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Archives Mensuelles: octobre 2020

Que peut attendre l’épargnant de l’investissement « socialement responsable » ?

31 samedi Oct 2020

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16 octobre 2020, 16:44 CEST

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  1. Pascal NguyenProfesseur à l’Université de Montpellier, Université de Montpellier

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La prise de conscience des dégradations causées à l’environnent et les scandales liés aux conditions de travail pratiquées dans les pays en développement par certains sous-traitants de grands groupes ont poussé de nombreux investisseurs à se servir de leur épargne dans le but d’infléchir les pratiques des entreprises.

Des produits d’investissement qualifiés de « socialement responsables » (ou ISR) se sont ainsi rapidement développés. Ceux-ci sont également identifiés par les trois lettres ESG reflétant leur triple préoccupation : l’environnement, le social et la gouvernance des entreprises. Plus de 500 fonds labellisés sont actuellement disponibles en France auprès des principaux intermédiaires financiers. Leur performance peut être suivie sur le site de Boursorama.

Selon les chiffres de la Global Sustainable Investment Alliance, les investissements guidés par des critères ESG pèsent aujourd’hui près de 30 000 milliards de dollars dans le monde, correspondant à environ 10 % de l’encours global des actifs financiers.

Et l’intérêt pour ce segment ne faiblit pas. De nombreuses sociétés de gestion d’actifs lancent de nouveaux fonds estampillés ISR lorsqu’elles ne prennent pas la décision de se consacrer entièrement à ce type de placements.

L’épargnant dispose désormais d’une large palette de produits de placement, en actions comme en obligations, notamment à base d’obligations vertes.


À lire aussi : Les obligations vertes, un instrument financier pour défendre l’environnement


Ils peuvent aussi investir dans des fonds indiciels cotés, appelés « trackers », dont l’objectif est de répliquer la composition d’indices boursiers tels que le Dow Jones Sustainability North America aux États-Unis ou le MSCI Europe ESG Leaders de ce côté-ci de l’Atlantique.

La crise du Covid-19 comme accélérateur

Animé par des préoccupations d’ordre éthique, l’ISR a initialement cherché à écarter les entreprises impliquées dans des activités socialement répréhensibles – comme la vente d’alcool ou de tabac, le commerce d’armes –, avant de favoriser les entreprises plus respectueuses de l’environnement ou des droits de la personne, qui offrent de bonnes conditions de travail à leurs salariés.

Toutefois, la différence avec l’investissement conventionnel a longtemps paru marginale en raison de la difficulté à obtenir les données nécessaires ou à s’assurer de leur fiabilité.

Avec une information extrafinancière devenue plus complète et de meilleure qualité, en réponse à la demande insistante des investisseurs, il est désormais possible de mieux identifier les entreprises responsables ou irresponsables, ce qui laisse envisager des différences plus marquées à l’avenir.

La crise du Covid-19 semble avoir constitué un véritable accélérateur puisque les fonds ESG se distinguent par des écarts de performances plus importants en leur faveur.

Performance comparée de l’indice MSCI World ESG Leaders (socialement responsable) et de l’indice MSCI World (conventionnel) sur les cinq dernières années. Thomson Reuters Eikon

Comment sont construits les portefeuilles ESG ?

Pour construire leurs portefeuilles, les fonds ESG commencent typiquement par retenir une batterie d’indicateurs sociaux et environnementaux. Ces derniers peuvent concerner la quantité d’énergie consommée pour la fabrication ou le transport des produits, ou encore la quantité de gaz à effet de serre émise par l’entreprise.

Ces indicateurs proviennent soit des déclarations de performance extrafinancière effectuées par les entreprises, soit d’enquêtes réalisées par des sociétés d’analyse et d’information, comme Bloomberg ou Thomson Reuters par exemple.

Les indicateurs recueillis sont souvent ajustés afin de tenir compte des différences entre secteurs. Ils sont ensuite pondérés pour donner une note globale. Les entreprises dont les notes sont les plus mauvaises, censées être les moins socialement responsables donc, sont écartées.

Les fonds s’appuient ensuite sur une approche financière classique entre le risque et la rentabilité attendue pour déterminer parmi les entreprises restantes lesquelles entrent dans leurs portefeuilles et dans quelle proportion. Certaines entreprises sont ainsi surpondérées par rapport au cas où aucun critère ESG n’aurait été pris en compte. D’autres sont sous-pondérées, voire même absentes des portefeuilles.

La certification ISR par les labels

L’engagement d’un fonds peut être attesté par l’obtention d’un label. En France, le label ISR est par exemple soutenu par le ministère de l’Économie.

La certification repose sur la vérification que le fonds prend bien en compte la performance sociale et environnementale des entreprises dans ses critères d’investissement, qu’il est équipé pour le faire, et que son processus de sélection est rigoureux.

Enfin, la différence doit être matérielle, à savoir que le portefeuille obtenu est bien constitué d’entreprises affichant une performance ESG supérieure à celles qui n’ont pas été retenues.

Quel impact peut avoir l’ISR ?

À première vue, les portefeuilles ESG ne paraissent pas très différents des portefeuilles conventionnels. On y trouve même des sociétés ayant fait l’objet de polémiques. Ainsi, la société Amazon dont les conditions de travail sont souvent dénoncées par les syndicats a été incluse malgré tout dans l’indice S&P 500 ESG. Il en va de même de Facebook, alors que la société est connue pour l’utilisation abusive qu’elle fait des données personnelles de ses utilisateurs.

Ceci est dû au fait que la notation traduit la performance relative de l’entreprise au sein de son secteur d’activité. Certains secteurs sont relativement polluants ou très consommateurs de ressources naturelles. Pour une question d’équilibre, aucun secteur ne peut être écarté, ni même trop sous-pondéré, au risque d’affecter la rentabilité des portefeuilles.

Pour autant, le fait de réduire la part des entreprises les moins bien notées contribue à brider leur développement. À l’inverse, les entreprises les mieux notées – comme Danone, Schneider, Air Liquide, ou L’Oréal, qui font partie de l’indice STOXX Europe ESG Leader 50 – bénéficient d’un avantage à travers un meilleur accès au marché financier. Les travaux empiriques confirment d’ailleurs que ces entreprises peuvent lever des fonds plus facilement et à un coût plus faible.

Mais c’est surtout l’investissement passif, reposant sur la réplication d’indices ESG reconnus, qui devrait avoir l’impact le plus significatif. D’abord parce qu’il constitue désormais la part la plus importante des fonds placés en actions grâce à des frais de gestion minimes.

Le fait que les indices ESG ont tendance à n’inclure que les entreprises affichant les meilleures performances implique que ces entreprises sont susceptibles de recevoir des flux de financement considérables. À l’inverse, les autres entreprises auront nettement plus de difficultés à apparaître sur le radar des investisseurs. C’est une incitation puissante pour qu’elles améliorent leurs pratiques.

Il ne fait aujourd’hui aucun doute que l’investissement responsable est appelé à avoir un impact majeur sur l’économie. Les épargnants soucieux de mettre leur argent au service d’une bonne cause peuvent investir sans inquiétude dans des fonds indiciels définis de façon assez large afin d’être suffisamment diversifiés. Les résultats récents montrent que leur performance n’a rien à envier aux fonds conventionnels et leur risque s’avère même plus faible.

Pourquoi Sherlock Holmes n’aurait pas pu vivre dans les années 60

30 vendredi Oct 2020

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Auteur

  1. Olivier MarreChercheur en neurosciences, Inserm

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Sherlock Holmes et le docteur Watson, illustration de Sidney Paget pour le Strand Magazine, décembre 1892. Strand Magazine / Wikipédia, CC BY

Sherlock Holmes est la figure mythique du détective, celui qui sait établir la vérité grâce à son sens de la déduction. Pour beaucoup, le talent de Sherlock Holmes tient d’abord dans une capacité d’observation exceptionnelle, symbolisée par sa loupe, qui lui permet de saisir le détail qui a échappé au commun des mortels.

Qu’il me soit permis ici d’explorer une autre explication, qui est sans doute complémentaire. Prenons un exemple parmi les plus purs du talent de déduction de notre célèbre détective, au début de « L’escarboucle bleue ». Un homme a perdu son chapeau dans une altercation et s’est enfui. Holmes présente ce chapeau au Dr Watson, lui confie sa loupe, et lui demande d’en déduire la personnalité du possesseur de ce chapeau.

Dans la tête de Sherlock Holmes

Alors que Watson peine à trouver le moindre indice, Holmes lui fait un exposé sur cette personne, exposé qui frappe le lecteur par ses détails, notamment le fait que cet homme a sans doute subi des revers de fortune et perdu l’amour de sa femme :

« Il est évident que le possesseur de ce chapeau était extrêmement intelligent, et que dans ces dernières années il s’est trouvé dans une situation, qui, d’aisée, est devenue difficile. Il a été prévoyant, mais l’est beaucoup moins aujourd’hui, c’est la preuve d’une rétrogression morale qui, ajoutée au déclin de sa fortune, semble indiquer quelque vice dans sa vie, probablement celui de l’ivrognerie. Ceci explique suffisamment pourquoi sa femme ne l’aime plus. » (« L’escarboucle bleue », 1892).

Watson, et nous avec, sommes presque choqués par ces déductions qui semblent tenir du miracle, voire du bluff, mais qui se révéleront exactes par la suite. Holmes en livre une explication détaillée :

« Ce chapeau date de trois ans ; or, à ce moment ses bords plats légèrement retournés étaient à la mode. Puis, c’est un chapeau de toute première qualité. Voyez donc le ruban gros grain qui le borde et sa doublure soignée. Si cet homme avait de quoi s’acheter, il y a trois ans, un chapeau de ce prix-là et qu’il n’en ait pas eu d’autre depuis, j’en conclus que sa situation est aujourd’hui moins bonne qu’elle ne l’a été. […] N’avez-vous pas remarqué que ce chapeau n’a pas été brossé depuis plusieurs semaines ? Mon cher Watson, lorsque votre femme vous laissera sortir avec un chapeau non brossé et que je vous verrai arriver ainsi chez moi, j’aurai des doutes sur la bonne entente de votre ménage. » (« L’escarboucle bleue »)

Arrêtons-nous un instant sur le cheminement du détective. Comment déduit-il que sa femme ne l’aime plus ? L’homme n’est plus aimé par sa femme parce que le chapeau n’est pas bien entretenu.

