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Mirmande PatrimoineS Blogue

Archives Journalières: 02/06/2020

Apprendre à raconter à l’école maternelle

02 mardi Juin 2020

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The Conversation

  1. Sylvie Cèbe

    Maîtresse de conférences en Sciences de l’Education, Université Clermont Auvergne

Université Clermont Auvergne

 

CC BY ND
Compréhension, mémorisation, expression sont autant de compétences que l’enfant travaille en racontant une histoire. Shutterstock

L’école maternelle ne se donne pas pour objectif d’apprendre aux jeunes enfants à raconter des histoires. Cela peut sembler étonnant quand on sait qu’il s’agit d’une habileté valorisée, scolairement déterminante et socialement très marquée. Certes, les parents de milieu favorisé ne l’enseignent pas non plus, mais les « lectures partagées » qu’ils offrent régulièrement à leurs enfants contiennent les bons ingrédients.

Une littérature scientifique foisonnante révèle, en effet, que ces activités familiales autour d’un album jeunesse favorisent le développement de compétences précoces sur le plan de la compréhension, de la syntaxe et du vocabulaire.

Elles s’avèrent d’autant plus efficaces que les adultes centrent l’attention de l’enfant sur le sens de l’histoire, le lien que les illustrations entretiennent avec le texte, et le vocabulaire, de l’explication des mots à la découverte de nouvelles expressions.

Conversation France

✔@FR_Conversation

Partager des histoires avec ses enfants pour les préparer à la lecture http://bit.ly/2tE2Tfd 

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4:38 AM – Feb 27, 2019
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En lisant une histoire avec leur enfant, les parents vont discuter avec lui des actions, des intentions et des émotions des personnages. Ils vont l’aider à s’interroger sur l’implicite du texte, en l’incitant à remplir les blancs laissés par l’auteur. Enfin, ils vont l’inciter à résumer ou à revenir sur des informations importantes. De quoi l’aider à s’approprier le récit et à mesurer les nuances comme l’ironie d’un texte.

À ce propos, il faut noter que le rapport au livre peut beaucoup varier selon les familles et le contexte social. Des études ont par exemple montré que, dans les familles de milieux populaires, le discours sur l’album est plus descriptif, la majorité des échanges portant sur la description des illustrations, des personnages et de leurs actions.

Selon la présence du livre dans leur quotidien, selon les pratiques instaurées par les familles, on comprend mieux pourquoi certains enfants ont déjà pris, avant leur entrée à l’école maternelle, une avance considérable sur le versant du développement du langage oral et écrit, tant en compréhension qu’en production.

Travail sur des albums de jeunesse

C’est pour donner à tous les jeunes enfants les mêmes possibilités de réussite, dès la maternelle, que nous avons conçu un nouveau manuel appelé, Narramus. Ce manuel s’adresse aux enseignant·es et a été conçu avec des enseignant·es.

Comprenant plusieurs opus, adaptés à l’âge et au niveau de développement langagier des enfants, la collection s’appuie sur des albums de littérature de jeunesse, qui circulent dans les écoles et les bibliothèques, comme Un peu perdu, pour les petits, La chasse au caribou, pour les moyennes sections, Les deniers de Compère lapin, pour les grands.

L’objectif est que tous les enfants soient, à la fin, capables de raconter seuls, à leurs camarades puis à leurs familles, les histoires étudiées en classe. En entier ? Dès la petite section ? Oui. Tout·es seul·es ? Oui, mais forts des connaissances qu’ils ont acquises grâce aux multiples activités cognitives, motrices et affectives des huit modules qui constituent nos scénarios didactiques – à dérouler sur un mois d’enseignement environ.

C’est pour mieux raconter que, dans chaque module, les enfants devront, mémoriser le vocabulaire, acquérir de nouvelles tournures syntaxiques, retenir les idées principales, comprendre l’implicite du récit, s’interroger sur les actions, les intentions et les pensées des personnages.

Café pédagogique@cafepedagogique

Maternelle : Apprendre la compréhension avec Narramus http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2018/01/15012018Article636515964888533678.aspx …

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8:12 AM – Jan 15, 2018
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Tous les apprentissages s’organisent autour de ce projet, dans une approche « intégrative ».

Des cibles classiques

Pour soutenir l’enseignement des compétences permettant de comprendre les textes narratifs à l’école maternelle, la littérature scientifique récente propose en effet aux enseignants et aux chercheurs en éducation tout un ensemble de recommandations spécifiques, basées sur des preuves (« evidence based practices »).

Ces dernières font aujourd’hui l’objet d’un consensus international montrant que la compréhension d’un texte est le résultat d’une interaction entre plusieurs catégories d’habiletés :

  • la capacité à comprendre une série d’événements (compétences langagières narratives en réception)
  • la capacité à relater clairement les évènements (compétences langagières narratives en production)
  • la capacité à comprendre, mémoriser et utiliser les mots et les structures grammaticales du langage écrit (connaissances lexicales et syntaxiques)
  • la capacité à aller au-delà de ce que le texte dit explicitement (compétences langagières inférentielles)

Ce sont donc ces compétences qui constituent les quatre cibles de l’enseignement avec Narramus.

Rappel de l’histoire

Notre manuel enrichit les pratiques habituelles observées dans les classes en accordant un rôle central au rappel de l’histoire : c’est cette narration qui, pour les jeunes enfants, finalise la tâche d’écoute du texte lu par l’enseignant·e et lui donne un but « intégrateur ».

Cela les oblige, en effet, à « prendre ensemble » et à retenir toutes les idées du texte, à planifier leur discours, à soigner leur mise en mots (lexique et syntaxe). Cela leur permet aussi de centrer leur attention sur le lien qui unit compréhension et mémorisation et sur l’effort qu’il convient de faire pour ne pas oublier de relater des informations essentielles.


