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Archives Journalières: 25/05/2020

Bibliothèque numérique des enfants : des classiques à lire ou à écouter en ligne

25 lundi Mai 2020

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The Conversation

 

  1. Eléonore Cartellier

    Docteur en littérature britannique, Université Grenoble Alpes

  2. Laure Thibonnier-Limpek

    Maîtresse de conférences en littérature russe, Université Grenoble Alpes

  3. Natacha Rimasson-Fertin

    Maîtresse de conférences, docteure en études germaniques, Université Grenoble Alpes

  4. Simon Albertino

    Doctorant en littérature russe, Université Grenoble Alpes

Université Grenoble Alpes

 

CC BY ND
Entre lectures à voix haute ou adaptations animées, un grand nombre d’albums et de livres pour la jeunesse se déclinent sur Internet. Shutterstock
 

Dans des temps où l’on ne peut plus se déplacer librement, inutile de rappeler que les histoires sont un bon moyen de s’évader pour les grands comme pour les plus jeunes. Mais comment étoffer la gamme d’histoires à lire en famille quand bibliothèques et librairies sont fermées ?

Si quelques librairies commencent à mettre en place des services de livraison ou de « click and collect », on peut aussi retrouver en ligne des versions numériques de grands classiques pour la jeunesse, des adaptations animées ou des partages de lectures entre internautes. Quelques pistes pour voyager sur la toile.

De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête

Publié en 1989, ce livre est un best-seller mondial. On sait moins qu’il s’agit d’un album allemand, inspiré probablement d’un autre grand classique : une série animée créée pour la télévision tchèque en 1957 par Zdeněk Miler, mettant en scène une petite taupe.

Le contraste entre la formulation quelque peu archaïque du titre et le sujet de l’album crée un effet comique certain. Des internautes proposent leur lecture de l’album en ligne, on en trouve aussi des adaptations animées réalisées avec de jeunes lecteurs.

Bande-annonce d’une version animée conçue par Milan Presse.

Imaginez-vous avec vos enfants à la campagne, à la ferme, avec ses bruits et surtout ses odeurs. Une fois les éclats de rire passés, profitez-en pour réfléchir à ce qui rend ce texte drôle ! Grâce aux albums, on peut amorcer très tôt la réflexion sur les procédés qui transmettent des émotions, tant par le texte que par l’image. C’est aussi l’occasion d’attirer l’attention des jeunes lecteurs sur l’intonation de la voix, sur les changements de ton entre les personnages.

Les collégiens qui apprennent l’allemand peuvent aussi accéder à la version originale. De quoi faire un petit exercice de compréhension orale, en s’entraînant à reconnaître les noms des animaux, ou la phrase de la petite taupe ! Pour d’autres histoires en allemand, on peut consulter ces lectures de contes.

« Roule Galette » et « Baba Yaga »

Le Roule galette du Père Castor est une autre lecture classique en maternelle. Cette adaptation du conte russe traditionnel Kolobok fait découvrir aux plus jeunes la structure des contes cumulatifs, appelés aussi « histoires randonnées ». Ils forment une chaîne d’actions répétées, jusqu’à ce qu’elle ne s’écroule ou ne se défasse en sens inverse.

Histoires du Père Castor, adaptation animée de Roule-Galette.

Les éditions du Père Castor ont été créées en 1931 par Paul Faucher, un fervent adepte de la Nouvelle Éducation. Pour rendre l’enfant actif, il accorde une place primordiale à l’illustration dans les ouvrages qu’il publie. Il sollicite donc plusieurs illustrateurs russes émigrés en France après la Révolution de 1917.

Parmi eux, Nathalie Parain, qui illustrera magnifiquement un autre conte russe, Baba Yaga. En attendant de pouvoir le (re)lire dans la réédition des éditions MeMo, on peut en écouter une lecture en musique par Élodie Fondacci, sur Radio Classique. Demandez à vos enfants de retenir les caractéristiques de Baba Yaga au fil de l’histoire !

Si vous vous intéressez à ce personnage ou aux contes russes en général, vous pouvez lire les analyses de Vladimir Propp sur la structure du conte et les racines historiques des contes, ou les écrits de Lise Gruel-Apert. Si vous voulez en savoir plus sur la Révolution de 1917 et de l’émigration russe, alors la monographie sur Nathalie Parain est faite pour vous.