Pour un lecteur du XXIe siècle comme moi, moitié d’un couple moderne, je fais ma part des tâches ménagères. Si d’aventure je mettais un chapeau, et que ce chapeau n’était pas bien entretenu, cela tiendrait plus vraisemblablement à ma propre négligence qu’à l’amour que peut me porter ma femme !

Mais voilà, la société dans laquelle je vis n’a pas grand-chose à voir avec celle dans laquelle évolue Holmes. Pour mieux comprendre comment cela influe sur le raisonnement de Sherlock, convoquons un autre anglais célèbre, Thomas Bayes.

Le raisonnement bayésien

Signature de Bayes, à la plume
Thomas Bayes nous a légué un théorème sur lequel sont basés nombres d’algorithmes d’analyses de données et de prise de décision. Wikipedia

Pasteur et mathématicien du XVIIIe siècle, Thomas Bayes est connu pour nous avoir légué son théorème de Bayes, sans doute un des théorèmes les plus importants pour toute personne cherchant à analyser des données avec des probabilités. Il a notamment permis ce qui est maintenant appelé l’inférence bayésienne, manière optimale de combiner observation, déduction et a priori.

Tentons d’en donner ici une version simplifiée et intuitive, en utilisant notre exemple du chapeau. Imaginons quatre hypothèses :

  • H1 : je suis en charge de l’entretien de mon chapeau, et m’en acquitte fort bien
  • H2 : je suis en charge de l’entretien de mon chapeau, mais suis assez négligent à son égard.
  • H3 : ma femme est en charge de l’entretien de mon chapeau, et s’en occupe amoureusement, reflétant l’amour qu’elle me porte.
  • H4 : ma femme est chargée d’entretenir mon chapeau, mais ne s’en occupe plus, car elle a perdu son intérêt pour moi.

Deux choses vont vous permettre de trancher entre ces quatre hypothèses. D’abord, l’observation dudit chapeau. Tel le docteur Watson armé de la loupe de Sherlock, vous observez qu’il est fort mal entretenu. Cela rend les hypothèses H1 et H3 beaucoup moins probables que H2 et H4.

Par ailleurs, si vous savez que nous nous trouvons dans une société moderne où les femmes et les hommes partagent les tâches ménagères et que, selon toute vraisemblance, le possesseur de ce chapeau ne charge pas sa femme de l’entretenir, alors H3 et H4 sont moins probables que H1 et H2.

Vous voyez donc comment, d’une part, l’observation vous a permis de moduler la probabilité des quatre hypothèses, et d’autre part, comment votre connaissance a priori de la société dans laquelle vous vivez, vous a permis de le faire. Bayes a formalisé ces notions. Pour simplifier, il nous a donné la méthode pour combiner tout cela de manière optimale, et estimer ainsi la probabilité finale (dite « a posteriori ») de chaque hypothèse. Il en ressort que l’hypothèse H2 est la plus probable, c’est-à-dire que je suis sans doute un être négligent, mais encore aimé par sa femme, ouf.

Mais donnons maintenant ce même chapeau à Holmes. Il va observer la même chose que vous, et que le Dr Watson : ce chapeau est mal entretenu, favorisant H2 et H4. Mais Sherlock Holmes est un homme du XIXe siècle. En ce temps-là, les tâches ménagères étaient moins bien partagées, et il y a fort à parier que, pour lui, a priori, H1 et H2 sont bien moins probables que H3 et H4. Donc, en combinant tout cela, il en déduira que l’hypothèse la plus probable est H4, ce qu’il fait bien dans l’histoire.

Que conclure de tout ceci ? Que la fantastique capacité de déduction du brillant détective ne doit pas tout à son sens aiguisé de l’observation, mais aussi à une connaissance fine de la société qui l’entoure, et d’une capacité remarquable à combiner les deux.

Cette combinaison de l’observation avec sa connaissance de la société est encore plus frappante dans l’autre exemple mis en exergue plus haut : l’homme a subi des revers de fortune, car son chapeau est un modèle cher qui correspond à la mode d’il y a quelques années, mais pas à celle en vogue actuellement. Seul un homme riche il y a quelques années a pu l’acheter, mais s’il était toujours riche, il en aurait acheté un autre plus récemment, suivant la mode du moment. À moins que vous ayez fait une thèse sur les chapeaux à la mode à l’époque de Conan Doyle, il vous est tout simplement impossible de faire cette déduction, même avec une faculté d’observation hors norme. Holmes connaît bien son monde, les modes de chaque année, et sait mobiliser cette connaissance à bon escient.

De l’avantage d’une société conformiste

L’escarboucle bleue, illustration de Sidney Paget, 1892. Sidney Paget/Wikimedia, CC BY

Allons plus loin : quelle est cette société où l’on peut déduire la richesse passée et présente d’une personne à son chapeau ? À l’évidence, une société assez conformiste, la société victorienne de l’époque. Holmes semble exclure l’hypothèse que la personne puisse simplement conserver son chapeau sans se soucier de la mode.

Une société conformiste a bien pour effet de réduire les hypothèses probables. Dans notre exemple ci-dessus, H1 et H2 sont peu probables dans cette société victorienne, dont Sherlock Holmes connaît parfaitement les us et coutumes. Il peut donc définir très clairement son « a priori », le combiner avec les observations et, en bon bayésien, en déduire l’hypothèse la plus probable. Mais l’un de ses secrets est sans doute le conformisme de ses contemporains, conformisme qui les rend prévisibles et permet de réduire fortement les hypothèses possibles a priori. C’est d’ailleurs un aspect que Holmes remarque, et dont il se plaint, car cela rend son quotidien ennuyeux et les mystères trop faciles à résoudre (et l’incite à explorer d’autres mondes, comme les paradis artificiels).

Mais c’est justement cette société si conformiste, si déterministe, qui lui permet d’exercer de si brillantes déductions. Imaginons une expérience de pensée. Déménageons notre brillant détective depuis sa demeure de Baker Street, en pleine époque victorienne, pour Carnaby Street, cœur vibrant de la capitale londonienne des années 60. Le conformisme craque de toute part à l’époque des swinging sixties, les gens ne s’habillent plus selon une mode déterminée. Notre détective serait sans doute bien en peine de déduire quoique ce soit de son propriétaire si on lui apportait le chapeau de Jimi Hendrix. À une époque où l’on casse tous les codes culturels, toutes les hypothèses deviennent possibles : les « a priori » ne nous disent plus grand-chose, et même les déductions du plus brillant esprit ne permettraient pas de départager les hypothèses.

Non, Sherlock n’aurait pas pu vivre dans les années 60.

Philosophie : pourquoi respecter le nouveau confinement est gage de notre liberté

29 jeudi Oct 2020

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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  1. Laurent BibardProfesseur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC
ESSEC
CY Cergy Paris Université

ESSEC et CY Cergy Paris Université fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR.

Voir les partenaires de The Conversation France

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Le 24 octobre à Toulouse, pendant le couvre-feu. AFP/Fred Sheiber

Il est des situations où il est urgent de désobéir : la philosophe Hannah Arendt l’a suffisamment montré à propos de ce qu’elle a appelé « la banalité du mal » au sujet du procès du nazi Adolf Eichmann. Eichmann s’est défendu dans son procès à Jérusalem en 1961 d’avoir fait le mal, en soulignant qu’il n’avait fait qu’obéir aux ordres. Il faut parfois désobéir aux ordres, quand la « monstruosité » consiste à obtempérer.

Il est des situations où il est en revanche urgent d’obéir. Il est très français de désobéir pour désobéir, ou de râler contre l’État « par principe ».

Le gouvernement français a instauré un nouveau confinement avec la fermeture des commerces « non-essentiels ». Ceci, et on le comprend bien, au grand dam des professions les plus vulnérables comme le monde de la restauration, devant la crise économique et sociale qui amplifie la crise sanitaire mondiale de la Covid-19. Nous nous trouvons incontestablement au beau milieu d’une deuxième vague de la pandémie.

Continuer, exténués par le confinement du printemps dernier, à vivre comme si de rien n’était contribuerait à répandre et aggraver l’épidémie. On peut bien contester le choix des moyens pris par le gouvernement. Il n’empêche que c’est à lui qu’il revient de gérer autant que faire se peut la situation. Ce n’est pas tel ou tel citoyen qui est amené à prendre les décisions nécessaires à l’évitement d’un nouveau confinement et en tout cas à l’aggravation renouvelée de la pandémie. C’est là le devoir et le droit du gouvernement qui a été librement élu – bien qu’avec le degré d’abstention que l’on sait.

Révoltés par principe

Les contestations contre les décisions gouvernementales témoignent à la fois d’un sain désir de vivre librement, et de sauvegarder ce que l’on pourra sauvegarder des activités économiques et sociales aussi vitales que sont en France les activités des bars et restaurants, et en même temps d’un désir de liberté très français, cabré contre toute forme de considération du bien commun comme tel. Il y a quelque chose de révolté « par principe » dans la posture qui consiste à revendiquer le droit de circuler librement, de penser librement, de se comporter librement, ou encore de ne librement pas mettre de masque. C’est à la fois la noblesse et la limite de l’anarchisme à la française, adossé au sentiment de ce qui fait la valeur de chaque individu, et de la souveraineté de ses décisions.

