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Mirmande PatrimoineS Blogue

Archives Journalières: 26/05/2020

Penser l’après : Le Covid-19 pousse les scientifiques hors de leurs laboratoire

26 mardi Mai 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

  1. Michel Callon

    Professeur de sociologie, Mines ParisTech

  2. Pierre Lascoumes

    Directeur de recherche émérite au CNRS, Sciences Po – USPC

Université Sorbonne Paris Cité

Sciences Po

Mines ParisTech

 

CC BY ND
Les recherches en cours peuvent sembler chaotiques et criblées d’incertitudes, et en équilibre avec des processus extrêmement cadrés. Fotocrisis / Shutterstock
 

Les chercheuses et les chercheurs qui contribuent chaque jour à alimenter notre média en partageant leurs connaissances et leurs analyses éclairées jouent un rôle de premier plan pendant cette période si particulière. En leur compagnie, commençons à penser la vie post-crise, à nous outiller pour interroger les causes et les effets de la pandémie, et préparons-nous à inventer, ensemble, le monde d’après.


« Ce soir, je partage avec vous ce que nous savons et ne savons pas ». (Emmanuel Macron, adresse aux Français du 13 avril 2020).

Voilà un Président de la République qui revendique ouvertement son ignorance tandis que des experts reconnaissent publiquement que le Covid-19 est loin d’avoir révélé tous ses secrets. Oui – les temps changent.

Habituellement, ceux qui nous gouvernent s’emploient, pour nous rassurer, à dire qu’ils consultent les experts, qu’ils suivent leurs avis et que la situation est sous contrôle. Mais il faut bien reconnaître que depuis quelques années cette position devient de plus en plus difficile à tenir. La confiance inconditionnelle dans la science, qui permettait de justifier les décisions, a été émoussée. Elle laisse progressivement place au doute voire à la suspicion et dans certains cas à l’incrédulité.

La multiplication des controverses au cours desquelles les chercheurs s’affrontent durement, n’hésitent pas à dénigrer leurs collègues, comme ce fut le cas par exemple à propos des dangers de l’amiante, a contribué à cette perte de confiance. Ces affrontements ont permis également de comprendre que, sans controverses, la connaissance scientifique ne progresserait pas. En sciences, il convient toujours de commencer par douter, pour ensuite confronter et discuter impitoyablement les hypothèses et les résultats obtenus, afin d’avoir quelque chance de parvenir à un consensus. Pour, au terme de ce tortueux chemin, avoir le droit de dire : « Il est certain que le réchauffement climatique est un phénomène irréversible » ; puis d’ajouter sans crainte d’être démenti « que le réchauffement est dû pour l’essentiel aux activités humaines ».

Les citoyens ordinaires ont également appris, souvent aux dépens de leur santé, que l’ignorance pouvait dans certains cas être volontairement entretenue. Des historiens obstinés et des journalistes scrupuleux ont montré que les grands producteurs de tabac ont pendant longtemps financé des chercheurs, plus intéressés par l’argent que par la vérité, afin de jeter le doute sur les études de plus en plus robustes qui établissaient la nocivité du tabac. Comme dans les enquêtes criminelles, il ne faut pas hésiter à se demander, face à l’ignorance entretenue à grand renfort de dollars, d’euros ou de yuans, à qui profite-t-elle ?

Des scientifiques assument aujourd’hui leur ignorance en prime time

L’ignorance, celle qui est déclarée et assumée à l’occasion de la pandémie Covid-19, aussi bien par les décideurs que par les experts, n’est pas de même nature.

Quand Jean‑François Delfraissy, le président du comité scientifique conseillant le gouvernement, déclare : « On ne comprend pas pourquoi les enfants résistent mieux à l’infection » ou encore : « On n’arrive pas à expliquer pourquoi certains porteurs contaminés et guéris sont susceptibles de contracter à nouveau la maladie », personne ne conteste de telles déclarations d’ignorance.

En écoutant ce grand spécialiste, ceux qui connaissent de l’intérieur le monde clos de la recherche ont sans doute eu le sentiment que, à une heure de grande écoute, des scientifiques conviaient le grand public à une de leurs réunions. À une de ces discussions, tenues en général dans l’espace confiné des labos, et au cours desquelles les chercheurs élaborent collectivement leurs projets de recherche pour les mois ou les années à venir. Leur ordre du jour est de définir les questions auxquelles ils souhaitent répondre, de dresser l’état des connaissances internationales et de faire l’inventaire de leurs lacunes en insistant sur ce qu’ils voudraient prioritairement savoir, puis sur cette base, de justifier les moyens demandés. Et tout cela sans obligation de résultats !

