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Mirmande PatrimoineS Blogue

Archives Journalières: 06/06/2020

Le plan de relance et la réalité de l’Europe

06 samedi Juin 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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The Conversation

  1. Sylvain Kahn

    Professeur agrégé, Sciences Po – USPC

  2. Jacques Lévy

    Géographe, professeur des universités, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)

Université Sorbonne Paris Cité

Région Grand Est

Sciences Po

Université de Reims Champagne-Ardenne

 

CC BY ND
Alexandros Michailidis/shutterstock
 

L’annonce par Angela Merkel, Emmanuel Macron puis Ursula von der Leyen d’une dette européenne pour financer le plan de relance est historique. Pour autant, suffira-t-elle à rassurer enfin ceux pour qui l’Europe doit chaque jour faire la preuve de sa raison d’être ? Ce n’est pas certain. Depuis la mi-mars, chacune des actions de l’Union, même les plus colossales, ont été minimisées par de nombreux observateurs, y compris parmi les plus europhiles d’entre eux, qui déploraient sa désunion, ses égoïsmes, son impuissance…

Début avril, nous n’étions pas nombreux à constater que l’UE ne cessait de monter en puissance avec une agilité discrète, sans tambour ni trompette, et à faire le pronostic que l’avènement d’une dette publique européenne était une question de semaines.

Sur cet acquis, il convient de procéder sans plus attendre à l’identification critique des forces comme des faiblesses de l’entité territoriale européenne révélées dans la crise sanitaire, et à lancer quelques hypothèses sur son futur.

L’Europe est un processus historique

L’idée d’une dette était en débat depuis longtemps, mais c’est maintenant qu’elle s’impose comme une préférence collective. La première des caractéristiques est donc élémentaire : l’Europe est un processus historique. Elle n’est pas un plan parfait qui attendrait, caché quelque part, des circonstances idéales ou divines permettant sa mise en œuvre et sa concrétisation.

Cet avènement, c’est d’abord la massivité de la crise sanitaire qui l’explique en relativisant un peu plus l’efficacité de l’échelle unique de l’État national et en appelant des réponses à la hauteur. Ce faisant, le moment que nous vivons met en lumière une deuxième caractéristique : depuis près de 70 ans, les Européens ont sous la main une sorte d’appareil d’État fédéral, assez baroque dans sa construction. En effet, paradoxalement, l’UE détient des compétences dans des domaines qui sont habituellement ceux des États fédérés, et laisse aux États fédérés membres de cette Union certaines compétences qui sont classiquement du ressort de l’État fédéral dans les États fédéraux historiques (à l’image de l’Allemagne, du Brésil, des États-Unis, de l’Inde ou de l’Indonésie par exemple).

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Ce que la crise révèle du rôle de l’Union européenne en matière de santé https://bit.ly/2WrJGg1 

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1

12:49 PM – May 13, 2020
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Dans cet État fédéral étrange qu’est l’UE, une majorité d’États fédérés ne voyaient pas l’intérêt de bons du Trésor européens. Ils s’en méfiaient. C’est un classique de la construction européenne : les appareils d’État – qui en Europe ont tous une très longue histoire, qu’a bien racontée Charles Tilly – sont réticents à mutualiser leurs prérogatives et à lâcher du pouvoir.

La pandémie de Covid-19 ébranle en profondeur ce type de corporatisme : partout en Europe les citoyens ont constaté les défaillances ou les faiblesses relatives des appareils d’État. Dans cette situation, il est apparu que là où elle avait des compétences, l’UE en tant que telle jouait un rôle protecteur et proactif déterminant : les financements publics. Les Européens ont bénéficié de l’agilité insoupçonnée de la BCE, du MES, de la BEI, et même du budget géré par la Commission – tout cela avec la volonté ou l’accord de leurs dirigeants nationaux. Cet attelage a mobilisé des sommes inouïes pour protéger les sociétés et les économies européennes. L’émission d’une dette publique européenne s’impose donc dorénavant d’elle-même. Au point où en est, il n’y a plus de blocage idéologique.