C’est à la fois plein de bon sens, et ça en manque totalement. Voilà une posture remplie de la valeur de la lutte contre toute oppression, évidemment en particulier politique. Mais en même temps, ce bon sens et ce sens moral se retourne contre lui-même, s’il ne prête attention au fait que se comporter « librement » en situation objectivement grave sur le plan sanitaire, peut avoir comme conséquence la contamination générale de populations à risque dont celles et ceux-là mêmes qui revendiquent leur « liberté ». La revendication de liberté individuelle est dans certaines circonstances inséparable d’une négligence absurde du sens des responsabilités.

Au nom du bien commun

Encore une fois, les moyens choisis par le gouvernement pour lutter contre cette deuxième vague de la pandémie ne sont peut-être pas les meilleurs ou les plus judicieux. Je n’en sais pour ma part rien, et en tout cas pas assez pour juger ceux qui tentent de gouverner pour moi en tant que citoyen. On peut imaginer et revendiquer de mettre en place de véritables moyens démocratiques de décision, des processus par lesquels les citoyens pourraient s’exprimer et faire des propositions sur ce qu’il faut mettre en œuvre dans telle ou telle circonstance, pour tel ou tel objectif. C’est là une question de long terme, essentielle s’il faut réfléchir aux conditions d’un fonctionnement réellement démocratique de notre République. Mais entre-temps, et en situation d’urgence, s’il y a bien au sujet d’une crise comme la crise sanitaire quelque chose à faire, c’est d’abord d’obtempérer, de manière à ce que la pandémie ne l’emporte pas.

Il faut parfois mettre provisoirement de côté la liberté individuelle au profit du bien commun. Cela n’aliène pas la liberté, cela la construit, la conforte, et la solidifie. Il est quelque chose que nous apercevons de moins en moins dans le contexte contemporain d’un individualisme forcené – qui dépasse largement les frontières de la France. Nous sommes, au niveau mondial, sans nous en apercevoir, en train de perdre le sens de toute vie collective comme telle. Cela est pour le moins problématique non seulement pour le caractère collectif de l’existence qui est un caractère proprement humain, mais pour la liberté même. La liberté n’est pas seulement l’indépendance. Elle ne consiste pas à faire ce qui nous chante en totale « séparation » d’avec les autres. La véritable liberté, loin d’être l’indifférence, est celle de construire une vie sensée pour soi-même et les autres, au beau milieu des autres, voire pour eux. Ne serait-ce que si ces « autres » sont nos enfants. La liberté passe tout aussi fondamentalement par le lien que par la souveraineté de décisions prises seule ou seul. Nous sommes en train de l’oublier, et c’est ce qui se manifeste parfois lorsque l’on revendique de ne pas obéir à des décisions certes d’ordre martial, mais qui ont pour but de sauvegarder la possibilité qu’il y ait un « monde » pour nous toutes et nous tous.

Qu’on revendique d’être libres et qu’on défende la liberté, oui évidemment. Qu’on le fasse à tout prix dont celui du bon sens et de la santé des uns et des autres est tout simplement absurde.

Les formes sévères de Covid-19 seraient liées à une réponse anticorps de type auto-immune

29 jeudi Oct 2020

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  1. Matthew WoodruffInstructor, Lowance Center for Human Immunology, Emory University
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information

Durant les premiers temps de la pandémie, de nombreux immunologistes, dont moi-même, ont supposé que les patients qui produisaient de grandes quantités d’anticorps suffisamment tôt au cours de l’infection par le coronavirus SARS-CoV-2 ne développeraient pas la maladie. Nous nous sommes trompés. Après plusieurs mois passés à étudier la Covid-19, comme d’autres scientifiques, j’ai fini par réaliser que la situation est en réalité bien plus compliquée que ce que je pensais initialement.

Je suis immunologiste à l’Université Emory d’Atlanta, aux États-Unis, où je travaille sous la direction du Dr Ignacio Sanz, responsable du département de rhumatologie de notre établissement. Notre spécialité est la dysrégulation immunitaire, autrement dit les anomalies de la régulation immunitaire.

Avec mes collègues, nous avons récemment publié dans la revue Nature Immunology de nouveaux éléments accréditant l’idée que, chez certains patients infectés par le SARS-CoV-2, il est aussi important de prévenir cette dysrégulation que de lutter contre le virus lui-même.

Inflammation et Covid-19

L’un des tournants dans l’histoire de la pandémie a été la prise de conscience que la force de frappe déployée par le système immunitaire pour lutter contre le coronavirus pouvait mener à des victoires à la Pyrrhus. Chez les patients atteints de formes sévères de Covid-19, le processus inflammatoire destiné à combattre le SARS-CoV-2 s’est en effet avéré potentiellement responsable de dommages collatéraux pour l’organisme du patient.

Les études cliniques ont décrit le déclenchement, chez certains patients, d’« orages cytokiniques » durant lesquels la réponse immunitaire produit une immense quantité de molécules inflammatoires, d’anticorps à l’origine de dangereux caillots sanguins et entraîne l’inflammation de multiples systèmes d’organes (ndlr : un système d’organes est un groupe d’organes qui fonctionnent ensemble – le système gastro-intestinal par exemple comprend l’estomac, les intestins, le pancréas, le foie et la vésicule biliaire), entraînant l’inflammation des vaisseaux sanguins, situation décrite notamment chez 186 enfants qui avaient récupéré de la maladie.

L’ensemble de ces signes suggère que, chez ces patients, la réponse immunitaire censée être protectrice serait devenue destructrice.

Les médecins qui se trouvaient en première ligne face à cette situation ont rapidement réfléchi ; leurs décisions courageuses ont conduit à utiliser des stéroïdes (des médicaments qui atténuent la réponse immunitaire) pour traiter ces patients dès leur hospitalisation. Cette approche a permis de sauver des vies.

On ne comprend cependant pas encore quels sont les composants de la réponse immunitaire qui sont atténués par ce traitement. Saisir comment fonctionne la dysrégulation immunitaire chez les patients atteints de Covid-19 pourrait permettre d’identifier les malades chez qui ces traitements seraient les plus efficaces. Des approches plus ciblées et plus puissantes, permettant de moduler le système immunitaire, telles que celles actuellement réservées aux maladies auto-immunes, pourraient même être envisagées.

Les bons anticorps, au bon moment

Les anticorps sont de puissantes armes de défense. Produits par des globules blancs appelés lymphocytes B, ils s’accrochent aux agents infectieux tels que virus et bactéries, les empêchant ainsi d’infecter les cellules saines. Ces agrégats anticorps-virus déclenchent de puissantes réactions inflammatoires et servent de balises de guidage pour le reste du système immunitaire, lui permettant de cibler efficacement les agents pathogènes.

Dans certaines circonstances, les anticorps peuvent même tuer. Ils sont en effet si puissants qu’en cas de méprise sur l’identité de leur cible – lorsqu’un lymphocyte B produit des anticorps s’attaquant aux cellules du corps qu’ils sont censés défendre – ils peuvent endommager les organes à grande échelle, et mettre en place un cycle perpétuel d’« autociblage immunitaire ». Cette situation d’autodestruction permanente est qualifiée de « maladie auto-immune ».

Pour éviter ce type de catastrophe auto-immune et afin de procurer une réponse efficace contre les envahisseurs, les lymphocytes B suivent une « formation ». Ceux qui sont capables de reconnaître le virus subissent un processus de maturation qui garantit à l’organisme de disposer d’anticorps puissants capables de neutraliser l’agent pathogène. Les lymphocytes B qui ciblent les tissus sont au contraire détruits.

Mais ce processus de maturation demande du temps. Or, durant une infection sévère, perdre deux semaines à « entraîner » des lymphocytes B peut signifier risquer de succomber. Pour éviter cela, le système immunitaire dispose d’une solution alternative pour activer les lymphocytes B, appelée « activation extrafolliculaire ». Celle-ci génère des anticorps à action rapide en contournant semble-t-il les nombreux contrôles de sécurité qui accompagnent habituellement la réponse immunitaire plus ciblée.

Les réactions extrafolliculaires se développent rapidement, sont de courte durée et disparaissent lorsque des réactions plus ciblées se mettente en place.

Mais les choses se passent parfois différemment.

Réponses anticorps de type auto-immune et Covid-19

Lorsque les lymphocytes B produisent des anticorps qui attaquent les tissus humains plutôt qu’un envahisseur (virus ou bactérie), une maladie auto-immune peut se développer. AFP

Entre 2015 et 2018, notre laboratoire a découvert que ces réactions extrafolliculaires du système immunitaire constituaient un point commun entre les patients atteints de maladies auto-immunes, telles que le lupus. Chez les patients lupiques, les réponses extrafolliculaires sont activées de façon chronique, ce qui conduit à des taux élevés d’anticorps ciblant les tissus, et à la destruction d’organes tels que les poumons, le cœur et les reins.

La présence dans le sang de ces types de lymphocytes B particuliers, générés par réactions extrafolliculaires, constitue un marqueur important de la sévérité de l’atteinte dans le contexte du lupus. C’est désormais aussi le cas pour la Covid-19.

De façon similaire à ce que nous avions observé pour le lupus, mes collègues et moi-même avons identifié des signatures extrafolliculaires de lymphocytes B chez des patients atteints de formes sévères de Covid-19. Nous avons montré qu’au début de la réponse à l’infection, cette voie accélérée de production d’anticorps est rapidement activée chez ces patients. Leur corps produit alors des niveaux élevés d’anticorps spécifiques au virus, dont certains sont effectivement capables de le neutraliser. Cependant, en plus de ces anticorps protecteurs, nous en avons identifié d’autres qui ressemblent de façon très suspecte à ceux que l’on observe dans les maladies auto-immunes telles que le lupus.

En fin de compte, les patients présentant ces réponses immunitaires comportant des lymphocytes B de type auto-immun s’en sortent mal : on constate chez eux une incidence élevée de défaillance de divers systèmes d’organes, ainsi qu’une incidence de décès importante.