Si, au moment où ils débattent de ces questions à l’abri des regards, des profanes s’introduisaient dans ces cénacles savants, ils seraient horrifiés de découvrir un monde chaotique et criblé d’incertitudes. Ces réunions, où l’on envisage des projets sans but clairement fixé et sans que l’on soit certain d’avoir choisi le bon chemin, constituent pour les chercheurs des moments indispensables où ils décident d’investiguer ce qu’ils ne connaissent pas encore mais qu’ils voudraient, pour mille bonnes raisons, absolument comprendre. Le huis clos leur permet de travailler au calme, de prendre leur temps, de recommencer leurs expériences aussi souvent que nécessaire. Cet isolement, garantie de sérénité, a commencé à céder depuis quelques décennies. Des associations de patients, comme celles regroupant les myopathes ou les personnes atteintes par le VIH, ou des associations rassemblant des riverains qui subissent les rejets toxiques d’usines chimiques, ont contribué à ce que l’on peut appeler le dé-confinement progressif de la recherche, c’est-à-dire son ouverture à des dimensions humaines et sociales. Les coups portés par le Covid-19 amplifient ce mouvement.

Les excursions « hors des murs » des chercheurs ont changé de nature avec le Covid-19

Certes, de telles incursions dans l’espace public n’ont rien d’inhabituel, ni de vraiment nouveau. Que nous soyons téléspectateurs, auditeurs de chaînes de radio ou lecteurs de journaux et de magazines, nous sommes accoutumés à voir des scientifiques, aux titres prestigieux, se succéder sur les plateaux de télévision et à lire les tribunes qu’ils signent. Depuis Pasteur et le suspense dramatique qu’il orchestra à Pouilly-le-Fort, le public a pris l’habitude d’entendre les savants annoncer des découvertes retentissantes. Mais qu’ils s’expriment pour avouer leur ignorance est un phénomène plus rare. À plus forte raison lorsque ces spécialistes se trouvent en première ligne et répondent haut et fort aux questions cruciales qui leur sont posées qu’ils ne savent pas, cela est tout simplement exceptionnel – si ce n’est lorsque l’humilité les aide à récolter de l’argent ou des soutiens (Téléthon, Sidaction).

L’actuel dé-confinement (partiel) des spécialistes confirme l’émergence d’une nouvelle manière de concevoir la recherche sur des sujets pour lesquels les pratiques existantes montrent leurs limites. Le laboratoire est devenu un lieu trop isolé et trop coupé de l’ensemble des personnes qui pourraient participer activement au travail des chercheurs. Les enquêtes de terrain largement pratiquées dans certaines disciplines, comme les sciences de la terre et leurs explorations géologiques ou l’agronomie et ses fermes expérimentales, ne font en réalité que prolonger le travail de laboratoire en l’installant à l’extérieur et sur une plus grande échelle. Cette extension s’opère parfois en recrutant des collaborateurs, des assistants de recherche qui ne sont pas des professionnels mais plutôt des amateurs éclairés et qui participent par exemple au comptage d’oiseaux sauvages ou à des observations astronomiques.

Le laboratoire est devenu un lieu trop isolé pour étudier certains sujets. Hugo1989/Shutterstock

Quant aux études épidémiologiques ou aux essais cliniques, elles incluent certes de larges populations, ce qu’on appelle des cohortes, mais elles les enferment bien vite dans le cadre de rigoureux protocoles qui les transforment en objets de recherche comme les autres. Ce qui caractérise toutes ces formes d’organisation de la recherche, qui démontrent tous les jours leur efficacité, c’est qu’elles sont conditionnées par la passivité des patients dans le cas des essais cliniques ou l’encadrement strict des profanes extérieurs au monde de la science dans le cas des recherches dites participatives.

