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Archives Journalières: 13/05/2020

Penser l’après : Seule la reconversion écologique pourra éviter la déshumanisation du travail

13 mercredi Mai 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

  1. Dominique Méda

    Directrice de l’IRISSO – UMR CNRS 7170, Université Paris Dauphine – PSL

Université Paris Dauphine

 

CC BY ND
La reconversion écologique apparaît comme une manière radicale de repenser le travail et l’emploi. Tetiana Yurchenko / Shutterstock
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Les chercheuses et les chercheurs qui contribuent chaque jour à alimenter notre média en partageant leurs connaissances et leurs analyses éclairées jouent un rôle de premier plan pendant cette période si particulière. En leur compagnie, commençons à penser la vie post-crise, à nous outiller pour interroger les causes et les effets de la pandémie, et préparons-nous à inventer, ensemble, le monde d’après.


Le risque est grand que la crise sanitaire que nous traversons n’accélère fortement les évolutions en cours dans le monde du travail, sans même que nous puissions prendre le temps d’ouvrir les débats et d’organiser les délibérations pourtant absolument nécessaires.

Premier risque : l’extension, voire la généralisation, du travail à distance. Alors que l’on faisait l’éloge depuis des décennies, du travail relationnel, la peur du contact et la recherche de la distance vont sans nul doute contribuer à restructurer fortement le monde du travail. Deux modalités distinctes sont à prévoir : d’une part, un fort développement du télétravail ; d’autre part, une réorganisation du travail en présentiel visant la diminution des contacts.

Avant la crise sanitaire, le télétravail était peu répandu en France. En 2017, seuls 3 % des salariés déclaraient le pratiquer au moins un jour par semaine, dont plus de 60 % de cadres. Selon une définition large du télétravail, on comptait environ 1,8 million de télétravailleurs en France, soit 7 % des salariés. La crise sanitaire a fait exploser ce chiffre : un quart des salariés était considéré en télétravail à la fin mars 2020, selon l’enquête Acemo spéciale de la Dares.

Interactions insuffisantes

Lors de sa conférence de presse du 19 avril, le premier ministre Édouard Philippe a demandé aux Français de continuer à télétravailler après le 11 mai. Étant donnés l’absence de vaccin et le risque de voir se développer un processus de « stop and go » en matière de confinement/déconfinement, on peut s’attendre à ce que de nombreuses organisations, publiques et privées, revoient assez drastiquement leur organisation pour permettre à un plus grand nombre de salariés d’exercer leur travail à distance de manière durable.

Près d’un salarié sur quatre était en télétravail fin mars 2020. One line man/Shutterstock

Ces derniers semblaient souhaiter un développement du télétravail avant la crise : en 2015, lorsque le premier ministre Manuel Valls avait annoncé un plan national de déploiement du télétravail, plus de 80 % des personnes interrogées par l’agence Odoxa avaient déclaré être favorables à sa mise en œuvre, 59 % souhaitant elles-mêmes télétravailler et beaucoup considérant la méfiance des employeurs comme la principale raison du faible développement de cette forme de travail.

Mais ne risque-t-on pas de passer sans aucun débat d’un trop faible développement du télétravail à une généralisation qui ne manquera pas d’être très problématique ? Certes, à petite dose, le télétravail comporte – pour ceux qui peuvent le pratiquer – de nombreux avantages. Il permet aux salariés d’effectuer moins de déplacements – ce qui est aussi bon pour le climat – et de gagner du temps et de la concentration. Il peut améliorer la conciliation entre travail et famille dans certains cas.

Mais il comporte aussi de très nombreux inconvénients, devenus plus évidents avec sa diffusion récente. Il prive les salariés de certaines dimensions du travail pourtant essentielles : le contact physique, les échanges informels, les interactions, les expressions du visage sont des éléments constitutifs du travail qui ne peuvent durablement disparaître qu’au prix d’une dégradation des conditions d’exercice de l’activité.

Même si des logiciels performants ont permis l’organisation de réunions, la prise de décision, la poursuite du travail, nous avons aussi fait l’expérience du caractère gravement insuffisant des interactions par écran interposé, de la fatigue engendrée par ce type d’échange, de la baisse de concentration qu’elle engendre rapidement, mais surtout des risques inhérents à l’isolement.