À lire aussi : Comment la lecture enrichit l’éducation des enfants


Narramus innove aussi pour faire acquérir une des compétences attendues par l’école en fin de grande section : « comprendre un texte sans autre aide que le langage entendu ». Nous proposons, en effet, de ne jamais mettre sous les yeux des élèves le texte de l’épisode étudié et l’image.

Être privé·es de l’image, au moins pour un temps, contraint les enfants à traiter l’écrit entendu et nous les invitons systématiquement à essayer d’imaginer l’illustration qu’ils et elles verront juste après. Il faut voir leur fierté quand leur prévision est exacte et leur déception, voire leur colère, quand l’illustrateur ou l’illustratrice a choisi de ne pas tout à fait coller au texte.

Le numérique, parce qu’il offre de nombreux atouts pédagogiques, tient une place centrale dans Narramus : on peut ainsi présenter l’image dans un format qui permet à toute la classe de l’observer attentivement, afficher toutes les illustrations d’un épisode sur une même diapositive ou faire extraire sa structure, masquer des informations ou en ajouter, faire écouter l’histoire lue ou racontée, multiplier les activités pour faire étudier, mémoriser et réviser le vocabulaire…

Des activités originales

Interrogées sur les changements professionnels observés après avoir introduit Narramus dans leurs pratiques, les enseignant·es rapportent avoir introduit des activités et des tâches qu’ils proposaient rarement auparavant, ou qui ne faisaient pas partie de leur répertoire.

Ils et elles disent avoir alloué un temps beaucoup plus conséquent au travail de chaque album, intégré toutes les tâches visant à expliciter les implicites contenus dans les textes (comme les états mentaux des personnages) et multiplié les modalités d’apprentissage (lecture et narration du texte, illustrations, CD audio, dessin animé, théâtre, narration avec maquette).

Ils disent aussi avoir accordé une attention permanente à l’enseignement du lexique et porté un tout autre regard sur les compétences des élèves de milieux populaires (grâce à l’évaluation individuelle de leurs progrès) et sur les relations école-familles.

Interview sur les objectifs de Narramus (HEP Vaud).

Pour savoir si les pratiques d’enseignement proposées étaient efficaces, nous avons mené une étude pendant 3 ans auprès de 6 000 élèves, 250 professeur·es des écoles (exerçant en Réseau d’Éducation prioritaire) et 11 académies (Aix-Marseille, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Corse, Grenoble, Guadeloupe, Lille, Lyon, Mayotte, Strasbourg, Versailles).

Nous avons constitué deux groupes : les enseignant·es du premier ont utilisé Narramus, ceux du second ont exercé comme ils·elles avaient l’habitude de le faire mais connaissaient la nature des évaluations que nous proposions à leurs élèves.

Les comparaisons statistiques sont toutes à l’avantage des élèves qui ont bénéficié de Narramus : ils comprennent mieux la langue écrite, apprennent plus de vocabulaire et développent de meilleures compétences narratives que leurs camarades de même milieu social.

Ce que la mort de George Floyd et ses conséquences disent de l’Amérique

02 mardi Juin 2020

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The Conversation

  1. Jérôme Viala-Gaudefroy

    Assistant lecturer, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

 

Partenaires

Université Paris Nanterre

 

CC BY ND
Pendant une manifestation à Denver, Colorado, le 31 mai 2020. Jason Connolly/AFP
 

La vidéo de la mort de George Floyd à Minneapolis a choqué le monde entier.

Aux États-Unis, elle a suscité une profonde indignation et des manifestations de protestation véhémentes.

Pourtant, loin de générer l’unité nationale, cet événement met surtout en exergue les profondes divisions raciales qui continuent de fracturer le pays. Poids du passé esclavagiste et ségrégationniste, impunité policière, discours agressifs du président Trump et de ses soutiens, politisation maximale de chaque événement violent… La combinaison de tous ces aspects crée un cocktail détonant dont l’Amérique constate aujourd’hui les effets.

Un racisme endémique

D’aucuns pourraient être surpris : les lois ségrégationnistes Jim Crow n’existent plus, et un Noir a exercé les plus hautes fonctions de 2008 à 2016. Pourtant, le racisme demeure endémique et systémique aux États-Unis.

Derek Chauvin, le policier qui a tué George Floyd, avait fait l’objet de 17 plaintes pour faute professionnelle : aucune n’avait donné lieu à la moindre sanction disciplinaire. Une vidéo prise sous un autre angle de l’arrestation de M. Floyd montre également la complicité active des autres officiers de police présents sur place. Malgré l’émoi suscité par ces vidéos, il aura fallu cinq jours de manifestations pour que Chauvin soit finalement inculpé, et lui seulement, à date.

Un manifestant tient une pancarte avec une photo de l’ancien policier de Minneapolis Derek Chauvin lors des manifestations qui ont suivi la mort de George Floyd, le 30 mai 2020, à Los Angeles. Mario Tama/AFP

Le département de police de Minneapolis est également visé depuis longtemps par de nombreuses plaintes pour usage excessif de la force, en particulier de la part de résidents noirs, sans conséquence jusqu’ici. Un problème récurrent dans le pays, comme le montrent certaines statistiques. Pourtant, de nombreux hommes politiques, majoritairement blancs, continuent de nier l’existence d’un racisme systémique au sein des forces de police du pays. Par exemple, Robert O’Brien, le conseiller à la Sécurité nationale de Donald Trump, parlait dimanche de « quelques cas isolés ».

La mort de Floyd rappelle tragiquement que ces « incidents isolés » s’inscrivent en réalité dans une longue série d’hommes et de femmes noirs non armés tués par des policiers blancs dans tout le pays). À tel point que chaque famille afro-américaine a, depuis longtemps, intégré le fait qu’elle doit avoir une conversation avec ses enfants (« the talk »), pour les préparer aux interactions avec la police – une conversation rendue plus nécessaire encore depuis la mort de George Floyd.

