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Archives Mensuelles: août 2021

Bonnes feuilles : « Frères de douleur. Récit d’un ethnologue en pèlerinage à Lourdes »

31 mardi Août 2021

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  1. Laurent Amiotte-SuchetSociologue, chargé de recherche, Haute école de santé Vaud (HESAV – HES-SO), Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)
Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO)
AUF (Agence Universitaire de la Francophonie)
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Un groupe de pèlerins dans la grotte de Massabielle, à Lourdes, 2010. Laurent Amiotte-Suchet., Author provided

Au début des années 2000, l’auteur a choisi de participer à des pèlerinages à Lourdes pour mieux saisir, de l’intérieur, ce qui pouvait bien motiver ces hommes et ces femmes à effectuer un si long voyage pour réciter des chapelets devant une statue de pierre. Durant plusieurs années, il a côtoyé les pèlerins, accompagné les personnes malades, partagé la vie d’équipe des brancardiers et des hospitalières, assisté aux offices et aux réunions. Fidèle à la démarche ethnographique, il a consigné dans son journal de terrain tout ce qui lui était donné à voir et à entendre afin de mieux comprendre ce que vivent et partagent les pèlerins de Lourdes. Un jour, il est de service aux « piscines ». Extraits choisis.


Hasard du terrain, cet après-midi du 11 mai 2000 m’offre une expérimentation inédite à laquelle je n’étais guère préparé. Par je ne sais quel « miracle », Michel, traditionnellement responsable de l’équipe des nouveaux brancardiers, a obtenu l’autorisation inattendue d’emmener le groupe aux piscines. Nous allons être pour un temps enrôlés dans l’équipe qui encadre cet espace rituel si particulier. Cela n’a rien d’habituel, les brancardiers qui servent aux piscines appartiennent à différents pèlerinages et sont volontaires pour accomplir cette tâche durant toute leur semaine à Lourdes. Avoir la chance de servir aux piscines durant une journée est donc une expérience inhabituelle pour un groupe de nouveaux brancardiers […].

La pratique du bain demeure beaucoup moins fréquente que le fait de se rendre à la grotte ou de consommer l’eau des fontaines. Bien des pèlerins, pourtant familiers de Lourdes, ne s’y sont jamais rendus. Mais pour les autres, le sentiment d’avoir vécu un moment capital, combiné à l’impossibilité de traduire par des mots l’expérience vécue, est une dimension très présente dans les témoignages que j’ai déjà pu recueillir :

« En allant aux piscines et en ressortant, j’ai été bouleversée. J’en discutais avec les filles en sortant, enfin déjà en sortant on discutait plus parce qu’on était trop bouleversée, ce qui se passait en moi […], on est ressortie, on se reconnaissait plus. Mais après, on a pu en discuter, mais c’est indéfinissable, c’est quelque chose qui nous prend au fond de nous et… ça fait partie de Lourdes. » (Estelle)

Entrer dans le rituel

Nous quittons nos uniformes de brancardiers pour revêtir de longues blouses grises avant de pénétrer dans le bâtiment pour y rejoindre la zone masculine. Un groupe d’hommes nous accueille et après une rapide démonstration des gestes conventionnels, nous formons avec eux un cercle en nous tenant par les mains avant de réciter une courte prière. Dans la pièce exiguë où nous nous trouvons, entourés de quatre murs en béton sans ornement ni couleur, ce moment de prière collective prend une tout autre dimension. Me voici brusquement complice du rituel. En joignant nos mains, comme nous l’enseigne un brancardier, nous partageons alors, selon lui, la misère de ceux qui vont s’avancer, nous sommes liés à eux par un même espoir de mieux-être, quel que soit d’ailleurs le mieux-être que chacun peut attendre.

Nous nous préparons à devenir acteurs d’une démarche pèlerine en accompagnant les malades jusqu’au fond du bassin. Nous nous apprêtons à prendre place au sein d’un dispositif rituel, à être avec l’eau de la source (et un certain nombre d’hommes et d’objets) des médiateurs entre les baignés et l’absolu qu’ils convoitent. Les problèmes méthodologiques de la situation me viennent immédiatement à l’esprit : le chercheur peut-il participer activement au rite qu’il observe ? Dois-je demander à ne pas participer à l’expérience ? Dois-je dire à ces hommes avec qui je viens à peine de prier que je ne partage pas leurs convictions religieuses et souhaite seulement m’asseoir ici pour les regarder baigner les malades ?

Je ris intérieurement d’une telle idée tant elle me paraît tout à coup particulièrement inappropriée à l’instant présent. Comment pourrais-je demander à n’être que le spectateur passif et détaché d’un tel moment d’intimité où hommes et femmes, quelles que soient les blessures de leur corps ou de leur cœur, acceptent de se dénuder (au sens propre comme au sens figuré) face à des inconnus pour leur confier la responsabilité d’un accompagnement à si forte charge symbolique ? Là où les photographies sont interdites, pourrais-je révéler que, d’une certaine manière, je suis d’abord ici pour « voler » des images, des instants, des comportements ? Il me faut respecter mon terrain, même là où l’éthique m’invite au détachement. Il me faut vivre l’événement. […]

Premier baigneur

Me voici maintenant dans l’espace central des piscines. Il s’agit de baignoires en marbre gris, pourvues de marches latérales. Sur le bord de chaque bassin, une petite statuette mariale ainsi qu’une jarre d’eau de la grotte ont été disposées. Entre la baignoire et le rideau qui la sépare des vestiaires, un espace avec bancs et porte – manteaux permet de faire patienter un ou deux pèlerins afin qu’ils puissent s’avancer dès que le précédent a quitté le bassin. Notre équipe commencera par observer les habitués avant de participer pleinement au rituel.

Restant discrètement de côté, je regarde ces hommes presque nus traverser un par un le rideau quand leur tour est venu. Nous sommes huit dans cet espace restreint : moi et deux brancardiers de mon équipe, trois brancardiers servant chaque jour aux piscines et deux hommes nus venus se plonger dans le bassin. Un brancardier se saisit alors d’un pagne qu’il plonge dans le bassin, l’essore et vient s’accroupir devant le candidat au bain pour tendre le pagne devant lui, le protégeant ainsi des regards. L’homme retire son slip et se laisse envelopper la taille par le pagne. Le contact de l’humidité glacée sur la peau surprend notre premier baigneur. Deux brancardiers lui saisissent alors les poignets et avancent avec lui jusqu’au bassin où il descend prudemment.

Le bain d’un pèlerin dans les piscines de Lourdes. Sur les pas de Bernadette, Vic-en-Bigorre, Lestrade, 1990. Bordes Joseph, Lourdes, Fourni par l’auteur

À sa demande, nous l’accompagnons dans la récitation d’un « Je vous salue Marie ». La prière terminée, l’homme fait lentement son signe de croix, les yeux fermés. Les deux brancardiers inclinent alors le corps du pèlerin en arrière et ce dernier plonge tout entier dans l’eau froide du bassin. Dans une eau à 10-12 degrés, le saisissement est immédiat. L’homme se redresse vivement, visiblement secoué par la fraîcheur de l’eau. Sa tête est restée hors de l’eau. Un brancardier lui propose un verre d’eau de la grotte, mais l’homme répond par la négative et sort du bassin. On l’aide à retirer son pagne et il récupère ses premiers vêtements qu’il enfile sans se sécher. Quelque chose vient de s’accomplir pour lui. Il nous quitte pour mieux méditer cette expérience ineffable.

Etre brusquement extrêmement proche de chacun de ces inconnus

Le second candidat est déjà prêt. Il attend à son tour le pagne pour pouvoir s’avancer vers le bassin. Le rituel se reproduit alors, avec chaque fois la même simplicité. Durant une heure, j’assiste presque passivement à ces bains successifs. Malgré la monotonie de leur déroulement, l’expérience individuelle semble chaque fois particulièrement forte pour celui qui s’avance. Les pèlerins ont, avant ou après le bain, toutes sortes de demandes : méditer un instant en silence, réciter une prière, formuler à haute voix une intention, boire de l’eau, se laisser répandre de l’eau sur la tête, embrasser la statuette de la Vierge placée au bord du bassin… Mon tour vient alors de participer plus activement au rituel en aidant les fidèles à descendre dans le bassin. Accrocher le pagne autour de leur taille, leur parler, les regarder, les baigner… tout cela est pour moi particulièrement impressionnant, en raison de ce sentiment d’être brusquement extrêmement proche de chacun de ces inconnus et de la gêne occasionnée par les confidences si intimes qu’ils me font, alors que je les tiens par la main.

Soutenue par les chants qui nous parviennent de l’extérieur, toute notre équipe s’affaire à gérer les bains des pèlerins. Les corps s’enchaînent, des plus usés par le temps aux plus atteints par la maladie. Il nous faut parfois recourir à un brancard de sangles pour immerger un corps paralysé. Progressivement, le travail devient routinier et les automatismes s’installent. Sous le regard de la minuscule statuette de la Vierge, les pèlerins défilent, incessamment, livrant à haute voix une partie de leurs malheurs et confiant le reste dans un murmure.

Vivre ce rite comme ceux que nous avons baignés

Fin de l’après-midi. Les piscines ferment. Les derniers baigneurs nous quittent, aussi troublés que les premiers par ce qu’ils viennent de vivre. Je retire ma blouse, impatient de courir noter sur mon journal de terrain ces observations inattendues. Mais Michel compte aller plus loin. Nous voilà tous ensemble dans le bâtiment vide après ces intenses moments où nous avons soutenu, au sens propre du terme, des fidèles dans une démarche de foi. « Pourquoi ne pas profiter de ces instants pour nous baigner mutuellement les uns les autres ? » propose Michel.

Le petit groupe adhère immédiatement au projet. Nous sommes tous assez vigoureux pour descendre seuls dans le bassin, mais l’idée n’effleure personne. Il nous faut vivre ce rite comme ceux que nous avons baignés, en descendant dans le bassin soutenus par nos compagnons. Me voilà projeté aux frontières entre l’observation participante et la participation observante, dans une complicité inattendue avec mon objet, sans que j’aie réellement pu me préparer à cela. Deux hommes de mon équipe m’invitent à m’avancer. Après quelques secondes d’hésitation, je retire à mon tour mes vêtements pour expérimenter silencieusement un des éléments forts de la dévotion mariale à Notre-Dame de Lourdes. Moi aussi, le pagne me glace la peau, alors que mes pieds s’enfoncent dans l’eau du bassin.