L’Europe pâtit d’un traitement d’abord idéologique

L’idéologie, au sens d’une représentation du monde qui voile le réel et lui fait écran, est la troisième caractéristique de l’Europe. Le lancement d’une initiative jugée chaque jour depuis deux mois impossible en raison supposée de la désunion, de la radinerie, des intérêts particuliers et nationaux surdéterminants… met en pleine lumière combien l’Europe est objet d’idéologie bien plus que d’analyse critique des faits.

Le même processus a joué à plein durant deux ans après le 26 juin 2016 : il a fait accréditer l’hypothèse d’un effet domino du Brexit pour une réalité vraisemblable, voire probable, quand les faits indiquaient d’entrée de jeu, puis au fur et à mesure du déroulement de la séquence, qu’il s’agissait d’une hypothèse très peu probable et d’une croyance. L’idéologie qui caractérise le regard sur l’Europe et la voile est celle-ci : l’Europe est chaque jour mortelle de n’être pas parfaite, puisqu’elle n’a le droit à l’existence qu’à la condition d’être idéale.

Sur le projet de dette publique européenne, on entend et on lit déjà les critiques classiques car contradictoires : « C’est trop ! » et « Ce n’est pas assez ! » Sous-entendu : « L’Europe est un mirage ; on vous l’avait bien dit ; c’est comme d’habitude ! » Le point n’est pourtant pas celui-ci. Bien entendu, la mobilisation de 500 milliards d’euros de budget de crise plus 250 milliards de ligne de prêt sont une somme « modeste » en comparaison des rachats des dettes de ces mêmes États sur le marché secondaire par la BCE ou au montant dégagé par le budget fédéral aux États-Unis, par exemple. Mais le signal et l’effet de levier sont considérables. L’UE est un « État » vierge de toute dette publique ; il émet une monnaie, l’euro, qui est devenu la deuxième monnaie de réserve internationale dans le monde ; il est considéré par les investisseurs et les créanciers de tous types comme d’une fiabilité maximale.

Le point est donc celui-là : à partir de maintenant, les Européens vont pouvoir sortir du débat idéologique hors-sol sur la question de savoir si l’existence de l’UE est pertinente et entrer dans le débat citoyen qui se confronte au réel sur la question : sommes-nous satisfaits des choix politiques et des politiques publiques effectués par le « gouvernement » européen ? Et ce « gouvernement » – Parlement élu au suffrage universel direct ; Chambre des dirigeants nationaux, le « Conseil » ; Commission européenne – décidera du montant de dette à émettre et de ce à quoi ces sommes seront consacrées.

Mettre fin au mélange des genres en élisant nos représentants au sein du Conseil

C’est là qu’on en arrive à la quatrième caractéristique : celle de la faiblesse démocratique.

Celle-ci ne réside pas tant dans son système politique que dans cette gangue d’idéologie. En critiquant d’emblée l’annonce sous l’angle du « trop » ou du « pas assez » ou en se focalisant d’emblée sur qui perd, qui gagne, qui avale son chapeau et qui met la farce dans le dindon, les commentaires nourrissent eux-mêmes ce qu’ils reprochent à l’Europe : son déficit démocratique. Ce qui compte maintenant est en effet la délibération menant à l’adoption du plan.

L’Europe est une société pluraliste. Elle est tissée par des débats et des oppositions sur les préférences collectives, entre représentations, groupes et intérêts variés qui s’affrontent ou se confrontent sur la vision de l’intérêt général et des politiques publiques. Les différentes familles politiques confronteront des visions différentes de la mise en place de cet endettement mutualisé ; certaines commenceront par le refuser, et seront probablement minoritaires au sein du Parlement européen. Mais toutes pèseront sur le compromis final.

Le processus sera du même ordre au sein de chaque pays. Et les gouvernements nationaux eux-mêmes participent de cette agora tout en cherchant à l’occuper le plus possible. La société civile européenne, dans toutes ses composantes diverses, convergentes et antagonistes, pèse elle aussi. Au final, pour certains, les effets seront trop modestes et pour d’autres trop importants. C’est pourquoi, à ce stade, ce qui compte est de garder le cap du processus : l’effet de ce plan sera maximal dès lors que sa concrétisation sera le fruit d’un processus démocratique de délibération collective au sein de la société européenne et de ses institutions.