Inégalités redupliquées

Qu’il s’agisse des travailleurs – y compris les professeurs qui ont assuré leurs cours de cette manière – ou des élèves et étudiants, tous ont pris conscience du manque que constitue la privation de la co-présence et du collectif de travail. Le télétravailleur est isolé, privé du soutien de ce dernier, seul face à une éventuelle surcharge de travail ou à des consignes floues, incapable de voir comment réagissent les collègues, de bénéficier de leur aide, de se mobiliser éventuellement.

Par ailleurs, l’expérience du télétravail a également mis en évidence le considérable brouillage entre vie personnelle et vie professionnelle engendré par le télétravail : la présence de la famille, notamment de jeunes enfants, mais aussi d’autres adultes, interfère avec le travail et entraîne des chevauchements des différentes sphères les unes sur les autres.

L’exiguïté des logements, la biactivité, le nombre insuffisant d’équipements constituent autant de phénomènes aggravants qui ne font souvent qu’entraîner la reduplication des inégalités à l’œuvre dans la société : gageons que les études en cours mettront en évidence que le déséquilibre dans la prise en charge des activités domestiques et familiales entre les hommes et les femmes se sera accru durant le confinement.

La frontière entre vie familiale et vie professionnelle disparaît avec le confinement. One line man/Shutterstock

Les organisations dont la vocation est d’accueillir massivement du public et ayant réussi à mettre en place le travail à distance vont être fortement incitées à mettre en place rapidement des changements permettant de faire face durablement à la forte incertitude des prochains mois. Une fois ceux-ci implémentés, il sera difficile de revenir en arrière. On pense évidemment aux universités et aux établissements d’enseignement qui sont parvenus ces dernières semaines à assurer en grande partie les cours et s’interrogent sur les modalités de la prochaine rentrée universitaire.

Plusieurs établissements ont déjà annoncé que celle-ci se ferait en travail à distance : la tentation sera grande ensuite – étant données notamment les difficultés rencontrées en matière de locaux – de conserver un régime sinon de tout distanciel au moins mixte – qui transformerait de fond en comble la pratique de l’enseignement. Il est impossible que de tels enjeux soient soustraits au débat.

Qu’il s’agisse du développement du télétravail ou du travail en présentiel, la distance sera de mise : un pas déterminant risque donc d’être franchi dans le processus déjà en cours d’individualisation du travail qui transforme peu à peu ce dernier en une série d’opérations individuelles réalisées selon des scripts précis.

Retaylorisation et rehiérarchisation

C’est une étape supplémentaire du déploiement du numérique dans le travail que nous risquons de connaître avec la diffusion massive de mécanismes de surveillance et de contrôle, mais aussi des scripts organisant pour chacun le travail de façon prédéterminée à l’aide de logiciels découpant le travail en tâches précises et le schématisant grâce à des algorithmes.

La retaylorisation, la tâcheronisation, l’algorithmisation du travail risquent donc de se déployer massivement à tous les niveaux et dans tous les espaces, dans les entrepôts, dans les métiers du contact et dans le travail à distance. Le tout avec des applications appartenant le plus souvent à des entreprises américaines, ce qui constitue un risque majeur pour notre indépendance et la propriété de nos données.

Le deuxième risque est de voir la séparation et la hiérarchisation entre les différents métiers déjà en cours s’aggraver dans une sorte de rehiéarchisation de la société, voire comme l’explicite le juriste Alain Supiot, de « reféodalisation ». Devant les risques engendrés par le contact, la division sociale du travail entre « sale » boulot et professions protégées ne devrait pas manquer de s’approfondir.

Depuis quelques années, la tâche a ainsi été déléguée aux livreurs d’apporter leur repas à ceux qui disposent des revenus nécessaires pour s’acheter le temps des autres. De nouvelles domesticités se mettent en place, qui profitent des inégalités de rémunération et des différences de valeur de l’heure de travail.

Le numérique avait déjà permis d’organiser un tel processus pour la livraison des biens et services commandés par Internet, qu’il s’agisse de la livraison des courses alimentaires ou de biens et services plus élaborés. L’achat à distance va sans nul doute connaître une forte augmentation, concentrant la charge et le risque du contact sur les travailleurs œuvrant dans des entrepôts où s’accentueront la commande vocale et les dispositifs permettant de ne pas se croiser, d’une part, et des livreurs en bout de chaîne assumant le contact avec le client, d’autre part.