Les talibans réduisent les femmes en esclavage : une réalité que le monde ne peut ignorer/././…

31 mardi Août 2021

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  1. Vrinda NarainAssociate Professor, Faculty of Law, Centre for Human Rights and Legal Pluralism; Max Bell School of Public Policy, McGill University

Déclaration d’intérêts

Vrinda Narain est membre du conseil d’administration de l’organisation Women Living Under Muslim Laws.

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Réunion de femmes à Kaboul
Rassemblement de femmes afghanes à Kaboul le 2 août 2021 pour dénoncer les violations des droits des femmes par les talibans. Sajjad Hussain/AFP

Après le retrait des forces américaines et otaniennes d’Afghanistan en juillet, les talibans ont rapidement pris le contrôle du pays. Le président a fui et le gouvernement est tombé.

Enhardis par leur succès, par le manque de résistance des forces afghanes et par la faible réaction internationale, les talibans se montrent de plus en plus violents. Pour les femmes afghanes, leur retour au pouvoir constitue une réalité terrifiante.

Début juillet, les dirigeants talibans qui venaient de prendre le contrôle des provinces de Badakhshan et de Takhar ont ordonné aux chefs religieux locaux de leur fournir une liste de filles de plus de 15 ans et de veuves de moins de 45 ans à « marier » avec des combattants talibans. On ne sait pas encore si les chefs religieux ont obtempéré.

Si ces mariages forcés ont lieu, les femmes et les jeunes filles seront emmenées au Waziristan (Pakistan) pour être rééduquées et converties à un « islam authentique ».https://www.youtube.com/embed/FLq9dVJgTnk?wmode=transparent&start=0

Cet ordre a effrayé les femmes et leurs familles vivant dans ces régions et les a forcées à fuir et à rejoindre les rangs des personnes déplacées à l’intérieur du pays. L’Afghanistan est en proie à un véritable désastre humanitaire : rien qu’au cours des trois derniers mois, 900 000 personnes ont été déplacées.

La brutalité du premier règne des talibans

Cette directive des talibans, de mauvais augure pour la suite des événements, rappelle ce qu’a été leur régime quand ils ont exercé le pouvoir en Afghanistan entre 1996 et 2001. Les femmes ont alors été privées de bon nombre des droits humains les plus élémentaires. Il leur a été interdit d’exercer un emploi et d’avoir accès à l’éducation. Elles ont été systématiquement contraintes de porter la burqa et il leur était impossible de sortir de chez elles sans être accompagnées d’un « tuteur » masculin, ou mahram.

Les talibans prétendent avoir évolué sur la question des droits des femmes ; mais leurs récentes actions, qui semblent attester de leur détermination à livrer des milliers de femmes à l’esclavage sexuel, montrent que ce n’est absolument pas le cas.https://www.youtube.com/embed/_n9ohBeJX9g?wmode=transparent&start=0

En outre, les talibans ont déjà annoncé leur intention de mettre fin à l’éducation des filles après l’âge de 12 ans, d’interdire aux femmes de travailler et de rétablir la loi exigeant que les femmes soient accompagnées d’un tuteur pour la moindre sortie hors de leur domicile.

Les progrès obtenus par les femmes afghanes au cours des vingt dernières années, notamment en matière d’éducation, d’emploi et de participation politique, sont gravement menacés.

La pratique consistant à offrir des « épouses » relève d’une stratégie visant à inciter les hommes à rejoindre les rangs des talibans. Il s’agit d’esclavage sexuel, et non de mariage. Or contraindre les femmes à l’esclavage sexuel sous le couvert du mariage constitue à la fois un crime de guerre et un crime contre l’humanité. L’article 27 de la Convention de Genève stipule :

« Les femmes seront spécialement protégées contre toute atteinte à leur honneur, et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur. »

En 2008, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1820 qui fait observer que « le viol et d’autres formes de violence sexuelle peuvent constituer un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un élément constitutif du crime de génocide ». Elle reconnaît la violence sexuelle comme une tactique de guerre visant à humilier, dominer et instiller la peur chez les civils.

Comment réagir ?

L’ONU doit agir avec détermination pour empêcher de nouvelles atrocités contre les femmes en Afghanistan.

Je propose à la communauté internationale quatre actions politiques visant à instaurer une paix durable. Elles sont guidées par la résolution 1820 qui souligne l’importance de l’implication des femmes en tant que participantes égales au processus de paix et qui condamne toutes les formes de violence sexiste contre les civils dans les conflits armés :

  1. Appeler à un cessez-le-feu immédiat pour garantir que le processus de paix puisse se poursuivre de bonne foi.
  2. Veiller à ce que les droits des femmes – inscrits dans la Constitution afghane, la législation nationale et le droit international – soient respectés.
  3. Insister pour que les négociations futures se déroulent avec une participation significative des femmes afghanes. Lors des négociations entre le gouvernement Ghani et les talibans, il n’y avait que quatre femmes dans l’équipe du gouvernement afghan et aucune dans celle des talibans.
  4. La levée des sanctions contre les talibans doit être conditionnée à leur engagement à respecter les droits des femmes. L’Union européenne et les États-Unis, qui sont actuellement les principaux bailleurs de fonds de l’Afghanistan, doivent conditionner leur aide au respect des droits des femmes et à leur accès à l’éducation et à l’emploi.

Les femmes d’Afghanistan et de toute la région se féliciteraient des efforts que déploieraient les Nations unies et la communauté internationale pour faire en sorte que les personnes ayant survécu à des violences sexuelles bénéficient d’une protection égale au regard de la loi et d’un accès égal à la justice.

La lutte contre l’impunité des auteurs de violences sexuelles s’inscrit pleinement dans une approche globale visant à rechercher une paix durable, la justice et la réconciliation nationale en Afghanistan.

Guides sur la parentalité : une infinie course au bien-être ?

30 lundi Août 2021

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  1. Claude MartinSociologue, titulaire de la chaire de recherche Enfance, bien-être, parentalité, École des hautes études en santé publique (EHESP)
École des hautes études en santé publique (EHESP)
Projet Université de Rennes
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
D’une certaine manière, les ouvrages sur l’éducation et la parentalité s’inscrivent dans la vogue du développement personnel. Shutterstock

On peut avoir l’impression en regardant les présentoirs des librairies que les guides destinés aux parents se multiplient. Ce phénomène n’a pourtant rien de nouveau. C’est dès l’après-guerre que le conseil aux parents est devenu un véritable marché. Les experts en ce domaine forment une longue chaîne, plus ou moins inscrite dans le monde académique, allant aux États-Unis de Benjamin Spock à John Rosemond, en passant par Thomas Brazelton et, en France, de Laurence Pernoud à Isabelle Filliozat, promotrice de la parentalité positive, en passant par Françoise Dolto, pédiatre et psychanalyste des enfants, et ses fameuses « causeries » radiophoniques.

Ces conseils aux parents se nourrissent des savoirs sur le développement de l’enfant. Ann Hulbert en a écrit l’histoire pour les États-Unis, passant en revue différentes écoles de psychologie faisant appel à la construction cognitive, ou affective et relationnelle, et bientôt neurologique de l’enfant.


À lire aussi : Débat : L’éducation positive, mot creux, ou vraie révolution ?


Dans le cas français, on peut repérer quelques prémices dans l’entre-deux-guerres, avec la création en 1929 de « l’École des parents », par quelques notables et militants de la cause familiale, alliés à des figures de la pédopsychiatrie et de la psychologie de l’époque. Les inventeurs de l’École des parents critiquaient alors le rôle jugé trop intrusif des agents de l’État sur le terrain de l’éducation des enfants. Un des sujets sensibles concernait l’éducation à la sexualité. L’État aurait selon eux franchi une limite en invitant les instituteurs, ces « hussards de la République », à sensibiliser les adolescent·e·s à cette question de la sexualité.

Cette association de parents a donc entrepris de défendre le rôle propre des parents. Certaines des figures de ce mouvement, dont sa première Présidente, Mme Vérine, a été jusqu’à défendre sur cette question de la famille le programme de la Révolution nationale de la France de Pétain. L’école des parents a connu un nouvel élan sur d’autres bases après-Guerre, dès 1946, sous la présidence d’André Isambert, l’auteur de l’ouvrage « L’éducation des parents », publié en 1968.

Les mères en première ligne

Peut-on dire que ces guides dessinent en creux un « bon modèle » de parentalité ? L’idée même de guide signifie que l’on se place sur le terrain de la norme et des valeurs. En s’attachant à démontrer l’efficacité de certaines pratiques, on en vient directement à les positionner sur une échelle opposant les bonnes et les mauvaises pratiques parentales ou, pour le dire autrement, à distinguer les parents compétents et les parents incompétents ; les parents responsables et les parents coupables…


À lire aussi : Adolescents : et s’il était temps de les lâcher ?


En tous les cas, on en vient à défendre un certain déterminisme du rôle des parents à qui l’on pourrait attribuer la responsabilité des échecs comme des réussites de leur progéniture, ce qu’a bien souligné un auteur comme Frank Furedi dans son ouvrage Paranoid parenting.

Ceci n’implique pas pour autant que tous ces conseils soient homogènes, et donc que ces guides renvoient à un même modèle – pas plus d’ailleurs que cela ne veut dire que leurs recommandations soient applicables. Par exemple, même si un expert en neurosciences défend aujourd’hui qu’il faudrait idéalement interdire les écrans à tous les enfants de moins de six ans, il est clair que cet objectif est très compliqué à concrétiser ; non seulement à cause de l’omniprésence des écrans, des usages de ces instruments par les adultes, mais aussi quand on tient compte du fait que nous avons dû compenser nos liens sociaux et les apprentissages scolaires en période de confinement par le recours à ces écrans

Si ces guides s’adressent en apparence à tous les parents, les destinataires implicites en restent encore souvent les mères. Depuis que les pouvoirs publics ont manifesté leur attachement aux enjeux de survie et de socialisation des enfants, au début de la Troisième République, la cible de toutes les premières politiques dédiées a été les mères, et en particulier les primipares de milieu populaire. On peut pour s’en convaincre relire les fameux travaux de Catherine Rollet ou ceux d’Alain Norvez.

En inventant dans les années 1950 la notion de parentalité, on aurait pu croire que les pères et les mères étaient sur un pied d’égalité en matière de soutien à la parentalité. Or il n’en est rien. Comme le défend la sociologue Mary Daly, il s’agit de mesures qui sont davantage « gender blind » (aveugles à la question du genre) que « gender neutral » (neutres du point de vue du genre).

