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Archives Journalières: 28/04/2020

Penser l’après : La reconstruction plutôt que la reprise

28 mardi Avr 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

  1. Patrick Criqui

    Directeur de recherche émérite au CNRS, Université Grenoble Alpes

  2. Sébastien Treyer

    Directeur général, Iddri, Sciences Po – USPC

Université Grenoble Alpes

Université Sorbonne Paris Cité

Sciences Po

 

CC BY ND
Jamesbin/Shutterstock
 

Les chercheuses et les chercheurs qui contribuent chaque jour à alimenter notre média en partageant leurs connaissances et leurs analyses éclairées jouent un rôle de premier plan pendant cette période si particulière. En leur compagnie, commençons à penser la vie post-crise, à nous outiller pour interroger les causes et les effets de la pandémie, et préparons-nous à inventer, ensemble, le monde d’après.


Le « cygne noir » désigne un événement très peu probable, non anticipé et aux conséquences incalculables. La crise du Covid-19 ne répond pas strictement à cette définition puisque le risque d’une pandémie avait été maintes fois signalé dans différents rapports de l’OMS ou du PNUE, et aussi dans la littérature d’anticipation.

Mais il est certain que ses effets sont aujourd’hui incalculables : l’enchaînement des conséquences économiques et sociales de la crise et la détresse sanitaire et humaine qui en découleront restent malheureusement encore à découvrir. Il aurait fallu s’y préparer, mais aujourd’hui les politiques, les experts les plus chevronnés, les citoyens, tous doivent affronter une situation d’incertitude radicale sur les développements futurs de cette crise.

Comment se préparer à l’après et avec quelles armes, alors même que, dans l’ébranlement du monde, il faut gérer l’urgence ?

Gardons-nous d’une instrumentalisation des événements en cours dans la poursuite d’autres fins et, évidemment, chacun voit dans la crise une confirmation de son appréhension du monde. Mais il est clair que l’ampleur du choc exogène sera telle qu’un effort de reconstruction s’impose. Autant le mettre à profit pour engager des transformations durables dans la dynamique de la société mondiale.

C’était l’optique du New Deal de Roosevelt au début du XXe siècle, qui cherchait à piloter ensemble trois horizons d’action : l’intervention d’urgence, la relance, et un profond changement dans le projet de société (relief, recovery, reform). C’était aussi la perspective des accords de Bretton Woods qui ont permis de refonder le système économique et financier mondial, dans la reconstruction de l’après-Seconde Guerre mondiale.

Les jours d’après, il faut en discuter maintenant.

Les bouleversements que nos sociétés auront subis avec l’actuelle crise sanitaire pourraient très bien conduire, comme le souligne l’économiste turc Dani Rodrik, à approfondir les tropismes nationaux comme les tendances délétères du monde d’avant – inégalités, dégradations environnementales, captures du pouvoir…

Mais elles pourraient aussi constituer une rupture féconde à condition, comme le souligne Joseph Stiglitz, que la gravité des périls permette de dépasser les égoïsmes nationaux de court terme. En tous cas, à moins de souhaiter un simple retour au statu quo, la réflexion collective doit être menée dès maintenant.

Jamesbin/Shutterstock

Apprendre des crises passées ?

Dans ce contexte si particulier, le retour sur les crises du passé est nécessaire, même si aucune ne donne toutes les clés pour penser l’après. La crise actuelle est radicalement nouvelle.

La relance suite aux crises financières, comme celles de 1929 ou plus près de nous de 2008, donne le cadre de référence dans lequel est le plus souvent envisagé la sortie de crise, à travers une reprise de la consommation et de l’investissement. Mais la relance keynésienne n’est pas toujours la solution, comme l’avaient déjà montré les réponses aux chocs pétroliers des années 1970, qui avaient aggravé des déséquilibres économiques structurels et conduit à la révolution monétariste de Margaret Thatcher et Ronald Reagan.