De nombreux livreurs travaillent actuellement sous le statut d’autoentrepreneur, comme l’exigent les plates-formes. One line man/Shutterstock

Rappelons qu’une grande partie des livreurs travaille actuellement pour des plates-formes qui exigent d’eux qu’ils prennent le statut d’autoentrepreneur – ce qui les prive de la protection du code du travail, de l’accès à l’assurance chômage, des dispositions protégeant leur santé. La Cour de cassation a pourtant récemment rappelé dans sa décision du 4 mars que le statut d’indépendant de ces travailleurs était « fictif » et que leurs conditions de travail faisaient bien d’eux des salariés.

Quant aux autres travailleur.e.s, dont le métier consiste précisément à être au contact d’autres humains, notamment les auxiliaires de vie, les aides à domicile, les aides-soignantes, les caissières, la crise a révélé en même temps que leur immense utilité la sous-rémunération chronique de leur activité : majoritairement exercés par des femmes, qui travaillent souvent à temps partiel subi, ces métiers présentent des salaires nets médians à temps complet entre 1300 à 1500 euros.

Un risque de segmentation de la société

Les conditions de travail sont souvent très dures, comme en témoigne par exemple le rapport Libault qui signale la fréquence et la gravité des accidents du travail et maladies professionnelles parmi les plus de 830 000 personnes (en ETP) qui travaillent auprès des personnes âgées dépendantes.

Le fossé risque de s’agrandir entre des travailleurs protégés par le travail à distance et des travailleurs au contact très peu payés pour assurer les tâches de plus en plus risquées, avec probablement de moins en moins de mélange entre ces différentes catégories, ce qui accroîtra encore la segmentation de la société et l’entre-soi.

Une étude américaine a mis en évidence la surreprésentation parmi les travailleurs en première ligne des femmes, des personnes de couleur et des personnes aux revenus les plus modestes. Les statistiques de surmortalité en Seine-Saint-Denis semblent ainsi confirmer la plus grande vulnérabilité de ceux qui sont à la fois à faibles revenus – et qui présentent le plus souvent des pathologies comme l’obésité, le diabète ou l’hypertension, facteurs de co-morbidité du Covid-19 – et en première ligne. Comme les épidémiologistes Kate Pickett et Richard G. Wilkinson l’avaient mis en évidence, il existe un lien fort entre les inégalités de revenus et les indicateurs sociaux et de santé.

La crise a révélé la sous-rémunération chronique de métiers indispensables comme les aides-soignantes. One line man/Shutterstock

Si nous voulons éviter à la fois de franchir une étape supplémentaire dans l’atomisation et la déshumanisation du travail, – qui étaient déjà bien amorcées avec l’automatisation et la plate-formisation du travail –, et d’être submergés par la très forte augmentation du chômage qui ne manquera pas d’accompagner la crise économique qui s’annonce, plusieurs mesures s’avèrent nécessaires.

Oui, autonomie et protection sont conciliables

Le télétravail mérite d’être étendu avec une fréquence raisonnable (sans doute pas plus de trois jours par semaine), mais imposer sa généralisation à haute fréquence serait une grave erreur. De même, l’enseignement en présentiel doit rester la norme : si l’enseignement à distance, les MOOC, et un certain nombre d’innovations pédagogiques permettant de préparer, d’enrichir et d’améliorer le travail en présentiel sont souhaitables, il ne peut être question, pour la qualité même de l’enseignement, de réduire fortement la place du présentiel.

Plus généralement, il nous faut mener un débat de fond sur la place du numérique dans le travail. Alors qu’ils sont à la recherche de plus d’autonomie, trop de salariés voient désormais leurs pratiques strictement prescrites par le biais du numérique. L’inspection du travail devrait pouvoir sanctionner voire interdire des pratiques qui organisent une individualisation et une déshumanisation évidentes du travail.

En ce qui concerne les métiers de contact, qui se sont révélés les plus utiles socialement, mais qui font trop souvent partie des métiers déconsidérés (une large partie est regroupée dans la catégorie « emplois non qualifiés »), plusieurs mesures devraient être prises. Concernant les livreurs et plus généralement les travailleurs des plates-formes, il est urgent de ramener la plupart d’entre eux sous la protection du code du travail : une proposition de loi du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) doit être prochainement mise en discussion au Sénat. Elle organise le rapatriement de la plupart des travailleurs des plates-formes dans le septième livre du code du travail, ce qui permettrait de les assimiler aux salariés et de les faire profiter de la plupart des dispositions du code du travail.