Atténuer la réponse immunitaire dans le contexte de la Covid‑19

Soyons clairs : la Covid-19 n’est pas une maladie auto-immune. Les réponses inflammatoires de type auto-immunes que mon équipe a découvertes pourraient simplement refléter la réponse « normale » face à une infection virale devenue incontrôlable.

Toutefois, même si ce genre de réaction est « normale », cela ne signifie pas qu’elle n’est pas dangereuse. Il a été démontré que les réponses extrafolliculaires prolongées contribuent à la gravité des maladies auto-immunes, non seulement en raison de la production d’anticorps ciblant certains tissus du corps, mais aussi à cause de l’inflammation qu’elles déclenchent, qui peut endommager des organes comme les poumons et les reins.

Ces observations suggèrent que les réponses immunitaires initiales à une infection virale telle que celle due au SARS-CoV-2 sont en tension avec les réponses anticorps plus ciblées, qui interviennent plus tard ; en d’autres termes, la production rapide d’anticorps par l’organisme en vue de s’attaquer au virus risque au final de cibler non pas celui-ci, mais les propres organes et tissus du malade.

Nous autres immunologistes devons encore en apprendre davantage. Pourquoi seuls certains patients développent-ils une si forte réponse extrafolliculaire ? Les anticorps qui résultent de cette réaction sont-ils particulièrement enclins à attaquer et à détruire les organes de l’hôte ? Les « formes longues » de Covid-19, dont on soupçonne qu’elles persisteraient après la disparition de l’infection virale, pourraient-elles s’expliquer par la permanence d’une telle réponse faisant intervenir des anticorps autoréactifs ?

Il reste des incertitudes. Cependant la communauté médicale doit avoir conscience que, chez certains patients, le traitement par stéroïdes (voire par des thérapies auto-immunes plus puissantes) constitue une arme essentielle dans la lutte contre la Covid-19, en permettant d’atténuer les réponses immunitaires problématiques. Médecins et scientifiques doivent continuer à conjuguer leurs efforts pour construire notre arsenal thérapeutique, en gardant à l’esprit que, dans certains cas, le contrôle de la réponse immunitaire pourrait être aussi important que le contrôle du coronavirus SARS-CoV-2 lui-même.

Débat : Colonialisme vert, une vérité qui dérange

28 mercredi Oct 2020

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  1. Guillaume BlancMaître de conférences à l’université Rennes 2. Chercheur à Tempora et chercheur associé au Centre Alexandre Koyré et à LAM (Les Afriques dans le Monde, Sciences po Bordeaux), Université Bordeaux Montaigne

Guillaume Blanc a reçu des financements de l’ANR CE-27 PANSER.

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Parc Simien
Ethiopie, le parc naturel Simien. Guillaume Blanc, Author provided

Le « monde d’après » sera écologique ou ne sera pas. La formule n’est pas métaphorique. Sauf changement radical, dans un futur proche, la planète que nous connaissons ne sera plus. Pour prendre l’indispensable virage écologique, beaucoup comptent sur les institutions internationales : le WWF (Fonds mondial pour la nature), l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) ou encore l’Unesco. Pourtant, ces prestigieuses organisations sont loin de remplir la mission qu’elles disent poursuivre.

Là où l’Européen s’adapte, l’Africain dégrade

Il est encore, en Europe, des agriculteurs et des bergers qui peuplent et façonnent les montagnes. Ces derniers nous montrent la voie de la sobriété écologique ; à ce titre, les institutions conservationnistes les soutiennent toujours davantage. En France par exemple, dans les Cévennes, en 2011, l’Unesco a classé au Patrimoine mondial de l’humanité des « paysages façonnés par l’agro-pastoralisme durant trois millénaires ». Et depuis, l’organisation plaide pour le « renouveau contemporain de l’agro-pastoralisme » et la « perpétuation des activités traditionnelles (des bergers et des agriculteurs) ». Voici donc une histoire européenne d’adaptation à l’environnement.

Le village méridional français de Sainte-Eulalie-de-Cernon, aux confins du plateau du Larzac.
Une photo prise le 23 juin 2011 dans le village méridional français de Sainte-Eulalie-de-Cernon, aux confins du plateau du Larzac. Eric Cabanis/AFP

Mais il y aurait aussi des histoires de dégradation. Ici, nous sommes en Afrique. Du nord au sud du continent, bien des montagnes sont également protégées par les institutions internationales de la conservation. Protégées… des agriculteurs et des bergers. Dans les montagnes éthiopiennes du Simien, par exemple, « les activités agricoles et pastorales […] ont sévèrement affecté les valeurs naturelles du bien », nous dit l’Unesco. Selon ses experts, « les menaces pesant sur l’intégrité du parc sont l’installation humaine, les cultures et l’érosion des sols ». Et c’est sur leurs recommandations qu’en 2016, l’Éthiopie a accepté d’expulser les quelque 2 500 cultivateurs et bergers qui vivaient au cœur du parc national du Simien.

Avant : le village de Gich, Simien (2013). Guillaume Blanc, Author provided
Après : le plateau de Gich, après l’expulsion (2019). Guillaume Blanc, Author provided

Le cas éthiopien n’est pas une exception. L’Afrique compte environ 350 parcs nationaux. Au XXe siècle, plus d’un million de personnes en ont été expulsées pour faire place à l’animal, à la forêt ou à la savane. Ces expulsions sont toujours d’actualité. Pis, dans certains cas, les plus atroces, les éco-gardes financés par des ONG occidentales abattent les habitants coupables d’avoir pénétré dans un parc pour y chasser du petit gibier, en temps de disette.

Aujourd’hui encore, dans les parcs africains, des millions d’agriculteurs et de bergers sont punis d’amendes voire de peine de prison pour avoir labouré leur terre, coupé des arbustes ou emmené leur troupeau pâturer en altitude. Voilà ce qu’est le colonialisme vert. Une entreprise globale qui consiste à naturaliser l’Afrique par la force, c’est-à-dire à la déshumaniser.

« Ce que peut l’histoire »

À cet égard, malheureusement, les archives ne mentent pas. À la fin du XIXe siècle, les colons qui prennent le chemin de l’Afrique laissent derrière eux une Europe en pleine transformation. Les paysages du Vieux Continent périssent sous les coups de l’urbanisation et de la révolution industrielle, et les Européens sont alors persuadés de retrouver en Afrique la nature qu’ils ont perdue chez eux. Ainsi naissent les premières réserves de chasse qui deviennent, dans les années 1930, des parcs nationaux. Et dans chacun d’entre eux, du parc Albert au Congo jusqu’au Kruger en Afrique du Sud, les colons expulsent les Africains ou au moins, les privent du droit à la terre.

Dans le parc national de Simien. Guillaume Blanc, Author provided

Puis vient l’indépendance. Mis au chômage forcé, de nombreux administrateurs coloniaux se reconvertissent en experts internationaux. Ils sont recrutés par l’Unesco ou l’UICN et, ensemble, ils décident de mettre sur pied une banque dont la première fonction serait de lever des fonds pour « faire face à l’africanisation des parcs », écrit alors Ian Grimwood, un ancien de la Rhodésie et du Kenya. Cette banque voit le jour en 1961 sous le nom de World Wildlife Fund : le WWF.

Ses experts se déploient alors dans tous les parcs d’Afrique où désormais, ils doivent composer avec des chefs d’États indépendants. Pour ces derniers, les parcs et la reconnaissance internationale qui les accompagne sont un moyen efficace de dynamiser l’industrie touristique et, aussi, de planter le drapeau national dans des territoires que l’État peine à contrôler : dans les maquis, chez les nomades, en zones sécessionnistes. Ainsi se tisse l’alliance entre l’expert et le dirigeant. Mais pour l’habitant, l’histoire se répète : expulsion, criminalisation, violence.https://www.youtube.com/embed/ftIR2cHp54Y?wmode=transparent&start=0

Aujourd’hui, le discours a changé. Depuis la fin des années 1980, les nouveaux « consultants » en patrimoine recommandent le « départ volontaire » des occupants des parcs, et la mise en place d’une « conservation communautaire ». Le discours est policé. Il ne peut cependant masquer la continuité des pratiques : tandis qu’en Europe les institutions internationales et leurs experts valorisent l’harmonie entre l’homme et la nature, en Afrique ils réclament encore l’expulsion d’habitants qui seraient trop nombreux, et destructeurs.

Cette réalité est choquante. Pourtant, elle rythme le quotidien des millions d’agriculteurs et de bergers qui vivent dans et autour des parcs africains. Voici, en matière d’écologie, ce que peut l’histoire, pour reprendre la belle formule de Patrick Boucheron. L’histoire peut nous aider à voir ce que l’on préférerait ignorer : le fait que l’Unesco, le WWF ou encore l’UICN conduisent des politiques similaires à celles de l’époque coloniale.

Une cécité de convenance

Au moins trois raisons expliquent la méconnaissance de cette histoire, et l’agacement qu’elle suscite chez certains : il y a le mythe ; la science ; et enfin, notre vie quotidienne.

D’abord, le mythe. L’idée d’un continent exclusivement naturel est aussi absurde que celle selon laquelle l’homme africain ne serait pas rentré dans l’histoire. Seulement, trop de produits culturels continuent de nous faire croire à l’Éden africain : des romans comme Les racines du ciel de Romain Gary jusqu’à Out of Africa ; des magazines et des guides tels que le National Geographic ou le Lonely Planet ; ou encore des films comme le Roi Lion. Tous décrivent une Afrique chimérique : une planète verte, vierge, sauvage. Mais cette Afrique n’existe pas. L’Afrique est habitée, cultivée. Et ses parcs ne sont pas vides : ils ont été vidés.https://www.youtube.com/embed/Rjzf_cWzlp8?wmode=transparent&start=0Out of Africa, Wolfgang Amadeus Mozart, concerto pour clarinette en la majeur, K. 622.