Un simple effort de relance ne serait pas approprié à la nature et à l’ampleur des problèmes que nous traversons actuellement. Pedro Sanchez, le chef du gouvernement espagnol, parle bien de « reconstruction ». Ce qui nous renvoie plutôt au processus de rétablissement après la Seconde Guerre mondiale, avec des enjeux à trois niveaux : l’analyse économique pour reconstruire des systèmes mis à terre tant du côté de l’offre que de la demande ; l’exercice de la solidarité, au sein des sociétés nationales et à l’international ; enfin, la nécessaire refondation d’un projet politique autour de la coopération, comme ce fut le cas pour l’Europe de l’après-guerre.

C’est donc à la fois en s’appuyant sur les enseignements des crises passées, mais aussi en définissant des cadres conceptuels et des solutions nouvelles, qu’il faut prendre dès maintenant le temps de reconsidérer trois grandes questions : la coopération dans un monde aujourd’hui à la fois globalisé et fracturé ; le rôle de l’analyse économique dans la réflexion sur le processus de reconstruction des économies ; la nécessaire transformation des modèles de consommation et des modèles productifs associés… Vaste programme !

Entre globalisation et repli sur soi… œuvrer pour le retour de la coopération internationale

Le bilan des trente dernières années de globalisation accélérée reste encore à faire. Les impacts positifs de ce mouvement, qui a bouleversé l’économie mondiale ne peuvent être ignorés : depuis 1990 le nombre de personnes vivant sous le seuil de la grande pauvreté (avec moins de 1,9 dollar par jour) est passé de 1,9 milliard à 700 millions, alors que le taux de pauvreté passait de 35 % à moins de 10 % aujourd’hui. Résultats très significatifs, même si la baisse de la pauvreté s’est jusqu’à présent concentrée en Chine et en Asie du Sud-Est.

Mais, depuis plusieurs années déjà, les coûts de cette globalisation étaient manifestes : déstabilisation des économies les plus développées, chômage et fragilisation de régions entières, extension des chaînes logistiques et intensification des transports… La crise du Covid-19 renforce évidemment les risques, et donc les coûts associés, puisque l’un des principaux facteurs de diffusion concerne l’hypermobilité des personnes sur la planète.

La question est donc posée, avec d’autant plus d’acuité aujourd’hui, de savoir s’il faut revenir en arrière : la démondialisation est-elle possible, est-elle souhaitable ?

Possible, elle l’est sans doute et les débuts de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, lancée par Donald Trump au nom de la défense de la production américaine, en témoignent. Souhaitable, c’est une autre histoire. Une démondialisation par le repli sur soi et la fermeture des frontières commerciales aurait des conséquences dramatiques en matière de désorganisation des économies et d’appauvrissement des populations, en particulier dans le contexte d’une économie mondiale déjà déstabilisée.

Jamesbin/Shutterstock

La recherche de résilience va-t-elle réellement modifier la structure productive matérielle de cette mondialisation (chaînes d’approvisionnement, logistique, stocks de sécurité…) ? Il est trop tôt pour prévoir ce que feront dans ce domaine les grands acteurs économiques et les gouvernements.

La démondialisation pourrait en outre déboucher sur un affaiblissement des dispositifs multilatéraux en faveur de l’environnement, comme l’illustrent les reports ou les annulations de nombreuses réunions clés, alors même que 2020 devait être une année majeure tant pour le climat, la biodiversité et l’océan que pour l’Agenda 2030 du développement durable. Il est impératif que des contacts efficaces, même entre un nombre limité de pays, soient maintenus afin de préserver les chances d’accords internationaux ambitieux sur la biodiversité. C’est nécessaire aussi pour que de grands blocs économiques comme l’Inde, la Chine et l’Europe décident conjointement d’annoncer des engagements renforcés en matière de climat.