Comment se donner un maximum de chances que ce soit le cas ? En gardant à l’esprit les enseignements de Charles Tilly sur le corporatisme d’État pour en tirer une conclusion pour le futur immédiat. Le problème de l’Europe n’est pas qu’il y ait de la supranationalité mais qu’il y a trop d’État (au singulier). Pour mettre l’État à sa juste place dans une société européenne et un pays européen multiscalaires, on pourrait s’inspirer de ce qui est à l’œuvre dans tous les États fédéraux et dans toutes les démocraties : éviter le mélange des genres.

Les représentants des États membres au sein du Conseil (la chambre des États) à Bruxelles devraient donc être élus au suffrage universel direct et être distincts des dirigeants des États. De cette façon, ce Sénat des États, chargé de colégiférer avec le Parlement des citoyens au nom de l’intérêt général européen et de l’échelle européenne, serait en situation de le faire sans conflit d’intérêts. Comment en effet, peut-on attendre qu’une même personne puisse œuvrer sereinement en même temps pour l’intérêt national de son pays et de ses électeurs et pour celui de la société européenne ? Il est temps de cesser de donner à nos dirigeants européens l’injonction d’être schizophrènes et de leur offrir la possibilité de contribuer à l’intérêt général en délibérant non pas avec leur image dans le miroir, mais avec des interlocuteurs avec qui débattre.

Le « plan de relance » mis en délibération depuis le 27 mai 2020 pourrait produire un effet de réel, dévoiler les caractéristiques de l’Europe et son fonctionnement, et démystifier les biais idéologiques qui les recouvre. Dans cette hypothèse, la crise actuelle aurait transformé la construction européenne en profondeur comme aucun épisode avant elle.

Listes citoyennes : un cas concret et quelques désillusions

06 samedi Juin 2020

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The Conversation

  1. Olivier Costa

    Directeur de recherche au CNRS / Directeur des Etudes politiques au Collège d’Europe, Sciences Po Bordeaux, centre Emile Durkheim, Université de Bordeaux

Université de Bordeaux

 

CC BY ND
Les bonnes idées ne suffisent pas à remporter l’écharpe d’édile, ici à Saulx janvier 2020. SEBASTIEN BOZON / AFP
 

Le premier tour des élections municipales a été marqué par un investissement sans précédent de candidats issus de la société civile – c’est-à-dire n’ayant pas d’affiliation partisane et n’ayant jamais été élus. Il résulte de la conjonction d’un déclin des partis traditionnels, de l’absence d’enracinement local de LREM et d’un rejet des professionnels de la politique. C’est aussi un écho au mouvement des « gilets jaunes » et de ce qu’il porte de défiance vis-à-vis de l’ordre établi.

Cette tendance a été accentuée par l’intérêt porté par les électeurs à de telles listes. Pour la première fois, plus de la moitié des citoyens sondés (71 %) ont affirmé préférer des candidats sans étiquette partisane. Les listes ne bénéficiant d’aucun appui partisan se sont multipliées, et certaines ont bousculé des élus sortants bien établis.

Ces candidats sans étiquette séduisent. Ils semblent motivés par l’intérêt général et ne pas se soucier de faire une carrière politique. Ils ne sont pas dépendants de réseaux clientélistes et de jeux d’alliances. Ils ne paraissent pas prêts à tout pour gagner et n’ont pas besoin de la politique pour vivre. En somme, ils semblent là pour servir, et non pour se servir.

À la faveur des négociations d’entre-deux-tours, on constate que c’est un peu plus compliqué que cela.

Chez moi

Prenons le cas de ma commune, une ville de 30 000 habitants, appartenant à la métropole de Bordeaux.

Le maire sortant porte l’étiquette MoDem, mais a un positionnement relativement droitier. En 2014, il avait battu le maire sortant Parti socialiste (PS), qui entendait effectuer un sixième mandat. L’aspiration au changement avait permis à son opposant historique de l’emporter aisément.