Choix d’albums

Pour découvrir ces albums ou d’autres, n’hésitez pas à écouter ces conseils de l’association « Lire et faire lire », qui fait notamment intervenir Sophie van der Linden, auteure de Lire l’album (2004). Celle-ci explique l’importance de l’album pour les plus jeunes et donne des conseils pour le lire à voix haute.

On peut aussi retrouver en ligne des personnages de Claude Ponti, de Pef, se promener avec La chasse à l’ours, suivre les aventures de Petit-Bleu et Petit-Jaune, découvrir le Grand Monstre vert, ou chercher d’autres pistes pour étoffer sa bibliothèque.

« Les Trois Brigands », de Tomi Ungerer, extrait.

Et pour lire d’autres contes de tous horizons, ainsi que des études sur ce genre, rendez-vous sur le site de La Grande Oreille, revue spécialisée sur les contes qui propose un programme spécial confinement.

Lire Pouchkine

Dans les rayons jeunesse des librairies de Russie, les recueils de contes populaires sont légion, aux côtés de livres estampillés de noms de grands écrivains, comme Alexandre Pouchkine. Bercé dans son enfance par l’imaginaire riche de ces contes oraux, il décida d’en écrire à son tour sous forme de longs poèmes en vers à partir des années 1830.

On dénombre aujourd’hui six contes de Pouchkine, qui, à l’image de leur auteur devenu l’un des visages principaux de la littérature russe, sont encore lus et appris dans les écoles primaires de Russie, comme peuvent l’être en France les Fables de La Fontaine. La bibliothèque russe et slave propose une version traduite de ces contes, et trois d’entre eux sont également accessibles en livres audio.

« Le Prince et le Cygne », adaptation du Conte du tsar Saltan.

Leur lecture peut offrir aux enfants un certain exotisme et permet la découverte de nouvelles images et personnages comme le Tsar et son fils, le Tsarévitch. Afin de cultiver ces découvertes, pourquoi ne pas dresser avec votre enfant une description des différents héros de ces contes, ou alors dessiner les animaux magiques qui y apparaissent ?

Les contes de Pierre Gripari

Pour faire (ou refaire) découvrir les contes français, de belles lectures sont disponibles en ligne. « La Sorcière du placard aux balais », un des contes les plus connus des célèbres Contes de la Rue Broca de Pierre Gripari est disponible en version lue par l’auteur.

Le conte lu par Pierre Gripari.

Vous embarquerez pour vingt minutes d’histoire drôle et fascinante lue avec emphase et précision par Pierre Gripari qui prononce même les diérèses. Il est aussi possible de trouver les autres contes du recueil en dessin animé.

Des univers pour les ados

Pour les plus grands on peut continuer l’aventure avec de grands classiques lus à haute voix, comme Bilbo le Hobbit, proposé en différentes versions, mais aussi Harry Potter.


À lire aussi : Tolkien vs Disney : éduquer ou divertir ?


Pour ce dernier il est aussi possible de lire les ebooks et de se replonger dans l’univers grâce à la plate-forme Wizarding World dont les traductions sont disponibles en français.

Littérature : Defoe, Poe et Shelley en terrain contaminé

25 lundi Mai 2020

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The Conversation

 

  1. Marc Porée

    Professeur de littérature anglaise, École normale supérieure – PSL

École Normale Supérieure (ENS)

 

CC BY ND
Gravure anglaise, circa 1665, quand Londres était ravagée par la peste. Wikipedia
 

Contre ce fléau qu’est le coronavirus, il y a les gestes barrière, impératifs, partie intégrante de la « distanciation sociale », ce mot terrible, mais dont on voit bien la raison d’être. Rien de tel, cependant, que la littérature pour nous permettre, en ces temps de confinement, de renouer avec autrui et de passer outre les murs qui nous séparent de nos semblables.

À défaut de réparer dans l’instant le monde et les vivants, la littérature, notamment anglo-américaine, celle qui prend l’épidémie pour sujet, donne matière à de saines lectures. Non que les récits, les romans, puissent se prévaloir d’une quelconque propriété immunisante – cela se saurait. Mais la peste racontée dans de si nombreuses histoires, elle du moins, ne s’attrape pas ! Mieux, si l’on en croit du moins le Deleuze de Critique et Clinique, dans son rapport à la « vie », donc à la mort, la fabulation relève bel et bien d’une « entreprise de santé » ; de surcroît, loin de déréaliser le monde, la fiction en saisit au contraire la vérité profondément anthropologique : « le monde est l’ensemble des symptômes dont la maladie se confond avec l’homme ».