Le paradoxe du Minnesota

Une arrestation qui tourne mal peut arriver n’importe où. Le Minnesota n’est pas un État conservateur du Sud profond. Il se trouve dans le Midwest et est connu pour sa tradition sociale-démocrate et progressiste, particulièrement dans l’agglomération prospère des villes jumelles (« Twin Cities ») de Saint-Paul et Minneapolis, devenues des modèles de réussite économique. Certains parlent même du « miracle de Minneapolis ». Le Minnesota cultive une image de courtoisie (le fameux « Minnesota nice ») et a été classé deuxième dans une liste des États où il fait le mieux vivre aux États-Unis en 2019.

Mais derrière la courtoisie affichée, se cache une tout autre réalité : l’agglomération des Twin Cities est aussi classée quatrième pire endroit pour les Noirs américains, dont les revenus y sont plus faibles que dans les années 1970, alors que la situation économique des blancs s’y est améliorée depuis la crise de 2008. De plus, Minneapolis affiche le plus faible taux d’accession à la propriété des Afro-Américains de tout le pays. Ce faible taux de propriétaires noirs est, en partie, le fruit d’une discrimination officielle au logement (au travers de « conventions raciales » surnommées les Jim Crow du Nord) qui a perduré jusqu’en 1953, l’accession à la propriété étant un facteur important d’accumulation de richesse au fil des générations. L’arrivée de nombreux réfugiés somaliens dans les années 1980 et 1990 n’a fait qu’accentuer cette situation, faisant même naître un sentiment anti-immigrés chez certains blancs.

Les plus progressistes, qui se montrent ouverts à la culture afro-américaine, ne sont pourtant guère conscients de cette réalité. Cela fait partie de ce que certains experts ont appelé le paradoxe du Minnesota, parfaitement illustré par la phrase de l’ancien basketteur professionnel Jalen Rose : « J’aimerais que les gens aiment les Noirs autant qu’ils aiment la culture noire.“

Un gouvernement qui encourage les violences policières

À cette situation locale tendue s’ajoute, depuis trois ans, un gouvernement fédéral qui donne carte blanche aux forces de l’ordre, en assumant par exemple une inaction avérée dans les poursuites ou enquêtes en matière de droits civils liées aux accusations de mauvaise conduite de la police (lire les enquêtes de Vox et du New York Times).

Et puis, il y a la rhétorique de Donald Trump. Le président a ouvertement encouragé la violence policière, y compris dans un discours devant une organisation de forces de l’ordre, où il conseille aux policiers de ne pas protéger la tête des suspects quand ils les font rentrer dans leur voiture. Il a également gracié un shérif, Joe Arpaio, reconnu coupable de nombreuses fautes professionnelles, y compris des négligences criminelles et des violations des droits de suspects se trouvant en garde à vue.

Enfin, la semaine dernière, tout en défendant la mémoire de George Floyd, il annonce, dans un tweet, qu’il veut envoyer les militaires dans le Minnesota, suggérant de « tirer » pour stopper les émeutes.

Donald J. Trump

✔@realDonaldTrump

 · May 29, 2020

I can’t stand back & watch this happen to a great American City, Minneapolis. A total lack of leadership. Either the very weak Radical Left Mayor, Jacob Frey, get his act together and bring the City under control, or I will send in the National Guard & get the job done right…..

Donald J. Trump

✔@realDonaldTrump

….These THUGS are dishonoring the memory of George Floyd, and I won’t let that happen. Just spoke to Governor Tim Walz and told him that the Military is with him all the way. Any difficulty and we will assume control but, when the looting starts, the shooting starts. Thank you!

83.5K

6:53 AM – May 29, 2020
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« Cette RACAILLE déshonore la mémoire de George Floyd, et je ne laisserai pas faire cela. [Je] viens juste de parler au gouverneur Tim Walz et lui ai dit que l’armée est à ses côtés tout du long. Au moindre problème, quand les pillages démarrent, les tirs commencent. Merci ! »

Cette apologie de la violence, où Trump insinue que le vol devrait être puni de mort, sera d’ailleurs délibérément masquée par Twitter.

Or, comme cela a été abondamment commenté, le président reprend ici une expression historique à connotation raciste qui a contribué aux violences en 1968. Il a d’ailleurs tenté bien maladroitement de faire marche arrière, toujours sur Twitter, quelques heures plus tard. De même, son allusion dans un autre tweet aux « chiens vicieux » qui seraient lâchés sur les manifestants si ceux-ci franchissaient les barrières érigées devant la Maison Blanche évoque bien évidemment les tactiques utilisées contre les manifestants pour les droits civiques dans les années 1960.

Un président raciste ?

Les accusations de racisme à l’encontre de Donald Trump ne datent pas d’hier, y compris sur le plan légal. L’une des affaires qui permet le mieux de comprendre ce qu’il y a derrière sa rhétorique actuelle est sa prise de position contre cinq jeunes hommes noirs accusés d’avoir battu et violé une femme blanche qui faisait son jogging dans Central Park en 1989. Trump avait alors dépensé environ 85 000 dollars pour placer une annonce pleine page dans quatre journaux demandant l’exécution des accusés :

« Je veux haïr ces meurtriers et je le ferai toujours. On devrait les forcer à souffrir. […] Je ne cherche pas à les psychanalyser ou à les comprendre, je cherche à les punir… Je ne veux plus comprendre leur colère. Je veux qu’ils comprennent notre colère. Je veux qu’ils aient peur. »

Or en 2002, les « Cinq de Central Park » ont été disculpés par des preuves ADN et par les aveux du véritable auteur. Pourtant, non seulement Trump n’a pas reconnu l’erreur judiciaire, mais il a continué à suggérer qu’ils devraient bien être coupables de quelque chose en 2013, en 2014 et même, depuis qu’il est président, en 2019.