La puissance du mythe nous renvoie ensuite aux croyances scientifiques. Les forêts primaires sont une illustration criante du phénomène. En réalité, elles n’existent presque nulle part sur le continent, puisque les Africains façonnent les forêts comme les Européens. Seulement, des personnalités comme Al Gore diffusent des chiffres totalement faux, selon lesquels la forêt primaire « africaine » aurait été détruite par ses occupants, siècle après siècle. Et ces chiffres sont pris pour argent comptant par les experts internationaux qui les diffusent, ensuite, dans les parcs africains. La plupart de ces experts ignorent tout des réalités locales. Il n’empêche. Partout, ils recommandent l’expulsion ou au moins la criminalisation d’agriculteurs et de bergers qui ne participent pas, eux, à la crise écologique.

C’est là, enfin, toute l’incohérence des politiques globales de la nature. Avec son livre Une vérité qui dérange, malgré le caractère fantasque de certains chiffres, l’ancien vice-président des États-Unis participe bel et bien à la lutte contre le changement climatique. Il est d’ailleurs l’un des rares « experts » à en décrire si finement les ravages sociaux. En revanche, Al Gore ne dit jamais rien des entreprises polluantes que sont, par exemple, Google et Apple. Car celui-ci finance la première et participe à l’administration de la seconde. Ceux qui protègent sont aussi ceux qui détruisent.

Ce paradoxe n’est pas le fruit d’un complot orchestré par des multinationales malveillantes et des États retords. Il est le résultat de « notre » mode de vie quotidien. Les habitants des parcs africains ne dégradent pas la nature. Ils consomment leur propre nourriture. Ils vont à pied. Ils n’ont ni électricité, ni smartphone. Et pourtant, ils sont les premières cibles des institutions internationales de la conservation. Pourquoi ? Pour nier l’évidence. S’en prendre à ceux qui vivent d’une agriculture de subsistance permet d’éviter de remettre en cause l’exploitation effrénée des ressources de la planète entière. Préserver la nature dans les parcs africains, c’est, en fait, s’exonérer des dégâts que cause partout ailleurs notre mode de vie consumériste et capitaliste. Voici la matrice du colonialisme vert. Et cette vérité dérange car l’accepter, ce serait reconnaître que, pour enfin amorcer le virage écologique, il faudrait s’en prendre non plus à la paysannerie (africaine), mais à nous-mêmes.

Est-ce encore utile de surveiller les salariés ?

27 mardi Oct 2020

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  1. Caroline DiardProfesseur associé en Management des RH et Droit, EDC Paris Business School /Enseignant-chercheur (vacataire), ICN Business School
ICN Business School

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Aux États-Unis, les intentions d’achat de logiciels de surveillance des salariés à distance ont bondi en début d’année. Valéry Hache / AFP

La question du contrôle au travail est soulevée par l’utilisation de plus en plus massive d’outils de surveillance et de technologies de contrôle en situation de télétravail. L’intention d’achat de ces outils a ainsi été multipliée par plus de 50 entre janvier et avril 2020 aux États-Unis.

Cette émergence interpelle et montre que le télétravail, mode d’organisation du travail qui s’est imposé et semble se pérenniser dans bon nombre d’organisations ces derniers mois, nécessite de repenser et d’agencer la relation managériale.


À lire aussi : Votre patron a-t-il le droit de vous espionner lorsque vous télétravaillez ?


Cette surveillance technologique n’est toutefois pas un phénomène nouveau, et n’est pas interdite. En effet, l’existence d’un contrat de travail suppose un lien de subordination qui place le salarié sous l’autorité de son employeur qui, en vertu de son pouvoir de direction, dispose d’un pouvoir de contrôle et de surveillance. Les technologies de surveillance ne sont cependant autorisées qu’à condition d’en informer le salarié et qu’elles soient spécifiquement justifiées et proportionnées.

Cependant, un système qui permettrait d’exercer une surveillance constante reste interdit. En dépit de contraintes légales, il est pourtant désormais techniquement possible de surveiller les salariés (logiciels de géolocalisation, de mesure du temps de connexion, caméras, etc.).

Contrôle social

Il est légitime de s’interroger sur la pertinence des outils technologiques organisant la surveillance des salariés. En effet, ces logiciels peuvent entamer la relation de confiance, alors même que les salariés tendent de plus en plus à organiser leur propre contrôle. Cette tendance à l’autocontrôle a notamment été révélée par l’augmentation du temps de travail enregistré pendant le confinement, et ce au niveau mondial.

Comment l’expliquer ? Il ressort de nos travaux de recherche (en cours) que ce phénomène peut être lié au contrôle social. Ce contrôle social s’exerce lorsque les individus adhèrent aux normes collectives et les jugent légitimes. Une forme de contrôle social s’exerce en interne quand les individus adhèrent aux normes collectives et les jugent légitimes. Le groupe organise une forme de contrôle en son sein. Il en est de même pour les individus qui développent une forme d’autocontrôle, bien que leurs managers leur fassent confiance.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-0&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1296919260418256896&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fest-ce-encore-utile-de-surveiller-les-salaries-147582&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

De même, un contexte technologique facilitant a renforcé l’autocontrôle des salariés. La surveillance numérique peut en effet être assimilée à un système panoptique, tel qu’imaginé par le philosophe britannique Jeremy Bentham en 1791.

Le panoptique, type d’architecture carcéral, est un système qui peut se passer de surveillant. Il crée « un rapport de pouvoir indépendant de celui qui l’exerce » selon le philosophe français Michel Foucault.

Le propre du panoptique est donc d’induire une forme d’autocontrôle. Dans le monde professionnel, la surveillance exercée par les salariés entre eux crée ainsi de nouveaux moyens de pression permettant d’éviter les comportements déviants. Les situations de télétravail ne dérogent pas à la règle.

Une nouvelle relation managériale

Dans les centres d’appel par exemple, le contrôle est modifié par les nouvelles technologies qui rendent possible un suivi individuel des temps (temps de frappe, temps de traitement d’appel). Chacun est surveillé, en permanence, sans savoir par qui, comme dans un panoptique. L’autodiscipline ou autocontrôle devient ainsi le corollaire de ce nouveau type de surveillance.

Cette situation comporte des implications lourdes en termes de management. En effet, la connectivité permanente induite par le travail à distance rend les salariés dépendants, se sentant parfois contraints de devoir répondre immédiatement aux sollicitations de l’organisation. Le manager devra donc veiller à éviter tout stress technologique.

Dans les centres d’appel, tout le monde est contrôlé, sans nécessairement savoir par qui. Gundula Vogel/Pixabay, FAL

Les organisations vont devoir faire évoluer les modes managériaux vers davantage d’autonomie, en évitant les situations d’isolement, avec une contrepartie en matière d’obligations de résultats.

Il s’agira par exemple, de déléguer, de veiller à ne pas multiplier les réunions inutiles, à communiquer clairement sur l’organisation, la stratégie et le fonctionnement de l’entreprise. Le manager se doit désormais d’être agile, et doit développer l’autonomie des collaborateurs. Il doit être en mesure de lâcher prise et de faire confiance. Grâce à une communication constructive, une transparence renforcée, un dialogue adapté, la relation managériale pourrait donc s’enrichir profondément. En outre, cette autonomie laissée au collaborateur et la confiance que lui porte son manager devraient contribuer à des relations plus apaisées.

Séparatisme : un projet de loi et beaucoup de questions pour les services publics

26 lundi Oct 2020

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  1. Géraldine GalindoProfesseur, ESCP Business School
  2. Hugo GaillardDocteur en Sciences de Gestion et enseignant en GRH, Le Mans Université
ESCP Europe

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Pour faire face aux « dérives », le président de la République présentait les grandes lignes de son projet de loi sur « les séparatismes », le 2 octobre dernier. Ludovic Marin / AFP

Lors de la présentation du projet de loi sur « les séparatismes », le vendredi 2 octobre dernier, le président de la République Emmanuel Macron a dressé les contours d’un texte qui sera présenté le 9 décembre en Conseil des ministres.

Si le mot de « séparatisme » a depuis été abandonné dans l’intitulé, le texte vise notamment étendre l’obligation de neutralité, qui existe déjà pour les agents publics, aux salariés des entreprises délégataires d’un service public.

Selon la loi, ces entreprises sont tenues par un contrat « par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé ». Des grandes entreprises comme ADP (anciennement Aéroports de Paris) ou la RATP sont ainsi concernées, mais aussi des petites structures comme des gestionnaires de crèches ou de piscines municipales.https://platform.twitter.com/embed/index.html?creatorScreenName=Geraldinnov&dnt=false&embedId=twitter-widget-0&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1311983592516587522&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fseparatisme-un-projet-de-loi-et-beaucoup-de-questions-pour-les-services-publics-147465&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

Au sujet de cette extension, certains avancent qu’elle est inutile. Effectivement, quelques règles permettent déjà de se repérer en matière d’application de la neutralité pour les structures qui portent une mission de service public.

Or, plusieurs situations ont fait ressortir l’imprécision de ces critères et leur difficile mobilisation au niveau managérial : l’affaire Baby loup reste à ce jour la plus signifiante. En 2008, l’une des salariés avait été licenciée pour « faute grave » car le port du voile était contraire au règlement intérieur de cette entreprise, une structure privée. Une décision confirmée par la Cour de cassation après plus de cinq ans de feuilleton judiciaire qui estimait que le règlement intérieur était « suffisamment précis au regard du contexte et de l’objectif ».

Zones d’incertitudes

Pourtant, selon la loi, dans les entreprises privées, un principe domine : la liberté de chaque individu de croire, de ne pas croire, mais aussi de manifester sa croyance, y compris dans le contexte de son travail. Ainsi, tout salarié peut en principe se vêtir et agir librement en accord avec ses croyances dans le contexte de son travail, en respectant toutefois les principes d’hygiène et de sécurité, et de bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans le service public, le principe de laïcité domine. Depuis 1905, cela signifie une obligation de neutralité des agents à l’égard des usagers d’une part, pour garantir à ces derniers une égalité de traitement, et une obligation de neutralité à l’égard de leur institution d’autre part, pour ne pas perturber le service et sa cohésion. Ce principe de laïcité est donc synonyme de neutralité dans ces services publics (enseignement, justice, police par exemple) mais aussi dans toutes les organisations publiques (transports, énergie par exemple).