C’est à ce titre que les écrivains montent au front de l’épidémie et s’aventurent en terrain contaminé. Autrefois à Thèbes, hier dans la Florence du Décaméron, plus près de nous, à Boston ou au sein du Londres des XVIIe ou XXIe siècles. Pour en rire, à l’occasion, ce que fait E.A. Poe, dans la nouvelle « Le roi Peste » (1835), composée à l’époque où le fléau sévit encore sur la côte Est des États-Unis : entre mauvais jeux de mots (sa « Sérénissime Altesse l’archiduchesse Ana-Peste ») et humour noir, la peur change de camp et le roi Peste passe à la trappe, culbute des plus réjouissantes par laquelle il nous est donné, par procuration, de faucher la Grande Faucheuse.

Mais l’exorcisme ne fonctionne pas à tous les coups. En règle générale, ce que la littérature privilégie, en se colletant aux épidémies et autres fléaux, ce n’est bien sûr pas la recherche d’un hypothétique vaccin, mais plutôt la conjonction singulière d’une « agency » (agentivité), entre impact ravageur du fléau et actions menées contre lui, souvent infructueuses mais parfois couronnées de succès, et d’un terrain, d’un territoire, « local » d’abord, puis de plus en plus « global », rejoignant ainsi la marche du monde.

L’épidémie en l’abbaye

À l’entame de « Le Masque de la Mort rouge » (1842), nouvelle du même E.A. Poe, trois phrases lapidaires plantent le décor :

« Depuis longtemps, la “Mort rouge” dévastait le pays. Aucune peste n’avait jamais été si fatale, ni si atroce. Son symbole, aussi bien que son sceau, était le sang. »

Un décor indéterminé, universel, au service d’une allégorie à la force de concentration, et donc de signification, maximale. Dans l’espoir d’échapper au fléau qui a déjà décimé la moitié des habitants de ses domaines, le Prince Prospero se retranche avec un millier de ses amis derrière les hauts murs d’une abbaye fortifiée. Il organise un bal masqué dans sept superbes chambres, chacune tapissée d’une couleur différente et orientée selon les points cardinaux, d’est en ouest, à l’image des sept âges de la vie et de la course du soleil. Alors que la « licence carnavalesque » bat son plein et que s’égrènent les coups de minuit, un intrus spectral portant un masque d’une rigidité cadavérique fait son entrée. Prospero veut le mettre en fuite, mais la mort le saisit sur place. Et les autres danseurs de choir l’un après l’autre dans les salles maculées de sang :

« Et les ténèbres, la pourriture et la Mort rouge étendirent sur toutes choses leur empire illimité. »

L’illusion de qui croit tenir l’épidémie hors les murs vole en éclats. « Comme un voleur », référence ici à Matthieu 24, 45, celle-ci s’est nuitamment introduite dans la place forte, pour faire payer au prince son arrogance, sa prospérité, son insensibilité à la tragédie qui frappe ses sujets.

Si la chute de la nouvelle ne saurait surprendre – qui ignore encore que la peste, comprenons la mort, est la toute-puissante « niveleuse » ? –, ce qui fascine, ce sont les peurs et les fantasmes projetés, par la force de la fiction, sur le fléau.

À savoir un imaginaire, celui de la rétribution, du châtiment, ainsi qu’une « métaphore », au sens où l’entend Susan Sontag (La Maladie comme métaphore, 1979), ici celle du sang écarlate. L’un et l’autre sanctionnent pour l’heure les « autres », forcément riches et licencieux, en attendant de s’en prendre à chacun de « nous », hypocrite lecteur/lectrice. La surenchère à laquelle se livre Poe, à grand renfort d’images plus « bizarres » les unes que les autres, apparente le conte à un mauvais rêve, indécidable quant à la réalité de son dénouement, ne convoquant la luxuriance et la transgression qu’aux seules fins de les bannir d’un trait de plume. Car, in fine, c’est l’écrivain qui prononce l’arrêt de mort, s’arrogeant ainsi le plus envié, mais aussi le plus redouté des arbitrages.