Un récit inversé

L’une des tactiques des plus répandues du discours raciste consiste à renverser le récit et blâmer la victime qui ose se rebeller. Ainsi, en 2017, Donald Trump accuse la star du football Colin Kaepernick d’« anti-patriotisme » pour s’être agenouillé pendant l’hymne national d’avant-match pour protester contre les violences policières envers les Noirs. Il appelle les propriétaires de la NFL, dans un langage d’une violence incroyable, à « faire sortir ce fils de pute du terrain immédiatement. Dehors. Il est viré. Il est viré ».

De même, en 2015, Sean Hannity, célèbre animateur sur Fox News et proche de Donald Trump accuse le mouvement « Black Lives Matter » d’être « raciste » et équivalent au Ku Klux Klan.

Et cette semaine, Tucker Carlson, lui aussi animateur sur Fox News et soutien affirmé de Donald Trump, a émis des doutes sur les causes de la mort de George Floyd. Il a également montré des pancartes dans les vitrines de certains magasins à Saint-Paul qui disaient « entreprise appartenant à des Noirs », présentant ces inscriptions comme des preuves du racisme des manifestants (puisque les propriétaires noirs estimaient que leurs locaux ne seraient pas pris pour cibles dès lors que la foule serait informée qu’ils n’appartiennent pas à des blancs).

Il s’en est ensuite pris à un universitaire noir de Princeton (remarquant au passage qu’il avait un « travail avec un salaire si élevé et si peu d’exigences réelles » qu’il pouvait « s’habiller comme un Lord britannique »), qu’il a accusé de justifier la violence puisqu’il avait rappelé le contexte dans laquelle celle-ci s’inscrivait.

Pourtant, on peut à la fois condamner la violence et comprendre, comme le disait Martin Luther King lors des émeutes de la fin des années 1960, que « les étés d’émeutes de notre nation sont causés par les hivers de retard de notre nation. »

Particulièrement depuis la présidence Obama, le renversement du récit consiste, pour une certaine droite américaine, à se présenter comme la première victime d’un système médiatico-judiciaire injuste, en reprenant parfois le langage des minorités noires. Pour Laura Ingraham, également sur Fox News, c’est d’ailleurs parce que Donald Trump a été lui-même victime d’injustices qu’il comprend la situation des Afro-Américains :

« Et à nos concitoyens afro-américains, je dis ceci : étant donné sa propre expérience avec un FBI hors de contrôle, d’une enquête injuste, compte tenu de tout le travail de réforme de la justice pénale, le président Trump sait à quel point l’application de la loi peut être empoisonnée et hors de contrôle. »

La politisation de la violence

Pour une grande partie de la droite américaine, les violences sont simplement la faute de « démocrates progressistes » qui, selon l’avocat de Trump et ancien maire de New York Rudolph Guiliani sont des « idiots qui laissent les criminels sortir de prison, qui fixent des cautions pour les meurtriers [et sont] incapables d’assurer la sécurité ». Il faut dire que les maires des grandes villes sont généralement démocrates et parfois même issus des minorités. Pour les démocrates, en revanche, les violences sont dues à des éléments extérieurs comme des gangs de suprémacistes blancs, qui profitent de l’anarchie pour créer davantage de chaos (voir MSNBC News, DB, Vice). Quant à Donald Trump, il les attribue aux « antifas », militants d’extrême gauche, qu’il désigne comme terroristes, ou bien entendu les médias qui, selon lui, fomentent la haine et l’anarchie.

Bref, en cette année électorale, tout le monde voit donc derrière les manifestations ce qui l’arrange, sans apporter de preuve, afin de faire d’une situation complexe un récit simple et binaire à son avantage. Il est, à ce stade, difficile de prévoir qui va bénéficier électoralement de cette situation. Une analyse de l’impact des protestations violentes de 1968 montre que celles-ci ont sans doute provoqué un déplacement du vote des blancs vers les républicains et ont fait basculer l’élection. Toutefois, c’est un républicain qui est à la tête de l’État, pas un démocrate ; et c’est généralement le président qui est tenu responsable des grandes crises nationales. Reste à voir si le récit victimaire et accusatoire de Donald Trump et de ses alliés, concernant les tensions raciales, les émeutes ou le coronavirus convaincra l’ensemble de l’électorat blanc qui l’a soutenu en 2016…

Ce que le Covid-19 révèle des cultures de consommation de vin dans le monde

02 mardi Juin 2020

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The Conversation

 

Ce que le Covid-19 révèle des cultures de consommation de vin dans le monde

 

  1. Steve Charters

    Professor of Wine Marketing, Burgundy School of Business

Burgundy School of Business

 

CC BY ND
Vue tantôt comme essentielle, tantôt comme dangereuse, la consommation de vin a évolué différemment selon les pays. Antoine2K/Shutterstock
 

La presse a beaucoup insisté sur l’idée que pendant la crise du Covid-19, le monde buvait plus qu’avant. Ainsi a-t-on lu dans le Sydney Morning Herald que les ventes en ligne en Australie d’un détaillant avaient augmenté de 50 à 75 %.

Aux États-Unis, les chiffres du site de sondage Nielsen concernant les ventes de vin ont montré des augmentations spectaculaires au cours des deux semaines suivant le début du confinement dans des États clés, puis une chute, suivie de deux autres semaines d’augmentation (bien que moins intense) – soit une hausse des ventes de vin aux États-Unis de 29,4 % depuis le « début » du Covid-19.

Au Royaume-Uni, le mois de mars aurait été le meilleur de tous les temps pour la grande distribution. L’un des principaux détaillants en ligne britanniques a vu le nombre de nouveaux clients augmenter de 300 % en mars/avril par rapport à l’année précédente.