La pandémie nous montre qu’à côté des biens communs, il y a aussi des maux communs. L’interdépendance est inévitable et les solutions du repli sur soi sont portées par des intérêts à court terme, égoïstes et mal compris. Les besoins de résilience et de protection passent en fait par davantage de coopération. C’est bien le cas à l’échelle européenne, fondamentale pour renforcer la protection des populations, la sécurité d’approvisionnement, la souveraineté économique. C’est une question d’intérêt bien compris.

Et cela pose de nombreuses questions sur les mandats et les moyens d’action donnés à la Commission européenne pour sa politique intérieure, mais aussi extérieure. Les réflexions sur le « Green deal » européen, parallèles à celles sur les « Nouvelles infrastructures » en Chine, devraient conduire à des échanges d’expérience et des coopérations. Elles pourraient ainsi prendre le pas sur les marchandages commerciaux et la concurrence industrielle aveugle. C’est dans ces échanges, difficiles, mais concrets et porteurs d’avantages réciproques, que peuvent se construire d’autres scénarios de mondialisation.

Car en Europe comme à l’échelle mondiale, la crise révèle les dangers d’un monde politiquement fragmenté où dominerait l’impuissance à agir de concert. Peut-on encore s’attendre à ce que des coopérations qui paraissaient déjà improbables en régime de croisière deviennent politiquement possibles à la faveur de la crise systémique en cours ?

Il faut en tous cas tout faire pour renforcer la prise de conscience des interdépendances et des gains apportés par la coopération. C’est la seule option pour transformer les périls majeurs d’aujourd’hui en opportunités pour le futur.

Jamesbin/Shutterstock

L’économie peut-elle aider à penser la reconstruction plutôt que la reprise ?

Dans cette prise de conscience, l’expertise scientifique a un rôle majeur à jouer. La confiance dans les scientifiques existe dans les sondages d’opinion, malgré la circulation accélérée d’informations non référencées ou manipulées sur les réseaux sociaux. La crise actuelle devrait conduire à renforcer cette confiance et ainsi le rôle joué par les scientifiques.

Mais elle met aussi au premier plan l’une des dimensions de l’activité scientifique, celle des controverses qui lui sont consubstantielles. Le public découvre que dans le domaine de l’épidémiologie, comme en économie : « Les experts sont formels, mais très souvent ils ne sont pas d’accord ». Cette difficulté doit être affrontée par les politiques et gérée de manière à construire néanmoins des consensus collectifs.

En ce qui concerne l’économie, les contributions utiles à la définition des politiques publiques devront tout d’abord s’appuyer sur le réexamen d’un certain nombre de questions fondamentales. Retenons-en trois à ce stade : la question de la sécurité, celle de la dette, enfin celle de l’équilibre dynamique entre l’offre et la demande.

Premièrement : la sécurité – qui doit combiner robustesse et résilience des systèmes sociotechniques et des écosystèmes – a un coût. Ceci fut largement oublié dans les grandes réformes de libéralisation à partir des années 1980 dans les pays anglo-saxons, plus tardivement en France. Ainsi dans de nombreux domaines, dont la santé, la montée des contraintes économiques et financières a conduit à faire la chasse aux capacités de réserve ou aux stocks jugés inutiles. On constate aujourd’hui les risques portés par ces stratégies de gestion.

De même, dans l’énoncé des politiques énergétiques européennes l’objectif était d’assurer un approvisionnement à la fois sûr, compétitif et soutenable. Sans qu’il y ait alors conscience de la contradiction potentielle entre un bas prix de l’énergie et la sécurité d’approvisionnement. Contradiction que l’on retrouve d’ailleurs entre un prix bas de l’énergie pour la compétitivité et le nécessaire renchérissement de ce prix pour que les industriels et les consommateurs réduisent leurs consommations d’énergie et leurs émissions.