La peste en ville

Le très glaçant Journal de l’année de la peste (1722), écrit par Daniel Defoe, créateur de l’immortel Robinson Crusoe, a pour cadre une métropole surpeuplée, la capitale du royaume d’Angleterre. Près de 60 ans après les faits, il revient sur les ravages occasionnés par la peste bubonique dans le Londres des années 1665-1666, ici ramenées à 12 mois : unité de temps, d’action et de lieu, pour un total de 100 000 morts, très en excès sur les chiffres officiels faisant état de 68 590 victimes. Mêlant habilement faits et fiction, le récit, qui n’est pas un roman, documente l’implacable montée en puissance du fléau et dresse la comptabilité morbide des cadavres, à coups de tableaux et de statistiques.

À mesure que les observations s’enchaînent, sans autre forme de procès, apparaît un Londres fantomatique, vidé de ses habitants les plus riches et déserté par la Cour qui a trouvé refuge à Oxford. Un Londres qui se barricade, les malades comme les valides, car ce que donne à voir le Journal, c’est la mise en place de nouvelles techniques sanitaires initiées par les pouvoirs publics – le « bio-pouvoir » de l’époque, pour le dire avec Michel Foucault. Le choix y avait été fait de la quarantaine, du confinement, option contestée par le narrateur, qui y voit, outre une efficacité réduite, une atteinte aux libertés fondamentales, doublée d’une entrave à l’indispensable sociabilité qui fait de nous des animaux qui se parlent, de maison à maison, de fenêtre à fenêtre (comme on a pu le voir récemment, dans les villes d’Italie prises au piège du coronavirus).

Du reste, sur la durée, la compassion, le souci de l’autre, cèdent la place au fatalisme et à l’égoïsme du « chacun pour soi ». S’efface même la curiosité, un brin voyeuriste, dont fait d’abord preuve le diariste-ethnographe, battant le pavé en tous sens et pressé de mener l’enquête sur son « terrain », comme le diraient les sociologues, celui d’une ville entre-temps partiellement dévorée par les flammes « du Grand Incendie ». Toutefois, et c’est à cela que se mesure la force de la littérature, il donne à entendre, derrière les portes et les fenêtres hermétiquement closes, les cris des milliers d’agonisants à jamais anonymes dont la plainte continue de résonner jusqu’à nous.

Mais c’est le choix improbable fait par celui qui signe H.F., initiales derrière lesquelles on s’est plu à reconnaître l’oncle de l’écrivain, Henry Foe, qui polarise l’attention. Pourquoi n’a-t-il pris la fuite, seul remède efficace contre la virulence de l’épidémie ? Parce qu’il est célibataire, sans autre personne à charge que lui-même, et qu’il ne pouvait se permettre de laisser péricliter son activité commerciale. Parce que là est sans doute le destin du sujet, de l’individu de classe moyenne, dans une société libérale. Donnant quitus aux « services publics » qu’il remercie pour leur dévouement, il félicite également les personnels de santé, les vrais, du moins ceux qui sont restés fidèles au poste. Sans oublier de fustiger les charlatans et autres prophètes de malheur qui prolifèrent en pareille circonstance. Malgré les évidentes différences liées au contexte et aux mentalités du temps, les observations politiques frappent par une forme de constance : Defoe admet que la peste s’en est prise le plus durement aux pauvres de Londres. Cynique, il note même que la létalité extrême dans les quartiers les moins favorisés a, tout compte fait, préservé la « paix sociale », en évitant attroupements et émeutes.

De son temps, le Journal l’est pleinement, en ce qu’il fait de la Providence divine l’agent unique de la tragédie, à l’origine de son déclenchement comme de sa très miraculeuse interruption. Pour le reste, sur la conduite humaine par temps de crise épidémiologique majeure, sur les querelles, notamment religieuses, précédant l’irruption de la peste en provenance de Hollande et qui reprennent aussitôt après, les leçons dispensées par le Journal sont résolument nôtres.

Le virus en tout point du globe

Quatre ans après la mort de son compagnon, le poète P.B. Shelley, Mary fait paraître Le Dernier homme (1826), placé sous le signe d’une mondialisation éminemment funeste. Dans un XXIe siècle assez peu futuriste, une épidémie fait rage. Son origine se situe quelque part dans le bassin du Nil, aux origines de l’humanité, son épicentre se trouve à Constantinople, toujours aux mains des Ottomans, et qu’assiègent les Grecs en quête de leur indépendance, et c’est en Occident qu’elle finira sa course.