Les différentes innovations pédagogiques ne pourront jamais remplacer l’enseignement en présentiel. One line man/Shutterstock

Contrairement à ce que prétendent les dirigeants des plates-formes – qui profitent honteusement d’une situation de dumping social et de concurrence déloyale puisqu’ils ne payent pas de cotisations sociales et n’assument aucune des obligations imposées par le code du travail –, l’autonomie légitimement revendiquée par les travailleurs des plates-formes est parfaitement conciliable avec la protection du code du travail. Une telle politique permettrait une moralisation du secteur : seules les entreprises capables de proposer des conditions de travail décentes à leurs salariés pourraient continuer de proposer des services.

Quant aux travailleur.e.s en contact dont le travail est chroniquement sous-rémunéré, c’est un devoir moral, mais aussi l’intérêt bien compris de la société que d’augmenter leurs rémunérations – en proportion de leur utilité.

D’une part, parce que la qualité de l’emploi est manifestement un élément de la résilience de nos concitoyens (les mauvaises conditions de travail participent à la fragilisation de la population, donc à la vulnérabilité aux virus et plus généralement aux crises) ; d’autre part, parce que les métiers dont il est question font face pour certains à de fortes difficultés de recrutement – précisément dues aux mauvaises conditions de travail et de rémunération –, alors même que les besoins de main-d’œuvre ne vont faire que croître : les effectifs nécessaires pour s’occuper des personnes âgées en perte d’autonomie devraient augmenter de 20 % selon le rapport Libault.

Créer des millions d’emplois durables et utiles

On objectera sans doute que le nombre de personnes concernées constitue un obstacle de taille à cette augmentation : en effet, les aides-soignantes étaient 600 000 en 2014, les aides à domicile et aides-ménagères, 540 000, les caissières et personnels de vente près de 300 000, les agent.e.s d’entretien 1,4 millions… et les caisses de l’État et des entreprises bien vides.

C’est donc bien à un resserrement de la hiérarchie des salaires, prenant la forme à la fois d’une augmentation des plus bas salaires – sous la forme notamment d’une révision des classifications comme le suggèrent les économistes Séverine Lemière et Rachel Silvera – et d’une limitation drastique des plus hautes rémunérations, soit sous la forme de dispositifs internes aux professions soit par le biais de la fiscalité et notamment l’introduction de nouvelles tranches d’impôt sur le revenu, que nous devrons procéder.

Mais la question à laquelle nous allons être très rapidement confrontés est celle de l’explosion du chômage. La tentation sera forte pour les gouvernements d’opérer une relance « brune » (entraînant une augmentation de l’usage des énergies fossiles et donc des émissions de gaz à effet de serre), qui aggravera la crise climatique – dont les effets seront, n’en doutons pas, bien pires que ceux de la crise que nous traversons, notamment parce que nos capacités de production, nos réseaux d’énergie, de télécommunications, nos infrastructures… seront dégradés ou gravement endommagés par les cyclones, incendies, sécheresses, inondations qui accompagneront la crise écologique.

Une relance visant à rattraper la croissance perdue pendant le confinement entraînerait une hausse des émissions de gaz à effet de serre qui aggraverait la crise climatique. One line man/Shutterstock

C’est donc tout au contraire une relance verte que nous devons organiser dès aujourd’hui, qui certes creusera encore un peu plus la dette et les déficits, mais qui nous permettra des économies ainsi que le renforcement de nos capacités de production. Cet engagement dans la reconversion écologique de nos sociétés, accompagné de l’adoption de pratiques de sobriété devrait pouvoir permettre la création de millions d’emplois durables et utiles.

Le défi est de mettre en place les politiques et dispositifs nécessaires pour que les transitions qui s’étaleront sur une vingtaine d’années se fassent sans passage par le chômage grâce notamment à une garantie d’emploi organisée par l’État sur le modèle du Civilian Conservation Corps (mis en œuvre par Roosevelt qui avait transformé l’État fédéral américain en employeur en dernier ressort de millions de jeunes hommes, mobilisés notamment au service de projets environnementaux). La relocalisation d’une partie de nos activités devrait s’accompagner d’une forme démocratisation des organisations de travail facilitant la satisfaction des besoins sociaux dans le cadre d’une société post-croissance.