Le Covid-19, par les problèmes et les questions qu’il pose, montre les limites des formes d’organisation de la recherche dans lesquelles les scientifiques sont les seuls et indiscutables maîtres du jeu. Habituellement ce sont les chercheurs, en effet, qui déterminent de manière stricte les protocoles à suivre et les modalités expérimentales ; habituellement ce sont eux qui neutralisent, autant que faire se peut, tout ce qui est susceptible de parasiter et de biaiser leurs travaux ; habituellement ce sont eux qui font le bilan de ce que l’on sait et de ce que l’on ignore, sans inviter les profanes à partager leur réflexion. Cette exigence, à laquelle on doit des contributions irremplaçables, est à son apex avec les essais dits « en double aveugle ». Leur principe est que personne ne doit savoir, dans quel groupe tel ou tel patient est inclus. Dans ce modèle, la lumière ne doit pas être partagée : il est nécessaire d’aveugler pour mieux savoir. Il n’est pas question d’abandonner cette stratégie, parce qu’elle a montré et continue à démontrer son efficacité. Mais, à l’évidence, elle ne suffit plus. Elle demande à être enrichie et complétée. Participer sans mot dire, ce n’est pas vraiment participer.

« Nous ne savons pas et, pour savoir, nous avons besoin de votre coopération active »

Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, suite à la décision gouvernementale de sortir progressivement du dé-confinement, des cadres généraux ont été fournis avec les gestes barrières à respecter. Mais comment procéder, très concrètement, dans un lycée de 2000 élèves, dans une crèche de 40 enfants tout au plus âgés de 3 ans et placés dans un espace de 100 m2, sur un chantier de BTP, dans un restaurant, dans un Ehpad ? Comment assurer dans tous ces cas les conditions minimisant les risques de contamination ? En disant qu’on ne sait pas vraiment comment procéder, on accorde, pour une fois, aux personnes concernées un espace de liberté : on les incite à proposer des solutions viables et à imaginer collectivement des dispositifs adaptés. Certes, c’est l’ignorance qui favorise cette délégation, laquelle demeure néanmoins limitée. L’ignorance rend cependant possibles une redéfinition des rôles et une nouvelle forme de contrat entre sciences et sociétés, entre chercheurs et profanes.

On pourrait être tenté de comparer cet état de mobilisation à ce qui se passe pendant les périodes de conflit armé, quand le pouvoir redécouvre qu’une population active est plus efficace qu’une population passive. On aurait tort. Le mot d’ordre n’est pas : « Résistez à l’ennemi », « Soutenez les soldats qui meurent au front ! », « Fabriquez des obus et de la poudre », « Prenez soin des blessés ». Non, le mot d’ordre est, comme le notent des collègues anglais : « Flatten the curve ! Lissez les pics de contamination ! »

Pour la première fois dans l’histoire, l’objectif assigné au collectif formé des chercheurs et de la population est une opération mathématique. Il s’agit de transformer la courbe aiguë des cas de Covid-19, dont la pointe acérée risque d’entraîner des dizaines de milliers de morts supplémentaires et la saturation de notre système hospitalier, en une courbe moins abrupte. Il nous est demandé d’imaginer les bons comportements permettant d’éviter la concentration dans le temps et dans l’espace des contaminations. L’objectif est d’agir pour que les mathématiciens qui suivent, grâce à leurs modèles, la diffusion du virus puissent nous dire à tous : « Merci chers collègues, grâce à vous tous nous en savons plus. Vous avez agi comme il fallait pour enrichir les modèles qui nous servent de boussole collective, vous avez trouvé en vous, et pour le bien de tous, les ressources pour créer un environnement à nouveau vivable. »

Cette ouverture de la recherche par une redistribution des rôles, certes bien légère, permet cependant de mieux comprendre comment fonctionnent les modèles mathématiques de l’épidémie. Ceux qui les conçoivent sortent de leurs labos pour expliquer comment la pandémie se répand ou au contraire ralentit. Taux de létalité, nombre de personnes susceptibles d’être contaminées par une personne contagieuse, taux de comorbidité : les modélisateurs exposent, à grand renfort de schémas et d’animations, sur quelles bases reposent leurs analyses prédictives. Des sites permettent même d’apprécier l’impact des comportements sur le lissage de la courbe, la manière dont on estime le pourcentage de personnes contaminées dans la population. Un jour, il sera peut-être possible de simuler en direct, comme sur les compteurs du Téléthon mesurant la générosité des Français, les effets quantifiés du choix des matériaux utilisés pour la confection de masques alternatifs !