Or, dans les deux cas, des zones d’incertitudes persistent, que cherchent à réduire le législateur et/ou les managers.

Loi de 1905.

Dans les organisations publiques, la neutralité pourrait apparaître comme une solution idéale et facile à mettre œuvre. Pourtant, dans son discours récent, le président a évoqué des « dérives ».

Certains travaux évoquent en effet l’existence d’une gestion du fait religieux qui recouvre deux réalités bien distinctes : si les cas sont en majorité mieux gérés par les entreprises, certaines demandes se muent aujourd’hui en revendications.

Le cas des autorisations spéciales d’absences pour fêtes religieuses, qui ne sont autre chose que des jours de congés supplémentaires aux fêtes religieuses chômées pour les agents qui n’appartiennent pas au culte catholique, font notamment l’objet d’un débat en ce qu’il peut créer un sentiment au moins de confusion, sinon d’injustice.

Comment en est-on arrivé à cette situation  ? Nous avions déjà mis en évidence dans un précédent article que l’application du principe de laïcité est soumis à trois hypothèses fortes : sa stabilité, son universalité et l’imperméabilité entre les sphères. Or, dans la réalité, les acceptions de ce principe ont évolué et il n’y a pas d’étanchéité totale entre les organisations publiques et privées : certaines appartenant à la deuxième catégorie peuvent exercer une mission de service public.

Cascade d’attentes

L’enjeu du projet de loi est donc de définir à qui s’appliquera(it) le principe de neutralité dans le cadre d’une délégation de service public. Or, cet enjeu amène une cascade d’attentes. Cela nécessitera en effet de définir encore plus précisément ce que l’on entend par « délégation de service public », d’en définir les contours, mais aussi de distinguer les personnes concernées par ces missions.

Par exemple, un·e salarié·e exerçant une partie de son temps une mission de service public, ne sera-t-il.elle soumis·e que partiellement à ce principe de neutralité ? Et au-delà, cela impliquera de donner une définition et des limites au principe de neutralité, dont la mise en application est souvent moins aisée que prévu.

La RATP fait partie des entreprises concernées par le projet de loi du gouvernement sur « les séparatismes ». Ludovic Marin/AFP

Cette perspective d’évolution juridique pourrait se concrétiser par trois scénarios en fonction du contenu du texte, mais aussi de son adoption et de ses mises en actions par les organisations concernées et leurs managers :

  • une loi de recadrage utile pour fixer des limites à certaines pratiques et éviter que certaines entreprises n’appliquent ou n’appliquent pas la neutralité à tort.
  • une loi qui brouille encore les repères déjà flous proposés par la jurisprudence ;
  • une loi inutile et qui ne ferait pas référence, sur laquelle les administrations publiques ne pourrait donc pas s’appuyer lors des processus de délégation.

Des outils d’accompagnements des entreprises concernées pourraient également s’avérer nécessaires (formations, conseils juridiques, guides pratiques d’études des situations de délégation), et l’incitation à les organiser pourrait venir de la loi. Dans tous les cas, les zones de flou restent trop importantes à l’heure actuelle et seule la présentation du texte rédigé, puis amendé, permettra de laisser envisager l’un ou l’autre des scénarios avec plus de certitudes, selon le degré de précision qu’il fera gagner au corpus juridique préexistant.

« Yalda, la nuit du pardon », un cinéma-vérité aussi puissant que dérangeant

25 dimanche Oct 2020

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  1. Sandrine AragonChercheuse en littérature française (Le genre, la lecture, les femmes et la culture), Sorbonne Université

Sandrine Aragon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Sorbonne Université
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Peut-on sauver une vie dans une émission de télévision ? Ou grâce à un film ? Le film de Massoud Bakhshi, Yalda, la nuit du pardon, qui sort en salle le 7 octobre 2020, saisit par sa réflexion sur le pouvoir des médias et ce qu’il révèle de la société iranienne. Le jury du dixième festival de cinéma ELLE, réuni en septembre, dont je faisais partie cette année, est resté sous le choc lors de la projection de ce film déjà très applaudi aux États-Unis puisqu’il a reçu le grand prix du jury au festival de Sundance 2020.

Le cinéma iranien et son succès

Le cinéma iranien est de plus en plus reconnu en Europe depuis la Palme d’Or d’Abbas Kiarostami pour Le goût de la Cerise en 1997, film interdit en Iran ; Une séparation d’Asghar Farhadi césarisé, oscarisé, sacré à Berlin ou Taxi Téhéran de Jafar Panahi, ours d’or à Berlin en 2015, tourné en cachette dans un taxi. Son réalisateur a été ensuite interdit de quitter le pays et de tourner pendant 20 ans. Un festival de cinéma iranien a été créé à Vitré en Ille-et-Vilaine, et a primé Yeva, de la réalisatrice Anahid Abad, en novembre 2019.

Massoud Bakhshi a déjà une dizaine de documentaires à son actif et un court métrage célébré par de nombreux prix internationaux. Son film Une Famille respectable en 2012 bien que sélectionné à Cannes, n’est pas sorti en Iran et lui a valu une condamnation pour son regard critique sur son pays lors de la guerre Iran/Irak.https://www.youtube.com/embed/E4yZiIcInDM?wmode=transparent&start=0

Huit ans après, son regard formé au documentaire le conduit à réaliser ce film inspiré de faits réels qui reprend le principe d’une émission de télé-réalité à succès, Le prix du pardon en Iran, qui existe depuis 13 ans. Ce film, en persan sous-titré, raconte l’histoire contemporaine de Maryam, 22 ans, qui a tué accidentellement son mari Nasser, 65 ans. Elle est condamnée à mort pour cet acte. La seule personne qui puisse la sauver est Mona, la fille de Nasser. Il faut que Mona accepte de pardonner Maryam en direct durant l’émission télévisée, devant des millions de téléspectateurs, pour que la condamnation soit levée.

La mise en scène du talk-show

Le film nous entraîne au cœur des studios, lors de l’enregistrement de l’émission qui révèle peu à peu l’histoire de l’héroïne, un peu comme Slumdog millionnaire nous plongeait dans l’Inde populaire à travers un « Qui veut gagner des millions » indien.

Le talk-show de Yalda mêle interludes musicaux, lectures et intervention d’un comité moral de spectatrices qui viennent lire et inviter au pardon, tandis que les deux femmes, la jeune mariée et la fille du défunt sont installées sur leurs grands fauteuils dorés. L’histoire de l’héroïne est résumée dans un téléfilm – façon soap – qui retrace les moments clés de sa vie, tandis que la principale intéressée crie en coulisses que l’histoire pour laquelle elle est jugée a été totalement déformée pour la jeter en pâture aux téléspectateurs.

L’émission est diffusée pendant le ramadan pour la fête iranienne de Yalda, qui célèbre le début de l’hiver. Des fruits au cœur rouge, symboles du soleil ornent les tables comme le studio, aux couleurs rouges sang. Il faut rester divertissant en ce jour de fête. Les spectateurs sont invités à voter pour décider si la jeune femme aura la vie sauve et les sponsors sont invités à payer « le prix du sang » à Mona, la fille du défunt.

Les Français ont connu les spectacles interactifs de Robert Hossein, le vote des spectateurs pouvant sauver la vie de personnages historiques, dans Le Cuirassé Potemkine (1975), Notre Dame de Paris (1978), Un Homme nommé Jésus (1983), Jules César (1985) L’affaire du Courrier de Lyon (1987)… jusqu’à Seznec (2010).

Mais il s’agissait toujours de voter de façon fictive et a posteriori. Dans ce film, le spectateur vote réellement pour la mort d’une personne encore en vie qu’il voit à l’écran, et dont la prestation est orchestrée savamment par les producteurs de l’émission.

Le spectateur au cinéma se retrouve dans la même position que celui de l’émission de télévision, jaugeant la peine et la sincérité d’une condamnée à mort. La télévision se substitue au système judiciaire iranien dans un divertissement populaire.

Des destins de femmes en Iran

Ce film nous plonge dans la vie de trois femmes dans L’Iran d’aujourd’hui.

Une mère, qui entraîne sa fille à participer à l’émission, attirée par la célébrité, une jeune fille apeurée Maryam, dont nous découvrons peu à peu l’histoire tragique, orpheline de père, condamnée à mort pour le meurtre – qu’elle affirme accidentel – de son mari, et la fille du défunt, Mona autour du producteur de l’émission, grand organisateur de la rencontre.

Même si depuis quelques années, certaines Iraniennes se battent pour retirer leur voile dans l’espace public, toutes les femmes apparaissent voilées dans le film.

L’avocate des droits de l’homme Nasrin Sotoudeh, prix Sakarov 2012, qui a défendu les femmes sans voile et a été condamnée à 13 ans de prison pour désobéissance civile, est actuellement en grève de la faim pour dénoncer le sort des prisonniers politiques. Elle a été récemment renvoyée en prison après un séjour à l’hôpital. Dans le film, la mère invite sa fille à changer la couleur de son hijab, du noir au marron, pour être plus séduisante.

Le mariage temporaire auquel a été contrainte la jeune femme de 20 ans avec un homme de presque 50 ans son aîné, pour lequel travaillait son père, interpelle également le spectateur. Appelé sigheh en Iran, ce mariage musulman à durée déterminée, pour une heure, un jour, un an et jusqu’à 99 ans. Il peut être immédiatement consommé. Maryam est ainsi tombée enceinte au détriment de Mona, fille de Nasser, qui jusqu’alors était sa seule héritière. Ce type de mariage controversé est en vogue en Iran comme en Syrie.