Pensée positive

Le phénomène des guides de parentalité serait-il une simple facette de la vogue du développement personnel ? D’une certaine manière, ces ouvrages de « bonnes pratiques » parentales ont partie liée avec les guides de bien-être. Une fois encore, l’entre-deux-guerres est un terreau de ces méthodes. Tout le monde connaît ainsi la fameuse méthode Coué, basée sur l’autosuggestion et inventée par le pharmacien Émile Coué dans les années 1920.

Des auteurs comme Edgar Cabanas et Éva Illouz, dans Happycratie, ou Carl Cederström et André Spicer, dans Le syndrome du bien-être ont proposé une généalogie de ces techniques de développement personnel, qu’elles concernent la vie privée ou la vie professionnelle. Parmi les messages récurrents au fil du temps, on trouve celle de la vision positive ou de l’esprit positif. Un des premiers exemples aux USA est certainement l’ouvrage de 1952 du pasteur protestant, Norman Peale, intitulé : The Power of Positive Thinking (le pouvoir de la pensée positive), dans lequel l’auteur dispense toute une série de méthodes pratiques destinées à redonner la confiance en soi nécessaire à toutes les victoires.

Avec Martin Seligman, le Président de la puissante Association américaine de psychologie dès 1998, la psychologie positive donne une forme de consécration scientifique à ces idées, mais aussi de formidables ressources, grâce aux soutiens financiers de l’armée américaine et de nombreuses grandes entreprises. Les derniers avatars de ces courants d’idées et de ces méthodes concernent l’éducation positive et la parentalité positive.


À lire aussi : « Les mots de la science » : P comme parentalité


Dans un monde obsédé par les idées de réussite et de concurrence, par la quête de l’optimisation de ses compétences et de ses performances, la demande adressée aux vendeurs de conseils et de méthodes de réalisation de soi est exponentielle. Le paradoxe est que ces guides et conseils en réussite, en bien-être et en bonheur ont plutôt tendance à faire porter à ceux qui appliquent ces méthodes la responsabilité de leurs échecs. En individualisant les conditions de la réussite, on en vient à négliger les conditions structurelles du bien-être, à négliger l’enjeu collectif et politique du bien-être.

Parce qu’ils espèrent presque tous faire le mieux possible, les parents sont des clients faciles pour les vendeurs de solutions toutes faites. Il serait aisé de faire une longue liste de best-sellers en la matière. On pourrait aussi rappeler ce que pèse aujourd’hui le marché de la thématique parentalité dans la presse « family », d’hebdomadaire et de mensuels. Non seulement ce marché est porteur, mais il a encore de beaux jours devant lui, à la mesure sans doute des inquiétudes parentales.

La « Grande Vague » d’Hokusai, une image pour penser notre avenir ?

29 dimanche Août 2021

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  1. Jeremy GhezProfessor of Economics and International Affairs, HEC Paris Business School
HEC Paris Business School
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Sous la grande vague de Kanagawa, Hokusai. Wikipédia

Le 16 mars 2021 à New York, lors de la semaine asiatique de la société de vente aux enchères Christie’s, une gravure sur bois de La Grande Vague de Kanagawa, réalisée par l’artiste japonais Katsushika Hokusai en 1831, a été adjugée pour la somme de 1,6 million de dollars.

C’est plus de dix fois les estimations basses dont l’œuvre avait fait l’objet. Plus remarquable encore, ce montant dépasse le record précédent pour une œuvre de Hokusai, établi à 1,47 million de dollars en 2002. Le succès contemporain de l’artiste japonais ne s’arrête d’ailleurs pas aux enchères de Christie’s, puisque cette Grande Vague, qui emprunte autant à l’art traditionnel de l’estampe japonaise qu’aux techniques européennes, continue d’influencer le street art et la culture populaire. Elle est même devenue une émoticône.

Cette œuvre a aussi inspiré des moments bien plus solennels, et notamment des hommages aux victimes du vol TWA 800 qui s’est écrasé au large de New York en 1996, comme aux victimes de l’attentat contre Charlie Hebdo à Paris en 2015.

L’œuvre de Hokusai célèbre cette année ses 190 ans. Comment expliquer l’attrait persistant de cet artiste, mesuré par ses mentions dans les livres en anglais depuis la fin du XIXe, et, plus frappant encore, le véritable essor des mentions de cette Grande Vague, notamment depuis 2000 ?

Imprévisibilité ou vision d’ensemble ?

Symbole d’une incertitude et d’une imprévisibilité que toute génération semble croire inédite et propre à son époque, cette œuvre semble proposer une lecture presque universelle de l’ère que nous traversons. Aujourd’hui, les vagues (justement) successives de l’épidémie s’enchaînent et nous laissent rarement un répit suffisant pour reconstruire. Le message de turbulence et de chaos que transmet cette Grande Vague fait écho à ce sentiment d’impuissance face à un phénomène naturel contre lequel on se sent bien impuissant.

Mais cette œuvre peut aussi transmettre un étrange sentiment de maîtrise. En arrière-plan, le Mont Fuji, incarnation, s’il en est, de l’enracinement et de l’inamovible, nous rappelle que des temps plus stables sont à venir. N’est-il pas d’ailleurs le vrai sujet de cette estampe, qui appartient à la série intitulée « Trente-six vues du mont Fuji » ? Un œil avisé remarquera que le fameux volcan est au centre de la gravure et qu’il est difficile de distinguer l’écume de la vague de la neige qui tombe sur la montagne. De même, si l’attention que l’on porte à la vague est assez soutenue, notre regard finit par se porter sur le Mont Fuji, étant nous-mêmes tentés de se demander si elle ne finira pas par l’engouffrer.

Plus saisissants encore sont ces bateaux de pêche au premier plan qui sont secoués par des vaguelettes bien modestes par rapport à la vague, énorme, qui les attend mais qu’ils ne peuvent probablement pas maîtriser. D’ailleurs, si nous étions dans l’un de ces bateaux, nous aurions probablement le mal de mer. Nous verrions dans ces vaguelettes de premier plan un danger aussi extrême qu’imminent. Une fois ces vaguelettes passées, nous pourrions imaginer que nous sommes invincibles, ayant copieusement ignoré la véritable vague derrière, le véritable danger qui nous prendrait par surprise.

Cet étrange sentiment de maîtrise peut sembler paradoxal mais découle du fait que cette œuvre nous propose une vision d’ensemble – la « big picture » auraient dit les Anglo-saxons – vision que nous n’aurions pas si nous étions sujets du cadre, vision dont nous disposons que rarement dans notre vie quotidienne et vision que nous ne cherchons jamais à obtenir, notamment en temps de crise.

L’antithèse de notre vision quotidienne du monde

Pourquoi cherchons-nous si rarement cette vision d’ensemble ?

D’abord parce que nous sommes devenus de plus en plus dogmatiques et qu’il est devenu extrêmement difficile de changer d’avis à notre époque. Les nouvelles technologies de l’information étaient censées nous rapprocher en alignant nos compréhensions du monde respectives. Cependant, Internet est devenu de plus en plus fragmenté, présentant des réalités différentes à des populations différentes.

Les réseaux sociaux sont devenus une caisse de résonance : loin de nous exposer à des points de vue différents, elle nous présente de manière quasi exclusive des raisons de continuer de croire en nos convictions profondes. Ce dogmatisme, voire ce tribalisme, empêche souvent d’obtenir cette vision d’ensemble qui peut être si critique à notre compréhension du monde.

Ensuite, parce que nous sommes profondément myopes. Les êtres humains sont particulièrement bien armés pour penser les phénomènes linéaires et progressifs et pour comprendre les changements marginaux. Il s’agit d’une des idées centrales de la réflexion de Nicholas Taleb qui a longtemps travaillé sur les surprises stratégiques. Mais nous sommes autrement moins préparés pour maîtriser la rupture et les transformations exponentielles – par exemple, une pandémie.

Comme l’a suggéré Richard Baldwin, professeur d’économie à l’IHEID de Genève, nous avons tendance à radicalement sous-estimer les phénomènes exponentiels à leur début, et à radicalement les surestimer par la suite. Ces biais de réaction expliquent pourquoi les cycles de sous et de sur-réactions aux différentes vagues de la pandémie – réactions qui ne sont pas dictées par une vision d’ensemble.

Enfin, parce que nous manquons profondément d’imagination. Nous croyons que nos réalités d’hier seront nécessairement celles de demain, et nous semblons surpris de découvrir que les malentendus, voire les profonds désaccords entre générations se creusent et se crispent, surtout en période de crise sanitaire. Or, nous vivons à une époque toute particulière de ce point de vue à laquelle pas moins de quatre générations – boomers, X, millennials ou Y et Z – cohabitent sur le marché du travail.

Les aînés qui se pensent en position de force sur ce marché du travail de par leur expérience risquent de faire les frais de leur manque d’imagination s’ils ne parviennent pas à réinventer leur leur façon de travailler avec les plus jeunes qui se définissent autrement et dont les aspirations ont profondément changé. Sans cette réinvention, la vision d’ensemble restera autrement plus complexe à obtenir.

L’art au service d’une meilleure compréhension de notre environnement

Cette œuvre d’art nous propose une lecture qui nous semble contemporaine des troubles et des turbulences que nous traversons et nous offre une vision d’ensemble dont nous ne disposons pas alors que nous sommes (ou nous nous sentons) trop occupés à faire face aux tempêtes du présent. L’intérêt pour l’art en temps de crise n’est pas d’ordre exclusivement intellectuel ou esthétique, aussi fondamentales que soient ces dimensions.

Il peut aussi correspondre à un impératif stratégique, voire existentiel, dans la mesure où il nous rappelle l’importance d’élargir nos horizons et de faire preuve d’ouverture d’esprit au service d’un projet, qu’il soit citoyen ou à but lucratif. Les impasses qui semblaient autrefois insurmontables peuvent alors prendre une forme bien différente. Question de perspective, que nous explorons inlassablement grâce à l’art, mais que nous oublions, au quotidien.

Elon Musk, le singe et les trois cochons : une fable transhumaniste ?