Pratiquer collectivement la recherche pour appréhender des objets complexes. Feliks Kogan/Shutterstock

Ces interventions s’apparentent-elles à de simples opérations de vulgarisation visant à faire comprendre à la société civile ce qui se passe ? Il n’en est rien. D’abord parce que les explications scientifiques fournies s’adressent directement à ceux à qui on demande d’imaginer des comportements adaptés. Ce n’est pas la même chose d’essayer de convaincre quelqu’un que la terre est ronde ou de lui dévoiler les raisons pour lesquelles il est nécessaire d’agir de telle ou telle façon si l’on veut éviter un pic de contamination. Dans un cas on éduque, dans l’autre on cherche une collaboration qui laisse ouverts à la fois l’interprétation des règles de distanciation proposées et les choix qui restent à faire. Ensuite parce que les modélisateurs, sans l’intervention des citoyens, n’auraient aucune chance d’alimenter les modèles en données et de valider, d’infirmer ou de modifier les projections qu’ils réalisent à un moment donné.

Ce n’est pas tout à fait la première fois, même si cela demeure encore très rare, que les modélisateurs occupent le devant de la scène et exposent quelques-uns des éléments de leurs algorithmes. La crise du changement climatique a suscité une prolifération de modèles, de courbes et de variables stratégiques qui sont désormais aisément accessibles et dont les spécialistes assurent qu’ils sont robustes et que leur utilité est indéniable. Et ce n’est que très récemment, à l’occasion de l’organisation de la conférence sur le climat, que des citoyens ordinaires ont été conviés à participer à la discussion de certaines de leurs hypothèses sans pour autant être en mesure d’apprécier les effets de leurs recommandations.

Cette façon de pratiquer collectivement la recherche n’en est qu’à ses premiers balbutiements et demeure superficielle. Elle pose en outre de nombreux problèmes qu’il faudrait traiter au fur et à mesure qu’ils apparaissent, avant qu’ils ne deviennent trop difficiles à résoudre. Certains sont connus. Ils concernent l’autonomie des personnes et les dispositifs de contrôle et de surveillance de la vie privée rendus possibles par les big data. D’autres, plus spécifiques, liés par exemple à la place des préoccupations sanitaires ou à la coordination des différentes manières de pratiquer la recherche, ne peuvent qu’être entr’aperçus. Mais c’est le bon moment pour se mettre au travail. N’est-ce pas une des vertus des crises que de suggérer de nouvelles manières de vivre ensemble ?

Comment le coronavirus a réveillé l’intelligence collective mondiale

26 mardi Mai 2020

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The Conversation

  1. Marc Santolini

    Research Fellow, UMR1284 INSERM et Université de Paris au CRI, chercheur invité au Center for Complex Network Research (Northeastern University), et co-fondateur de Just One Giant Lab, Université de Paris

Université de Paris

CC BY ND

Partout dans le monde, épidémiologistes, praticiens, ingénieurs (et tant d’autres) exploitent sans relâche le flot de données sur l’épidémie pour modéliser sa progression, prédire l’impact des interventions possibles ou développer des solutions aux pénuries de matériel médical.

Ils génèrent des modèles et des codes ouverts et réutilisés par d’autres laboratoires.

Le monde de la recherche et de l’innovation semble s’être pris d’une frénésie de collaboration et de production de connaissances ouvertes tout aussi contagieuse que le coronavirus.

Serait-ce donc ça, la fameuse « intelligence collective » censée résoudre nos problèmes planétaires majeurs ?

La science, un réseau bâti sur les épaules des géants

En 1675, Newton écrivait déjà : « Si j’ai vu plus loin, c’est en me tenant sur les épaules des géants. »

Depuis, la reconnaissance de cet héritage intellectuel collectif est devenue standard dans la recherche scientifique. En science et ingénierie, aujourd’hui, 90 % des publications sont d’ailleurs écrites par des équipes.

Ces trois dernières décennies, l’avènement d’internet puis des réseaux sociaux a participé à l’effacement des limitations traditionnelles de l’intelligence collective, des sociétés « des savants » exclusives aux revues à accès payant, en passant par l’opacité du système de revue par les pairs.

