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Archives Mensuelles: décembre 2021

La Russie, une nation en suspens

31 vendredi Déc 2021

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  1. Sergei FediuninDocteur en science politique de l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO), attaché temporaire d’enseignement et de recherche en civilisation russe, Sorbonne Université

Déclaration d’intérêts

Sergei Fediunin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Vladimir Poutine salue les représentants des nombreuses confessions religieuses présentes en Russie sur la place Rouge à Moscou, le 4 novembre 2019, jour de l’Unité nationale. Evgenia Novozhenina/AFP

Ce mois de décembre marque le trentième anniversaire d’un événement d’envergure mondiale : la dislocation de l’URSS. Parmi les quinze États qui en sont issus, la Fédération de Russie reste à bien des égards une exception, au-delà de sa superficie, de son poids démographique ou de son influence politique dans la région. En effet, sa trajectoire sociopolitique unique distingue également la Russie des autres ex-républiques soviétiques.

Existe-t-il une identité nationale russe ? Les politiques mises en œuvre depuis trente ans n’ont pas permis d’apporter de réponse claire à cette question – il est vrai particulièrement complexe dans ce pays d’une grande diversité ethnique et culturelle, et cultivant un rapport pour le moins ambigu au passé soviétique et impérial.

Un passé soviétique toujours présent

Contrairement à l’Ukraine voisine, le passé soviétique continue de fournir un ancrage identitaire fort à l’État russe. Tout comme la Biélorussie avec laquelle elle poursuit depuis vingt ans l’édification d’un « État d’union », la Russie n’a pas glorifié la sortie de la période soviétique en tant que mythe de fondation ou de renaissance nationale.

La « Grande Victoire » du 9 mai 1945 y est commémorée comme le principal évènement rassembleur, qui tient lieu de fête nationale, bien plus que la « journée de la Russie », célébrée depuis 1992 en mémoire de l’adoption de la déclaration de souveraineté de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) le 12 juin 1990, ou la « journée de l’unité nationale (ou populaire) ». Cette dernière est célébrée le 4 novembre depuis 2005 pour commémorer la libération en 1612, par les milices populaires, de Moscou occupée par des troupes polonaises, et la fin du « Temps des troubles » avec l’élection ultérieure du premier tsar de la dynastie des Romanov.

Les dirigeants actuels de la Russie, nés dans les années 1950 et 1960, ont progressivement élevé la mémoire de la période soviétique tardive – les années Brejnev (1964-1982) – au rang d’idéal normatif, celui de la « bonne » Union soviétique (khorochiï Sovetskiï Soïouz). Pour le politologue Vladimir Guelman, il s’agit d’une image embellie du système soviétique dépourvu de ses défauts inhérents, comme les pénuries ou la violation systémique des libertés civiles. En invoquant la nostalgie de cet « âge d’or » soviétique, Vladimir Poutine et son entourage ne cessent de qualifier l’effondrement de l’URSS de « tragédie » et de « catastrophe ».

Plus encore, l’Union soviétique symbolise, aux yeux des autorités russes, la puissance géopolitique d’antan que Moscou exerça sur une partie du monde de l’après-Seconde Guerre mondiale. Des références publiques à l’URSS permettent ainsi à la Russie contemporaine de justifier ses ambitions actuelles, tout en préservant son « aura » de grande puissance, attestée notamment par le statut de membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU. Cet état d’esprit, porté par le Kremlin depuis des années, fut consacré sur le plan juridique à l’occasion de la révision de la Constitution russe, en 2020, son article 67.1 stipulant désormais que la Fédération de Russie est l’« héritière », ou le « successeur en droit » (pravopreemnik), de l’Union soviétique.

La fin d’un Empire ?

Contrairement aux récits historiques mis en œuvre par les autres pays postsoviétiques, la nouvelle Russie entretient un rapport ambigu à son histoire impériale. Trente ans après la chute de l’URSS et plus d’un siècle après celle de l’Empire des Romanov, la question « où s’arrête l’empire et où commence la nation ? » demeure sans réponse définitive dans les débats russes. Les dirigeants de la Russie postsoviétique ont favorisé la promotion d’une lecture continuiste de l’histoire nationale, qui relie l’époque contemporaine au tsarisme et au communisme au nom du maintien d’un État fort et pérenne dans un vaste espace eurasien.

Il n’en est pas moins vrai que, même aujourd’hui, la Russie constitue un État de la taille d’un empire, quoique « diminué », qui englobe des régions autrefois réunies par conquête ou par consentement plus ou moins volontaire. Ces régions, ayant bénéficié du statut de territoires autonomes aux débuts de l’époque soviétique et appelées depuis « républiques » (respoubliki), sont des foyers à forte concentration de communautés ethniques avec leurs langues, leurs cultures et leurs mœurs, différentes de celles de la majorité ethnique du pays. Les relations entre les chefs locaux et le Kremlin évoquent le système de gouvernement impérial plutôt que fédéral, dans la mesure où l’exercice du pouvoir sans partage par ces chefs est conditionné par la déclaration d’une loyauté pleine et entière, sinon de la soumission, vis-à-vis du chef suprême : Vladimir Poutine.

Le maintien de cet espace mosaïque, qualifié par le président d’ « acte héroïque » (podvig) des Russes, représente une importante source de légitimité pour le régime politique en place. C’est au moment de la « deuxième guerre de Tchétchénie » que Poutine, fraîchement nommé premier ministre avant de succéder à Boris Eltsine à la tête de l’État, jette les bases de son image d’homme fort capable d’endiguer la menace séparatiste et de garantir l’ordre et la sécurité pour tous. Par la suite, les dérives autoritaires du régime sont justifiées par cette stabilisation, dont l’un des objectifs serait d’éviter une nouvelle phase de désintégration du pays.

Vladimir Poutine, alors premier ministre, et Akhmad Kadyrov, grand mufti de Tchétchénie devenu l’homme lige de Moscou dans la république à partir de 2000. Après son assassinat en 2004, son fils Ramzan Kadyrov lui succède. Il se trouve toujours à la tête de la Tchétchénie aujourd’hui et se pose en « premier parmi les poutiniens ». Itar-Tass/AFP

Toutefois, on a vu cette peur d’une dislocation de l’État s’estomper au fil des années, l’intégrité territoriale du pays « coûte que coûte » étant progressivement devenue sujet à controverse. Songeons au slogan « Arrêtons de nourrir le Caucase », lancé par des nationalistes russes au début des années 2010 et soutenu par l’opposant Alexeï Navalny pour protester contre les transferts budgétaires, jugés disproportionnés, que reçoivent les républiques musulmanes du Nord-Caucase. Un autre exemple, plus récent : le vif échange entre Vladimir Poutine et le cinéaste Alexandre Sokourov, membre du Conseil présidentiel russe pour les droits de l’homme, qui a proposé de « laisser partir » les territoires « ne souhaitant plus vivre avec nous dans le même État » et selon les mêmes lois fédérales. Dans sa réponse, le président russe a mis en garde contre la reproduction du « scénario yougoslave » en Russie, faisant référence aux guerres ethniques qui se sont déroulées sur le territoire de l’ex-Yougoslavie dans les années 1990.

Une unité nationale fragile

Si la construction nationale en Russie reste profondément marquée par le passé impérial du pays, les autorités cherchent à mobiliser des valeurs censées rassembler le plus grand nombre. Ce sont les valeurs patriotiques et conservatrices, ou « traditionnelles », promues par l’État et les acteurs paraétatiques, dont l’opposition parlementaire loyale au Kremlin, l’Église orthodoxe russe ou les autorités spirituelles musulmanes. Ce supposé « consensus conservateur » n’est pourtant pas la baguette magique qui permettrait d’outrepasser les divisions internes.

L’une d’elles est symbolisée par un écart persistant entre ethnos et demos, la communauté ethnoculturelle et la communauté de citoyens. Cette distinction est d’abord terminologique : ce qui est « russe » (rousskiï, l’adjectif relatif à la langue, à la culture et à l’ethnicité) n’est pas égal à ce qui est « de Russie » (rossiïskiï, l’adjectif relatif à l’État et au domaine public). Mais elle reflète aussi une réalité tangible : sur près de 146 millions d’habitants du pays, trente millions environ appartiennent à des groupes ethniques (ou « nationalités ») minoritaires. Une bonne partie de ces groupes se désignent comme des nations et peuvent, à certains égards, être décrits comme tels.