Cette année, le nouveau maire pensait être réélu dans un fauteuil. C’est souvent le cas au terme d’un premier mandat, surtout quand l’opposition est exsangue. Mais le maire a, semble-t-il, déçu. Il a présenté une liste d’union de la droite et du centre, qui était toutefois dépourvue d’étiquette afin de jouer la carte du rassemblement.

Trois listes d’opposition ont émergé pour exprimer le mécontentement des habitants. La première était une liste d’union de la gauche, englobant toutes les forces politiques de La France insoumise (LFI) aux radicaux. La ville, comme le département et la région, est historiquement une terre socialiste et radicale ; malgré les déconvenues des derniers scrutins, les réseaux de ces partis restent solides.

Les dirigeants du PS (on aperçoit notamment Laurent Fabius et Pierre Bérégovoy) posent avec une rose lors du congrès du Parti socialiste, le 10 juillet 1992, à Bordeaux. Olivier Morin/AFP

Les écologistes avaient quant à eux le vent en poupe dans cette ville relativement jeune et aisée. La deuxième liste était une liste citoyenne, comprenant quelques élus sortants PS, adossée à un collectif mobilisé par les enjeux de démocratie participative et délibérative. La troisième était une autre liste citoyenne, située plus au centre, conduite par l’ex-responsable du comité La République En Marche (LREM) de la ville, mais dépourvue elle aussi d’investiture partisane.

Un peu par hasard, j’ai été en contact avec le leader de la liste citoyenne centriste. J’ai trouvé l’homme sympathique et sa démarche intéressante. Hormis son engagement comme responsable du fantomatique comité LREM local, il n’avait jamais fait de politique. Il se présentait comme un citoyen déçu par l’action du maire, et notamment par son manque d’écoute sur des projets de mobilité qui lui tenaient à cœur. Il avait donc décidé, avec quelques proches, de monter une liste. N’ayant pas obtenu l’investiture LREM, ils ont persisté dans l’aventure, en mobilisant des gens de gauche comme de droite, dont aucun n’avait jamais été candidat ou élu.

Directeur régional d’un grand groupe de services, il n’avait pas besoin de faire de la politique pour gagner sa vie ou s’élever socialement. Sa démarche semblait sincère et désintéressée. Le positionnement droitier du maire et la faiblesse du PS local créaient un espace politique à conquérir.

De l’opposition à la majorité

Ce novice en politique a choisi de mener campagne autour de propositions mesurées et concrètes, et d’une critique, polie, mais inexorable, du bilan de l’équipe sortante. La matière ne manquait pas, qu’il s’agisse du cumul des mandats par le maire, de sa politique sociale conservatrice, de ses relations tendues avec la société civile et l’opposition, de travaux de prestige menés en dépit du bon sens, ou encore de ses promesses de 2014 – intenables et non tenues – en matière d’urbanisme (la fin de la densification, la création d’un grand parc) et de transports publics (l’arrivée du tram en centre-ville).

Je me suis engagé auprès de cette liste – sans être candidat – parce que je désirais contribuer à l’alternance. J’ai organisé une réunion chez moi pour présenter la tête de liste à des amis, susceptibles de le conseiller sur tel ou tel aspect de la gestion municipale. Je suis allé à cinq meetings et j’ai publiquement appelé à voter pour lui. J’ai pris du temps pour conseiller les membres de la liste au mieux de mes connaissances.

Le candidat de tête m’a toujours affirmé que son objectif était de défaire le maire sortant et que si celui-ci lui proposait une alliance en vue du second tour il la refuserait.

Je ne doutais pas de sa sincérité, mais je souhaitais mettre un terme aux rumeurs qui présentaient sa candidature comme une manœuvre du maire sortant pour capter l’électorat LREM et centriste. Je l’ai donc interrogé sur ses intentions devant témoins. À ma question – et à des questions similaires posées par des électeurs lors de réunions publiques – il a répondu avec aplomb qu’il n’y aurait pas d’alliance avec la majorité municipale.