La recherche académique vit une facilitation technologique et une ouverture sans précédent permettant à une grande diversité d’acteurs d’interagir de manière immédiate et distribuée. On observe une croissance sans précédent des revues en accès ouvert et de sites d’archivage d’articles.

Hors du système académique, des communautés non institutionnelles voient le jour : hackers, bio-hackers ou encore makers s’auto-organisent en ligne et participent à l’effort collectif de production de connaissance. C’est ce terreau fertile qui permet une réaction sans précédent à la crise de Covid-19.

Le Covid-19 réveille l’intelligence collective

Au départ de l’épidémie, on a pu voir la recherche « traditionnelle » s’accélérer et ouvrir considérablement ses moyens de production. Des journaux prestigieux, comme Science, Nature, ou encore The Lancet, qui font d’habitude payer pour l’accès à leurs articles, ont ouvert l’accès aux publications sur le coronavirus et le Covid-19.

Des données sur la progression de l’épidémie sont mises à jour quotidiennement – celles de l’Université John Hopkins par exemple sont le fruit d’un travail ouvert et collaboratif et ont déjà été réutilisées près de 9 000 fois sur la plate-forme de collaboration Github par des projets tiers.

Des résultats sont publiés immédiatement sur des serveurs de pré-publication en accès ouvert ou sur les sites des laboratoires mêmes. Algorithmes et visualisations interactives sont en ligne sur GitHub ; vidéos éducatives et de vulgarisation sur YouTube.

Les chiffres donnent le vertige, avec à ce jour plus de 45,000 articles académiques académiques publiés sur le sujet.

Plus récemment, des initiatives populaires réunissant des acteurs variés ont émergé hors des cadres institutionnels, utilisant des plates-formes en ligne. Par exemple, une communauté de biologistes, d’ingénieurs et de développeurs a émergé sur la plate-forme de collaboration Just One Giant Lab (JOGL) afin de développer des outils à bas coût et open-source contre le virus. Cette plate-forme, que nous avons conçue avec Léo Blondel (Harvard) et Thomas Landrain (La Paillasse, PILI) au cours de ces trois dernières années, a pour vocation d’être un institut de recherche virtuel, ouvert et distribué autour de la planète.

La plate-forme permet à des communautés de s’auto-organiser pour apporter des solutions innovantes à des problématiques urgentes et requérant des compétences fondamentalement interdisciplinaires ainsi que des connaissances « de terrain ». Elle agit comme clé de voûte afin de faciliter la coordination par la mise en relation entre besoins et ressources au sein de la communauté, l’animation autour de programmes de recherche, et l’organisation de challenges.

En particulier, l’utilisation d’algorithmes de recommandation permet de filtrer l’information pour que les contributeurs puissent suivre l’activité et les besoins de la communauté les plus pertinents, fluidifiant la collaboration et facilitant la mise en place d’une intelligence collective.

Lorsque le premier projet lié au Covid-19, un test de diagnostic open source et à bas coût, y est né il y a quatre semaines, on a pu assister à une véritable ruée sur la plate-forme. Le nombre de contributions par minute n’a cessé d’augmenter  : des centaines d’interactions, création de projets, échanges… Si bien que le serveur hébergeant la plate-forme ne tenait plus ! En seulement un mois, ce furent plus de 60 000 visiteurs venant de 183 pays, dont 3000 contributeurs actifs générant plus de 90 projets, allant de designs de masques de protection à des prototypes de ventilateurs à bas coût.

Cette communauté massive s’est rapidement organisée en sous-groupes de travail, mêlant des compétences et des univers variés : data scientists de grandes entreprises, chercheurs en anthropologie, ingénieurs et biologistes se côtoient ainsi dans cet univers virtuel.

La personne la plus active, coordinatrice émergente de la communauté s’avère même être… une lycéenne de 17 ans de Seattle ! Cette initiative est aujourd’hui un programme de recherche à part entière, OpenCOVID19, avec 100 000 euros de financements de Axa Research Fund à redistribuer aux projets émergents selon un système de revue par la communauté, en partenariat avec l’AP-HP pour faciliter l’évaluation et la validation des designs destinés à un usage hospitalier, et plusieurs axes majeurs : diagnostique, prévention, traitement, ou encore analyse de données et modélisation.