Mais que se cache-t-il derrière ces gros titres ? Est-ce simplement la peur de pousser les gens à boire du vin, ou le besoin d’un soutien en temps de crise ? Et ce changement de comportement en matière de consommation d’alcool se constate-t-il dans le monde entier ?

Essentiel pour les uns, fléau pour les autres

La compréhension des différentes attitudes culturelles à l’égard du vin est le point de départ pour appréhender ce qui s’est joué, et la pandémie et les confinements qui se sont généralisés sur la période ont certainement révélé cela clairement.

Très peu de temps après le début du confinement en France, j’ai reçu le courriel d’un magasin de boissons haut de gamme à Dijon m’indiquant que le samedi suivant serait un « Happy Saturday », avec 20 % de réduction sur toutes les ventes de vin.

Les cavistes sont restés ouverts (alors même que les marchés ouverts de produits alimentaires étaient fermés), vendant ce que le gouvernement français considère comme des produits de première nécessité. Puissamment ancré dans la psyché nationale française, le vin est de toute évidence « de première nécessité ».

En Afrique du Sud, où l’abus d’alcool peut être considéré comme un fléau en soi, l’occasion a été saisie pour faire de l’ingénierie sociale autour de la consommation des drogues légales. Ainsi le pays a interdit toute vente d’alcool pendant le confinement (ainsi que les cigarettes et le tabac).

Actu Cameroun@actucameroun

Covid-19 – Renforcement des mesures strictes en Afrique du Sud: L’achat d’alcool et de tabac désormais interdit https://actucameroun.com/2020/04/13/covid-19-renforcement-des-mesures-strictes-en-afrique-du-sud-lachat-dalcool-et-de-tabac-desormais-interdit/ …

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9:20 PM – Apr 13, 2020
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Pour ceux possédant de grandes caves à vin, cela aura eu très peu d’impact évidemment : ils peuvent continuer à boire leur boisson préférée. Parce que c’est la population blanche qui a tendance à boire des vins chers, c’est aussi une autre façon (bien que mineure) d’amplifier la division raciale qui sévit depuis longtemps dans le pays.

En Australie-Occidentale également il a été considéré que la crise était suffisamment grave pour introduire des restrictions d’achats pour les gens, afin de « limiter l’excès de boisson » – mais les conséquences contrastent avec celles de l’Afrique du Sud.

À partir du 25 mars, le maximum que l’on pouvait acheter était de trois bouteilles de vin par jour, ce qui ne représente guère une consommation limitée pour un ménage – surtout quand on peut y ajouter un carton de bières ou un litre de spiritueux. Quelques semaines plus tard, le gouvernement de l’État s’est rendu compte qu’il était trop strict et a supprimé la limite d’une caisse de vin par jour !

Pendant ce temps, les États-Unis affichaient des réactions variées. Dans le cadre du système à trois niveaux État par État, notoirement restrictif, de nombreux États montraient des signes d’assouplissement de l’accès au vin.

Beaucoup autorisaient, certainement pour la première fois, les ventes par les détaillants au-delà des frontières de l’État. Mais deux d’entre eux – la Pennsylvanie et l’Alabama (historiquement bastions de la prohibition) ont fermé tous les magasins d’alcool appartenant à l’État pendant la crise.

Le vin, un allié en confinement

En réfléchissant à l’impact du Covid-19 sur la consommation de vin, il est utile de comprendre pourquoi les gens en boivent. La réponse simpliste est que l’alcool est une drogue et que le vin est donc un stimulant de l’humeur. Pourtant il existe une myriade de raisons de consommer, dont (entre autres) l’identité, la signification symbolique, l’exploration, la convivialité, le statut, la tradition et l’authenticité.

La tentative de certaines autorités publiques de dire aux consommateurs comment ils doivent boire est un exemple de la confusion qui peut s’ensuivre. Au début de la pandémie, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a averti que la consommation d’alcool était une « stratégie d’adaptation inutile » en période de confinement.

Le problème est que la « stratégie d’adaptation » d’une personne est la « récompense » d’une autre, ou le « marqueur rituel » qui devient un moment agréable et psychologiquement bénéfique. De plus, alors que l’OMS a suggéré qu’il était peu probable que cela soulage le stress, il semble bien que de nombreux buveurs ne soient pas d’accord avec eux. Dès lors, comment la consommation du vin a-t-elle évolué en ces temps de pandémie ?

Besoin de sécurité et préférence locale

À titre anecdotique, ce que de nombreux magasins de vin semblent vendre le plus, c’est leur gamme principale – de sorte que les consommateurs s’en tiennent effectivement aux marques qu’ils connaissent bien et avec lesquelles ils se sentent à l’aise.

Au Royaume-Uni, dans une grande chaîne de supermarchés, les ventes de ces vins sont en hausse de près d’un quart par rapport à la normale. Cela inclut des vins comme le Rioja, le malbec argentin et le pinot grigio. Les gagnants habituels, semble-t-il, gagnent encore plus.

Le 27 avril dernier, le journal The Adelaide Advertiser signalait que les consommateurs se tournaient « vers les marques les plus connues et les plus appréciées » du sud de l’Australie. Aux États-Unis, les ventes de vins en cabernet sauvignon (traditionnellement le cépage rouge le plus populaire et le cœur de ce qui est perçu comme « les grands vins ») sont en hausse. En ces temps d’incertitude, les gens ont recours à des vins qui leur donnent un sentiment de sécurité.

Vendanges au sein d’un vignoble de Kenwood en Californie, État réputé pour sa production de vin (2017). Justin Sullivan/AFP

Il y a un autre impact du Covid-19 sur les préférences en matière de vin. Ce fléau a fermé les frontières. Un petit virus a réussi à réaliser ce que ni le Brexit, ni Donald Trump, ni même Viktor Orban n’avaient tenté pour empêcher les étrangers d’entrer chez eux. Dans de nombreux esprits, les étrangers sont dangereux, la maladie les accompagne ; inversement, il est préférable de nous recentrer sur ce que nous offre notre propre pays.