À l’issue du premier tour, le maire a fait 38 %, ce qui constituait un désaveu cuisant. La liste d’union de la gauche a fait 28 %, et les deux listes citoyennes 17 % chacune.

Des discussions se sont engagées entre les trois listes d’opposition en vue d’une fusion, qui leur aurait assuré une victoire facile. À lire les programmes, il existait des convergences manifestes, tant sur l’appréciation du bilan de l’équipe sortante, que sur les projets à conduire et la méthode pour le faire. La liste d’union de la gauche a trouvé un accord avec la liste citoyenne située le plus à gauche. Mais, à la surprise générale, la seconde liste citoyenne, celle pour laquelle j’avais fait campagne, a décidé de fusionner avec celle du maire. Je l’ai appris par la rumeur, sans vouloir y croire, puis par un communiqué officiel du candidat, annonçant ce choix comme s’il en avait toujours été question. Les conditions dans lesquelles la décision a été prise sont peu claires, mais elle n’a pas été mise au vote de l’ensemble des membres de la liste et les conditions de la fusion ont été négociées à huis clos par les deux têtes de liste.

La piètre image des élus

Depuis 20 ans, j’étudie les responsables politiques. Je connais leurs qualités et leurs mérites, mais aussi leurs défauts et leurs faiblesses. À l’échelle municipale, la vie politique n’est pas toujours reluisante. On citera pêle-mêle les problèmes de compétence et d’ego de certains élus, leurs conflits d’intérêts, leurs relations clientélistes avec les acteurs de l’économie et de la société civile, ou encore la transformation des appareils partisans en outils au service du maire, de son entourage et d’une poignée de militants dévoués.

Mais il faut aussi reconnaître que les élus municipaux en charge de fonctions exécutives travaillent beaucoup pour des indemnités modestes, accomplissent des tâches d’une grande complexité, sont sollicités sans cesse et doivent s’accommoder de l’ingratitude d’une bonne partie de leurs administrés.

Assumer une fonction élective n’est pas la sinécure que nombre de citoyens s’imaginent. Les élus bénéficient d’un certain prestige social et s’enivrent parfois du pouvoir, mais la carrière politique est un chemin de croix qui implique d’importants sacrifices personnels. Nombre d’élus d’une certaine importance n’ont rien d’autre que la politique dans leur vie et s’y dévouent avec passion. Cela explique la rage qu’ils mettent à conserver leurs mandats, au risque de se compromettre ou de faire la campagne de trop.

Il faut aussi rendre justice aux responsables politiques à l’ancienne, ceux qui sont issus des partis et sont tant vilipendés par les candidats dits de la société civile. Ils ont en effet des qualités que les seconds possèdent trop rarement. Quatre méritent d’être ici mentionnées.

Patience et constance

La première est la patience. Quand on milite dans un parti, on apprend qu’il faut attendre son heure et siéger longuement dans une instance avant d’y prendre des responsabilités. Les gens qui ont attendu leur tour pour être candidat, puis pour se faire élire, ont une connaissance appréciable de la marche des institutions publiques – de leurs rouages, acteurs et activités. Ils ont aussi la sérénité de ceux qui ont avalé des couleuvres et digéré des échecs. Du côté de la société civile, on a rarement cette patience : on se présente pour renverser la table, on veut tout, tout de suite et, à défaut, on retourne à sa vie d’avant.

Malgré les apparences, faire de la politique n’est pas une sinécure : ici Bernard Quesson, Claude-Gérard Marcus, Alain Juppé et Jacques Chirac en 1988. Wikimedia, CC BY

La deuxième qualité des élus issus des partis est leur constance dans l’engagement politique. Certes, les convictions de chacun évoluent au fil du temps et du contexte, pour des raisons idéologiques ou stratégiques. En outre, tout responsable politique peut être contraint, sous la pression des événements, à renier certains engagements. Il arrive aussi qu’un parti doive oublier l’inimitié que lui inspirait une formation concurrente pour forger une alliance électorale.

