui faire un prêt au prix le plus juste tout en minimisant le risque.

Pour atteindre son objectif, la banque doit donc collecter suffisamment d’informations pour évaluer le client et son environnement. En d’autres termes, elle doit réduire une asymétrie d’information, d’autant plus importante quand il s’agit de nouveaux clients et/ou dans un environnement économique instable.

Nombre de prêts syndiqués (prêts octroyés à une entreprise par un groupe de banques) et taux moyen sur la période 2005-2011. Base de données LPC Dealscan

De nombreuses études scientifiques l’ont d’ailleurs démontré : en période de crise, les banques prêtent à des taux plus chers, et rationnent même leur crédit, comme illustré ci-contre.

Depuis début avril, les crédits immobiliers affichent d’ailleurs une hausse moyenne de leur taux « d’environ 0,25 point de pourcentage sur toutes les durées », constate Philippe Taboret, directeur général adjoint du courtier Cafpi, cité par le journal Le Monde le 9 avril. Le second facteur est lié à la relation de clientèle déjà existante et aux avantages qu’elle représente. Si les banques prêtent moins en période de crise, leurs principales sources de revenus restent le crédit et les services connexes.

Ainsi, même en période difficile, les banques vont devoir continuer à prêter et à fournir des services. Mais, au vu de l’incertitude elles vont chercher à prêter aux clients qu’elles connaissent déjà parfaitement, ceux dans lesquels elles ont le plus investi, ainsi que ceux avec qui s’est déjà établie une relation de confiance. C’est ce qu’on appelle le relationnel bancaire, c’est-à-dire une situation où la banque au travers de ses nombreux échanges passés a pu collecter des informations, quantitatives et qualitatives, pour réduire l’asymétrie d’information et ainsi parfaire son évaluation du risque.

Du point de vue des agents économiques, le raisonnement devrait être le même : dans un tel contexte, leur priorité est d’être rassurés du soutien de leurs banques. En cas de coups durs, ils ont tout intérêt à se tourner vers leurs partenaires bancaires, qui leur font déjà confiance et qui sont déjà engagés donc qui n’ont aucun intérêt à ce qu’ils fassent défaut.

La théorie du « hold-up »

La littérature scientifique en finance a largement démontré les bénéfices de ce relationnel bancaire, surtout en période de crise. En 2008, la plupart des clients ayant obtenu des crédits ou des services adéquats d’une banque étaient déjà clients de cette banque avant la crise.

Ainsi, changer de banque en période de crise revient à subir les coûts liés à un changement de partenaire, sans profiter des avantages que permet le maintien de la relation bancaire historique. Maintenir un relationnel bancaire semble donc le choix optimal.

Or, la « multibancarisation », qui signifie qu’un agent économique est client de plusieurs banques, concerne aujourd’hui un Français sur trois. C’est donc un phénomène à prendre en compte dans l’équation.

Les Français sont en majorité « multibancarisés ». Thomas Kohler/Flickr, CC BY

Développer du relationnel bancaire avec plusieurs banques semble être un choix optimal pour maximiser ses chances d’obtenir un crédit, surtout en période de crise.

En effet, dans le cas d’une relation avec une seule banque, cette dernière se retrouverait en position dominante, sachant qu’il est compliqué pour le client de développer une nouvelle relation ailleurs. Elle pourrait profiter de cette position pour imposer des coûts de crédit plus chers à ses clients, c’est ce qu’on appelle la théorie du « hold-up ».

Cependant, ce dernier point doit être nuancé car le relationnel bancaire reste long et coûteux à développer. La multibancarisation est donc un investissement non négligeable pour le client.

Si la théorie ne permet pas de trancher quant au nombre optimal de banques, notamment en période de crise, la pratique nous montre que la plupart des clients ont tendance à diversifier leurs partenaires bancaires pour maintenir une concurrence entre eux tout en optimisant les points forts de chacun.

avril 2020
L M M J V S D
 12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
27282930  
« Mar   Mai »

Stats du Site

  • 96 213 hits

Liens

  • Associations-patrimoines
  • La Fédération d'environnement Durable
  • Moelle Osseuse
  • Visite de Mirmande
avril 2020
L M M J V S D
 12345
6789101112
13141516171819
20212223242526
27282930  
« Mar   Mai »

Commentaires récents

Le Soudanite dans Nutrition : pour bien vieillir…
Le Soudanite dans Nutrition : pour bien vieillir…
L’Écologie aux porte… dans L’Écologie aux portes du pouvo…
jac-zap dans Comment les allocations chômag…
L’Union politique eu… dans L’Union politique européenne v…

Propulsé par WordPress.com.

Annuler