La boisson locale, souvent perçue comme plus sûre et plus hygiénique, permet également de faire preuve de solidarité avec vos compatriotes. Il est intéressant de constater que certains producteurs de vin anglais prétendent se porter très bien.

Mark Harvey, directeur général de Chapel Down, une entreprise qui produit plusieurs centaines de milliers de bouteilles par an au cœur de le comté du Kent, affirme que « la vente au détail et en ligne est en plein essor », en particulier le bacchus, une variété de raisin inconnue en France qui fleurit de l’autre côté de la Manche et qui est aujourd’hui la quintessence du cépage britannique.

Que devient l’esprit de convivialité ?

Dans certaines régions, il se peut que seuls certains types de vin se vendent, et ce dans des endroits spécifiques. Un professionnel qui travaille dans l’industrie vinicole britannique m’a indiqué que leur vin pétillant de qualité supérieure (environ 30-40 euros la bouteille) ne se vendait pas tant que ça – parce qu’il s’agit d’une boisson de fête, et que ce n’est pas le moment de faire la fête.

Ce souci est peut-être moins présent en France – néanmoins les ventes de champagne ont chuté de façon spectaculaire, en partie peut-être parce qu’il s’agit d’un vin convivial, et que nous ne pouvons plus rencontrer nos amis dans les bars ou les restaurants – tandis que les mariages, les remises de diplômes et les fêtes d’anniversaire ont été reportés dans de nombreux pays.

Entre-temps, une enquête que j’ai menée auprès d’un groupe de professionnels du vin très impliqués dans le monde entier a donné des résultats probants.

La plupart d’entre eux boivent plus et la plupart (y compris ceux qui ne consomment pas plus) boivent du vin de meilleure qualité. Les femmes sont plus à l’origine de cette augmentation de la consommation que les hommes. Une nouvelle organisation domestique due au confinement et à la fermeture des écoles en est peut-être la cause.

Ceux qui buvaient moins avant cette période se montrent moins anxieux que ceux qui consomment autant ou plus qu’auparavant. La récompense et la célébration ainsi que le besoin d’éviter l’ennui ont également été mentionnés, tout comme le fait que la famille soit réunie.

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Dégustation de vin en confinement : une tentative de préservation des rites de convivialité https://bit.ly/2Sj0YJE 

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6:59 AM – Apr 30, 2020
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La combinaison nourriture et vin a souvent été citée, avec l’idée que l’accompagnement de la communauté et de la famille est devenu plus important (une distinction ici avec d’autres formes d’alcool).

En outre, de nombreux répondants ont souligné la nécessité de consommer du vin pour les rituels : le marqueur de la fin de journée à un moment où le confinement nous a fait perdre les routines et les rituels traditionnels de la journée de travail. On note cependant quelques divergences géographiques – par exemple, aucun répondant en Australie et en Nouvelle-Zélande (qui n’ont pas autant souffert que d’autres parties du monde) n’a déclaré boire moins de vin.

À bien des égards, les quelques semaines que nous venons de passer ont eu des effets communs sur les amateurs de vin à travers le monde.

Tandis que les professionnels de la santé (et certains gouvernements) ont utilisé le fléau pour renforcer les appels à l’abstinence, d’autres ont mis en exergue les bienfaits du vin en temps de crise – pas seulement concernant l’effet de l’alcool comme un réconfort mais aussi comme une récompense, ou comme un indicateur rituel dans des journées déstructurées. Les dimensions de sécurité et d’identité nationale en ont profité, alors que pour beaucoup (mais pas tout le monde), le côté festif du vin est moins évident.

Finalement c’est peut-être « le sexe du vin » qui connaît le changement le plus frappant. La période semble en effet souligner des évolutions d’attitude des hommes et des femmes à l’égard du vin : traditionnellement considérée comme une boisson « masculine » dans de nombreuses cultures, cet aspect est peut-être enfin en train de s’effriter.

Il n’en reste pas moins que la consommation d’alcool s’inscrit invariablement dans des contextes culturels diversifiés qui déterminent ce que les gens vont boire (ou non).

Cinq leçons sur la distance en littérature

02 mardi Juin 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

 

  1. Marc Porée

    Professeur de littérature anglaise, École normale supérieure – PSL

École Normale Supérieure (ENS)

 

CC BY ND
Jeune fille lisant sur le divan, Isaac Israëls, 1920. Wikipedia
 

Tant que durera la pandémie, il va falloir se résoudre à vivre à distance des uns des autres. Le nouveau modus vivendi qui est désormais le nôtre s’avère indissociable du maintien des gestes barrières et autres mesures de « distanciation », physique dont, pour l’essentiel, nous ignorions tout il y a encore quelques (longues) semaines. Raison de plus pour revenir sur une forme de distanciation qu’on appellera « littéraire », bien connue, elle, des spécialistes. Théorisée par Brecht ou Chklovski, mise en œuvre chez Kafka ou Proust, la distance est sans doute inhérente à l’acte d’écrire lui-même. À condition d’ajouter, sans craindre le paradoxe, qu’elle constitue aussi le meilleur antidote qui soit face aux périls de la distanciation sociale.

Oublions les librairies qui n’ont, hélas, pas eu le droit d’ouvrir pendant le confinement. Tâchons de ne pas (trop) penser aux ravages causés par la crise dans le milieu de l’édition, laquelle va frapper beaucoup d’écrivains au portefeuille. Retenons que les livres nous tiennent compagnie. Il est vrai que plus on fréquente la littérature, plus on est frappé par l’étendue du savoir qui est le sien. Savoir sur la maladie, la mort, le deuil, la vie aussi, ce qui n’est pas pour nous surprendre. Plus étonnante, son expertise en matière de distance et de distanciation. Ce savoir s’exprime dans des bouts de citation, à la faveur de cette « culture phrasée » chère à Jean‑Claude Milner. Il s’incarne, surtout, dans la chair d’écrits, d’anticipation pour l’un, de remémoration pour l’autre. Soit, au total, cinq leçons sur la distance.