Mais, au sein d’un parti, les retournements de veste se paient cher, car son fonctionnement repose sur la confiance et le respect de la parole donnée. On a ainsi rarement vu une formation d’opposition rejoindre la majorité entre les deux tours d’une élection. Dans le monde des partis, les positionnements et les clivages sont stables.

Loyauté et clarté

La troisième qualité des candidats qui ont fait leurs classes au sein d’un parti est la loyauté au collectif. Le candidat d’une formation très structurée ne peut pas décider unilatéralement de changer d’avis et de position pour se saisir d’une opportunité. Lors des municipales, la tête de la liste d’un parti n’agit pas à sa guise, et doit veiller à conserver le soutien de ses colistiers et de sa formation. Le parti est certes au service du candidat, mais celui-ci n’est que l’agent de celui-là. Cette relation à double sens permet de maintenir le cap et évite les revirements inattendus.

La dernière qualité des candidats issus d’un parti est la clarté. Un parti s’adresse à une clientèle électorale donnée et lui dit des choses qu’elle veut entendre. Les candidats ne peuvent pas toujours tenir les promesses ainsi faites, mais la cohérence et la franchise de leur discours sont indispensables à leur crédibilité. Sur tous les grands sujets, les citoyens et les militants attendent d’un parti qu’il ait une position et qu’il s’y tienne. Ainsi, au risque de se répéter, il est rare qu’un parti fasse ouvertement campagne contre un élu sortant au premier tour pour s’y rallier au second.

Les listes citoyennes sont-elles toujours vertueuses ?

Bien entendu, il ne s’agit pas de dénigrer tous les candidats sans étiquette. Il est même louable – quand tant de citoyens se contentent de tout critiquer du fond de leur canapé – que d’autres s’engagent, proposent et aspirent à exercer des responsabilités en marge des partis. Ce faisant ils sont susceptibles de réconcilier avec la démocratie représentative les citoyens qui ne se reconnaissent plus dans le jeu politique traditionnel. Et nombreux sont les candidats dits de la société civile qui ont des convictions politiques claires et constantes.

Il reste qu’être un candidat de la société civile n’est pas, par essence, un gage de vertu, d’abnégation et de probité. L’absence de corpus idéologique, de connaissance des règles écrites et non écrites de la vie politique et de contrainte organisationnelle rend possible des dérives opportunistes et des reniements qui seraient impensables de la part d’un candidat issu d’un parti. Sauf lorsqu’une liste citoyenne s’adosse à un collectif bien structuré, son leader est relativement libre de son discours et de ses engagements.

La montée en puissance des listes citoyennes permet aussi de manipuler le jeu électoral à peu de frais. Il est facile pour un maire sortant de susciter la création d’une liste dite « citoyenne », dans le but d’occuper l’espace politique, de désorganiser l’opposition et de rallier une partie de l’électorat. Une poignée de personnes de bonne volonté suffit, et il n’est pas nécessaire de mettre leurs colistiers dans la confidence. Cette liste citoyenne s’adressera à des électeurs qui ne sont pas naturellement portés à voter pour l’équipe sortante. Dans l’entre-deux-tours, elle s’y ralliera, en faisant valoir que c’est la solution la plus propice à la défense de ses propositions et valeurs. Les leaders de la liste y gagneront des postes d’adjoint et le maire des électeurs et l’image d’un rassembleur. Dans une configuration politique classique, de telles manœuvres sont plus improbables : on n’achète pas l’appareil d’un parti aussi facilement que l’allégeance d’une poignée de candidats, et certaines alliances sont exclues par nature.

Il faut donc être prudent avant de se réjouir du déclin inexorable des partis traditionnels au profit de listes dites citoyennes. Celles-ci peuvent contribuer au renouveau du débat démocratique, mais à la condition de s’adosser à des structures citoyennes cohérentes, dont le fonctionnement est lui-même démocratique et transparent. À défaut de cela, ces listes sont susceptibles d’être les instruments de manipulations électorales d’une ampleur inédite, qui ont peu à voir avec l’idéal d’une démocratie renouvelée.

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