28 samedi Août 2021

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  1. Philippe MeneiProfesseur de Neurochirurgie, neurochirurgien des Hôpitaux, chef de service CHU d’Angers, Inserm U1232-CRCINA, auteur (Voyage du cerveau gauche au cerveau droit. EDP Sciences 2021- Imaginer le monde de demain dir Xavier Pavie, Maxima 2021), Université d’Angers
Université d'Angers
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Présentation du produit Neuralink à San Francisco, le 28 août 2020. Illustration 3D de l’interface cerveau-ordinateur. Aleksandra Sova/Shutterstock

Le 9 avril dernier, Elon Musk créait comme à son habitude le buzz en postant une courte vidéo sur les réseaux sociaux. On pouvait y voir un singe macaque jouant par la pensée à une partie du jeu vidéo Pong, grâce à une interface cerveau-machine développée par Neuralink. Cofondée par l’excentrique milliardaire, cette start-up a récemment annoncé avoir réussi à lever 205 millions de dollars supplémentaires auprès d’investisseurs pour développer son produit phare.

À première vue, cette prouesse semble témoigner de changements importants à venir. Elon Musk l’affirme d’ailleurs au début de son intervention : l’objectif de Neuralink est de mettre au point un dispositif implantable bon marché, destiné à « résoudre d’importants problèmes impliquant le cerveau et la moelle osseuse ». Le milliardaire l’affirme : tout un chacun sera, à un moment ou à un autre de son existence, concerné par des ennuis de santé d’origine neurologique.

Mais comme souvent avec Elon Musk, il convient de faire la part des choses entre ce qui relève de l’effet d’annonce et la réalité. En l’occurrence, le concept d’interface cerveau-machine n’est pas nouveau, et la seule véritable innovation de Neuralink est la miniaturisation de l’implant cérébral utilisé. Le milliardaire et ses ingénieurs ont beau multiplier les déclarations choc, les promesses de ce type d’interface, si elles sont nombreuses, sont encore loin de se concrétiser. En outre, l’emploi de ces technologies, fantasme transhumaniste s’il en est, soulève bien des questions.

50 ans d’interface cerveau-machine

Une interface cerveau-machine est un dispositif destiné à connecter un cerveau à un ordinateur. Il est constitué d’électrodes placées à la surface de l’organe ou en profondeur, associées à un programme informatique permettant aux neurones et aux microprocesseurs de communiquer.

Ce concept n’est pas récent : il est né dans les années 1970 en Californie, sous l’impulsion de la Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA), agence du département de la Défense des États-Unis chargée de la recherche et développement des nouvelles technologies destinées à un usage militaire. Les objectifs étaient alors de parvenir à piloter un avion de chasse par la pensée, ou de créer des « super-soldats »

L’approche a ensuite progressivement évolué vers la réparation de l’humain abîmé. Depuis le début des années 2000, plusieurs équipes ont notamment montré qu’au moyen d’une interface cerveau-machine, un singe peut contrôler par la pensée un curseur sur un écran, un bras robotisé ou un fauteuil électrique. Ces recherches ont ouvert la voie aux neuroprothèses permettant de restaurer des facultés perdues, comme la motricité ou la vue.

Plusieurs entreprises sur les rangs

Plusieurs entreprises ont été créées pour se positionner sur ce marché potentiel. Une concurrence qui a permis l’élaboration de plusieurs prototypes.

Outre l’interface cerveau-machine de Neuralink, une « Brain Gate » conçue en collaboration avec une université privée du Rhode Island a été testée sur une personne souffrant  d’un syndrome d’enfermement incomplet. Ce dispositif fait actuellement l’objet d’un essai clinique chez des personnes victimes de tétraplégie.

Un autre dispositif, qui présente la particularité d’être mini-invasif (car pouvant être introduit dans le corps par voie endovasculaire, autrement dit en passant par les vaisseaux sanguins), a été développé par l’entreprise californienne Synchron. Testé récemment chez deux patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (une maladie évolutive et mortelle qui se traduit par une paralysie progressive des muscles impliqués dans la motricité volontaire), il leur a permis d’envoyer des SMS et des courriels, ou encore d’effectuer des achats en ligne par la pensée.


À lire aussi : Sclérose latérale amyotrophique : quelles pistes thérapeutiques ?


L’Europe n’est pas en reste. L’interface cerveau-machine du centre médical universitaire d’Utrecht, aux Pays-Bas, est en phase d’étude pilote. La faisabilité de leur approche a déjà été testée avec succès chez deux patients atteints du syndrome d’enfermement. Et un dispositif semi-invasif a été évalué au centre de recherche français Clinatec : il a permis à un patient tétraplégique de contrôler les mouvements d’un exosquelette à quatre membres.

Finalement, en quoi l’interface Neuralink pourrait-elle changer la donne ? Pour le comprendre, penchons-nous sur la démonstration officielle de l’interface cerveau-machine de Neuralink, retransmise en direct le 28 août 2020.

Les trois petits cochons d’Elon

Durant cette conférence étaient exhibés non pas un singe, mais trois petits cochons. Le premier n’avait pas été opéré. Il n’était là que pour montrer au monde entier l’absence de différences physiques avec les autres.

Le second animal, une truie appelée Dorothy, avait reçu un implant cérébral qui avait ensuite été retiré, sans séquelles (12:59 dans la vidéo ci-dessous). Cochon à l’appui, Elon Musk affirmait que cela démontrait la réversibilité de l’opération : « Si vous avez un Neuralink et décidez que vous n’en voulez plus, ou que vous souhaitez le mettre à jour, il peut être retiré de telle façon que vous demeuriez en bonne santé. » Un point important, comme nous le verrons plus loin…

Le troisième cochon, la truie Gertrude, tenait le rôle vedette : elle bénéficiait depuis deux mois d’un implant cérébral enregistrant l’activité des neurones en lien avec les sensations de son groin.https://www.youtube.com/embed/DVvmgjBL74w?wmode=transparent&start=0

Le choix n’est pas anecdotique, tant le groin est important chez les cochons. Il sert à explorer le sol pour y trouver des aliments, mais aussi à interagir avec leurs congénères, raisons pour lesquelles il est richement innervé. L’activité électrique des neurones connectés au groin de Gertrude était matérialisée par des points lumineux sur un écran. Elle était aussi audible, sous la forme d’un « bip » (à 15:47 dans la vidéo ci-dessus). Plus Gertrude baladait son groin sur le sol de la cage, plus les bips s’affolaient.

En somme, Elon Musk avait transformé le groin d’un petit cochon en instrument de musique électronique. A priori, il n’y avait pas là de quoi bouleverser radicalement notre monde, malgré les objectifs louables et ambitieux objectifs annoncés début de la conférence : restaurer la mémoire, redonner la vue aux aveugles, l’audition aux sourds, le mouvement aux paralysés, traiter l’épilepsie, etc. Mais intéressons-nous plutôt à la fin de la conférence.

Le « grand méchant transhumanisme en embuscade » ?

C’est en effet lors du jeu de questions/réponses qui la conclu que le milliardaire américain se lâche : « On pourra acquérir une super vision ! » L’un des ingénieurs enchérit aussitôt : « On pourra communiquer par télépathie ». Le thème de l’homme augmenté, cheval de bataille du transhumanisme, pointe alors le bout de son nez.

Le glissement qui s’opère, de l’humain réparé à l’humain augmenté, rappelle les mots du philosophe Jean Michel Besnier, pour qui le transhumanisme avance masqué, « étant continuellement obligé, pour projeter l’homme augmenté, de s’appuyer sur l’homme diminué ».


À lire aussi : Humanisme, posthumanisme, transhumanisme : de quoi parle-t-on exactement ?


Faut-il s’en inquiéter, comme certains le pensent, à l’image du politiste américain Francis Fukuyama ? Ou n’y a-t-il finalement pas de raison d’avoir peur de ces nouvelles améliorations ? Nous sommes en effet d’ores et déjà augmentés pour beaucoup d’entre nous – équipés que nous sommes de nos lunettes, smartphones et autres prothèses mammaires…

Peut-être devrait-on surtout se préoccuper voir l’être humain devenir un objet connecté parmi d’autres. Car ne l’oublions pas, Neuralink n’est pas un laboratoire universitaire : c’est une start-up.

Neuralink, un produit de consommation

Il n’est probablement pas anodin que l’expérience mise en avant par Elon Musk en avril ait eu pour objet un singe jouant à un jeu vidéo.

Cette industrie de loisir est en effet devenue un marché de masse : en 2019, elle avait généré 120 milliards de dollars de chiffre d’affaires au niveau mondial. Un chiffre qui a encore progressé avec les confinements, pour atteindre près de 140 milliards de dollars. D’ailleurs, à la question d’un internaute : « Cette technologie pourra-t-elle être utilisée pour le jeu vidéo ? », un collaborateur d’Elon Musk répond sans ambiguïté : « oui, à 100 %. »

Du reste, si l’implant Neuralink peut être « explanté », ce n’est pas seulement pour laisser à l’utilisateur la liberté de choisir de s’en passer… mais bien aussi avec la volonté de le pousser à consommer ! Comme l’a dit lui-même Elon Musk lors de se présentation : « Comment ferions-nous quand la version 2 sera sur le marché, puis la version 3 ? ». Un basculement du domaine médical, hyperspécialisé, à la grande consommation…

Vers des technologies de grande consommation « dé-médicalisées » ?

Les implants cochléaires, qui n’amplifient pas les sons, mais stimulent électriquement le nerf auditif, constituent un exemple concret de neuroprothèse améliorant le quotidien de personnes malentendantes. Et ce depuis des décennies : la première implantation d’un tel dispositif remonte à 1957.

Plus près de nous, des essais pilotes mettant en œuvre des interfaces cerveau-machine ont également permis de faire marcher des tétraplégiques ou de rendre la vue à des aveugles grâce à des implants rétiniens.

Mais ces technologies, testées en laboratoire, ne sont pour l’instant pas largement accessibles. Les interfaces cerveau-machine ne prendront réellement leur essor que lorsque leur technologie se sera banalisée, que leur coût aura diminué, et que leur implantation ne nécessitera plus que quelques heures d’intervention, sans hospitalisation. Elon Musk et ses collaborateurs l’ont bien compris.