Carte des compétences partagées par les participants à la plate-forme JOGL sur les projets Covid-19, et leurs interactions. Marc Santolini, JOGL, CRI, Author provided

L’auto-organisation de communautés a été l’apanage du monde open-source et l’origine de projets massifs tel que Linux. Elle devient aujourd’hui apparente dans la résolution de problèmes globaux et multi-disciplinaires, mettant la diversité des compétences au service de la complexité.

L’intelligence collective, c’est quoi ?

Si nous pouvons mesurer une intelligence individuelle via la performance à diverses tâches et ainsi dériver un « quotient intellectuel » individuel (le fameux QI), alors pourquoi ne pas mesurer l’intelligence d’un groupe d’individus par leur performance à des tâches collectives ?

Des chercheurs ont démontré en 2010 l’existence d’un « facteur c » d’intelligence collective prédictif de la performance de groupe aux diverses tâches.

Pour qu’un groupe maximise son intelligence collective, nul besoin d’y regrouper des gens avec un fort QI. Ce qui compte, c’est la sensibilité sociale des membres, c’est-à-dire leur capacité à interagir efficacement, leur capacité à prendre la parole de manière équitable lors des discussions, ou encore la diversité des membres, notamment la proportion de femmes au sein du groupe.

Autrement dit, un groupe intelligent n’est pas un groupe formé d’individus intelligents, mais d’individus variés qui interagissent convenablement. Et les auteurs de conclure : « il semblerait plus facile d’augmenter l’intelligence d’un groupe que celle d’un individu. Pourrait-on augmenter l’intelligence collective, par exemple, grâce à de meilleurs outils de collaboration en ligne ? »

C’était l’esprit à l’instauration de la plate-forme JOGL : on peut mesurer en temps réel l’évolution de la communauté et l’avancée des projets, ce qui permet de mettre en place une meilleure coordination des différents programmes, dont bien sûr les programmes Covid-19.

Les données offrent aussi un étalon quantitatif de « bonnes pratiques » facilitant l’intelligence collective, permettant l’avancée de recherches fondamentales sur les collaborations que nous menons au sein de mon équipe de recherche au Centre de Recherches Interdisciplinaires de Paris. En effet, en mettant en action les outils de la science des réseaux, nous étudions comment ces dynamiques collaboratives sous-tendent l’avancée des connaissances.

Réveil éphémère ou bouleversement à long terme ?

Comment faire en sorte que ces révolutions se pérennisent ? S’il est un enseignement que nous apprennent les « hackathons », ces événements mettant en œuvre les principes de l’intelligence collective pour générer des projets sur un ou deux jours, c’est qu’il est difficile de stabiliser l’activité de ces projets dans le temps, après l’effervescence de l’événement.

Même s’il est tôt pour tirer des conclusions à ce sujet dans le cas d’OpenCOVID19, plusieurs pistes existent pour penser le futur de telles collaborations massives.

Un point commun des communautés qui deviennent rapidement immenses est qu’on y est rapidement perdus ! Qui contacter pour résoudre tel problème ou répondre à telle question ? La solution : une « architecture de l’attention » permettant de guider les individus là où leur talent serait le plus apte à la progression du projet. Autrement dit, c’est dans les systèmes de recommandation, ces mêmes algorithmes qui ont fait le succès des réseaux sociaux tels que Twitter, Instagram ou Facebook, que réside le graal de ces communautés.

Une telle approche, basée sur les fondamentaux de la science des équipes et la science des réseaux, permet d’utiliser les traces digitales laissées par la communauté (interactions, discussions, projets réalisés, compétences déclarées) pour présenter dans un flux d’activité quelle serait la meilleure personne à contacter, le projet le plus pertinent à aider, ou encore la tâche la plus logique à produire par la suite.

Au cœur de l’architecture de JOGL, de tels algorithmes permettent ainsi de favoriser ces rencontres hasardeuses qui s’avèrent être de manière inattendue bénéfiques à un projet.

Le développement de tels algorithmes de recommandation au profit de collaborations massives nécessite l’apport de disciplines variés, allant de l’informatique aux sciences sociales, en passant par les mathématiques ou l’éthique. Finalement, le futur de l’intelligence collective se retourne sur lui-même : car c’est bien l’intelligence collective qui devra se mettre au service de son propre devenir.

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