La reconversion écologique de nos sociétés apparaît donc non seulement comme le seul moyen d’éviter une dégradation inimaginable de nos conditions de vie, mais aussi comme une manière radicale de repenser le travail et l’emploi.


Derniers ouvrages parus : Eric Heyer, Pascal Lokiec, Dominique Méda, « Une autre voie est possible » (Flammarion, 2018) ; Sarah Abdelnour, Dominique Méda, « Les nouveaux travailleurs des applis » (PUF, 2019).

70 ans après la déclaration Schuman, l’indispensable « retour de l’Europe en France »

13 mercredi Mai 2020

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The Conversation

  1. Bruno Cautrès

    Chercheur en sciences politiques, Sciences Po – USPC

  2. Emmanuel Rivière

    Président du Centre Kantar sur le Futur de l’Europe, enseignant de sociologie des sondages et de l’opinion, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

  3. Thierry Chopin

    Conseiller spécial de l’Institut Jacques Delors, professeur de sciences politiques à l’European School of Political and Social Sciences (ESPOL), Université catholique de Lille

Université Sorbonne Paris Cité

Sciences Po

Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

 

CC BY ND
Ludovic Marin/AFP
 

75 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale et 70 ans après la Déclaration Schuman, l’acte de naissance de la construction européenne lancée par la France, il convient d’éclairer la relation paradoxale que semblent entretenir les Français avec l’Europe. À la fois moteur et frein de la construction européenne, la France est aussi bien à l’origine de certaines de ses plus grandes avancées que de ses « coups d’arrêt » les plus notables, dont le rejet de la « Constitution européenne » en 2005. Depuis, l’eurodéfiance des Français semble s’être encore accrue – et ce, en dépit de la volonté des autorités françaises, au plus haut niveau de l’État, de porter une vision stratégique ambitieuse de l’avenir de l’UE.

La très forte défiance des Français vis-à-vis de l’UE

Sur la longue durée, on peut distinguer trois périodes dans l’évolution des rapports des Français à l’UE. Tout d’abord, du début des années 1950 aux années 1980, une période de « consensus permissif » (selon l’expression de Lindberg et Scheingold) pendant laquelle la France a longtemps figuré parmi les pays les plus « europhiles » ; dans les années 1970, entre 52 % et 68 % des Français interrogés par les enquêtes Eurobaromètre considèrent que « l’appartenance de la France à l’Union européenne est une bonne chose ».

Ensuite, à partir du début des années 1990, le moment « Maastricht » marque la fin du « consensus permissif » avec l’apparition d’un clivage politique sur la question européenne (un clivage principiel sur la question de la souveraineté nationale contre l’intégrationnisme européen) et un début de politisation des attitudes de l’opinion publique à l’égard des « affaires européennes ».

Enfin, à partir de 2004, au moment de l’élargissement aux pays d’Europe centrale et orientale, les Français ayant tendance à ne pas faire confiance à l’Union européenne deviennent majoritaires, ce qui se cristallise lors du référendum sur le Traité constitutionnel européen du 29 mai 2005. Treize ans après le référendum sur le Traité de Maastricht, le référendum de 2005 marque une inflexion du clivage politique sur l’Europe en France : ce sont alors principalement les modalités de l’intégration européenne et les orientations des politiques de l’UE qui sont au cœur des débats de 2005. À partir de 2008, ceux qui ne font pas confiance à l’UE seront toujours plus nombreux que ceux qui lui font confiance. La défiance vis-à-vis de l’UE s’est accrue de près de 30 points entre 2007 et 2019 ! Aujourd’hui, 58 % des Français interrogés ne font pas confiance à l’UE et 32 % lui font confiance, alors que les moyennes européennes sont respectivement de 47 % et de 43 % (graphique 1).