La diversité intrinsèque au contexte russe s’exprime également sur le plan religieux. Aux côtés d’une grande majorité de citoyens – jusqu’à 70 %, soit cent millions de personnes – se déclarant comme chrétiens orthodoxes (bien qu’il s’agisse d’une identification culturelle plutôt que religieuse), vingt millions d’habitants de la Russie sont de culture ou de religion musulmane. La proportion de ces populations musulmanes est d’ailleurs susceptible de s’accroître dans les prochaines décennies, en raison des tendances démographiques et du facteur migratoire, ce qui aura des conséquences majeures sur les débats identitaires dans le pays.

Des musulmans assistent à une prière matinale pour marquer l’Aïd al-Adha (ou Aïd el-Kebir,) dans une rue à Moscou, le 12 septembre 2016. Alexander Utkin/AFP

La promotion de l’appartenance à une communauté des citoyens de Russie pourrait permettre de transcender ces différences ethnoculturelles. Or, en pratique, elle se heurte à la persistance d’une xénophobie « diffuse » qui vise les minorités dites visibles et couramment appelées « personnes d’apparence non slave ».

Cette xénophobie n’épargne pas les citoyens de Russie ethniquement non russes, dont les représentants font systématiquement l’objet de stigmatisation et de discrimination. Les minorités, qu’elles soient autochtones ou issues de l’immigration récente (par exemple, des pays d’Asie centrale), sont les cibles d’émeutes ethniques ou raciales, comme ce fut le cas à Kondopoga, en Carélie, en 2006, ou à Birilouliovo, banlieue du sud-ouest de Moscou, en 2013.

Il est par ailleurs difficile de parler d’une communauté nationale qui adhère consciemment à l’État et à ses lois, pour reprendre la définition classique de la nation proposée par Marcel Mauss, dans un contexte où de nombreux Russes accordent une faible confiance aux institutions publiques. Ainsi, plus de 50 % des interrogés ne font pas confiance à la police, aux pouvoirs régionaux et locaux, tandis que le taux de méfiance envers le gouvernement, le Parlement et les partis politiques dépasse, lui, les 60 %.

Les choix ambigus des autorités russes

Ces dynamiques discordantes trouvent un écho dans l’ambiguïté des stratégies adoptées par les autorités russes pour y faire face.

D’abord, les autorités russes condamnent publiquement toute expression de xénophobie, mais contribuent en pratique à la légitimation des attitudes xénophobes via l’usage de notions comme « criminalité ethnique » ou le déploiement d’un discours anti-immigration. Par exemple, le maire de Moscou Sergueï Sobianine considère la « criminalité ethnique » comme « l’un des principaux problèmes » de la capitale russe et souhaite remplacer des travailleurs migrants sur les chantiers par des gens « d’une qualité supérieure », c’est-à-dire des citoyens de Russie issus des régions avoisinantes de Moscou. Toutefois, depuis le début des années 2010, les autorités russes ont réprimé les groupuscules ultranationalistes et cherchent, dans le nouveau contexte géopolitique marqué par une confrontation aiguë entre la Russie et l’Occident, à canaliser la haine éprouvée par de nombreux habitants à l’égard des migrants et des minorités ethniques pour la projeter sur les pays occidentaux. En effet, l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, a provoqué une baisse significative de la xénophobie interne, celle-ci ayant été partiellement redirigée vers les États-Unis et l’Ukraine.

Ensuite, les dirigeants russes mettent systématiquement en valeur le discours sur la Russie en tant qu’État « pluriethnique et multiconfessionnel », en insistant sur l’égalité des citoyens d’appartenances ethniques ou religieuses diverses. Mais en même temps, aujourd’hui ils s’investissent davantage dans la promotion du terme rousskiï, et non rossiïskiï, dans l’objectif de renforcer leur politique d’influence vis-à-vis de la diaspora russe dans l’espace de l’ex-URSS, et au-delà. La décision de Vladimir Poutine de mettre fin à l’apprentissage obligatoire des langues minoritaires dans les écoles publiques situées sur le territoire des républiques autonomes contredit ce discours officiel et sème les germes de conflits futurs.

Enfin, la crise ukrainienne, dont l’issue reste indéterminée, a mis un terme définitif à l’idée d’un éventuel projet d’intégration nationale entre la Russie et l’Ukraine. La seconde s’émancipe de la première, que ce soit sur un plan politique, économique, culturel ou même spirituel (avec la création de l’Église orthodoxe d’Ukraine, en décembre 2018, rattachée au Patriarcat de Constantinople). Cette séparation de deux pays historiquement et culturellement proches pourrait donner un nouvel élan à la construction nationale en Russie, comme c’est déjà le cas en Ukraine. Cependant, depuis l’annexion de la Crimée, la Fédération de Russie se retrouve dans la situation d’un État dont les frontières sont, et resteront, contestées depuis l’extérieur du pays.

Aussi peut-on remarquer que, trente ans après la fin de l’URSS, les structures identitaires de la société russe demeurent indéfinies, et les obstacles à la consolidation nationale encore nombreux.

Trente ans après l’effondrement de l’URSS, ces États fantômes qui hantent l’espace post-soviétiqu

31 vendredi Déc 2021

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  1. Taline Ter MinassianHistorienne, professeure des universités. Directrice de l’Observatoire des États post-soviétiques (équipe CREE), Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)

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Des habitants de Soukhoumi, la capitale de l’Abkhazie, brandissent des drapeaux de l’Abkhazie (à bandes vertes), de l’Ossétie du Sud (blanc, rouge et jaune) et de la Russie pour célébrer la reconnaissance par Moscou de l’indépendance de ces deux républiques sécessionnistes de Géorgie, le 16 août 2008. AFP

Des habitants de Soukhoumi, la capitale de l’Abkhazie, brandissent des drapeaux de l’Abkhazie (à bandes vertes), de l’Ossétie du Sud (blanc, rouge et jaune) et de la Russie pour célébrer la reconnaissance par Moscou de l’indépendance de ces deux républiques sécessionnistes de Géorgie, le 16 août 2008.

Le 8 décembre 1991, les accords de Bieloviej mettaient fin à l’existence de l’Union soviétique. La dislocation de l’URSS a entraîné pour les États successeurs – les quinze anciennes républiques fédérées de l’URSS – une profonde reconfiguration de la « question des nationalités » héritée de l’époque soviétique.

Elle a aussi imposé, du point de vue de Moscou, en même temps que les deux guerres de Tchétchénie, la nécessité de gérer des territoires parfois majoritairement peuplés de Russes ethniques s’étant retrouvés hors des frontières de la Fédération de Russie.

Trente ans après la disparition de l’Union, une demi-douzaine d’entités non reconnues internationalement existent aujourd’hui sur ce que fut son territoire. Comment en est-on arrivé là, et quelles sont les perspectives de ces contrées et de leurs habitants ?

Trente ans de conflits

On emploie généralement l’image classique des poupées « matriochkas » emboîtées les unes dans les autres pour expliquer les divisions administratives de l’URSS. En effet, il existait, à l’intérieur des quinze républiques fédérées, des entités territoriales dotées du statut administratif de « république autonome », de « région autonome » ou de « district autonome ». Dès 1991, ces entités autonomes sont devenues un défi à la cohésion interne de plusieurs des quinze nouveaux États indépendants qui se sont constitués sur le fondement des républiques fédérées.

Transnistrie, Abkhazie, Ossétie du Sud, Haut-Karabakh… l’énumération des entités indépendantes autoproclamées à partir de 1991, quasi-États ou « États fantômes » de l’espace post-soviétique, évoque irrésistiblement une multitude de conflits demeurés irrésolus et liés à de forts enjeux géopolitiques. Au cours des trois dernières décennies, la liste des entités non reconnues par la communauté internationale, loin de se résorber, s’est au contraire allongée de nouveaux « fantômes ». Les plus récents en date sont la république populaire de Donetsk et la république populaire de Lougansk, autoproclamées en 2014 à l’issue de la crise ukrainienne et de la guerre du Donbass.

Toutes les anciennes républiques fédérées devenues indépendantes en 1991 cherchent à forger des États-nations cohérents. Ces projets sont en général fortement perturbés par les « entités fantômes » qui se trouvent sur leur territoire et qui présentent souvent un fort tropisme russophile. Le schéma est parfaitement logique puisque les habitants des zones en question s’opposent aux processus d’ethnicisation du pouvoir et de l’espace public lancés dans les républiques fédérées devenues indépendantes auxquelles elles avaient été rattachées durant l’époque soviétique.