L’organisation des systèmes productifs, des stratégies économiques des grands groupes multinationaux aux modes de gestion des services publics, doit aujourd’hui être repensée dans un régime d’instabilité chronique. En matière de changement climatique, il s’agit de faire face aux risques en se préparant à des tendances de fond en partie inéluctables, quel que soit l’effort d’atténuation (montée du niveau des mers, augmentation de la fréquence et de la magnitude des événements extrêmes). On ne peut alors qu’essayer de penser des systèmes adaptatifs ou de résilience transformative. Mais pour que ces concepts se traduisent dans la réalité, il faudra accepter d’abandonner le principe du fonctionnement au moindre coût de court terme.

Deuxièmement : la dette. Elle n’est pas un problème… tant que le débiteur trouve des prêteurs, donc apparaît solvable à long terme, donc maîtrise l’équilibre entre ses ressources récurrentes et ses obligations de remboursement. C’est ce que rappelle Jean Tirole lorsqu’il indique qu’il n’y a pas de chiffre magique pour le maximum d’endettement et que tout dépend des multiples facteurs qui déterminent la pérennité financière de chaque État. Or il est certain aujourd’hui que les dettes publiques vont bondir dans les prochains mois et que de fait chaque État devra donner des gages de sa solvabilité à long terme.

Là encore, au-delà des différentes solutions techniques envisageables, la solidarité internationale, et singulièrement la solidarité européenne, seront un élément-clé de la capacité de chaque État à gérer une dette augmentée de vingt, trente pour cent ou plus. Certains y voient même une expérience cruciale pour la survie de l’Europe.

Troisièmement : la nécessaire gestion des équilibres offre-demande de produits et services dans l’économie. La théorie de l’équilibre général est construite sur des hypothèses de comportement des agents pris isolément. C’est une démarche dite micro-économique. Elle a des mérites importants pour décrire et expliquer les mécanismes économiques en conditions d’évolution régulière. Mais hors de l’équilibre, et nous sommes déjà et serons hors équilibre dans la crise du Covid-19, la question se pose de la nécessaire mise en convergence de la demande et de l’offre totale dans l’économie. Et on assiste logiquement au grand retour de Keynes, théoricien des déséquilibres, invoqué par l’économiste française Esther Duflo. Reste à savoir s’il s’agira du Keynes de la relance de la demande après la crise de 1929 ou du Keynes du financement par l’impôt de l’effort de guerre en 1940.

Cette question de l’ajustement dynamique de l’offre et de la demande se posera de manière encore plus aiguë dans la reconstruction des systèmes énergétiques. On sait que pour sauver le climat, il faudra décarboner et donc désinvestir du secteur des énergies fossiles pour investir massivement dans les autres énergies. Mais à quel rythme et qu’adviendra-t-il alors sur les marchés de ces énergies fossiles ? Sera-t-il possible d’assurer un timing ordonné entre la réduction de la demande et celle des capacités de production ?

Dans ce domaine, tout déséquilibre se solde par de nouveaux chocs, à la baisse ou à la hausse des prix. Sans mentionner la situation dramatique de ceux des pays exportateurs qui ne disposent pas de réserves financières suffisantes. Là encore, une bonne analyse économique et une coordination internationale efficace seront nécessaires.

Jamesbin/Shutterstock

Concilier sobriété et maintien d’un niveau suffisant d’emplois décents

Si l’économie doit assurer l’ajustement de l’offre et de la demande globale et sectorielle, elle devra aussi s’attaquer au défi d’assurer de manière durable le nombre nécessaire d’emplois décents, en quantité et en qualité. Et cela dans un monde qui sera traversé par de véritables lames de fond.

La pandémie actuelle a remis en pleine lumière l’importance des emplois du soin et des services à la personne, ainsi que ceux des commerces essentiels et de la logistique. Nul doute qu’il faudra reconsidérer leur statut dans la société. Mais dans le même temps, comme le souligne l’économiste Daniel Cohen, les technologies numériques vont continuer à bouleverser les autres secteurs avec notamment plus de télétravail, mais aussi moins d’emplois de services à tâches répétitives. La transition énergétique sera également pourvoyeuse d’emplois, mais dans des secteurs comme la rénovation thermique des bâtiments, aujourd’hui encore mal structurés.