Les épidémies, on l’aura noté, ont toujours leur origine « ailleurs », de préférence en Orient, la faute à l’orientalisme. Dans un premier temps, l’Angleterre se croit à l’abri de la contamination : son passé de citadelle inviolée plaide pour elle. Anglais expatriés, suivis par des hordes d’Italiens et d’Espagnols, auxquels se joignent Étasuniens et Irlandais, se replient alors en masse sur cette terre bordée d’eau, devenue une République. Mais à cette « crise migratoire » aiguë va se surajouter une infection généralisée : Londres est à son tour nettoyée de ses habitants.

Frappant au hasard, se jouant des médecins, réduits à l’impuissance la plus totale, la peste se répand sur toute la surface du globe. Ajoutons que la romancière semble mettre un point d’honneur à ne pas « théologiser » un fléau a priori perçu comme « athée » : à la différence de l’immense majorité des ouvrages qui prennent les épidémies pour objet, Shelley se garde bien, elle, de mêler Dieu à cette affaire de contamination énigmatique quant à ses causes. Peu à peu, l’humanité entière s’éteint, à l’exception de Lionel Verney, le « dernier homme » du titre, double masculin de l’auteure.

Longtemps négligé par la critique, qui lui préférait Frankenstein et son ambition prométhéenne, fut-elle avortée, le roman bénéficie à présent d’une attention soutenue – très largement, il est vrai, depuis l’épidémie du sida dans les années 1990. Aux yeux des spécialistes des études postcoloniales, l’épidémie est la réponse du berger à la bergère, la riposte, légitime, apportée par les « subalternes » à l’impérialisme britannique et à sa domination sans partage.

On fait également un sort à la manière dont la fille du pourtant très rationnel William Godwin bat en brèche le mythe progressiste de l’invincibilité de la science. Tout en se voulant d’anticipation, le roman s’affirme contemporain de la découverte d’un paradigme majeur, celui de « l’extinction ». Extinction des dinosaures, documentée et théorisée par Georges Cuvier, l’auteur en 1812 des Recherches sur les ossements fossiles de quadrupèdes, ouvrage que Mary Shelley connaissait bien. Du quadrupède au bipède, elle aura aisément franchi le pas, preuve s’il en est qu’à chaque nouvelle épidémie, fictive ou réelle, de nature connue ou inconnue, c’est l’avenir du genre humain qui se joue, apparaissant à chaque fois plus sombre et moins assuré. Une dimension prophétique que Jack London reprendra à son compte, avec La Peste écarlate (1912), également située au XXIe siècle, l’universitaire James Smith y apparaissant comme le dernier survivant d’une période d’extinction qu’il entreprend de raconter à ses petits-enfants, lesquels n’en ont cure.

La forte composante autobiographique du livre de Mary Shelley en fait enfin un roman à clefs. Le vide planétaire y est d’abord un vide d’hommes, ces « grands hommes » qui peuplaient son univers intellectuel et sa vie de femme : ils avaient pour nom Lord Byron et P.B. Shelley, ils sont morts jeunes, faisant d’elle une veuve à jamais endeuillée. C’est leur « Disparition » qu’elle met en scène à grande échelle, et on a en tête ici, fût-ce en filigrane, le récit éponyme de George Perec, de 1969, dans lequel, au travers de l’absence de la voyelle « e », se configure le vide béant laissé par la mort et l’extermination de membres de la famille de l’écrivain, dans des circonstances historiques il est vrai tout autres, mais à l’époque où sévissait une autre lèpre hideuse, celle du nazisme.

Dans le roman de Mary Shelley, comme dans ceux de ses confrères et consœurs en écriture, se fait jour la réalité d’une observation, consignée par Defoe, mais chacun l’aura faite sienne : « La peste est un ennemi [« enemy », en anglais, mais également « foe »] redoutable, elle s’arme de terreurs telles qu’il n’est pas donné à tout le monde d’être assez fort pour y résister, ni de se sentir prêt à s’opposer à la violence du choc qu’elle occasionne. »

Si, devant l’épidémie qui est parmi nous, la peur nous prenait, à l’idée des « terreurs » qu’elle inspire et du « choc » qu’elle inflige, souvenons-nous qu’il est donné à quelques grands livres de se sentir assez forts, assez armés, pour s’y « opposer ».

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