La multiplication de ces États qui n’en sont pas tout à fait est un véritable défi typologique au regard de la science politique. C’est que leur nature même de « quasi-États », d’« États de facto », en fait des États indépendants de fait mais pas de droit, car ils ne sont pas du tout, ou presque pas reconnus par les États membres de l’ONU. L’Ossétie du Sud et l’Abkhazie n’ont été reconnues qu’en août 2008 par la Russie, la Syrie, le Venezuela et Nauru, petit État insulaire d’Océanie. Les autres entités autoproclamées de l’espace ex-soviétique n’ont été reconnues par aucun État de l’ONU, pas même la Russie, qui pourtant soutient plusieurs d’entre elles à bout de bras.

Par ailleurs, leur superficie réduite en fait aussi des « micro-États » qui entretiennent des relations complexes aussi bien avec l’État post-soviétique au sein duquel elles sont enclavées qu’avec celui auquel elles souhaitaient initialement être rattachées, contribuant ainsi à la situation de « weak state » ou de « failed state » de l’entité-mère, souvent divisée du fait des tensions ethniques et linguistiques et dont les élites présentent un niveau généralement élevé de corruption.

Tour d’horizon

À l’exception de la Transnistrie, et du cas beaucoup plus récent des républiques populaires de Donetsk et de Lougansk, les quasi-États de l’espace post-soviétique sont d’anciennes entités autonomes ayant déclaré leur souveraineté avant ou immédiatement après la fin de l’URSS.

Située sur la rive droite du fleuve Dniestr, coincée entre la république de Moldavie et l’Ukraine, la Transnistrie (4 163 kilomètres carrés, population estimée à 469 000 habitants en 2018) est un reliquat d’empire. Avec une population un tiers russe, un tiers moldave, un tiers ukrainienne, par ailleurs très largement russophone, cette région, russe depuis 1812 n’a pas été intégrée, contrairement au reste de la Moldavie, à la Roumanie indépendante entre 1878 et 1940. Ainsi, la Transnistrie actuelle fut entre 1918 et 1940, la « république autonome moldave », rattachée à l’Ukraine. Ce n’est qu’en 1940, après l’annexion de la Bessarabie (Moldavie) qu’elle fut réintégrée dans la RSS de Moldavie.

En 1989, face à la constitution d’un Front populaire moldave exigeant le rétablissement de l’alphabet latin (au détriment du cyrillique imposé par Moscou) et envisageant un possible rattachement possible de la Moldavie à la Roumanie, un mouvement autonomiste russophone pro-soviétique se constitue dans la capitale transnistrienne, Tiraspol (133 807 habitants en 2015).

Au moment même où la Moldavie accède à l’indépendance en décembre 1991, la Transnistrie proclame son indépendance par référendum (97,7 % des voix avec un taux de participation de 78,8 %). En 1992, une guerre civile éclate entre les forces armées moldaves et les russophones transnistriens constitués en une milice armée appuyée par des contingents de Cosaques et soutenus (sans intervention néanmoins) par la XIVe armée soviétique, contingent de 6 000 hommes stationnés en permanence sur le territoire de la « République de Transnistrie ». Depuis la fin de cette guerre en juillet 1992, cette république est un État indépendant de facto, possédant son propre appareil d’État et des frontières matérialisées avec la Moldavie et l’Ukraine.

Le 17 septembre 2006, la Transnistrie a demandé par référendum (approuvé à 97,1 % avec un taux de participation de 78,6 %) son rattachement à la Russie. Depuis lors, régulièrement qualifiée d’« État mafieux » ou encore de « trou noir de l’Europe », la Transnistrie cultive notoirement les avantages de sa situation de non-droit. Ses frontières poreuses permettent tous les trafics : métaux recyclés, alcool, cigarettes, volailles congelées, armes et êtres humains.

Ainsi, des deux côtés du fleuve Dniestr, les élites économiques, avec des complicités en Ukraine et en Russie, ont développé un système de contrebande à grande échelle. C’est sur le terreau de ce « capitalisme de contrebande » que sont apparus de puissants groupes oligarchiques dont le désormais célèbre Sheriff, puissant conglomérat d’entreprises presque omnipotent créé par deux proches de l’ancien président de la Transnistrie Igor Smirnov (1991-2011), et surtout connu en Europe pour son club de football, le Sheriff Tiraspol.

Territoire situé sur les rives de la mer Noire, au nord-ouest de la Géorgie, avec une superficie de 8 600 kilomètres carrés et une population de 245 246 habitants en 2018, l’Abkhazie abrite un groupe ethnique distinct des Géorgiens. Dans le cours de l’histoire, des royautés abkhazes distinctes des royaumes géorgiens ont existé, mais les Abkhazes ont été incorporés à l’Empire russe en 1860 au terme des guerres du Caucase.

En 1922, l’Abkhazie devient une république fédérée de l’URSS, mais elle est rattachée à la Géorgie en 1931, passant ainsi du statut de république fédérée (1er rang) à celui de république autonome (2e rang) au sein de la Géorgie soviétique. À l’époque soviétique, sous la férule des Géorgiens Beria et Staline, une politique de « géorgianisation » y est menée, favorisant notamment une forte immigration des Géorgiens en Abkhazie : ainsi, en 1989, les Abkhazes ne constituaient plus que 18 % de la population de la république.

Dès 1978, un fort mouvement de contestation était apparu avec l’appui du PC abkhaze pour protester contre la « géorgianisation », demandant notamment la restitution du statut soviétique initial de république fédérée. À la fin des années 1980, dans le contexte de la montée générale des contestations nationales en URSS, ce mouvement national abkhaze se reconstitue et même se renforce après l’accession de la Géorgie à l’indépendance (9 avril 1991) et l’élection à Tbilissi de Zviad Gamsakhourdia, dont les mots d’ordre en faveur d’une Géorgie unitaire visent à supprimer les statuts d’autonomie de l’Abkhazie, de l’Adjarie et de l’Ossétie du Sud.

Des troubles éclatent dans la capitale Soukhoumi en juillet 1991, entraînant 37 morts. La guerre éclate après la décision géorgienne de restaurer la Constitution de 1921 et de supprimer les autonomies. Le 23 juillet 1992, l’Abkhazie proclame son indépendance. En réponse, les troupes géorgiennes envahissent Soukhoumi, chassant les dirigeants abkhazes, qui se réfugient dans la ville littorale de Goudaouta où est située une importante base militaire russe.

Une contre-offensive menée avec l’aide décisive de l’aviation russe durant l’été et l’automne 1993 permet aux Abkhazes de reconquérir l’ensemble du territoire de la république, provoquant la fuite de la moitié de la population (pour l’essentiel des Géorgiens et des Russes) et la mort de 10 à 30 000 civils et militaires en grande majorité géorgiens.

Le conflit géorgiano-abkhaze a été l’un des conflits post-soviétiques le plus meurtriers. Depuis lors, les Abkhazes représentent, d’après le recensement de 2011, 50,7 % de la population de l’entité. En octobre 2006, le Parlement abkhaze vote une résolution appelant la Russie et la communauté internationale à reconnaître l’Abkhazie « qui dispose de tous les critères d’un État indépendant ».

À l’issue de la guerre éclair d’août 2008 en Ossétie du Sud, la Russie devient le premier État membre de l’ONU à reconnaître, le 26 août 2008, l’indépendance de l’Abkhazie. L’événement, qui intervient quelques mois à peine après la reconnaissance internationale de l’indépendance du Kosovo, illustre le fait que la nouvelle guerre froide entre la Russie et l’Occident passe désormais aussi par les « États fantômes ».

Quant au cas de l’Ossétie du Sud (3 900 kilomètres carrés, 53 532 habitants en 2015), il est très comparable à celui de l’Abkhazie, à cette différence près qu’il existe également une république d’Ossétie du Nord en Fédération de Russie, une situation qui décuple l’influence russe.

En 1989, le Soviet Suprême de l’Ossétie du Sud avait demandé la réunification des deux républiques. Au moment de la déclaration d’indépendance de la Géorgie, une guerre civile éclate, entraînant au moins 1 000 morts et plusieurs dizaines de milliers de réfugiés. L’Ossétie du Sud a proclamé son indépendance en novembre 1991 : une force de maintien de la paix (composée de Géorgiens, de Russes et d’Ossètes) a été établie après le cessez-le-feu dès 1992. Un second référendum sur l’indépendance organisé en 2006 a approuvé l’indépendance à plus de 90 % mais ce n’est qu’à l’issue de la guerre de 2008 que la Russie, puis à sa suite, on l’a dit, la Syrie, le Venezuela, le Nicaragua et Nauru, reconnaissent son indépendance.

