COMMENT LA GEOGRAPHIE ET L’HISTOIRE ONT CHANGE LE DESTIN D’UN VILLAGE, TEL QUE
MIRMANDE?
Si le voyage du patrimoine est tout simplement le voyage des hommes, de ses idées, de ses œuvres, il y a des éléments géographiques plus particuliers qui concourent depuis des siecles à ce voyage. Ces éléments géographiques sont les grandes voies de circulation, vecteurs d’échanges de civilisations depuis que l’homme existe.
Mirmande se situe sur l’une de ces voies de notre globe, et les journées du patrimoine nous ont permi d’approcher l’ histoire de ce village sous un autre angle, de découvrir un autre aspect de sa singularité.
Nous montrerons comment le Rhône et ce long couloir de plaines, de bas plateaux qui accompagnent son cours entre deux masses de montagnes des Alpes et du Massif central a largement contribué, particulièrement au XIXéme siècle à la séparation d’avec Saulse qui n’était qu’un lieu dit de la commune de Mirmande depuis toujours.
La préhistoire ne nous montre pas que le Rhône ait été l’un des points forts de peuplement intense. Ce fleuve représentait un obstacle pour des populations insuffisamment équipées pour le traverser. La civilisation des mégalithes de l’Ouest et du Sud Ouest semble avoir buté sur la rive droite. Même observation sur la rive gauche en ce qui concerne le bronze. Le fer a fait mieux, grâce aux celtes dont les invasions ont déferlé le long du Rhône entre le V° et le 111° avant notre ère. Avec Hannibal (218 avant JC), les gaulois sont en place. Les romains les trouveront ensuite : sur la rive droite, les Volques, les Helviens, les Arvernes, les Ségusiaves,les Eduens, et sur la rive gauche, les Allobroges, les Segalauni, les Cavares, les Tricastini, les Valgientes …
Les romains ne changèrent apparamment rien aux limites des peuples et à leur organisation, et les barbares ensuite, encore moins au IVO et VO siècles.
Mais tout le long du Rhône, le voisinage du fleuve est plus ou moins commode. Rien, n’est plus significatif, dans la Drôme, que l’installation loin du fleuve des Vertacomicorii, au Nord, à Die, et au Sud, à Vaison. Il en est de même pour Saint Paul les trois chateaux, Carpentras, Alba, Nîmes. Dans le passé préromain, c’est en dehors des bords du fleuve que l’on s’installe, et cette vallée du Rhône ne paraît avoir donné naissance qu’à des villages ou de chétives agglomérations dont nous ne savons presque rien avant le Moyen Age.
Seuls les noms d’origine celtiques nous aident: Livron, Tournon, Avenio(Avignon), Arausio (Orange), les noms en ARGUES comme Meyzargues; ensuite se furent les noms celtiques latinisés avec le suffixe ANUS ou ANA (féminin) comme chez nous :Manas, Marsanne, Grâne, Chabrillan, Alixan, peut être Mirmande; les noms en AC se substituent aux AN, et à Mirmande, CONDHILAC qui n’était qu’un lieu dit, ou peut être une simple ferme qui peut s’enorgueillir d’une semblable origine ..
Par contre tout atteste la généralité de l’emprise agricole sur nos régions à l’époque gallo romaine, mais ce ne sera que dans la mesure où l’homme diminuera la sauvagerie du fleuve que les villages se hasarderont à descendre des hauteurs voisines où ils s’étaient installés pour une vie qui n’avait pas grand rapport avec lui.
Le chemin naturel terrestre que propose cette vallée du Rhône fut par contre un réseau celte remarquable avec toutes les articulations nécessaires. Mais les romains avec la voie Agrippa, qui ne voulaient pas doubler le circulation du fleuve devenue importante, n’ont pas voulu s’approcher trop près du fleuve, et recherchaient une assiette solide sur les terrasses qui le bordent.

(Une soirée du 8 décembre dans le ciel de Mrmande)
On ne s’en approchait que par exception et obligation. Cette voie Agrippa, sans doute la voie celte, a rusé avec toutes les embuches.
Ces bords de Rhône ne pouvaient donc pas être un lieu d’installation; Les hommes ne pouvaient vivre du transport fluvial, de même que pour le transport de terre. Seuls, les anonymes paysans, aménageant constamment les pentes, ont tenté la conquête des terres basses pour créer un terroir agricole encore présent à nos yeux.
Au delà de ces pentes la forêt s’étale sur le massif de Mirmande, avant l’aire des grands défrichements du Moyen Age, et les habitations sont faites de pierres calcaires avec leurs fossiles, et non avec des galets comme auprès du fleuve
La vallée du Rhône est, de bout en bout, bordée de « Burgs » guerriers comme le Rhin. Tout cet appareil militaire n’est pourtant pas le signe de quelque vocation belliqueuse. Il ne prétend pas à un rôle actif; sa fonction est d’attendre et de se protéger, fut-ce par la seule crainte. Mirmande n’est pas perché pour menacer, mais simplement pour assurer la sécurité du labeur pacifique.
Qu’ils en aient profité parfois pour être agressifs, cela tient beaucoup aux seigneurs qui les ont contraints à surveiller les passages, et rançonner; mais, c’est la culture des champs qui est restée l’activité principale des paysans agrippés aux versants de la vallée.
Il ne faut pas oublier aussi que le village est la cellule première de la vie économique, le siège de la paroisse et de la seigneurie, tandis que la ville était un monde étranger, minoritaire, à part. Le mouvement de « perchement » des villages est de la période 1000-1200. On vida presque tous les lieux habités en contrebas, et on groupa la population autour du château à l’intérieur de remparts.
Bref, la vallée du Rhône par la diversité de ses sols et de ses climats a pu offrir de bonne heure tout ce qu’on pouvait demander à la terre nourricière, mais au prix de durs labeurs dont l’origine plongeait au plus profond des siècles.
(A suivre semaine prochaine)