On assistera alors peut-être à leur « dé-médicalisation ». On sait que la musicothérapie permet d’améliorer les symptômes dépressifs. On pourrait donc imaginer qu’un implant cérébral visant à traiter un patient en dépression puisse aussi lui faire entendre de la musique. Mais pourquoi seules les personnes dépressives pourraient-elles bénéficier de ces services ? Pourquoi seraient-elles les seules « connectées » ? La même question pourrait se poser concernant des implants qui permettraient à des personnes tétraplégiques d’interagir avec leur environnement, qu’il s’agisse d’objets connectés, de jeux vidéo, ou de sites d’achats en ligne…

Si les frontières entre « l’humain réparé » et « l’humain augmenté » sont parfois floues, celles entre soin et bien-être sont éminemment poreuses… C’est peut-être là que se cache le loup : les trois petits cochons d’Elon Musk sont « HEU-REUX » nous a-t-on répété à l’envi lors du show youtubesque. D’autant plus que, « de toute façon, tout ce qu’ils aiment, c’est manger ». Cette déclaration, destinée à rassurer, peut paradoxalement également faire naître l’image, difficile à chasser, d’une possible humanité implantée, « HEU-REUSE », qui, « de toute façon, n’aime que consommer »…

Les défaillances d’entreprise, un risque finalement limité pour l’économie et les comptes publics

27 vendredi Août 2021

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  1. Erica PeregoÉconomiste, CEPII
  2. Fabien TripierProfesseur à l’Université Paris-Saclay, Université d’Evry, Conseiller scientifique, CEPII

CEPII

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Selon la Banque de France, le nombre d’entreprises en redressement judiciaire a chuté de 35 % entre avril 2021 et avril 2020 dans les tribunaux de commerce (ici, celui d’Aix-en-Provence en Provence-Alpes-Côte d’Azur).

La crise, débutée en mars 2020 par le premier confinement, a entraîné une baisse du PIB de 8 % en 2020. Cependant, l’arrêt de l’économie durant les différentes vagues n’a pas entraîné, comme on aurait pu s’y attendre, une hausse des défaillances d’entreprises, c’est-à-dire des situations où une unité légale, n’étant plus en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, se trouve en cessation et doit déposer son bilan, ce qui conduit à une procédure de redressement judiciaire (graphique 1).

Au contraire, le nombre d’entreprises faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire a diminué de 35 % en avril 2021 par rapport à avril 2020, selon la Banque de France. Au-delà de la fermeture des tribunaux de commerce durant la première vague, qui a ralenti le processus judiciaire, ce sont les aides de l’État qui ont fortement contribué au soutien des entreprises, comme le montre le rapport final du comité de suivi et d’évaluation des mesures de soutien aux entreprises de France Stratégie.

Graphique 1. La forte contraction du PIB n’a pas entraîné une hausse des défaillances d’entreprises. Insee (Comptes nationaux trimestriels) et Banque de France (Démographie d’entreprises)

Les mesures de soutien public ont permis d’alléger le coût du travail : ainsi, la mise en place du dispositif d’activité partielle a réduit la charge de la masse salariale des entreprises et des reports de dettes fiscales et sociales (à hauteur de 3,5 milliards d’euros) ont temporairement réduit leurs charges sociales.

Un taux de refus limité

L’État a, par ailleurs, instauré des dispositifs de soutien à la trésorerie. Le fonds de solidarité (32,2 milliards d’euros) a été renforcé et élargi afin de subventionner les frais fixes des entreprises. Enfin, le prêt garanti par l’État (PGE), dispositif le plus important (139,28 milliards d’euros), a été créé afin de permettre aux entreprises d’étaler le coût de la crise sur plusieurs exercices.

Ce prêt, qui est garanti par l’État à hauteur de 90 %, permet d’obtenir des taux d’intérêt avantageux et de soutenir le financement bancaire des entreprises. Sollicitée plus de 600 000 fois, cette aide a fait l’objet d’une sélection de la part des banques avec un taux de refus des demandes de PGE qui est certes resté inférieur à 3 % mais a pu limiter le surendettement des entreprises.

En moyenne, ce sont les entreprises ayant des niveaux d’endettement intermédiaires qui ont contracté ces prêts avec un taux de participation au dispositif PGE proche de 40 %, les plus endettées n’ayant pas alourdi leurs dettes via ce dispositif (leur taux de participation est près de deux fois plus faible).

En cas de défaut, les banques seront touchées. Cependant, le risque de crédit semble contenu. En effet, en septembre 2020, les PGE représentaient 6,4 % de la dette brute des sociétés non financières (SNF) et 10,2 % de leurs crédits bancaires, selon la Banque de France. Ces crédits de trésorerie ont donc soutenu les SNF mais ils représentent une part minime de leur dette et de leur capacité d’endettement.

Un accroissement significatif du risque de défaut des SNF n’est cependant pas exclu dans un futur proche. Pour estimer son ampleur potentielle, nous considérons deux scénarios alternatifs.

Des pertes supportables

Le premier scénario consiste à supposer que la probabilité de défaut des entreprises est égale à la part de prêts non performants dans l’ensemble des crédits. Ces prêts, correspondant aux créances douteuses dont le risque de défaut élevé constitue une fragilité dans les bilans bancaires, représentaient 2,1 % de l’ensemble des crédits au premier trimestre 2021, selon Eurostat.

Une telle probabilité de défaut de 2,1 % conduirait pour les banques à des pertes représentant 3,7 % de leurs fonds propres (tableau 1). Encore faut-il souligner que les pertes associées aux PGE ne représentent qu’une fraction très marginale de ce chiffre, correspondant à 0,04 % des fonds propres des banques. Selon ce scénario, le risque de défaut ne pèserait pas lourd non plus dans les dépenses publiques (0,4 %).

Le second scénario correspond à la probabilité de défaut de 5,3 % retenue par le gouvernement dans ses estimations. Les pertes des banques se monteraient alors à 9,2 % de leurs fonds propres (dont 0,1 % liés aux PGE), tandis que le coût pour l’État représenterait 1,1 % des dépenses publiques.

Tableau 1. Les risques de défaut ont un effet surmontable tant sur les dépenses de l’État que sur les fonds propres des banques. Auteurs., Author provided

Quoique substantiels, ces montants de pertes restent tout à fait surmontables pour les banques comme pour l’État. Un diagnostic qui rejoint celui établi par Pierre-Olivier Gourinchas et ses co-auteurs dans une recherche récente. Selon ces économistes, les politiques d’aide aux entreprises mises en œuvre dans la plupart des pays n’ont pas créé une « bombe à retardement ». Les prêts associés arrivent à échéance, mais les défaillances d’entreprises restent modestes, de même que les coûts de ces politiques.

En somme, si la sortie de la crise économique et sanitaire se confirmait dans un avenir proche, ces évaluations montrent que les dispositifs d’aide aux entreprises auront rempli leur rôle avec succès, comme le conclut le rapport de France Stratégie, limitant la destruction du tissu productif français, avec des effets d’aubaine modérés, sans exposer les banques et l’État à des risques de défaut excessifs.

Lionel Messi au PSG, une pièce maîtresse dans le plan de jeu du Qatar

26 jeudi Août 2021

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  1. Simon ChadwickGlobal Professor of Eurasian Sport | Director of Eurasian Sport, EM Lyon

EM Lyon
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Le président qatari du Paris Saint-Germain, Nasser Al-Khelaïfi, pose aux côtés de la nouvelle recrue du club, Lionel Messi, le 11 août 2021. Stéphane de Sakutin/AFP

La séquence du transfert de Lionel Messi du FC Barcelone au Paris Saint-Germain s’est achevée ce mercredi 11 août avec une journée consacrée à la présentation aux supporters et aux médias, au lendemain de la signature de son contrat avec le club de la capitale.

Selon Le Parisien, le salaire de l’Argentin s’élèvera à 41 millions d’euros nets par an (plus que ses nouveaux coéquipiers Neymar, environ 36 millions, et Kylian Mbappé, 18 millions), un montant auquel il faut ajouter les primes, ce qui représenterait un total de 120 millions d’euros sur deux ans. Le monde du football attend avec impatience de voir ce que le nouveau joueur le plus cher de la Ligue 1, qui a marqué 672 buts pour le FC Barcelone, peut apporter au championnat français.https://www.youtube.com/embed/DF4AGeoDNwQ?wmode=transparent&start=0Lionel Messi accueilli comme un roi à Paris (France 24, 11 août 2021).

Les propriétaires du PSG, quant à eux, regardent un peu plus loin, en se concentrant sur 2022. Depuis que Qatar Sports Investments (QSI) en a acquis une participation majoritaire en 2011, le club a déjà beaucoup dépensé pour dominer le football français et remporter des succès sur la scène européenne.

Objectif : le sacre européen

Le titre national est presque devenu une routine, à l’exception de quelques surprises comme la saison dernière, lorsque le club s’est classé deuxième derrière Lille. En revanche, le trophée de la Ligue des champions se révèle toujours insaisissable.

L’arrivée de Messi donne le sentiment que la saison à venir sera cruciale dans cette optique. En effet, elle intervient quelques semaines après le recrutement d’autres grands joueurs comme le gardien de but de l’Italie, Gianluigi Donnarumma, élu meilleur joueur de l’Euro 2020, ou encore le défenseur du Real Madrid Sergio Ramos. Tout autre résultat qu’un titre européen serait en conséquence considéré comme un échec.

Si le PSG y parvient, le symbolisme d’une telle victoire serait frappant, car cinq mois plus tard seulement, le Qatar accueillera la Coupe du monde de football 2022. Ce serait alors une année triomphale pour le petit État du Golfe et ses investissements dans le football, sur le terrain comme en dehors.

Lionel Messi à son arrivée à Paris, le 10 août. Sameer Al-Doumy/AFP

Depuis 1971, date à laquelle le Qatar a cessé d’être un protectorat britannique, la famille régnante du pays s’efforce de trouver la meilleure façon d’utiliser ses richesses naturelles. Confronté à la nécessité de diversifier son économie pour ne plus dépendre du gaz et du pétrole, le pays a lancé en 2008 sa « Vision nationale 2030 ».

L’objectif est de « transformer le Qatar en une société avancée capable de mettre en œuvre un développement durable ». Cette vision a donné naissance à une stratégie de développement dont le sport et le football sont des éléments importants.

L’organisation de la Coupe du monde, un tournoi de quatre semaines, vise ainsi à promouvoir le développement des infrastructures et le tourisme à long terme. L’acquisition du PSG fait également partie du plan : elle permet de gagner de l’argent et d’étendre l’influence qatarie dans le monde entier.

Cela signifie que, plutôt que d’être l’événement principal, l’arrivée de Lionel Messi apparaît finalement relativement accessoire par rapport aux larges ambitions du Qatar. Le gouvernement utilise en effet le football depuis des années comme un moyen d’atteindre des objectifs politiques.