Entre hard power et soft power : la Russie et les quasi-États de son « proche étranger »

Présence militaire, dépendance énergétique et industrielle, boycott économique (par exemple des vins moldaves et géorgiens en Russie à partir de janvier 2006), prise de contrôle des entreprises locales, influence politique et diplomatique, influence par l’intermédiaire des diasporas nationales immigrées en Russie : la Fédération de Russie dispose d’une panoplie étendue de moyens d’influence et d’actions dans les quasi-États dont elle estime qu’ils relèvent de son « étranger proche ».

Qu’il s’agisse de hard power ou de soft power, l’action de la Russie a visé généralement à soutenir politiquement le processus d’autodétermination des entités fantômes. Après la chute de l’URSS, la Russie a le plus souvent gardé, et ce en dépit de l’accord de 2005 sur le retrait des bases militaires russes en Géorgie, le contrôle d’installations essentielles au fonctionnement de l’armée russe, qu’il s’agisse d’unités stratégiques nucléaires et d’installations radar (Abkhazie et Ossétie du Sud), d’un système unifié de défense anti-aérienne (Transnistrie), du dispositif des garde-frontières sur les frontières de la CEI ou de sa capacité à déployer des forces de maintien de la paix comme au Haut-Karabakh depuis le cessez-le-feu du 10 novembre 2020.

D’autre part, l’organisation du Traité de Sécurité Collective (OTSC) fondée en 2003 dans le sillage du traité de Tachkent (1992) a instauré un cadre de défense commun sous l’égide de la Fédération de Russie. L’OTSC intervient donc auprès des quasi-États sur le fondement d’accords tripartites entre la Russie, la Géorgie et l’Abkhazie par exemple ou bien entre la Russie, la Moldavie et la Transnistrie.

Par ailleurs, la Russie a déployé et continue à déployer des forces de maintien de la paix en Abkhazie, en Ossétie du Sud, en Transnistrie et plus récemment au Haut-Karabakh. Enfin, et c’est le fait crucial, l’Abkhazie, l’Ossétie du Sud, la Transnistrie et sans doute bientôt le Haut-Karabakh deviennent des « quasi-États de garnison », l’enjeu militaire, militaro-industriel et géostratégique devenant un élément déterminant dans le soutien de Moscou aux processus d’autonomisation.

Ainsi, la XIVe armée soviétique basée en Transnistrie échappe à la souveraineté de la Moldavie – laquelle avait pourtant demandé en 1991 le retrait des troupes soviétiques tout en cherchant à conserver le matériel et les installations militaires – et conforte ainsi le processus d’autonomisation. Le 1er avril 1992, la Russie fait passer la XIVe armée sous sa juridiction. L’accord signé en 1994 entre la Moldavie et la Russie sur le retrait de la XIVe armée est demeuré lettre morte faute de ratification par les autorités de Tiraspol, pour lesquelles la présence de ces troupes russes est une garantie de l’autonomie de leur territoire, où l’industrie de la défense employait à l’époque soviétique les trois quarts des ouvriers.

En Géorgie, la question des bases russes, dont l’une est située en Abkhazie (Goudaouta) a été au cœur des négociations qui ont suivi la Révolution des Roses (décembre 2003) et l’arrivée au pouvoir de Mikhaïl Saakachvili. Le retrait des bases militaires russes du territoire géorgien a été le grand succès diplomatique de Salomé Zourabichvili, diplomate française nommée à cette époque ministre des Affaires étrangères de Géorgie (avant de devenir présidente du pays en 2018).

Le soft power russe agit enfin, plus ou moins officieusement, en faveur des « rattachements » à plus ou moins long terme à la Fédération de Russie. Divers schémas peuvent être imaginés, notamment celui de la « fédéralisation » de l’« entité mère », mais ils n’ont pas encore été réalisés. La « passeportisation » a cependant permis d’attribuer la citoyenneté russe aux citoyens de certains quasi-États, notamment en Abkhazie et en Ossétie du Sud, où plus de la moitié de la population a désormais un passeport russe.

Le statut de « zone grise » favorise le statu quo

Depuis trente ans, les quasi-États de l’espace post-soviétique sont devenus un enjeu géopolitique de premier plan dans la nouvelle guerre froide opposant la Russie à l’Occident. Guerre des mots, guerres des médias, les entités fantômes sont généralement désignées par la « république mère » d’entités « séparatistes » alors qu’en Russie on évoque plutôt des « processus d’autonomisation ».

L’accusation de double standard est de mise entre Russes et Géorgiens, ces derniers reprochant à la Russie sa politique en Tchétchénie tandis que les Russes reprochent aux Géorgiens leur non-reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. Les États fantômes ou quasi-États ont été, la plupart du temps, un obstacle à la consolidation d’États post-soviétiques faibles ou défaillants comme l’Ukraine ou l’Arménie, usant parfois d’une puissance asymétrique inattendue. Ainsi, la « kharabakhisation » du pouvoir politique arménien durant les trois décennies de l’époque soviétique a fait du quasi-État du Haut-Karabakh un creuset de formation des élites politiques oligarchiques de l’Arménie.

En janvier 2006, Vladimir Poutine a lié de manière expresse le sort des quasi-États européens à celui des quasi-États post-soviétiques en déclarant : « Si le principe de l’indépendance du Kosovo venait à être reconnu, plus aucun obstacle n’existerait alors pour le reconnaître le droit de la Transnistrie, de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud à réaliser leur droit à l’autodétermination ». Ainsi, à l’horizon indéfini – en dépit de l’élection de la présidente pro-européenne Maia Sandu le 24 décembre 2020 – des relations entre l’UE et la Moldavie répond le quasi-État bastion pro-russe de Transnistrie. De fait, la plupart des élites des quasi-États post-soviétiques ont utilisé à leur avantage leur situation de « zone grise » en ces lieux de concurrence ouverte sur le plan géopolitique. Dès lors, il est fort possible qu’ils continuent encore longtemps de former des abcès de fixation des tensions entre la Russie et ses « partenaires occidentaux »…

Desmond Tutu, le père de la « nation arc-en-ciel » d’Afrique du Sud

30 jeudi Déc 2021

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  1. P. Pratap KumarEmeritus Professor, School of Religion, Philosophy and Classics, University of KwaZulu-Natal

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Un homme se recueille devant une photo en noir et blanc de Desmond Tutu.
Un homme se recueille devant une photographie de Desmond Tutu à la cathédrale Saint Georges. Le Cap, 26 décembre 2021. Rodger Bosch/AFP
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L’archevêque Desmond Mpilo Tutu est mort à l’âge de 90 ans.

L’homme, affectueusement surnommé « the Arch » (en référence à sa charge de prélat) par ses compatriotes, a gagné le respect et l’amour de millions de Sud-Africains et du monde entier, se taillant une place permanente dans les cœurs et les esprits.

Lorsque les Sud-Africains sont descendus dans la rue, le 7 avril 2017, pour protester contre la destitution du respecté ministre des Finances, Pravin Gordhan, par le président Jacob Zuma, l’archevêque Tutu s’est joint aux protestations, quittant sa maison de retraite pour l’occasion. Âgé de 86 ans à l’époque, sa santé était fragile. Mais il avait la contestation dans le sang. Selon lui, aucun gouvernement n’est légitime s’il ne représente pas bien l’ensemble de sa population. Il le rappela avec justesse le jour même :

Nous allons prier pour la chute d’un gouvernement qui nous représente mal.

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Ces mots faisaient écho à ses engagements à propos de l’intégrité éthique et morale ainsi que de la dignité humaine. C’est sur la base de ces principes qu’il a lutté vaillamment contre le système d’apartheid et qu’il est devenu, comme l’affirme à juste titre la Fondation Desmond Tutu, « un ardent défenseur des droits de l’homme et un militant des opprimés ».

Mais l’archevêque Tutu n’a pas cessé de lutter pour les droits de l’homme après la fin officielle de l’apartheid en 1994.

De même, son combat pour les droits humains ne s’est pas restreint à l’Afrique du Sud. Il a non seulement continué à critiquer les politiciens qui abusaient de leur pouvoir mais a aussi apporté son soutien à diverses causes dans différentes régions du monde, soutenant ainsi avec force le Dalaï Lama face à la répression chinoise ou le peuple palestinien. Il s’est aussi beaucoup engagé dans la lutte contre le sida, la pauvreté, le racisme, l’homophobie et la transphobie.