Le face à face mis en scène dans le film oppose deux femmes de classes sociales différentes. La jeune fille, orpheline de père, avoue en pleurs avoir été forcée à ce mariage. Sa mère et Mona l’ont contrainte à répondre aux demandes insistantes d’un homme plus âgé et riche, usant de son pouvoir. En plus de la question du harcèlement sexuel, les conflits de classe sous-tendent le débat.

Cette condamnée ne peut racheter son crime que par ses larmes. Les secrets sordides qui lui ont été cachés les font couler au fil de l’émission. Selon la charia (loi islamique), un condamné à mort pour meurtre peut échapper à l’exécution et purger une peine de prison s’il est pardonné par la famille de la victime, qui reçoit en échange le « prix du sang ». Ce sont les lois du Qisas, la loi du talion qui exige que le sang versé soit compensé par un autre sang ou, si la famille accepte et pardonne, la compensation du préjudice subi par un montant fixé chaque année.

Un film peut-il amener à une prise de conscience et au pardon ?

L’émission qui a inspiré le film s’est arrêtée après 13 ans d’existence et de succès, suite aux réactions des spectateurs du film de Massoud Bakhshi en Iran, selon les déclarations du réalisateur :

« Quand la justice devient spectacle, mise en scène, c’est pour moi une forme inacceptable. Après mon film, l’émission a été arrêtée, c’était important pour moi. C’était une grande émission populaire, je me suis demandé aussi qui la regardait. »

Le cinéma avait déjà permis de sauver la vie d’un condamné, en Iran, lorsque le réalisateur Mostafa Kiaei avait organisé une séance de cinéma projetant son film La Ligne Spéciale pour récolter l’argent et sauver un condamné à mort, innocenté entre temps.

De même, le réalisateur de Yalda, a déclaré (lors du Dixième festival de cinéma de ELLE) avoir donné l’argent gagné à la sortie de son film Yalda ou la nuit du pardon en Iran à une association de femmes luttant pour sauver des condamnés à la peine de mort. Deux jeunes condamnés pour homicides auraient été sauvés en payant ainsi le prix du sang : l’un pour un crime commis à l’âge de 14 ans et un autre condamné pour un décès accidentel dans l’incendie de son atelier. Le réalisateur souhaitait sauver une femme, comme son héroïne, mais l’urgence des dates d’exécution en a décidé autrement, a-t-il déclaré.

Si le cinéma iranien d’aujourd’hui nous séduit, c’est par sa force, sa liberté et le véritable pouvoir qu’il confère au cinéma. Il joue des codes du divertissement pour révéler les drames que vivent des iranien.nes aujourd’hui et éveiller les consciences dans le monde entier.

« Fichés S » et autres fichiers de police : de quoi parle-t-on vraiment ?

24 samedi Oct 2020

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Auteur

  1. Yoann NabatDoctorant en droit privé et sciences criminelles, Université de Bordeaux

Yoann Nabat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Les contrôles de police sont aussi l’occasion de vérifier si la personne est inscrite dans un fichier. THOMAS COEX / AFP

La question revient inlassablement après chaque attentat : l’auteur était-il « fiché S » ? Si ce n’est pas le cas pour l’assaillant de Samuel Paty, la question se pose néanmoins pour ses éventuels complices.

Pour nombre d’entre nous, le « fiché S » serait celui qu’on soupçonne de terrorisme, qu’on surveille. Il serait l’individu dangereux que d’aucuns souhaiteraient voir enfermer, ou au moins expulser. Il serait celui qui n’a pas encore commis d’attentat, mais qui va en commettre.

Pourtant, et cela peut surprendre au regard de la lumière médiatique qui y est portée, il n’existe pas, en France, de « fichier S ».

Ce qui est appelé ainsi, par abus de langage, n’est autre qu’un type de signalement inscrit au Fichier des Personnes Recherchées (FPR).

Le FPR est l’un des plus importants fichiers policiers français (à la fois quant au nombre d’individus fichés, et quant à l’utilisation quotidienne qui en est faite). Il recense les personnes qui font l’objet d’une « fiche », c’est-à-dire d’un signalement par une décision judiciaire, administrative ou policière. Il est un fichier d’identification, alors que d’autres sont davantage dédiés à l’assistance à l’enquête en elle-même (comme le logiciel Anacrim, tout aussi médiatique) ou que d’autres encore contiennent nos empreintes digitales ou ADN.

620 000 fiches actives

Il existe un très grand nombre de cas dans lesquels vous pouvez être « fiché » au FPR. On y trouve ainsi, pêle-mêle, les individus ayant fait l’objet d’une interdiction judiciaire quelconque (par exemple, une interdiction de stade), ceux qui ont une dette auprès du fisc, ou encore les déserteurs de l’armée. Les derniers chiffres font état d’environ 620 000 fiches actives.

Le FPR fait l’objet d’une alimentation à la fois par les organes judiciaires et administratifs. L’accès y est très régulier, notamment par les forces de l’ordre lors des contrôles sur le bord de la route (via leur mobile ou une tablette).

À chaque catégorie de signalement correspond un type de fichier particulier et une lettre. Les étrangers en situation irrégulière se trouveront ainsi fichés « E », les débiteurs du Trésor Public fichés « T » ou encore les enfants fugueurs « M ».

Chaque fiche est complétée par le service qui l’a créée : greffes des tribunaux, services de renseignement, direction des finances publiques, police aux frontières, etc. Elle mentionne systématiquement l’identité de la personne, sa photographie, le motif de la recherche ainsi que la « conduite à tenir » (« CAT » en langage policier). Cette dernière peut être variable, de l’arrestation de la personne à l’absence d’action, en passant par le simple signalement à l’autorité émettrice.

S pour « Sûreté de l’État »

Mais quelles sont les fameuses « fiches S » ? Le S tient pour « Sûreté de l’État ».

Elles concernent « les personnes qui peuvent, en raison de leur activité individuelle ou collective, porter atteinte à la sûreté de l’État et à la sécurité publique par le recours ou le soutien actif apporté à la violence, ainsi que celles entretenant ou ayant des relations directes et non fortuites avec ces personnes », selon le dernier rapport parlementaire sur la question.

Comprendre : les individus considérés comme potentiellement dangereux (sans distinction entre différents degrés de dangerosité), par leurs actes ou leur soutien à des actes, mais aussi les personnes gravitant autour de ces individus.

Manifestation d’Extinction Rebellion le 7 octobre 2019 Place du Châtelet à Paris. Certains militants écologistes peuvent être fichés « S ». AFP

Aucune mention donc de l’islamisme radical, ni même du terrorisme. La fiche S peut aussi bien concerner le militant d’ultragauche que l’islamiste radicalisé proche de passer à l’action. Il peut concerner tout individu qui est jugé dangereux pour la sûreté de l’État par un service de renseignement national tel que la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) qui traite des menaces les plus importantes au niveau national, la Direction du renseignement de la préfecture de police de Paris (DRPP) pour la capitale ou encore le Service central du renseignement territorial (SCRT), dont la mission est de rassembler les informations remontées localement.

Si le nombre précis de fichés S est inconnu, il est en tout cas assez important. Il n’y a, parmi ce nombre, pas de distinction entre différents types de fiches S selon la cause de signalisation. Les fiches sont seulement distinctes par la conduite à tenir qui y est inscrite, celle-ci étant standardisée et identifiée par un numéro de 1 à 11 (fiches S1, S2, S3, etc.).

Un simple outil policier

Quel est alors le but d’une fiche S ? Il ne s’agit pas d’une condamnation, ni même d’une décision judiciaire. La fiche S émane d’un service de renseignement qui souhaite, le plus souvent, simplement être informé en cas de contrôle de l’individu quelque part sur le territoire national (ou aux frontières).

L’individu fiché S ne fait donc pas nécessairement l’objet d’une surveillance active. Pas plus qu’il n’est bien sûr informé de cette fiche (le plus souvent, les CAT prévoient d’ailleurs de ne pas alerter l’individu lors du contrôle).

La fiche permettra simplement à l’agent de police ou de gendarmerie qui, lors d’un contrôle routier, est amené à croiser la route d’un individu fiché S, de faire remonter l’information auprès des services de renseignement, qui, la plupart du temps, en prendront simplement note.

La fiche S n’est donc ni une condamnation pénale, ni même l’indice d’une surveillance active. Elle ne témoigne ni d’une dangerosité accrue ni d’un passage à l’acte immédiat. Elle pourra néanmoins impacter la vie de l’individu : le FPR est consulté lors des enquêtes administratives, et peut donc amener à un avis négatif pour l’obtention d’un emploi dans la fonction publique ou dans les secteurs privés de la sécurité.

Elle peut aussi être problématique pour l’obtention d’un passeport ou d’un permis particulier (port d’armes par exemple).

La fiche S ne permet pas, à elle seule, de fonder une décision d’expulsion (malgré une récente annonce ministérielle) pas plus qu’elle ne permet par exemple de retirer le statut de réfugié à un individu. Le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, est à ce propos extrêmement clair. La fiche S doit rester ce qu’elle est : un outil policier.

D’autres fichiers plus discrets

L’individu fiché S n’est pas nécessairement un dangereux radicalisé prêt à passer à l’acte, et tous ceux qui passent à l’acte ou qui sont soupçonnés de le faire ne sont pas fichés S. Le drame de vendredi dernier en est malheureusement la triste démonstration.

Les services de renseignement eux-mêmes d’ailleurs n’apprécient pas particulièrement la fiche S, dont la publicité (elle est visible par tous les policiers et gendarmes qui consultent le FPR) peut-être néfaste à la nécessaire discrétion en la matière. Les sénateurs pointent ainsi dans un rapport de fin 2018 le risque d’éveiller les soupçons chez la personne fichée lors d’un contrôle, si l’attitude du policier ou du gendarme est, même involontairement, modifiée à la lecture de cette information sur sa tablette.