Et la demande peut profondément changer, en volume et en structure. Le déploiement de nouveaux modèles d’alimentation ou de mobilité peut s’accélérer. La massification du télétravail va-t-elle réduire significativement les déplacements de commuters ? Le tourisme de masse, conduisant au « surtourisme », va-t-il disparaitre ou se transformer ? L’alimentation, qui laisse aujourd’hui trop de place à la viande va-t-elle évoluer plus rapidement vers des régimes plus équilibrés ? Va-t-on assister à une réorganisation durable des chaînes d’approvisionnement pour des sources plus locales et plus diversifiées, avec acceptation de prix plus élevés reflétant la qualité environnementale et sociale des produits ?

L’expérience actuellement vécue d’une forme de rationnement n’a que peu de chances de conduire à une rupture brutale vers plus de sobriété, alors que cette dernière semble pourtant indispensable d’un point de vue écologique. Le risque est qu’à la sortie de la crise, la consommation reparte comme avant, non seulement en raison d’un effet report, mais aussi et surtout parce que le premier moteur économique de nos sociétés est celui de la consommation. Dans une société durable, il faudra consommer moins, mais investir plus pour des produits et une énergie de meilleure qualité, ce qui permettra de sauvegarder l’emploi.

Après le choc de la crise, reconstruire une société plus durable ne pourra se faire qu’en imaginant des transitions progressives, certes les plus rapides possible, mais sans croire que le jour d’après sera tout de suite différent du monde d’avant : cela demandera un énorme effort collectif, rendu possible par l’inévitable réflexion sur le lien social et la coopération que la crise impose aux citoyens comme aux États.

Diversifier et régionaliser pour mieux régner : le futur de la mondialisation post-coronavirus

28 mardi Avr 2020

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The Conversation

  1. Vincent Vicard

    Economiste, CEPII

  2. Guillaume Gaulier

    Chercheur associé, CEPII

CEPII

 

CC BY ND
Le coronavirus a mis en lumière les risques de dépendance en matière d’approvisionnement. Unsplash
 

La crise du Covid-19 a mis en lumière certaines fragilités liées à l’organisation des chaînes de valeur mondiales. En provoquant tout d’abord des ruptures d’approvisionnement en provenance de Chine, puis des pénuries de matériel médical et de protection pour lesquels la France et l’Europe dépendent des importations, elle vient questionner le processus de mondialisation à l’œuvre depuis plusieurs décennies.

Pour autant, faut-il s’attendre à un tournant majeur ?

Diversifier les sources d’approvisionnement

Du point de vue des entreprises multinationales organisant les chaînes de valeur mondiales, la crise a révélé les risques liés à une trop grande dépendance envers un lieu de production unique pour certains intrants très spécialisés, dont il est difficile de se procurer un substitut à court terme.

Ces risques de rupture d’approvisionnement sont considérés au niveau stratégique par les grandes entreprises, et constituent un des paramètres dictant l’organisation des chaînes logistiques.

L’existence de tels risques n’est pas nouvelle. À titre d’illustration, l’entreprise Peugeot a été obligée de mettre à l’arrêt plusieurs chaînes de production en septembre 2011 à la suite de la rupture d’approvisionnement de vis par son principal fournisseur.

La même année, l’interruption temporaire de la production du fournisseur d’une pièce montée sur les débitmètres intégrés dans les moteurs diesel, à la suite du tremblement de terre de Tohoku le 11 mars 2011 au Japon, a entraîné une réduction forcée de la production sur certains de ses sites d’assemblage en France, en Espagne et en Slovaquie.

Cette rigidité des chaînes de valeur mondiales, illustrée particulièrement dans le cadre du tsunami au Japon, souligne l’exposition des entreprises à des perturbations chez leurs fournisseurs stratégiques, quelle que soit leur localisation dans le monde.