Renforcer la « marque Qatar »

Le recrutement en 2017 par le PSG du Brésilien Neymar, ancien coéquipier de Messi à Barcelone, en est un exemple parfait. Le Qatar a utilisé ce contrat record de 222 millions d’euros pour montrer au monde (et à ses voisins immédiats, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis) sa puissance et son indépendance financières. Cette signature a également symbolisé la façon dont le gouvernement de Doha considère le football comme un élément de son arsenal de soft power, un moyen d’attirer l’attention du monde via la signature des meilleurs footballeurs de la planète.

L’arrivée de Lionel Messi au PSG peut être analysée de la même manière. Sa contribution attendue au succès du club permettra au Qatar de poursuivre sa projection de soft power, tout en renforçant le statut, l’image et la réputation de la « marque Qatar ».

Toutefois, la façon dont le club de la capitale respecte les règles du fair-play financier de l’UEFA, qui interdisent depuis 2010 à un club de dépenser plus qu’il ne gagne, fait débat. Le président de QSI et du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, a assuré, lors d’une conférence de presse le mercredi 11 août, que le recrutement était conforme aux exigences de l’instance du football européen, mettant en avant les importants revenus que Lionel Messi allait générer.https://www.youtube.com/embed/6f1AXZknpEA?wmode=transparent&start=0Le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi garantit que le recrutement de Lionel Messi respecte les règles du fair-play financier (Le Huffington Post, 11 août 2021).

Les mauvaises langues rappelleront que Nasser Al-Khelaïfi est par ailleurs président de l’Association européenne des clubs, une position qui lui permet de siéger au Conseil exécutif de l’UEFA. On pourra également rappeler qu’il a vivement soutenu l’UEFA face aux grands clubs européens qui envisageaient de faire sécession en créant une Super Ligue en avril dernier. L’échec de ce projet peut donc être vu comme une autre victoire qatarie en matière de soft power.

Désormais, le gouvernement de Doha veut que 2022 soit l’année du Qatar, sur le plan footballistique et au-delà. Lionel Messi a été recruté pour jouer un rôle dans ce plan de jeu hautement tactique.

États-Unis : l’avenir du parti républicain, un enjeu de démocratie

25 mercredi Août 2021

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  1. Anne E. DeysineProfesseur émérite juriste et américaniste, spécialiste Etats-Unis, questions politiques, sociales et juridiques (Cour suprême), Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières
Université Paris Nanterre
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Les leaders des Républicains au Sénat
Le chef adjoint (whip) de la minorité républicaine au Sénat, John Thune, entouré (de gauche à droite) du chef de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell (R-KY), et du sénateur républicain Roy Blunt (R-MO), au Capitole, à Washington, DC., le 2 mars 2021. Samuel Corum/Getty Images North America/Getty Images via AFP

Depuis le départ de Donald Trump de la Maison Blanche, le parti républicain au Congrès est tiraillé entre trois factions de taille inégale.

D’une part, on retrouve les quelques « courageux » qui, au péril de leur survie politique, ont voté la mise en accusation de l’ex-président à la Chambre (ces représentants sont au nombre de dix, dont les plus emblématiques sont Liz Cheney et Adam Kinzinger.

De l’autre, l’aile « légitimiste », caractérisée par l’ambiguïté dont le leader du parti au Sénat, Mitch McConnell, est l’incarnation : il a voté l’acquittement puis immédiatement dénoncé la responsabilité morale et politique (à défaut de juridique, difficile à prouver) de Donald Trump dans l’assaut contre le Capitole le 6 janvier. McConnell sait qu’il est urgent de sortir le parti de la dangereuse emprise de l’ancien président, mais il a besoin des électeurs de ce dernier.

La troisième faction est constituée des inconditionnels de Trump comme le sénateur Lindsay Graham (Caroline du Sud) et le leader républicain à la Chambre Kevin McCarthy, qui estiment qu’ils doivent faire allégeance à l’ex-président pour garder ses électeurs, lesquels ont été, et sont encore, abreuvés de mensonges, notamment sur l’élection présidentielle qui aurait été « volée » à leur champion. D’ailleurs, Graham et McCarthy vont l’un et l’autre régulièrement baiser l’anneau du grand leader à Mar-a-Lago, Floride, où il réside désormais.

Convaincue que le salut passe par Trump, cette aile rassemble tous ceux qui ont voté contre la reconnaissance de la certification de la victoire de Joe Biden le 6 janvier, après l’attaque du Capitole, soit 139 représentants et 7 sénateurs, ainsi que, au plan local, les antennes du parti qui ont censuré les rares Républicains ayant voté la mise en accusation ou la culpabilité. En outre, on retrouve dans ce groupe certains médias comme Fox News, désormais doublée sur sa droite par America News Network (OANN) et News Max. Quant aux organisateurs de la conférence annuelle des conservateurs, la CPAC, ils ont spécialement choisi de l’organiser en 2021 en Floride, fin février. Dans le calcul de ces politiques, la peur des représailles et le risque d’être confrontés à un extrémiste pro-Trump à la primaire de 2024 jouent un rôle central. L’alignement qui en résulte comporte des risques pour le parti et pour le pays.

En effet, la direction qui sera choisie par le parti (ou imposée de l’extérieur) concerne non seulement le parti républicain mais aussi, ainsi que l’histoire nous l’apprend, l’avenir démocratique des États-Unis.

Le dilemme du parti républicain est évident : il représente les nantis et une catégorie d’électeurs en voie de devenir la minorité démographique, les Blancs de la classe moyenne. Les Républicains ont compris que la démographie joue contre eux ; en conséquence, ils ont instrumentalisé la guerre culturelle (avortement, immigration, port d’armes) afin d’amener les cols bleus et la classe moyenne à voter contre leurs intérêts économiques.

La domination républicaine dans les États

Pour cela, ils mobilisent pleinement les armes constitutionnelles, à commencer par la règle des deux sénateurs par État qui permet aux sénateurs républicains de tout bloquer par le filibuster alors qu’ils représentent 44 % des électeurs. C’est ainsi qu’ils ont bloqué toutes les initiatives de Barack Obama, la loi santé ayant été adoptée en vertu de la procédure de réconciliation qui ne requiert pas de super majorité et échappe au piège du filibuster.

En outre, depuis des années, ils n’hésitent pas à changer les règles de la compétition électorale afin que les électeurs qui ont tendance à voter démocrate aient des difficultés à exercer leur droit. C’est facile pour eux car la Constitution confie aux législatures des États fédérés le soin de définir les règles du jeu électoral. Or, alors que les Démocrates ont remporté le suffrage populaire lors de six des sept dernières élections présidentielles, les Républicains ont la mainmise sur les législatures dans 30 États sur 50.

En 40 ans, les Républicains ont renversé la domination des Démocrates qui, en 1980, détenaient la majorité dans les législatures de 29 États contre 15 aux Républicains). En 2020, les Républicains sont majoritaires dans 30 États et les Démocrates dans seulement 16. Or, c’est là que se décident les règles du droit électoral que la Constitution confie aux États fédérés. Ainsi la possibilité ou non de voter par correspondance, le nombre de jours de vote anticipé ou l’exigence d’une carte d’identité bien particulière pour pouvoir voter.

Ce sont aussi les législatures, sauf s’il existe une commission indépendante dans l’État, qui vont procéder au découpage électoral après le recensement décennal de 2020.

Dès la défaite de Trump, plusieurs États aux mains des Républicains ont encore durci les conditions d’exercice du droit de vote : 406 mesures dans 35 États selon le Brennan Center. Ils ont bon espoir que ces modifications ne seront pas censurées car ils comptent sur une Cour suprême où siège une majorité de six conservateurs pour valider leurs modifications du droit électoral. Celles-ci sont toujours présentées comme des moyens de lutter contre la fraude électorale – en réalité inexistante – alors qu’elles visent à rendre le vote plus difficile – ce qu’on appelle la « voter suppression ».

Quelle orientation pour le parti républicain ?

Sans entrer dans les détails que développe Daniel Ziblatt dans son ouvrage, Conservative Parties and the Birth of Democracy, où il compare les cas britannique et allemand durant les années 1930, il apparaît que le centre-droit joue un rôle central dans la survie des démocraties libérales : soit il comprend la nécessité d’ostraciser l’extrême droite et de la priver d’oxygène, soit il signe un pacte faustien avec les extrémistes dans l’espoir de les contrôler tout en profitant de leur attrait populiste. Mais l’histoire montre que lorsque de tels pactes sont signés, c’est le parti lui-même qui se retrouve « kidnappé » par l’extrême droite. Au sein des partis conservateurs, la relation entre la base et la direction a des répercussions sur le système politique dans son ensemble ; et de l’organisation des partis dépend la survie de la démocratie.

Si l’on suit cette grille d’analyse, plusieurs voies s’ouvrent au parti républicain après Trump : prendre ses distances avec l’ex-président ou s’allier avec lui et, donc, avec l’extrême droite. Une troisième voie, plus difficile, consisterait à proposer des politiques et arguments susceptibles de convaincre de nouveaux électeurs. En 2012 déjà, les Républicains avaient compris qu’ils étaient minoritaires et que s’ils voulaient atteindre de nouveaux groupes – notamment les jeunes et les non-Blancs –, ils devaient tendre la main à ceux-ci et faire évoluer leurs positions ; or c’est pratiquement impossible car leur message fondamental, hostile à l’« assistanat » et favorable à l’orthodoxie budgétaire (surtout lorsque les Démocrates sont au pouvoir), est aux antipodes de ce que souhaite la majeure partie de ces électeurs.

Illustration : le plan anti-Covid de l’administration Biden, adopté le 10 mars dernier, jouit du soutien de 70 % de la population, donc d’une partie de ceux qui ont voté républicain. Le président a eu le courage de le faire passer en force, malgré l’obstruction des Républicains, déguisée en effort de coopération bi-partisane.

Et cela, pour deux raisons au moins. La première est que son coût, près de 2 000 milliards de dollars, est à peine supérieur (en termes d’augmentation du déficit budgétaire), à celui dû à la baisse d’impôts voulue et obtenue par Donald Trump en 2017 (TJCA), qui aurait coûté entre 1 000 et 1 400 milliards de dollars, selon les sources. La seconde est que ce plan aide les États, mais aussi les familles, les menacés d’éviction et les enfants. En d’autres termes, il s’agit pour les Démocrates de livrer une vraie « guerre contre la pauvreté », laquelle a crû considérablement à cause de la pandémie, et de se différencier ainsi des Républicains, accusés par les progressistes d’avoir livré une guerre non pas à la pauvreté mais aux pauvres.https://www.youtube.com/embed/xOHUe9hNYeI?wmode=transparent&start=0

Dans ce contexte, le parti républicain est condamné à s’enfermer dans un message fondé sur le ressentiment éprouvé par les « makers » (ceux qui estiment qu’ils travaillent et produisent la richesse du pays) envers les « takers » (tous ceux qui, dans cette vision des choses, profitent indûment du filet social financé par les premiers). Et comme il est numériquement minoritaire, le parti républicain est voué, pour gagner, à empêcher autant que possible le camp d’en face de voter (la voter suppression évoquée ci-dessus) et/ou à succomber à la tentation extrémiste pour mobiliser toujours davantage son propre camp.