D’autres fichiers, cette fois parfaitement confidentiels, répondent davantage à leurs besoins : CRISTINA (principal fichier généraliste propre au renseignement), et le FSPRT, spécifique à la problématique de la radicalisation. Ces deux outils font partie d’une liste de dix-sept fichiers « intéressants la sûreté de l’État » et dont le fonctionnement et l’usage sont complètement secrets.

Plus généralement, la problématique est ici la même pour tous les fichiers de police : ils sont uniquement des outils, au service de l’enquête ou de la prévention ciblée des infractions. Pourtant, leur usage et leur champ d’application tendent à se développer et ne sont pas sans conséquences sur chacun d’entre nous.

« Défavorablement connu des services de police »

Qui ne s’est jamais interrogé sur l’expression « défavorablement connu des services de police » ? Là encore, derrière cette formule, se cache un autre grand fichier : le Traitement des Antécédents Judiciaires, ou TAJ.

Or, comme le FPR, le TAJ comprend les données d’individus seulement soupçonnés, non condamnés (contrairement au Casier Judiciaire National, plus encadré, mais auxquels les forces de l’ordre n’ont pas un accès immédiat). Pourtant, là encore, les conséquences pour les individus peuvent être très concrètes, et là encore, par le biais des enquêtes administratives.

Vous avez fait l’objet d’une arrestation après un acte de désobéissance civile, pour lequel vous n’avez pas été poursuivi devant la justice ? Il est fort probable que vous soyez fiché au TAJ, et que ce fichage déclenche un avis négatif lors d’une « enquête de moralité » préalable à l’embauche dans la fonction publique ou pour certains emplois privés dans des domaines réglementés (sécurité, mais aussi jeux et paris par exemple, ou lorsqu’il y a manipulation de substances dangereuses).

Les fichiers de police sont donc beaucoup plus complexes qu’il n’y paraît de prime abord. Ils sont bien distincts des fichiers judiciaires, comme le Casier Judiciaire, connu de tous et obéissant à des règles bien précises. Ils répondent à une logique différente : celle de l’enquête.

Un développement exponentiel des fichiers

La numérisation des enquêtes, l’usage de l’intelligence artificielle, la généralisation des dispositifs mobiles à la disposition des forces de l’ordre, le recours à la biométrie sont autant de facteurs qui font se développer exponentiellement les fichiers de police.

Le dernier rapport parlementaire en la matière en identifie ainsi une centaine à la disposition des forces de l’ordre.

Si leur caractère utile dans les investigations, et même indispensable en matière de renseignement, ne serait être nié, il convient de garder à l’esprit leurs limites, et cela dans toutes les circonstances, même les plus atroces.

Un fichier de police, même le FPR, ne saurait justifier une mesure restrictive ou privative de liberté, même au nom de la prévention. Il ne doit pas non plus être perçu comme la marque au fer rouge du XXIe siècle.

Des mesures fortes existent

Sommes-nous pour autant démunis en matière de prévention des infractions, notamment terroristes ? La réponse négative apparaît évidente à qui s’intéresse à la matière préventive, en très large développement depuis une vingtaine d’années.

Les mesures administratives individuelles très largement admises après la fin de l’état d’urgence en 2017 et la création d’infractions pénales incriminant des actes préparatoires de plus en plus minces devraient suffire à convaincre de notre arsenal préventif.

Enfermer, punir ou expulser l’individu radicalisé avant qu’il passe à l’acte est, en droit français, largement possible et pratiqué selon un récent rapport parlementaire dressant un premier bilan de la loi de 2017.

Ainsi, le fait qu’un auteur d’attentat soit « fiché S » ou « défavorablement connu des services de police » ne peut être considéré en lui-même comme un symptôme de l’échec des services de renseignement.

Les fichiers de police ne sont, et ne doivent pas être, des outils de décision. Ils sont plutôt des outils d’aide à la décision, parmi d’autres. La décision d’interpeller ou d’enfermer un individu ne peut se prendre que sur la base d’un comportement effectif et constaté, soit par le biais des condamnations pénales, soit par le biais des mesures administratives.

Ces procédures sont mises en œuvre selon des règles précises, sont susceptibles de recours administratifs et judiciaires et sont précisément limitées. La généralisation de mesures liberticides à un ensemble d’individus d’une catégorie hétérogène et strictement policière, n’est ni possible juridiquement, ni souhaitable dans un État de droit démocratique.

Banques : le grand retour du conseiller « dédié »

24 samedi Oct 2020

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  1. Jérémie BertrandProfesseur de finance, IÉSEG School of Management
  2. Aurore BurietzProfesseur de Finance, LEM-CNRS 9221, IÉSEG School of Management
IESEG School of Management

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Le groupe BNP Paribas teste actuellement dans une trentaine d’agences l’accès à un conseiller payant. PxHere, CC BY-SA

« BNP Paribas teste le conseiller bancaire payant » titrait le quotidien économique les Échos en date du 19 septembre 2020. Le principe : la création d’un conseiller « dédié » ou « affinité » en charge d’un portefeuille de clients plus restreint ; une continuité des services avec un remplaçant attitré en cas d’absence ; et un objectif précis : mieux répondre aux attentes des clients de la banque grâce à sa disponibilité et à son expertise.

Or, on peut se demander si ce modèle est réellement nouveau. Rappelons que le métier initial de la banque est de soutenir l’économie à travers son activité de prêts et de services associés (produits de placement, projet d’investissement, etc.).

Dans cette optique, le rôle clé d’une banque est de collecter des informations et de réussir à les interpréter pour fournir des réponses appropriées aux demandes de ses clients.

La banque a alors le choix entre deux approches : une démarche transactionnelle et/ou relationnelle.

Un modèle déjà existant

Le modèle transactionnel se réfère généralement au modèle dit « à l’acte ». C’est l’idée que la banque ne cherche pas à développer de relation particulière avec son client. Son objectif principal est alors de minimiser ses coûts. Cela se traduit par une réduction du temps alloué à la transaction et une démarche basée sur des données quantitatives faciles à obtenir et à analyser (salaires, impôts sur le revenu, bilan et compte de résultat).

À l’opposé, elle peut adopter une démarche relationnelle, c’est-à-dire une démarche basée sur le développement d’une vraie relation sur le long terme. Cela implique que le banquier connaisse (vraiment) ses clients à travers de nombreux échanges et l’accumulation d’une information plus qualitative. Ces échanges prennent donc du temps et cela suppose non seulement que le chargé d’affaires ne possède pas un portefeuille de clients trop important mais également que le client bénéficie d’une stabilité dans ses échanges avec l’institution bancaire via un conseiller qui reste le même.

Les banques en ligne adoptent un modèle transactionnel, c’est-à-dire qu’elles ne cherchent pas à développer de relation particulière avec leurs clients. Tumisu/Pixabay, CC BY

En résumé, ce modèle de relationnel bancaire comprend trois éléments importants : le développement d’une relation dédiée, la présence d’une stabilité dans la relation, et des échanges fréquents permettant une transmission d’information privilégiée.

Si l’on compare ces caractéristiques à celle du nouveau « conseillé dédié », on peut remarquer que finalement elles se ressemblent fortement, et que le nouveau conseillé affinité ne serait en fait que le retour à un système relationnel connu depuis longtemps.

Ce retour est d’autant plus intéressant que le modèle relationnel a été boudé pendant une période par les banques. En effet, comme expliqué précédemment, le modèle relationnel implique que les chargés d’affaires doivent rester en poste pendant une période importante, afin de développer une vraie relation avec leurs clients.

Cependant, à force de connaître son client, le chargé d’affaires peut être amené à prendre des décisions non optimales pour la banque. La durée de la relation peut générer de la collusion ou de la corruption. Afin d’en limiter le risque, les banques ont instauré une politique de rotation des chargés d’affaires importants dans leur réseau, rotation qui amène à la destruction du relationnel bancaire.

L’avantage concurrentiel du relationnel

Alors pourquoi revient-il aujourd’hui ? Tout simplement par nécessité. En effet, les banques font face aujourd’hui à de nombreuses contraintes ne leur permettant plus de fonctionner aussi bien qu’avant : un marché avec des taux particulièrement bas et une concurrence de plus en plus importante liée à l’apparition des fintech par exemple. Ces nouveaux défis réduisent considérablement le potentiel de profits des banques et impactent de manière significative leurs modes de fonctionnement.

Les banques cherchent donc à se réinventer afin de répondre aux contraintes de ce nouveau contexte. Elles peuvent faire le choix de s’associer avec ces nouveaux acteurs du marché afin d’élargir leur offre de produits, d’accéder à une cible de clientèle plus importante le tout leur permettant d’augmenter leur revenu potentiel.

Ou bien, elles peuvent mettre en place des modifications structurelles de leur organisation interne afin de réduire leurs coûts pour optimiser leurs marges. Une autre alternative est de revenir à leur avantage comparatif : le relationnel bancaire.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-0&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1307350840496316417&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fbanques-le-grand-retour-du-conseiller-dedie-147312&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

Alors, une question qu’on peut se poser par rapport à tout cela est : faut-il payer pour avoir accès à ce service ? En effet, il peut sembler surprenant de devoir payer pour un service qui semble exister depuis des années, et qui se trouve être dans le cœur du métier de la banque.

Cependant, la réponse n’est pas si tranchée et dépendra principalement de votre profil. En effet, il faut comprendre que la banque est la seule capable d’offrir au marché du crédit ce relationnel car les fintech, principaux concurrents des banques, se basent presque exclusivement sur des modèles transactionnels : pas de chargé d’affaires, relation inexistante et une plate-forme en ligne, standardisée, permettant de traiter vos demandes.

Ainsi, pour les personnes ayant des spécificités ou des questions atypiques, les fintech ne seront pas capables d’y faire face. Quant aux banques, tout dépend de vos spécificités ou de vos questions. Il vaut parfois mieux payer l’abonnement, dont les prix sont transparents, afin d’avoir accès à un service complément adapté à votre situation « atypique ».

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