Desmond Tutu et le Dalaï Lama à Hiroshima pour une conférence sur la Paix, le 2 novembre 2006. Kazuhiro Nogi/AFP

Il était également devenu un soutien important du Dalaï-Lama, qu’il considère comme son meilleur ami, et avait vertement critiqué le gouvernement sud-africain qui avait refusé un visa au chef spirituel tibétain en exil qui devait venir prononcer la « Desmond Tutu International Peace Lecture » en 2011.

Débuts

Desmond Tutu est issu d’un milieu modeste. Il est né le 7 octobre 1931 à Klerksdorp, dans la province du nord-ouest de l’Afrique du Sud, où son père, Zachariah, était directeur d’une école secondaire. Sa mère, Aletha Matlare, était employée de maison.

L’une des personnalités les plus influentes de ses premières années est le père Trevor Huddleston, un militant anti apartheid acharné. C’est leur amitié qui amène le jeune Tutu à être introduit dans l’Église anglicane.

Après avoir terminé ses études, il enseigne brièvement l’anglais et l’histoire au lycée Madibane de Soweto, puis au lycée Krugersdorp, à l’ouest de Johannesburg, où son père était directeur. C’est là qu’il rencontre sa future épouse, Nomalizo Leah Shenxane.

Bien qu’anglican, il accepte de se marier selon la cérémonie catholique romaine. Cet acte œcuménique, à un stade très précoce de sa vie, nous donne un aperçu de son engagement dans les années suivantes.

Desmond Tutu quitte l’enseignement à la suite de l’introduction de la loi sur l’éducation bantoue, en 1953. Cette nouvelle loi stipule que l’éducation de la population africaine autochtone doit se limiter à faire de celle-ci un réservoir de main-d’œuvre non qualifiée.

Deux ans après ces changements, il entre au service de l’église en tant que sous-diacre, puis s’inscrit à une formation théologique en 1958. Il est ordonné diacre de la cathédrale Saint Mary’s de Johannesburg en 1960, et en devient le premier doyen noir en 1975.

En 1962, il se rend à Londres pour poursuivre sa formation théologique grâce à un financement du Conseil œcuménique des Églises. Il y obtient une maîtrise en théologie et, après avoir servi dans diverses paroisses à Londres, il retourne en Afrique du Sud en 1966 pour enseigner au Séminaire théologique fédéral d’Alice, dans la province du Cap-Oriental.

S’intéressant par ailleurs particulièrement à l’étude de l’islam, il souhaite s’y concentrer dans le cadre de ses études doctorales mais sa vie prend un tour qui l’en empêche.

Desmond Tutu et sa femme, Leah Tutu, durant un voyage en Chine, le 13 août 1986. Walter Landholt/AFP

Ses activités du début des années 1970, durant lesquelles il fait le tour de l’Afrique, enseignant au Botswana, au Lesotho et au Swaziland avant de visiter de nombreux pays du continent en tant que directeur associé pour l’Afrique au Theological Education Fund, l’amènent à découvrir la théologie noire (un courant de pensée théologique qui articule le christianisme et les questions de droits civils) et jettent les bases de son engagement politique contre l’apartheid. Il revient finalement à Johannesburg en tant que doyen de la ville et recteur de la paroisse anglicane St Mary en 1976.

Activisme politique

C’est à cette période que Tutu entre en conflit pour la première fois avec le premier ministre de l’apartheid de l’époque, John Vorster, en lui écrivant une lettre en 1976, pour dénoncer l’état déplorable dans lequel les Noirs devaient vivre.

Le 16 juin de la même année, Soweto s’enflamme. Des lycéens noirs protestent contre l’utilisation forcée de l’afrikaans comme langue d’enseignement et sont massacrés par la police de l’apartheid.

L’évêque Tutu se retrouve de plus en plus impliqué dans la lutte et prononce l’un de ses discours les plus passionnés et enflammés après la mort en détention du leader militant noir, Steve Biko, en 1977.

En tant que secrétaire général du Conseil sud-africain des églises, puis en tant que recteur de l’église Saint-Augustin à Soweto, il devient un ardent critique des aspects les plus scandaleux de l’apartheid, notamment des expulsions forcées des Noirs des zones urbaines considérées comme des zones blanches.

Une cible

Du fait de son activisme politique croissant, « the Arch » devient la cible de la répression à grande échelle du gouvernement de l’apartheid et fait l’objet de menaces de mort et d’alertes à la bombe dans les années 1980. Son passeport lui est retiré en mars 1980 bien qu’un « document de voyage limité » lui soit octroyé deux ans plus tard suite à de nombreuses protestations et pressions internationales, lui permettant de voyager à l’étranger.

Reconnu dans le monde entier, son engagement lui vaut le prix Nobel de la paix 1984 et il devient l’évêque de Johannesburg en 1984, puis l’archevêque du Cap en 1986.

Au cours des quatre années qui ont précédé la libération de Nelson Mandela après 27 ans de prison, « the Arch » a fort à faire. Il fait campagne sans relâche pour que la pression internationale s’exerce sur l’apartheid et que le régime subisse des sanctions.

Desmond Tutu remettant à Mandela le rapport final de la Commission de la vérité et de la réconciliation qu’il dirigeait. A Pretoria, le 29 octobre 1998. Walter Dhladhla/AFP

Prolongation de son engagement sous la démocratie

Après 1994, il dirige la Commission de la vérité et de la réconciliation, dont l’objectif principal est de donner à ceux – pour ou contre l’apartheid – qui ont commis des violations des droits humains l’occasion d’avouer leur culpabilité, d’offrir une amnistie légale à ceux qui la mérite et de permettre aux coupables de faire amende honorable auprès de leurs victimes.

Deux des plus grands moments de sa vie personnelle ont porté la vision théologique de Desmond Tutu au-delà des limites de l’Église. L’un d’eux est survenu lorsque sa fille Mpho a déclaré qu’elle était homosexuelle et que l’Église a refusé son mariage. « The Arch » a alors proclamé son désaccord :

Si, comme ils le disent, Dieu était homophobe, je ne le vénérerais pas.

Le second fut lorsqu’il déclara sa préférence pour la mort assistée.

L’Afrique du Sud est bénie d’avoir eu un homme aussi brave et courageux que « the Arch » qui a autant incarné l’idée que le pays est une « nation arc-en-ciel ». L’Afrique du Sud ressentira la perte de sa boussole morale pour les générations à venir. Hamba kahle (portez-vous bien) Arch.

Et si les youtubeurs pouvaient aider les ados à manger sain ?

29 mercredi Déc 2021

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  1. Pascale Ezanprofesseur des universités – comportements de consommation – alimentation – réseaux sociaux, Université Le Havre Normandie
  2. Maxime DavidChercheur en marketing, Université Le Havre Normandie
Sur YouTube, des recettes, des astuces, sont proposées pour faire ses courses, préparer des plats, choisir les ingrédients les mieux adaptés. Shutterstock

Depuis son rachat par Google en 2006, YouTube a connu une ascension fulgurante. Se dressant sur le podium des sites les plus consultés au monde, avec près d’1,8 milliard d’utilisateurs uniques par mois, la plate-forme rencontre un vif engouement auprès des jeunes générations. Une étude Ipsos (2020) révèle que 76 % des 15-25 ans la consultent quotidiennement.

Celle-ci est à l’image du concept de web 2.0 : des espaces numériques mettant au cœur de leur fonctionnement un processus de co-création. Autrement dit, ce sont les utilisateurs qui construisent collectivement ce qu’est la plate-forme. Cette liberté de création représente un atout majeur pour séduire les jeunes générations.


À lire aussi : Comment les adolescents construisent-ils leur identité avec YouTube ?


L’un des faits marquants qui s’imposent à tout visiteur de YouTube est la profusion de contenus disponibles. Si des catégories de vidéos « mainstream » sont mises en avant par les algorithmes, comme la beauté, la musique, les jeux vidéo ou encore le divertissement, il existe également une profusion de chaînes de « niche ». Ces dernières illustrent toute la richesse et la diversité de l’offre YouTube. Ainsi, chaque internaute est quasiment assuré de trouver des contenus en lien avec ses centres d’intérêt.

