(Suite « Vagage du patrimoine »)
C’est en effet à la suite du XVIIIO siècle, ‘grâce aux conditions agricoles changeant avec la pomme de terre, parfois le
maïs, le bétail et le fumure, l’extension des surfaces cultivées, et celle des rendements, qu’il y aura la fièvre de plantations du
murier dans la vallée entre 1815 et 1850. Elle n’a duré qu’un demi siècle.
En 1843 à Cavaillon la « Pébrine »apparaît, maladie des vers à soie; bientôt signalée à Avignon, à Loriol; C’est une catastrophe
pour les paysans du Rhône. De 24 millions de kilos de cocons en 1846, elle tombe à 7,5 en 1856. Claude Bernard, Peligot, Tulasne,
Pasteur, trouvent le remède en 1865, mais la sériciculture ne se relèvera pas. La vallée du Rhône s’est ouverte à des spéculations
nouvelles auxquelles vont prendre part les plaines adjacentes et les terres basses qui bordent le fleuve. Le Rhône n’était pas le Nil,
mais il faisait apparaître des îlots, et parfois toute une communauté en disputait la possession à sa voisine, pour les gros
et petits profits qu’elle en espérait. L’espoir d’établir quelques cultures sur les terres basses du fleuve, l’instinct de propriété
exacerbé par l’exiguïté des terres propres à nourrir une population parfois surabondante, les désirs entretenus de chicane créaient
d’âpres revendications. Même combat pour la Drôme entre Le Pouzin, Loriol Livron; même débats entre Baix, Cruas,
Rochemaure, le Teil, Viviers, etc ….
La lutte engagée a partout pour objet la possession de la terre et aussi le désir de discipliner le fleuve, et de faire s’évanouir ses
menaces: le paludisme, et les inondations.
Compte tenu de toute cette histoire, pourquoi y a t’il une telle rivalité ouverte dès 1831 à l’intérieur de la commune de
Mirmande entre le village et la plaine représentée pas Saulse, rivalité qui ira jusqu’à la séparation des frères ennemis en 1860?
Par le Rhône depuis bien longtemps.
C’est une question de géographie et d’histoire.
Depuis des siècles, il y a eu cette séparation psychologique liée à la configuration des lieux, et la difficulté de vie qui pu se transformer en égoïsme d’un côté, et en jalousie de l’autre: d’un côté le village fortifié, l’histoire, l’argent, de l’autre des paysans
toujours en lutte avec le fleuve (inondations en 1840, 1856); d’un côté le village en sécurité, arrogant, qui contrôle, qui veut la plus
grande église de la paroisse en délaissant son église du XIIe Siècle, de l’autre, celui qui est toujours discriminé en se voyant
refusé l’argent pour terminer son église plus petite. D’un côté le pouvoir de décision, enjeu important pour les notables, de l’autre
l’envie d’émancipation politique; D’un côté, un village accroché à sa situation, particulièrement séricicole, perdant peu à peu sa
pluriactivité, sans axe de communication, de l’autre un hameau qui veut profiter de cette voie historique du fleuve, à la conquête des terres, avec l’essor formidable du transport routier; Le chemin de fer a pu faire peur à tous ceux qui s’occupaient de la route, mais il y avait aussi le transport fluvial.
Voilà comment une situation historique de refuge, et de domination d’une terre difficile donnée par le Rhône, s’est
transformée en un mouvement de déclin économique pour Mirmande, un Mirmande rétréci, plein d’amertumes et de
ressentiments face aux difficultés.
L’ histoire est têtue, et les hommes aussi !