Graphique 1

Eurobaromètre, Author provided

La France fait donc partie du groupe des pays dont les habitants sont les moins favorables à l’UE. Pour analyser ce phénomène dans le détail, il est important de distinguer deux types de « soutien politique » : le « soutien diffus » (sentiments et attitudes les plus abstraits : adhésion à une vision, à des valeurs…) et le « soutien spécifique » (évaluation de l’efficacité des actions menées à l’échelle de l’UE). À partir de cette distinction, il est possible d’identifier un premier élément caractéristique du rapport ambivalent des Français à l’Europe : le soutien à l’UE est d’autant plus élevé qu’il s’exprime au niveau le plus diffus.

En se focalisant sur la perception des évaluations que font les Français de l’action de l’UE, une analyse comparative permet de définir la place occupée par la France en termes de soutien spécifique à l’Union par rapport aux autres États membres (graphique 2).

Graphique 2

Eurobaromètre, Author provided

La géographie et la typologie des opinions vis-à-vis de l’UE qui se dégagent de cette analyse mettent en évidence deux types de fracture au sein de l’espace européen et quatre types de rapport à l’UE à l’échelle des individus.

La première fracture à l’échelle européenne distingue les pays les plus favorables des moins favorables aux logiques de l’intégration européenne. Les Français appartiennent au groupe des Européens les plus négatifs vis-à-vis de l’UE. Dans le premier groupe, on trouve (par ordre croissant de soutien à l’UE) l’Irlande, le Danemark, le Portugal, le Luxembourg, la Lituanie, la Roumanie et Malte ; dans le second groupe (par ordre croissant d’opposition à l’Europe), la Slovénie, Chypre, la République tchèque, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et la Grèce.

D’autre part, la fracture sociale constitue une deuxième ligne de clivage significative pour tous les pays, et particulièrement pour la France. L’intégration européenne est négativement perçue par les classes populaires, les ouvriers, les chômeurs, et ceux qui ont terminé leurs études avant l’âge de 16 ans.

Enfin, quatre groupes d’attitude vis-à-vis de l’UE, en fonction de leur positionnement et de l’intensité de ce positionnement, sont identifiables : 37 % appartiennent au premier groupe (Européens assez positifs), 43 % au second groupe (Européens assez négatifs), 5 % au troisième groupe (Européens les plus positifs) et 15 % au dernier groupe (Européens les plus négatifs). Dans le reste de l’Europe, les plus positifs sont deux fois plus nombreux, les plus négatifs deux fois moins.

Des attitudes fortement négatives vis-à-vis de l’Europe, mais loin d’être systématiques

Bien que la France se classe parmi les pays où les jugements négatifs vis-à-vis de l’Europe sont les plus répandus, ses habitants peuvent également s’y montrer favorables sur certaines questions. En effet, des attitudes proeuropéennes peuvent ponctuellement rassembler près des trois quarts des Français et l’opinion, très critique sur de nombreux points, peut basculer pour exprimer majoritairement des positions « proeuropéennes » sur d’autres (graphique 3). Ces mouvements de bascule sont surtout le fait d’individus ambivalents exprimant un positionnement « neutre » vis-à-vis de l’UE, qui représentent plus d’un tiers des Français.

Graphique 3

Eurobaromètre, Author provided

Ces personnes « ambivalentes » se rapprochent sur certains aspects des « europhiles », sur d’autres des détracteurs de l’UE. Les principaux points de convergence entre « europhiles » et profils « ambivalents » sont l’ouverture aux autres, l’adhésion massive aux principes de l’Union (par exemple le droit de travailler dans tous les États membres), aux politiques communes (76 % des « ambivalents » sont favorables à l’euro) et à l’importance de la voix de l’UE dans le monde.

En revanche, concernant la confiance en l’UE, ou plutôt la défiance, ces mêmes individus ambivalents rejoignent les tendances les plus négatives des opinions sur l’Europe : 22 % des « ambivalents » ont plutôt confiance dans l’UE, ce qui les rapproche des « eurosceptiques » chez qui cette proportion tombe à 4 %, quand elle s’élève à 65 % parmi les personnes émettant un jugement positif. De manière générale, on constate également que le manque de connaissances sur le fonctionnement de l’UE constitue un élément majeur du rapport de défiance des Français à l’Europe (la France occupe de ce point de vue le dernier rang parmi les 27).

L’ambivalence des rapports entre les Français et « l’Europe » : le facteur culturel comme élément explicatif

Plusieurs éléments explicatifs de nature culturelle peuvent être avancés pour comprendre l’ambivalence du rapport des Français à l’UE.