D’ailleurs, la plate-forme, gagnant en maturité, de nouvelles thématiques apparaissent, comme l’aquariophilie, le jardinage, ou encore la programmation. On peut aussi réviser son baccalauréat ou apprendre une langue étrangère. A l’image du Massachussets Institute of Technology (MIT), des institutions éducatives prestigieuses diffusent gratuitement des cours dans de nombreuses disciplines.

Recettes et astuces

Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que YouTube occupe une place particulière pour apprendre à bien manger. Les vidéos sur l’alimentation représentent la cinquième thématique la plus fréquentée de la plate-forme. Ces visionnages se sont d’ailleurs amplifiés depuis l’arrivée de la crise sanitaire, témoignant de la prise de conscience des consommateurs des enjeux d’une bonne alimentation sur leur santé.

Le VLOG (contraction de « vidéo » et « blog » en particulier est un format plébiscité par les jeunes internautes pour partager des expériences ordinaires ou extraordinaires avec les internautes. On peut citer l’exemple des VLOGs « une journée dans mon assiette » où des youtubeuses filment leur repas tout au long d’une journée, de la préparation à la dégustation des plats.« Une journée dans mon assiette », un exemple de VLOG sur la chaîne HealthyClemsy en 2020.

Des recettes, des astuces, sont proposées pour faire ses courses, préparer des plats, choisir les ingrédients les mieux adaptés et participent, à ce titre, à la culture alimentaire des internautes.

D’ailleurs, la promotion d’une alimentation saine transparait dans la majorité de ces contenus. Au regard de ces mises en scène de recettes alliées aux recommandations des influenceurs, la plate-forme se laisse voir comme un nouveau support d’éducation alimentaire pour les 18-25 ans, en quête de repères nutritionnels. Dès lors, ces vidéos viennent renforcer les connaissances acquises ou bousculer les savoirs antérieurs façonnés par le cercle familial et/ou les messages de santé publique.

Processus d’identification

Les campagnes de prévention à destination des jeunes publics soulignent l’efficacité des messages conçus par et pour les pairs. Or, sur YouTube, cette forme d’éducation horizontale est un principe clé qui légitime, sans doute, l’engouement suscité par les vidéos portant sur l’alimentation. Ce sont pour les jeunes adultes des vecteurs d’éducation alimentaire qui reposent sur trois leviers fondamentaux induits par les codes de communication numérique.

Le premier levier concerne la qualité pédagogique du message. Sur les vidéos, il est possible de présenter ses opinions, de développer une argumentation, de transmettre des connaissances et des savoir-faire, tout en faisant de l’humour. On peut les visionner plusieurs fois, reprendre un passage pour bien assimiler une recommandation, commenter un message.

Le second levier porte sur l’authenticité du message. Les youtubeurs revendiquent le fait d’exposer « du vrai ». Ils disent se montrer tels qu’ils sont dans leur quotidien et non tels que les internautes souhaiteraient qu’ils soient. Cette volonté assumée de s’ancrer dans le réel et d’incarner le message renforce le sentiment de confiance des jeunes à l’égard des conseils prodigués.Vidéo en cuisine de Squeezie, influenceur plébiscité par les adolescents.

Enfin, la proximité sociale avec la cible, engendrée par la prise de paroles d’un jeune comme eux et l’immersion dans son intimité tend à renforcer la légitimité des messages diffusés. La vidéo permet au YouTuber de dérouler sa trame narrative, de se raconter en soulignant les traits de sa personnalité, ses valeurs mais aussi ses failles. Tout au long de la vidéo, le spectateur est transporté dans la vie de « quelqu’un qui lui ressemble », favorisant un sentiment d’identification.

Enjeux de santé publique

En revanche, cette communication entre pairs pour promouvoir une alimentation saine n’est pas exempte de risques car les informations véhiculées peuvent être erronées. En effet, la confiance suscitée par les recommandations de semblables trouve ses limites dans le fait que certains youtubeurs tirent leurs propres enseignements d’expériences personnelles ou de lectures de publications académiques qui sont parfois mal assimilées.

Face à ces risques, il est important que les pouvoirs publics investissent plus massivement ce média pour promouvoir une alimentation auprès des jeunes. Dans une optique de santé publique, la plate-forme constitue, en effet, une alternative pertinente pour communiquer autrement auprès des 18-25 ans. Encore faut-il être crédible en adoptant les codes d’usage et de communication de YouTube pour séduire ce public jeune.https://platform.twitter.com/embed/Tweet.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-0&features=eyJ0ZndfZXhwZXJpbWVudHNfY29va2llX2V4cGlyYXRpb24iOnsiYnVja2V0IjoxMjA5NjAwLCJ2ZXJzaW9uIjpudWxsfSwidGZ3X2hvcml6b25fdHdlZXRfZW1iZWRfOTU1NSI6eyJidWNrZXQiOiJodGUiLCJ2ZXJzaW9uIjpudWxsfSwidGZ3X3NwYWNlX2NhcmQiOnsiYnVja2V0Ijoib2ZmIiwidmVyc2lvbiI6bnVsbH19&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1417391334084812803&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fet-si-les-youtubeurs-pouvaient-aider-les-ados-a-manger-sain-174005&sessionId=1fe93516793cb1a0869043ed51e4c09d4642049e&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=9fd78d5%3A1638479056965&width=550px

Dans ce contexte, la transposition des techniques mobilisées en marketing d’influence, en santé publique offre une piste intéressante à explorer, prenant la forme d’une collaboration entre un influenceur et des acteurs de santé, mêlant leurs expertises (numériques pour les uns, nutritionnels pour les autres).

L’efficacité de ce dispositif s’illustre dans une campagne de communication d’intérêt général, récompensée récemment par le prix Or Effie France. Elle repose sur un partenariat entre le premier YouTuber français, Squeezie, cumulant 16,5 millions d’abonnés et Santé publique France pour promouvoir les recommandations du programme manger-bouger auprès des 18-25 ans.

À l’issue de cette campagne, le compte Instagram de manger-bouger recense une augmentation de 95 % de ses abonnés, entre octobre et novembre 2020, passant de 4200 à 8200. À l’heure actuelle, le compte cumule plus de 19000 abonnés. De plus, 30 % les 18-25 ans déclarent avoir reproduit au moins une recette, suite au visionnage d’une des six vidéos issues de la collaboration entre Squeezie et mangerbouger.

Ces résultats très encourageants penchent en faveur de l’utilisation des plates-formes en ligne pour mener des campagnes de communication publique centrées sur l’éducation alimentaire des jeunes adultes, visant à préserver leur bien-être et leur santé.

Joséphine Baker, du champ artistique à l’engagement politique

28 mardi Déc 2021

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  1. Mario d’AngeloProfesseur émérite à BSB, coordinateur de projet à Idée Europe, Burgundy School of Business
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Les photos de Josephine Baker et Martin Luther King sur la façade du Panthéon, le 30 novembre 2021. AFP

Si Joséphine Baker est la première femme noire à entrer au Panthéon, elle est aussi la première artiste du divertissement populaire (danseuse, chanteuse, meneuse de revue et actrice) à franchir cette grille.

La figure de Baker est, on le sait, complexe : tout à la fois artiste, résistante, activiste pour les droits civiques des Afro-américains et militante de la fraternité universelle. Mais cet engagement politique n’a pris tout son sens que parce qu’il était lié à une reconnaissance et une célébrité obtenues précédemment dans le champ artistique.

Une telle trajectoire pose donc la question du passage du champ artistique vers le champ politique des luttes et actions militantes et, conséquemment, la manière dont l’un entretient l’autre, surtout lorsque l’engagement est amené à durer.

Pour y répondre, outre la trajectoire de Joséphine Baker, celles de trois autres artistes, Jean Gabin, Marlène Dietrich et Mstislav Rostropovitch apportent des éléments concrets pour comprendre les mécanismes à l’œuvre dans le passage de l’artistique au politique.

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De la carrière artistique à la résistance et à l’activisme

La trajectoire de Joséphine Baker commence comme petite fille des bas quartiers ségrégués de St Louis (Missouri) douée pour la danse qui arrive à s’échapper de cette situation, réussit à prendre place dans la Revue nègre par laquelle elle triomphe dans un spectacle d’un genre très nouveau à Paris. Elle devient célèbre par son art… et par la polémique qu’elle suscite. Elle mesure aussi le degré de compétition qui existe dans les arts du divertissement.