Tentation extrémiste et faiblesse du parti républicain

La tentation extrémiste consiste à se reposer sur une base activiste qui tend à se montrer plus extrémiste que la direction du parti. Se pose alors la question de savoir qui contrôle le parti. Autrement dit, existe-t-il des pare-feux organisationnels susceptibles de mobiliser les électeurs et les activistes tout en permettant aux dirigeants de garder le contrôle du parti ? S’il y en a, la démocratie est protégée. Mais si le parti est faible et composé de groupes divers comme c’est le cas du parti républicain actuel, il est difficile aux dirigeants de garder le contrôle. Or, il existe au sein du parti de l’éléphant des factions très différentes : la classe des donateurs (qui correspond à l’aile économique et financière attachée à la déréglementation et à la baisse des impôts), la droite religieuse, mais aussi tous les électeurs animés par le ressentiment cultivé par Trump.

De plus, le parti subit l’influence des médias de droite qui imposent les messages et lui ont fait perdre sa fonction de contrôle à l’entrée de la classe politique. Il est devenu dépendant du « complexe média industriel » qui lui souffle idées et interdits, et de forces extérieures qui façonnent le message du parti et font pression sur lui.

En raison de la dérégulation des financements électoraux par la Cour suprême des États-Unis (décision Citizens United de 2010), les groupes d’intérêts puissants et riches et des organisations comme ALEC (piloté par les frères Koch) au niveau des États peuvent dépenser des millions de dollars et noyer le message des candidats et du parti sous un barrage de publicités politiques. Dès lors, le parti républicain n’est plus qu’une maison vide (d’idées) et si la machine gagne encore des élections, ce n’est pas sur un programme et des idées, mais seulement sur l’émotion et le charisme d’un leader populiste.

Le problème de l’argent opaque

C’est l’argent opaque (dark money) qui a mené à la radicalisation du parti républicain au niveau des primaires présidentielles.

Au fil des années, on a vu émerger une série d’individus qui, sans cet argent extérieur, n’auraient eu aucune chance de gagner la nomination ou même de se maintenir dans la compétition pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois. Avec la dérégulation du financement des élections par la Cour suprême, les partis ont perdu leur monopole sur le financement des campagnes et donc ce sont des groupes extérieurs qui façonnent l’agenda. L’argent est désormais déversé par les groupes « opaques », combinaison de superPacs et de groupes 501 (c), qui peuvent collecter et dépenser sans limite depuis la décision Citizens de la Cour suprême en 2010.

Ceux-ci bénéficient d’un statut fiscal favorable et de surcroît ne sont pas soumis à l’obligation de divulguer le nom de leurs (riches) donateurs. Ils alimentent de façon opaque les superPacs qui ensuite dépensent des sommes illimitées en publicités politiques (à 80 % négatives) en faveur des candidats de leur choix et contre des adversaires choisis par eux et non par le parti, alors qu’ils ne jouissent d’aucune légitimité. L’argent sous le contrôle des partis politiques et des candidats est noyé sous les dépenses dites indépendantes (dont il est quasi impossible de tracer la source) faites par des groupes et individus qui ne sont pas responsables devant les électeurs.

De surcroît, le parti républicain risque d’avoir de plus en plus de difficultés à collecter des fonds car l’ancien président a interdit aux comités républicains (RNC) au plan national, l’un pour les élections sénatoriales et l’autre pour les élections à la chambre, d’utiliser son nom dans leurs collectes de fonds. Comme toujours, Donald Trump est plus attaché à son pouvoir et à son désir de vengeance contre ceux qui ont osé voter contre lui (qu’il souhaite torpiller lors des élections primaires de 2022) en leur opposant des extrémistes qui lui sont « 100 % loyaux » qu’à la bonne santé du parti. Les deux comités ont rétorqué en affirmant leur droit (en vertu du premier amendement qui garantit la liberté d’expression) à utiliser le nom et l’image de Trump car c’est un personnage public. Le combat pour les électeurs de Trump et pour l’argent des donateurs ne fait que commencer.

La merveilleuse histoire de l’ARN messager et de son pouvoir vaccinal

24 mardi Août 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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  1. Jacques AugéProfesseur des universités en chimie, CY Cergy Paris Université
CY Cergy Paris Université
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information

L’ARN messager (ARNm) est à la une de tous les médias depuis l’élaboration de vaccins anti-Covid d’une très grande efficacité en des temps records.

Mais pour mieux comprendre ce qui se passe aujourd’hui, il faut rebrousser chemin et revenir à la genèse de cette découverte fascinante qui est longtemps restée à l’écart.

Dans les années 1980-90 des chercheurs ont ainsi eu l’intuition que l’administration locale d’un ARNm pouvait être d’une grande utilité en cancérologie et en immunologie en induisant de façon ponctuelle la production d’une protéine active ou immunogène, et donc une réponse immunitaire, le principe de base de la vaccination.

Il est possible de faire rentrer ce type de molécule dans nos cellules, tout comme les séquences d’ADN (acide désoxyribonucléique) mais à l’inverse de ce dernier l’ARNm ne peut pas rentrer dans le noyau où réside le matériel génétique. De plus, l’ARNm est détruit rapidement dans la cellule – ce qui par ailleurs est une garantie pour un vaccin.

De nombreuses tentatives avaient été faites, mais la réponse inflammatoire était beaucoup trop forte.

De nombreux laboratoires, y compris parmi les plus prestigieux, n’ont donc plus porté beaucoup d’attention à l’utilisation de l’ARNm, molécule très fragile, préférant développer les techniques fondées sur l’emploi de séquences d’ADN.

Katalin Kariko, la pionnière de l’ARNm

Des chercheurs isolés, sans beaucoup de moyens, se sont pourtant attelés à la tâche. C’est le cas de Katalin Kariko qui a débuté ses recherches sur l’ARNm en Hongrie jusqu’en 1985, puis a émigré aux États-Unis à l’âge de 30 ans. Elle a continué ses recherches à l’Université de Pennsylvanie, mais ses travaux intéressaient peu de monde et elle a eu beaucoup de difficultés pour trouver des financements. Par contre, elle avait une totale confiance en elle-même, en ses projets.

Pour simplifier, ceux-ci tiennent en une idée. Puisque l’ARNm est trop immunogène, alors pourquoi ne pas le modifier chimiquement afin de diminuer son impact inflammatoire tout en préservant une bonne traduction en protéines. Katalin Kariko a sélectionné un certain nombre de modifications chimiques en privilégiant celles qui touchent les bases nucléotidiques (les briques essentielles de l’ARN) et en respectant leur appariement par liaisons hydrogène.

Ces liaisons intermoléculaires sont en effet essentielles à la traduction de l’ARNm en protéines, ainsi d’ailleurs qu’à la transcription de l’ADN en ARN. Un des collègues de Katalin Kariko, l’Américain Drew Weissman, élève d’Antony Fauci (l’actuel conseiller Covid de la Maison Blanche) l’a beaucoup encouragé et aidé dans cette voie. Après de nombreuses années de persévérance, ils ont découvert que le remplacement de l’uridine phosphate, l’un des nucléotides de l’ARNm, par une pseudouridine, (un atome d’azote est remplacé par un atome de carbone et vice-versa) donnait des résultats extraordinaires en termes de stabilité et de capacité de traduction de l’ARNm en protéines.

Un brevet a été déposé en 2005 par l’Université de Pennsylvanie en ce sens. L’avantage de la pseudouridine vient du fait qu’elle est moins fragile que le nucléoside « naturel ». C’est le cas aussi de la pseudothymidine. Dans tous ces cas, les liaisons hydrogène avec l’adénosine sont préservées, permettant de comprendre à l’échelle moléculaire l’exaltation du pouvoir vaccinal de l’ARNm.

Dans les années qui ont suivi cette découverte fondatrice, nombreux ont été les chercheurs à suivre les travaux de Kariko et Weissman, qui ouvraient de vraies perspectives médicales. Le brevet de l’université de Pennsylvanie a d’ailleurs été racheté par une Biotech américaine, aujourd’hui Cellscript, privant Kariko et Weissman de tous droits.

La licence du brevet a ensuite été achetée en 2010 par la start-up Moderna dont le PDG est aujourd’hui le Français Stéphane Bancel. Pour la petite histoire MODeRNA signifie Modified RNA, ce qui montre à la fois l’objectif de la start-up et le rôle essentiel de la modification chimique de la molécule d’ARN (RNA en anglais). Katalin Kariko a, quant à elle, collaboré avec les médecins Ugur Sahin et Ozlem Tureci, d’origine turque, créateurs de la start-up BioNTech en Allemagne. Vice-Présidente de cette start-up, elle participe notamment aux travaux sur l’efficacité de vaccins à base d’ARNm sur des animaux au sujet des virus Zika, grippe ou Sida.

Lorsque le virus de la Covid-19 a été connu, Moderna et BioNtech étaient tout à fait bien préparés, sûrs d’eux-mêmes, pour lancer leurs études, dès le mois de janvier 2020.

BioNTech s’est alors allié à Pfizer pour augmenter sa capacité de production industrielle.

Comment sont réalisés les vaccins à ARNm

On sait que la protéine Spike (protéine S) composée de 1273 acides aminés et ancrée dans l’enveloppe externe du SARS-CoV-2 contient des motifs impliqués dans l’interaction avec le récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (ACE2) présent à la surface des cellules cibles, permettant la fusion du virus avec la cellule-hôte, puis sa réplication, provoquant la Covid-19. La protéine S s’avère donc le choix de prédilection pour combattre le SARS-CoV-2.

La séquence nucléotidique du génome de SARS-CoV-2 (virus à ARN) ayant été précocement établie (fin 2019) et compte tenu des connaissances antérieures acquises sur les coronavirus, il a été aisé d’identifier la partie du gène codant pour la protéine S puis d’en isoler une réplique ADN, pour servir de matrice à la production à grande échelle d’ARNm.