Les lois de la proxémie

En 1966, l’anthropologue canadien E.T. Hall jetait les bases d’une nouvelle discipline scientifique, la « proxémie », comprenons l’usage qui est fait de l’espace et des distances sociales. La façon que nous avons d’occuper l’espace en présence d’autrui est constitutive de notre identité, posait-il au seuil de The Hidden Dimension. La « dimension cachée » du titre est celle de l’espace vital nécessaire à l’équilibre de tout être vivant, animal ou humain. Chez l’homme, cette dimension devient intégralement culturelle, car corrélée à une civilisation, une nationalité.

Ce que les Français ou les Italiens perçoivent comme « proche » ou « lointain » diffère, parfois sensiblement, de la perception que s’en font les Britanniques ou les Nord-Américains. Chez les Anglo-Saxons, l’inconfort se fait palpable en cas de contact rapproché avec son interlocuteur, alors que les Latins semblent moins regardants quant au strict respect des frontières de leur intimité – la distance de sécurité sanitaire est fixée à 6 pieds (soit 1, 80 m) aux États-Unis et au Royaume-Uni, alors qu’elle est de 1, 50 mètre en Allemagne et en Belgique et de 1 mètre en France…

Ce qui vaut pour les relations interpersonnelles, avec les modalités de la conversation, se retrouve au niveau de l’habitat, des déplacements, etc. En gros, Hall distingue sur une base physique allant de quelques centimètres à une dizaine de mètres, quatre types de distance, de l’intime à la publique, chaque catégorie s’évaluant selon deux modalités (proche et éloignée). Lettré, il convoque W.H. Auden ou encore Thoreau ou Kafka à l’appui de ses analyses (grossièrement) comparatives. Hall ne cite pas Isaac Asimov, dont le roman The Naked Sun (Face aux feux du soleil, dans la traduction française), paru en 1956, donne pourtant froid dans le dos tant il semble avoir intégré par avance toutes les règles de distanciation physique et sociale actuelles. L’espace de deux, trois mois, la dystopie fictionnelle sera devenue notre existence de tous les jours.

Un monde de distanciation physique

Dans un espace-temps qui est celui de la science-fiction, et des cycles robotiques, Asimov imagine une planète colonisée, Solaria, dont les habitants, éduqués dès la naissance dans la phobie du moindre contact, officiellement par crainte des infections microbiennes, vivent à l’isolement et se déchargent sur des robots du soin d’entretenir leurs vastes domaines. Les rapports sexuels, qui restent nécessaires pour procréer, relèvent de la corvée. En revanche, la seule communication admise, de type holographique, se fait sans pudeur et l’exposition de la nudité y est monnaie courante.

Le roman d’Asimov, même sorti du contexte de la guerre froide, continue de nous parler. En particulier, il alerte sur les possibles dévoiements, aux relents de discrimination, des mesures destinées à lutter contre la crise sanitaire actuelle.

Quand on sait que certaines catégories sociales sont plus impactées que d’autres par le Covid-19, qui sait si on ne cherchera pas, tôt ou tard, à les mettre au ban afin de s’en protéger coûte que coûte ? Il est à craindre que les messages martelés sur les gestes barrières à mettre en place, l’injonction, partout répétée, à garder « ses » distances, finissent par laisser des traces, renforçant l’ère du soupçon dans laquelle nous sommes entrés.

Ces manœuvres d’évitement qu’on se surprend soi-même à mettre en pratique et qu’on redoute de voir perdurer sur le long terme, il est impossible que la littérature ne s’en inquiète pas. Inconcevable, par rapport à ce qui fait son ADN, qu’elle ne se mêle pas de résister à la pression, collective, du « Vivons à distance les uns des autres ». Elle le fera sous la forme d’un récit, d’une fable qui portera, avant toute chose, sur l’irrépressible besoin de contacts que le confinement a mis au jour chez les animaux sociaux que nous sommes. Sans négliger la critique en bonne et due forme – littéraire, s’entend – de tout ce qui est susceptible de s’avancer masqué, à l’abri de mesures opportunément dites « barrières ». Rien de tel que la distance de la littérature pour battre en brèche une distanciation de mauvais aloi.

L’amour de loin

Continuons avec ces phrases célèbres que colportent les histoires de la littérature. « S’enfermer dans sa tour d’ivoire » en est une. Mais sait-on seulement que Sainte-Beuve, critique et poète à ses heures, en est l’auteur ? À l’instant d’évoquer le caractère batailleur et public de Victor Hugo, il l’opposait à l’un de ses contemporains, Alfred de Vigny : « Et Vigny, plus secret,/Comme en sa tour d’ivoire, avant midi, rentrait. » (1837) Il faudrait développer, mais la place manque, tant l’idée d’une littérature hautaine et désengagée, ayant définitivement pris ses distances d’avec les vicissitudes du monde, demande à être combattue.

Toute autre est la formulation attribuée au troubadour aquitain Jaufré Rudel, au XIIe siècle, relative à « L’amour de loin » (amor de lonh). Prince de Blaye, Rudel tombe amoureux de la princesse de Tripoli dont il avait entendu parler. Il s’engage alors dans la deuxième Croisade, tombe malade et meurt dans les bras de la princesse qu’il n’avait jamais vue, non sans lui avoir dédié une bonne part de son œuvre poétique.

À son insu, Rudel aura engagé la poésie, et le lyrisme amoureux à sa suite, sur le chemin d’une apologie de la distance, associée à la divinisation de l’objet aimé, placé sur un piédestal. Un chemin escarpé qui connaîtra une série de points culminants : l’amour courtois entre la Dame et son troubadour ; le romantisme du XIXe siècle ; mais aussi la poésie de Breton et d’Aragon.