Paris est alors encore une capitale mondiale du divertissement dont la revue de music-hall est le produit phare qui s’exporte aisément sous forme de tournées. Baker connaît ainsi une ascension fulgurante en Europe et en Amérique latine. Le disque et la radio révèlent sa voix au public tandis que le cinéma fait connaître l’artiste totale, danseuse, chanteuse et actrice. Dès 1927, elle est présente sur les écrans, première actrice noire au monde à tenir un rôle-titre dans La Sirène des Tropiques, film qui sera distribué dans toute l’Europe. Deux autres films vont servir sa réputation, Zouzou (1934) et Princesse Tam Tam (1935).


À lire aussi : Joséphine Baker et les États-Unis, un amour contrarié


En 1940, Baker choisit de se battre pour l’un de ses « deux amours », Paris. Sa trajectoire prend alors une nouvelle tournure car, « l’artiste‑femme‑libre » qu’elle incarnait jusque-là, interpellée par la défaite et l’occupation de sa patrie d’adoption, sort de sa zone de confort.

La voilà engagée dans la résistance, recrutée (et volontaire) comme agent des renseignements français puis, à partir de 1943, chantant pour les troupes françaises et américaines. Ce qui la confronte à nouveau à la ségrégation raciale, celle pratiquée dans l’armée américaine.

Lorsqu’elle retourne aux États-Unis entre 1947 et 1951, deux faits notoires la hissent au premier rang de l’activisme pour les droits civiques :

  • L’obtention que ses spectacles à Miami et dans d’autres villes, soient accessibles sans discrimination au public noir et au public blanc, ce qu’aucun artiste n’avait obtenu auparavant,
  • Son esclandre au très select Stork Club où on refuse de la servir, déclenchant des manifestations de jeunes noirs de Harlem mais se concluant par l’interdiction pour elle de séjourner aux États-Unis.

Son aura est grande, en 1963,* lorsqu’elle est enfin autorisée à revenir, grâce à Bob Kennedy, et qu’elle prend la parole après Martin Luther King lors de la Marche de Washington.


À lire aussi : Joséphine Baker et sa « tribu arc-en-ciel », au nom de la fraternité universelle


Ajoutons à ce tableau d’honneur sa « tribu arc-en-ciel » par laquelle la Joséphine qui ne peut enfanter adopte douze enfants de toute ethnie, religion et culture, proclamant ainsi que la fraternité est possible. Cette action (médiatisée) rejoint par d’autres signes (l’amour maternel, la fratrie) le combat qu’elle mène contre le racisme et l’antisémitisme.

Lorsque la trajectoire artistique est modifiée par un engagement actif

Baker fait partie de cette génération qui connaît avec la Seconde Guerre mondiale un brutal changement de contexte. Il en est de même pour Gabin et Dietrich qui choisissent eux aussi de s’engager, l’un contre l’occupant et la seconde contre le nazisme.

Gabin s’engage dans l’armée de la France libre et sera chef de char de la 2e DB du général Leclerc ; ce qui est alors tout à fait exceptionnel pour un artiste français de sa notoriété mais qui montre aussi combien son refus de la défaite était fort. En 1940 l’acteur quitte la France par Barcelone et rejoint les États-Unis avec Hollywood comme point de chute où se trouvent notamment Michèle Morgan et Marlène Dietrich. Ce n’est qu’une fois là-bas qu’il a l’opportunité de s’engager pour la France libre. Ce faisant, l’acteur abandonne complètement son activité artistique pour le combat militaire, jusqu’en août 1944.

Quant à Dietrich, dès 1935 elle s’active contre le régime nazi, co-crée un fonds de soutien pour les réfugiés juifs et dissidents venus d’Allemagne et obtient la nationalité américaine. À partir de 1940, elle milite pour l’entrée en guerre de l’Amérique. Recrutée par United Service Organization, elle revient en Europe en 1944 et avance avec les troupes américaines pour lesquelles elle donne plus de soixante concerts. L’engagement de Dietrich repose sur sa révolte contre la perte de l’honneur du peuple allemand voulant signifier qu’il ne s’est pas unanimement rallié au nazisme.

Baker, Gabin et Dietrich en s’engageant activement font chacun un choix crucial qui réoriente leur trajectoire artistique. Ce processus s’accomplit en quatre temps :

1) le changement de contexte qui interpelle l’artiste

2) le refus de l’artiste de poursuivre ses activités « comme avant »

3) la révolte de l’artiste, provoquant une disposition à l’action et une quête d’opportunités pour sortir de cette situation de dilemme

4) l’opportunité qui se présente et permet à l’artiste de s’engager, en s’appuyant sur ses ressources réputationnelles, matérielles et relationnelles, tout en prenant des risques.

Agir dans deux champs en parallèle

Si, après leurs années de lutte, Dietrich et Gabin retournent dans le champ artistique, auréolés d’héroïsme qui les distingue d’autres congénères et concurrents, Baker quant à elle, a encore des comptes à régler avec le racisme notamment en Amérique.

Or ces combats ne nourrissent pas directement leurs combattants. Ceux-ci ont certes au départ des ressources financières suffisantes mais si les combats durent, ils doivent parallèlement continuer leur carrière dans le champ artistique lequel est marchand et concurrentiel. Or c’est précisément là que Baker va se heurter à un obstacle majeur qui la conduit finalement à la ruine. En effet, à partir des années 1960 le genre qu’elle représente est quelque peu passé de mode alors qu’elle continue activement son engagement contre le racisme et pour la fraternité universelle.

On retrouve ce paramètre du financement de l’engagement avec Mstislav Rostropovitch, dans un autre contexte, celui du conflit Est/Ouest des années 1970. Sa révolte contre le régime totalitaire l’oblige à quitter l’URSS en 1974, devenant pour un temps apatride et se doutant bien que ce temps risque d’être long (l’URSS paraissait alors loin de l’effondrement). Malgré cette incertitude, Rostropovitch sait qu’il peut soutenir cette stratégie en continuant ses activités musicales car la musique classique est aussi bien jouée à l’Est qu’à l’Ouest. Il sait aussi qu’il peut compter sur des relations déjà tissées dans les pays occidentaux grâce auxquels il deviendra la star du violoncelle que l’on sait.

Quant à Joséphine Baker, morte quasiment sur scène, en artiste, sa ruine matérielle est sans doute venue nourrir sa légende, en tout cas, enrichir la figure de l’artiste engagée qu’elle incarne.

Débat : Serait-il éthique de prioriser en réanimation les malades Covid-19 vaccinés ?

27 lundi Déc 2021

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  1. Emmanuel HirschProfesseur d’éthique médicale, Université Paris-Saclay

Déclaration d’intérêts

Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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En cette phase de recrudescence de la pandémie et de diffusion du variant Omicron, la pénurie évoquée des capacités d’accueil dans les unités de soins critiques pourrait contraindre à intégrer aux critères médicaux de priorisation ou de triage en réanimation une composante qui heurterait l’éthique médicale : hiérarchiser entre la personne qui a fait le choix de la vaccination et celle qui la refuse ou n’a pas compris sa justification.

De manière inédite, la vaccination s’impose dans les controverses publiques et dans le débat politique comme un marqueur de l’adhésion ou non « aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique ». De « l’incitation vaccinale » (conditionnant toutefois la préservation d’une vie sociale sans entrave à l’obtention, sous certaines conditions, d’un passe sanitaire « dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de Covid-19 ») à « l’obligation vaccinale », l’exécutif a préféré la prudence de la pharmacovigilance et la progressivité d’une responsabilisation individuelle. En fait, pouvait-il en être autrement ?

L’évolution annoncée du passe sanitaire en passe vaccinal est indicative d’un niveau de menace sanitaire qui impose une intensification des mesures contraignantes visant à inciter aux modifications obligatoires des comportements individuels et des pratiques sociales. Se demander si les conditions de priorisation en réanimation intégrant comme critère complémentaire, dans la conjoncture actuelle, la vaccination, ne détermineraient pas une prise de conscience dont certains s’exonèrent mérite pour le moins d’être discuté. Au même titre que nous devrions être assurés que la conséquence de positions individualistes n’accentue pas les dilemmes d’arbitrage en réanimation, dans un contexte limitatif qui contraindrait à des choix ne relevant plus exclusivement de critères médicaux.

Connaissances scientifiques et facultés d’ajustement

Les mesures sanitaires doivent s’adapter non seulement à l’acquisition de connaissances scientifiques transitoires qui s’établissent et s’éprouvent nécessairement dans l’immédiat, sans recul encore suffisant (rappelons que la mise sur le marché d’un premier vaccin a été autorisée par l’Agence européenne du médicament il y a un an, le 21 décembre 2020). Mais elles doivent aussi s’adapter à l’évolution imprévisible des mutations du SARS-CoV-2, lesquelles ont eu pour conséquence la propagation de plusieurs variants depuis le début de la pandémie.