Ainsi à partir de cet ADN, on a pu produire par transcription in vitro l’ARN en remplaçant dans le milieu réactionnel l’uridine triphosphate par la pseudouridine triphosphate, l’enchaînement nucléotidique se faisant grâce à une enzyme, l’ARN polymérase. Cette transcription en dehors de la cellule est facilitée et permet d’éviter tout risque de contamination par un éventuel agent infectieux intracellulaire. Une coiffe et une queue (polyadénosine) complètent la séquence de l’ARNm codant la protéine S car ces structures permettent l’accès de l’ARNm aux ribosomes, c’est-à-dire à la machinerie cellulaire de production des protéines.

Cet ARNm est finalement encapsulé dans des nanoparticules lipidiques chargées positivement afin de renforcer sa stabilité, et de faciliter sa pénétration à travers la membrane (chargée négativement) des cellules du muscle où on l’injecte à très faible dose. Une fois dans le cytoplasme au niveau des ribosomes, l’ARNm code la synthèse des protéines virales S. Celles-ci migrent à la surface cellulaire et sont reconnues par des lymphocytes B qui produisent des anticorps anti-Covid. D’autres fragments de Spike sont digérés par des cellules dendritiques (dites présentatrices d’antigènes). Ces cellules présentent ces fragments de Spike aux lymphocytes T, garants de la mémoire immunitaire.

Des exemples à suivre

La modification chimique de l’ARNm est l’une des clés qui a ouvert la porte aux vaccins. Ce sera probablement aussi l’une des clés pour lutter contre certains cancers.

Il existe donc de merveilleuses histoires de découvertes scientifiques majeures, qui ont changé la face du monde. Une autre m’avait ébloui il y a quelques années en voyant le film de Luc Jacquet, la Glace et le Ciel à propos de l’épopée de Claude Lorius (premier français à recevoir le prix Planète bleue). Celui-ci est à l’origine de la découverte majeure suivante : le taux de CO2 a été relativement stable pendant 800 000 ans puis a connu une hausse spectaculaire depuis la fin du XIXe siècle, reliée à la température.

On le pressentait depuis 1896 lorsque Arrhénius, prix Nobel de chimie, l’avait prévu par le calcul. Mais la démonstration expérimentale a définitivement changé, au plus haut niveau, notre vision du monde. La portée mondiale de la COP21 de Paris en 2015 en est une illustration récente. Les rapports du GIEC (Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) sont lus chaque année avec attention par tous les décideurs politiques et de nombreuses ONG.

Si j’ai relié ces deux belles histoires de Claude Lorius et de Katalin Kariko, c’est qu’elles apportent toutes les deux une avancée scientifique majeure pour l’humanité et qu’elles concernent des chercheurs rigoureux, humbles, soucieux de vraies avancées scientifiques, ne se précipitant pas forcément dans les sentiers battus. Ce sont des exemples pour les jeunes, les étudiants, les doctorants et les chercheurs. Tous, sans qu’ils en soient bien conscients, peuvent être amenés, avec un peu de chance, de par leur persévérance et leur esprit scientifique, à faire des découvertes d’une portée considérable.

Les compléments alimentaires ne sont pas sans risque

23 lundi Août 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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  1. Geraldine MosesAdjunct Associate Professor, School of Pharmacy, The University of Queensland
University of Queensland
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
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Derrière la popularité des compléments alimentaires il y a, notamment, cette idée qu’ils ne peuvent nous faire que du bien… C’est oublier qu’il y a des dangers potentiels à multiplier les prises de vitamines et autres minéraux. Et les consommateurs n’en sont pas toujours bien avertis.

En effet, à la différence des médicaments, pour voir leur commercialisation autorisée les compléments alimentaires ne sont pas tenus de renseigner sur ce point de façon poussée l’organisme de régulation des médicaments d’Australie, le Therapeutic Goods Administration (TGA).
(ndlr : en France non plus, aucune autorisation de mise sur le marché spécifique n’est exigée, mais ils sont surveillés comme toute denrée alimentaire. Ils font l’objet d’une déclaration à la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Les substances chimiques utilisées dans leur fabrication doivent également être sans danger.)

J’ai identifié six façons dont la prise de ces compléments désormais si fréquents pourrait s’avérer nocive. Ces résultats ont été publiés dans la revue spécialisée Australian Prescriber .

Que sont les compléments alimentaires ?

Ces produits peuvent contenir des extraits de plantes, des vitamines, des minéraux, des acides aminés, des enzymes, des algues, etc. Ils sont destinés à compléter notre régime alimentaire, et non à procurer un quelconque effet thérapeutique.

En Australie, les compléments alimentaires dominent largement l’industrie des médecines dites complémentaires, dont ils font partie. Les ventes de compléments alimentaires ont atteint 4,9 milliards de dollars australiens en 2017, soit un doublement en une décennie. Une étude menée au niveau national en 2018 a montré que 63 % des gens y avait régulièrement recours.
(ndlr : même chose en France entre 2006 et 2015, comme l’ont montré les Études individuelles nationales des consommations alimentaires 2 et 3. 29 % des adultes et 19 % des enfants en consomment. Ce marché pèse 2 milliards d’Euros par an.)

Les compléments alimentaires les plus utilisés sont ceux contenant vitamines et minéraux : vitamine D, vitamine C, vitamine A et calcium ou magnésium. D’après une étude publiée dans le journal Nature, ils sont utilisés par 47 % des consommateurs.


À lire aussi : Thinking about trying collagen supplements for your skin? A healthy diet is better value for money


Sur quoi faut-il être vigilant ?

Beaucoup disent qu’ils n’ont jamais entendu parler de risques concernant les compléments alimentaires. Ce qui n’est pas surprenant, la communication à leur propos met principalement en avant les bénéfices que l’on peut tirer de leur consommation ; les risques potentiels sont peu mentionnés.

La notice d’information est souvent limitée et ne mentionne que rarement les risques d’effets secondaires. (ndlr : en France, l’étiquetage est tenu d’apporter certaines informations. Il existe également un dispositif où peuvent être déclarés les effets indésirables observés, nutriviligance.)

Il existe pourtant des nuisances bien connues causées par les ingrédients entrant dans la composition des compléments alimentaires. C’est un fait bien établi en pharmacologie, surtout quand ces ingrédients sont consommés à haute dose.

Pour ces raisons, en Australie, la prise à haute dose de certaines vitamines et minéraux est régulée et ne peut être reçue que par un pharmacien ou sur prescription médicale. (_Ndlr : en France, des recommandations sanitaires sont également disponibles, et indiquent les doses journalières maximales recommandées.)https://platform.twitter.com/embed/Tweet.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-1&features=eyJ0ZndfZXhwZXJpbWVudHNfY29va2llX2V4cGlyYXRpb24iOnsiYnVja2V0IjoxMjA5NjAwLCJ2ZXJzaW9uIjpudWxsfSwidGZ3X2hvcml6b25fdHdlZXRfZW1iZWRfOTU1NSI6eyJidWNrZXQiOiJodGUiLCJ2ZXJzaW9uIjpudWxsfSwidGZ3X3NwYWNlX2NhcmQiOnsiYnVja2V0Ijoib2ZmIiwidmVyc2lvbiI6bnVsbH19&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1339239439638249473&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fles-complements-alimentaires-ne-sont-pas-sans-risque-165702&sessionId=5296a41b3beee1711b7ead4a155cfbbda8d8bfe6&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=1890d59c%3A1627936082797&width=550px

Si les effets secondaires sont les risques potentiels qui viennent en premier à l’esprit, les compléments alimentaires peuvent avoir d’autres conséquences. J’en ai identifié six, de différentes natures :

  • Les effets secondaires indésirables, qui peuvent découler d’un usage bref comme sur le long terme. Une dose trop importante est souvent en cause, mais pas toujours. Certains compléments sont déconseillés en cas d’allergie, de grossesse, lors de l’allaitement, etc.
  • Les interactions médicamenteuses : les mélanges avec certains traitements peuvent entraîner une toxicité ou diminuer l’efficacité de ces derniers.
  • Le coût : multiplier les compléments n’est pas anodin.
  • Le retard de prescription : les compléments ne sont pas des médicaments. Mais il arrive que leur prise soit considérée comme suffisante face à un problème de santé, retardant ainsi la consultation médicale et la mise en place d’un traitement effectif.
  • La fraude et de faux espoirs : certains compléments peuvent afficher des promesses frauduleuses.
  • Les mélanges inappropriés : à multiplier les médicaments et les compléments alimentaires, on multiplie les risques d’erreur : surdosage accidentel, effets secondaires inopinés, etc.

Toujours surveiller les doses journalières

Beaucoup de compléments sont pris de façon tout à fait sûre, à des fins médicales. Lors d’une grossesse, les femmes peuvent par exemple se voir prescrire de l’acide folique ou de l’iode. Ils contribuent à traiter des carences en vitamines et minéraux, fer, etc.

La clef d’un usage sûr est la dose. Les doses maximales pour obtenir une bonne efficacité sont connues, mais peuvent ne pas être suivies en cas d’automédication… surtout si les produits ont été achetés sur Internet. Les consommateurs peuvent alors ne pas s’arrêter aux doses considérées comme sûres, se trouver avec des indications peu fiables… ou faire comme bon leur semble.

C’est ainsi que beaucoup négligent le risque de surdosage pour un nutriment donné, principalement la vitamine B6 ou la vitamine A, qui peut se produire si on multiplie les compléments.


À lire aussi : New vitamin supplement study finds they may do more harm than good


Quand on cherche à évaluer le bénéfice ou le risque potentiel d’un complément alimentaire, il est important de ne pas se limiter à son ingrédient le plus connu ou principal : il faut déterminer quels sont tous ses composés, à quelle dose ils sont présents afin d’éviter des surdoses si l’on prend d’autres compléments où ils seraient également présents, etc. Les professionnels de santé peuvent assister tout un chacun, expliquer pourquoi il importe de respecter tel ou tel dosage pour des raisons de risques et d’efficacité optimale.
(_Ndlr : En France, pharmaciens et médecins sont capables d’indiquer si la prise de compléments est déconseillée du fait de l’état de santé de la personne, par exemple en cas d’insuffisance rénale ou hépatique, de risque d’interaction médicamenteuse, etc.

Il convient parfois d’aller plus loin que les seules informations indiquées par les fabriquants, qui devraient rendre leurs informations plus accessibles. Si répandus qu’ils le soient désormais, les compléments alimentaires n’ont rien d’anodins.

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