Tout d’abord, la culture politique unitaire française est en décalage avec la culture européenne du compromis. En effet, la conception unitaire de la souveraineté en France se heurte à la conception pluraliste de la pratique institutionnelle et politique à l’œuvre au sein de l’UE. Ce tropisme a des conséquences sur l’appréhension de la complexité de la vie politique à l’échelle de l’Union, et se traduit notamment par une difficulté à intégrer la pratique du compromis et à s’adapter au système de coalitions majoritaires à géométrie variable.

Ensuite, la culture socio-économique française, marquée par une certaine défiance voire une hostilité au libéralisme, constitue un second élément de tension. Les représentations négatives du libéralisme, du libre-échange (la France se classe de en dernière position parmi les pays étudiés) et de la concurrence impactent négativement le rapport que maints Français entretiennent au marché qui constitue le cœur de l’Union européenne. La culture colbertiste est orthogonale avec la réalité du marché intérieur européen comme le montrent les débats sur la politique industrielle et la politique de concurrence. En outre, la « préférence » française pour les dépenses publiques constitue peut-être aussi la « face cachée » du stato-centrisme de la culture politique française. La défiance vis-à-vis du Pacte de stabilité confirme le peu d’importance accordée en France à une autre figure centrale de la culture politique présente dans les débats publics d’autres pays : celle du contribuable. Si les questions de justice fiscale occupent une place centrale dans les débats politiques français, la figure du « contribuable » peine à être incarnée en termes européens dans notre pays.

Cette lecture permet enfin de mettre en perspective les réticences françaises vis-à-vis de l’élargissement. Pendant plus d’un demi-siècle, la France a su combiner deux visions radicalement différentes de la raison d’être de son engagement européen : d’un côté, le projet des « pères fondateurs » (convergence des intérêts des États membres) et, de l’autre, le projet gaulliste d’une Europe vue comme un instrument permettant à la France de promouvoir ses intérêts nationaux. Les élargissements aux pays d’Europe centrale et orientale obligent la France à une clarification de son projet européen dans la mesure où les Français découvrent que « l’Europe n’est pas la France en grand » ! C’est sans doute la raison principale des discours nostalgiques, en France en particulier, sur la « petite Europe » et de la difficulté à assumer le changement d’échelle de l’Union élargie.

Comment réconcilier les Français et l’UE ?

Si le « retour de l’Europe en France » semble plus que jamais une problématique politique fondamentale, l’enjeu serait d’éviter une difficulté centrale du discours que tiennent nos dirigeants sur la place de la France en Europe et la place de l’Europe en France : nos dirigeants continuent très largement d’entretenir une vision de l’Europe « franco-centrée », c’est-à-dire vue uniquement du point de vue de la France et avec souvent des perspectives de politique nationale.

Fondamentalement, clarifier et apaiser les relations entre les Français et « l’Europe » suppose un narratif renouvelé qui pourrait s’articuler autour des éléments suivants : davantage mettre en évidence les bénéfices de l’appartenance de la France au marché unique et à la zone euro, plutôt que de dénoncer de manière systématique leurs défauts ; ensuite, revoir l’organisation encore trop unitaire et monarchique du système politique français, ce qui lui permettrait de privilégier une « gouvernance » davantage adaptée à la réalité et à la complexité politiques de l’UE ainsi qu’à la maturité de la société et des citoyens français ; enfin, favoriser l’appropriation de l’échelle de l’Europe réunifiée en rompant avec le fantasme d’une Europe qui serait la France en grand.

Il serait aujourd’hui préférable de promouvoir une relation plus lucide entre la France et l’UE, qui ne soit pas uniquement fondée sur un désir de projection des conceptions françaises au niveau européen mais sur la recherche patiente de compromis constructifs avec nos partenaires. Ce n’est qu’à ces conditions que les Français pourront renouer le fil de la confiance avec une Europe où ils ont encore un rôle essentiel à jouer.


Ce texte est basé sur une étude de Bruno Cautrès, Thierry Chopin et Emmanuel Rivière : « Les Français et l’Europe : entre défiance et ambivalence. Le nécessaire « retour de l’Europe en France », Rapport, CEVIPOF/Institut Jacques Delors/Centre Kantar sur le futur de l’Europe, mai 2020

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