Un reste de ce tropisme subsiste dans ce que Vincent Kaufmann nomme pour sa part « l’équivoque épistolaire » à l’œuvre dans la correspondance, notamment amoureuse, de Flaubert ou de Kafka. Semblant réclamer à corps et à cris la présence de l’être aimé, leurs lettres se nourrissent, en fait, de son éloignement, jusqu’à craindre que son retour, en faisant cesser le prétexte de la lettre, ne suspende le sentiment amoureux lui-même. À croire que l’écrivain, monstrueux ou inhumain en cela, donne délibérément la préférence, non point à l’incarnation, mais à la distance « grâce à laquelle le texte littéraire peut advenir »…

Détachement et esprit critique

Désireux de rompre avec la veine du théâtre épique, selon la typologie d’Aristote, Berthold Brecht théorise à partir des années 1936 le Verfremdungseffekt, ou effet de distanciation. Et d’exhorter les spectateurs de ses pièces à rompre avec l’empathie (« Glotzt nicht so romantisch »), mais aussi avec l’illusion référentielle et les ressorts de l’action dramatique. Tout est bon pour susciter, dans le public mais y compris chez les acteurs, un salutaire réflexe de détachement, préludant à la prise de conscience critique.

Se désengluer de la chose qu’on chercherait à imposer, se sevrer des intrigues sentimentales, tel est l’objectif avoué. Face au spectacle qui secrète l’aliénation, il dresse un « spectateur émancipé » (Rancière). Taillant des croupières au naturalisme bourgeois, le dramaturge marxiste use de la distanciation, sans jamais perdre de vue la parenté de son mot d’ordre avec le manifeste des formalistes russes. Dès 1917, ces derniers, Viktor Shklovsky en tête, plaidaient pour le même genre de rupture créatrice. L’« étrangisation », qui implique la mise à distance tout à la fois des mots de la tribu et de la perception routinière, aura bel et bien revitalisé la poésie moderne. Mais qui peut sérieusement croire que les poètes, russes ou pas, aient attendu 1917 pour mettre en œuvre la défamiliarisation des usages de la langue et du monde baptisée « ostranénie » ?

Décanter la matière des souvenirs

« Une émotion remémorée dans la tranquillité, la quiétude » (« emotion recollected in tranquillity »). Ainsi se définit la poésie selon William Wordsworth, le plus proustien des versificateurs anglais. C’est souvent à distance de l’événement que campe le poète, pour y remâcher, y décanter la matière de ses souvenirs. Ni trop près, ni trop loin. En s’éloignant du présent de l’écriture, l’émotion se purifie de sa violence et se trouve convertie en autre chose, où l’inquiétude n’a toutefois pas entièrement déserté la place.

C’est vrai, grosso modo, de la poésie élégiaque, ainsi le recueil de Michel Deguy, A ce qui n’en finit pas. Thrène (1995), imprimé sur pages non numérotées. La mort de l’épouse s’y trouve renvoyée aux confins de la conscience, là où la distance se fait irrévocable et la perte irréparable, et restituée dans le présent d’un veuvage appelé à durer, interminablement. Les romanciers sont logés à même enseigne, quand il s’agit de restituer l’impact causé par une catastrophe, naturelle ou terroriste.

Après l’effondrement des tours du World Trade Center et les millions de vues du Falling Man anonyme sautant de l’une des fenêtres du bâtiment pour chuter dans le vide, cinq ans s’écouleront avant que Don DeLillo n’en tire une figure aimée de loin et un roman éponyme comme tombé en distance.

Entre désir et nostalgie

Terminons avec Marcel Proust, le plus wordsworthien des romanciers français. L’arc monumental dessiné par La Recherche, de la première à la dernière phrase du cycle, parle de distance et de remémoration. Dès les premières pages, avec l’évocation du cérémonial du coucher (« de bonne heure »), apparaît la tension, chez le narrateur, entre désir de proximité et désir d’éloignement. Chaque soir, quand revient l’heure du coucher, à l’idée du baiser que déposera sur sa joue la mère de Marcel, avant de le quitter très vite, ce dernier éprouve un mixte d’impatience et d’appréhension : « longtemps avant le moment où il me faudrait me mettre au lit et rester, sans dormir, loin de ma mère et de ma grand-mère ». Tout est dit de l’angoisse d’abandon, de l’éloignement redouté d’avec la mère ; mais le réagencement du désir par l’écriture l’emporte, pour preuve cette autre formulation, au comble du paradoxe, là encore : « De sorte que ce bonsoir que j’aimais tant, j’en arrivais à souhaiter qu’il vînt le plus tard possible, à ce que se prolongeât le temps de répit où ma mère n’était pas encore venue. »

Impossible de rendre plus transparent le désir d’allonger l’attente, de différer le plus possible la consommation du pourtant convoité baiser. Et si la littérature ne faisait jamais que cela, à savoir distancer un temps qui est lui-même celui du longing, pour le dire en anglais, entre désir et nostalgie ? À l’autre bout de la chaîne, parvenu à la dernière page du livre, le constat est celui-ci : l’espace a beau céder la place au « Temps » (ultime mot du texte), la distance n’en disparaît pas pour autant ; temporelle, elle cesse d’être uniquement un intervalle, de marquer une césure, pour se faire milieu ambiant, vacance intérieure où les époques « si distantes » du Temps Retrouvé, et le monde avec elles, se déposent et se recomposent tout à la fois. La Recherche, ou la distance faite œuvre.

Une dernière chose. La défense et illustration de la distance en littérature n’invalide pas un choix d’apparence contraire, celui de la proximité. Le proche et le distant, lointainement à l’unisson.

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