Les entreprises optimisent leurs chaînes d’approvisionnement de façon à réduire leurs stocks et leurs coûts d’approvisionnement en fonction du risque perçu sur leurs fournisseurs et de leur importance dans le processus de production. La crise du Covid-19 pourrait ainsi amener certaines multinationales à revoir leur évaluation des risques de rupture d’approvisionnement, en portant une attention accrue à la concentration géographique de la production de certains composants.

Des employés de l’hôpital Wilhelmina à Assen aux Pays-Bas fabriquent des masques pour palier la pénurie, le 20 mars 2020. Vincent Jannink/AFP

Une telle réévaluation aboutirait à une diversification des pays d’approvisionnement, de la même manière que les grands groupes peuvent maintenir plusieurs fournisseurs pour renforcer la résilience de leur chaîne logistique. Mais diversification ne signifie pas nécessairement relocalisation sur le territoire national ou régionalisation des chaînes de production.

Rappelons d’ailleurs qu’en dépit de leur nom, les chaînes de valeur mondiales sont déjà largement régionales. Les importations françaises de biens intermédiaires proviennent ainsi à 66 % de l’Union européenne contre 9,3 % des États-Unis et 5,1 % de Chine (moyenne sur la période 2015-2017 à partir des données BACI).

La production à flux tendu en cause

Pour certains secteurs, la question de l’existence de sites de production alternatifs à la Chine, dont la taille de marché et la disponibilité de fournisseurs dans certains secteurs sont sans équivalents aujourd’hui, se pose cependant. L’exemple du conflit commercial sino-américain montre qu’une relocalisation de certaines activités n’est pas aisée, même si l’accumulation des risques (sanitaires, géopolitiques) pourrait faire basculer les stratégies de localisation.

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Matériel médical : les effets secondaires de la guerre commerciale sino-américaine https://bit.ly/2VbWtBb 

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12:55 AM – Apr 8, 2020
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Étant donné le caractère global de la crise actuelle, on peut d’ailleurs se demander quelle stratégie de diversification aurait été pertinente à partir du moment où toutes les grandes zones économiques sont touchées par des mesures de confinement et des arrêts de production. La désynchronisation des chocs, entre l’Asie, d’une part, et l’Europe et les États-Unis d’autre part, pourrait par ailleurs permettre aux pays en confinement de bénéficier de l’offre étrangère, notamment de masques et de matériel médical chinois ou coréens aujourd’hui.

En période normale, l’ouverture commerciale permet de réduire la volatilité du revenu national en diversifiant l’exposition aux chocs domestiques notamment. Ainsi, c’est peut-être davantage l’organisation en flux tendu de la production qui pourrait être remise en cause par la crise actuelle que l’existence des chaînes de production mondiales.

La méthode de production à flux tendu est largement issue du toyotisme, système qui vise à minimiser les stocks et les en-cours de fabrication. Photo prise dans une usine Toyota à Onnaing en France. Pascal Rossignol/AFP

Le déploiement des chaînes mondiales de production et leur organisation en flux tendu répondent à une logique de réduction des coûts pour les entreprises. Toute décision de relocalisation visant à assurer la résilience des chaînes d’approvisionnement entraînerait une augmentation du coût de production.

Ainsi, sans mesures fortes de politique économique, les facteurs ayant conduit au développement des chaînes de valeur mondiales devraient ainsi largement maintenir la dépendance des économies aux approvisionnements étrangers. À ce titre, le constat, préexistant à la crise, d’une forte compétitivité des multinationales françaises au niveau mondial, mais de leur désaffection pour le sol national lorsqu’il s’agit d’activités de production, ne devrait pas changer du fait de la crise.

Privilégier davantage le territoire européen ?

Du point de vue des États, les pénuries de matériel médical, de protection et de médicaments, associées aux restrictions aux exportations mises en place par certains pays, ont illustré les risques liés à une dépendance aux importations pour la disponibilité de certains produits critiques en période de crise sanitaire.

Sans préjuger de tournants politiques plus fondamentaux, ces évènements devraient déjà conduire à réévaluer la criticité de certains produits et à organiser la sécurisation de leur approvisionnement (à l’image de secteurs comme la défense et la sécurité, certaines matières premières critiques ou l’alimentation), soit en influençant la localisation de leur production, soit en garantissant leur disponibilité par la constitution de stocks stratégiques.

Délimiter l’éventail de produits critiques nécessaires au bon fonctionnement de l’État et à la vie de la Nation en période de crise est en soi une question qui va bien au-delà de ce billet et plus généralement de l’analyse économique. Deux dimensions en lien avec la mondialisation méritent cependant d’être soulignées :

  • Celle du périmètre de la production des produits critiques : les médicaments, par exemple, étant produits à partir de principes actifs, eux-mêmes produits à partir de matières premières naturelles ou de produits chimiques, quels pans de la chaîne de valeur doivent être considérés comme critiques et relocalisés ? Ces décisions nécessitent d’analyser l’importance de chaque intrant dans le processus de production, les possibilités de substitution par d’autres produits et les risques de rupture de leur approvisionnement, liés notamment à la concentration de la production.
  • Celle du lieu de production ensuite : faut-il se limiter au territoire national ou considérer un espace plus vaste comme l’Union européenne ? Renforcer la résilience des sources d’approvisionnement de certains produits passe par une analyse des risques (sanitaires, environnementaux, géopolitiques) attachés à différentes sources d’approvisionnement. Différents pays présentent divers niveaux de risques : de ce point de vue, l’Union européenne est fondamentalement un espace de coopération au sein duquel le risque de rupture d’approvisionnement en période de crise est réduit.
Les drapeaux français et européens volent au-dessus de l’entrée de l’hôpital Henri Mondor à Créteil le 30 mars dernier. Bertrand Guay/AFP

Sur les questions connexes de conflictualité, l’intégration européenne a en effet permis, au-delà des gains commerciaux liés au marché unique, de réduire les risques de conflits armés en renforçant l’interdépendance commerciale entre pays membres et par la création d’institutions supranationales facilitant la résolution des conflits.

L’échelle européenne est par ailleurs celle à laquelle s’organise déjà une large part des chaînes de valeur dans lesquelles les entreprises françaises sont intégrées. Les réflexions sur les risques liés à la spécialisation des économies ne peuvent négliger les coûts de relocalisation des activités (pour les entreprises et les consommateurs) et les gains de niveau de vie de l’ouverture commerciale.

Ainsi, l’échelon européen apparaît comme le cadre pertinent de potentiels arbitrages entre souveraineté et coûts des politiques de sécurisation d’approvisionnement (par la relocalisation de certains pans de production ou la constitution de stocks). Pour ces secteurs jugés stratégiques en réaction à la crise sanitaire, dont le périmètre dépendra des évolutions politiques dans l’après-crise, on pourrait donc assister à des relocalisations d’activités de production sur le territoire national combinées à une régionalisation des chaînes de valeur au niveau européen.

Interroger l’organisation des multinationales

Plus qu’une remise en cause directe de la division internationale du travail, la crise vient d’abord rappeler la nécessaire complémentarité entre la mondialisation et rôle de l’État, à même de lutter contre les risques systémiques.

Ce sont donc les aspects des chaînes de valeur mondiales qui réduisent la capacité des États à se financer, en facilitant tant l’évitement fiscal des multinationales que la concurrence fiscale entre États, qu’il convient d’interroger. La complexification des chaînes de détention des multinationales sans lien avec leur activité réelle, au travers de structures dans les paradis fiscaux notamment européens, reste problématique : elle permet aux entreprises de réduire leur imposition au niveau mondial et en France particulièrement.

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