Dernier en date, le variant Omicron est l’objet de toutes les attentions et suscite des inquiétudes au point d’inciter le président du Conseil scientifique Covid-19, Jean‑François Delfraissy, à nous alerter, le 23 décembre, du risque d’une « possible désorganisation de la société à partir de début janvier ». À la suite d’une étude multicentrique, l’Institut Pasteur indiquait le 20 décembre que « les chercheurs concluent que les nombreuses mutations présentes dans la protéine Spike du variant Omicron lui permettent d’échapper en grande partie à la réponse du système immunitaire. Les études en cours ont pour objectif de comprendre pourquoi ce variant est plus transmissible d’un individu à l’autre et d’analyser l’efficacité de la 3e dose sur le long terme. »


À lire aussi : Omicron, Delta, Alpha… Comprendre le bal des variants


Les facultés d’ajustement et d’acceptation personnels constituent également un variant sociétal qui a une incidence déterminante sur les équilibres politiques à préserver dans la gouvernance d’une crise qui se prolonge, avec ses rebondissements et probablement d’autres contraintes.

Dilemmes dans l’exercice de la responsabilité décisionnelle

La transposition des données scientifiques dans les textes législatifs ou réglementaires, parfois précipitée par l’urgence, est un autre indicateur d’une spécificité de cette crise qui déjoue les cadres établis. En témoigne l’annonce de l’examen en Conseil des ministres extraordinaire lundi 27 décembre du projet de loi instaurant un passe sanitaire à la place du passe vaccinal, peu de temps après le vote de la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, qui en prolongeait l’usage jusqu’au 31 juillet 2022.

Il apparaît de ces premières considérations que le conflit dans l’exercice des responsabilités, selon des points de vue divergents et évolutifs, est équivalent à celui du conflit des expertises scientifiques et de toute autre nature, provoquant des conflits de valeurs et des dilemmes au plan de la responsabilité décisionnelle. De telle sorte qu’il nous faut concilier la vigilance éthique avec une capacité d’application des règles et des bonnes pratiques tenant compte du principe de réalité et de la visée du moindre mal.

Alors que dans son Discours de la méthode René Descartes énonce le postulat de « ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle », l’éthique de la responsabilité engagée en société peut-elle s’en satisfaire ?

Dans les circonstances actuelles d’absence d’alternative probante aux stratégies vaccinales pour diminuer les risques individuels et collectifs de contamination, il ne me semble pas infondé de conforter la recevabilité d’un savoir aujourd’hui certes encore provisoire, par la position morale affirmée dans la Déclaration des droits et des devoirs de l’homme et du citoyen du 22 août 1795 : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits ».

Le principe de liberté vaccinale n’est en soi respectable que si cette dernière s’avère conciliable avec l’attention bienveillante accordée à autrui, et dès lors que sont honorées les exigences de justice et de réciprocité. En pratique, est-ce le cas ?

Liberté personnelle et souci du bien commun

Avant d’évoquer les dilemmes déontologiques d’une discrimination dans l’accès en réanimation, qui pourrait être argumentée par des jugements moraux portant sur le refus de la solidarité vaccinale et l’exigence d’équité dans l’accès aux traitements dans un contexte contraint, quelques autres considérations s’imposent.

Revendiquer une autonomie quoiqu’il en coûte, mais avec la certitude d’être malgré tout assuré du droit inconditionnel d’accéder, en cas de besoin, à des soins critiques, est-ce assumer une responsabilité et en assumer la logique ? À ce jour, aucun des propagandistes de la liberté de non-vaccination n’a postulé de la reconnaissance de directives anticipées à l’éventualité de ne pas être réanimé consécutive à leur choix. Aucun d’entre eux ne s’est exprimé sur les modalités d’une priorisation en réanimation qui, du fait de leur décision, s’avérerait préjudiciable à une personne vaccinée.

Outre le fait qu’une hospitalisation en réanimation est l’expérience d’une dépendance radicale, à laquelle certains ne survivent pas ou souvent avec des séquelles à vie, entraver les missions imparties aux professionnels de santé par des traitements lourds, pourtant évitables, relève de l’inconséquence. C’est faire assumer à autrui une liberté personnelle qui compromet la leur, ainsi que la capacité d’agir pour le bien commun.

Dans un communiqué du 4 décembre, le Collectif Inter Urgences analyse l’état d’un sinistre consécutif à une saturation de services hospitaliers ; nombre de soignants ne le supportent plus au point parfois de renoncer à leur métier tant ces dysfonctionnements s’opposent aux valeurs dont ils estiment être les garants : « Les soignants qui portent encore à bout de bras la notion de service public sont épuisés. Ils se voient de nouveau privés de leurs droits par “nécessité de continuité des soins”. Mais c’est factuel, les départs et les arrêts maladie des professionnels sont les conséquences du non-respect de la qualité des soins et des conditions de vie au travail. »

J’ose considérer qu’il est irrespectueux à l’égard des professionnels – et des personnes particulièrement vulnérables aux risques de contamination (je pense notamment aux personnes immunodéprimées en chimiothérapie) – d’affaiblir, ne serait-ce qu’en soutenant publiquement des positions discutables, la cohésion d’une riposte qui maximise dans l’instant présent l’efficacité d’une prévention vaccinale dont nombre de pays n’ont pas le bénéfice.

Qu’en est-il dans de telles conditions de la fragilisation du système hospitalier, des droits d’autres malades atteints de comorbidités, ainsi soumis, en dépit de leurs besoins et malgré un schéma vaccinal complet, aux effets collatéraux d’une hospitalisation impossible ou d’une déprogrammation de leurs traitements sans autre justification qu’une priorisation des malades de la Covid-19 ?

Garantir la pérennité du système de santé

Le Code de la santé publique rappelle que « les droits reconnus aux usagers s’accompagnent des responsabilités de nature à garantir la pérennité du système de santé et des principes sur lesquels il repose ». Ce devoir de responsabilité s’exerce dans l’affirmation d’un souci de réciprocité peu conciliable, à l’épreuve des faits, avec la revendication d’un libre choix qui invoque le principe de précaution et la liberté d’exprimer une hostilité à des mesures comme la vaccination, pour se soustraire à toute obligation ou concession d’intérêt général.

Nos capacités à contenir la dynamique pandémique, même imparfaitement et dans l’incertitude, sollicitent un attachement indéfectible à l’esprit public, ainsi que la faculté et le courage d’en saisir les enjeux et les impératifs lorsque les circonstances l’exigent. L’opposition à la stratégie vaccinale est-elle moralement soutenable, si elle compromet les conditions d’accueil dans les services de soins critiques selon des critères pertinents et justes, contraignant les équipes à des dilemmes décisionnels susceptibles d’affecter leurs principes déontologiques ?

Un document du 17 décembre émanant de la Drees (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) produit des données étayées par une étude très documentée. Celles-ci attestent de l’appariement désormais incontestable entre non-vaccination et surexposition au risque d’une hospitalisation en réanimation, mais également de mortalité.

Selon ces travaux, les personnes non-vaccinées sont « nettement surreprésentées, par rapport à leur part dans la population générale, parmi les testées positives par PCR au Covid-19 », et cette surreprésentation « est encore plus importante parmi les personnes hospitalisées et également parmi celles décédées. En effet, alors qu’elles représentent 9 % de la population âgée de 20 ans et plus, elles représentent 25 % des personnes testées positives par RT-PCR et déclarant des symptômes, 41 % des personnes admises en hospitalisation conventionnelle, 52 % des entrées en soins critiques et 38 % des décès durant les 4 dernières semaines ».

Un cadre d’action et l’exigence de repères éthiques

Dans une tribune publiée dans Le Monde du 21 décembre, un collectif de médecins détaille en des termes d’une grande acuité les dilemmes décisionnels d’un arbitrage en réanimation selon des critères vaccinaux. On peut notamment y lire qu’« une pathologie impliquant autant les sentiments des médecins est inhabituelle et déconcertante. Insidieusement se pose une question du côté des professionnels de santé : est-ce que le statut vaccinal doit être pris en compte dans la priorisation ? ». Ou encore que « surmonter ce sentiment premier face à des comportements qui questionnent les médecins est un impératif éthique. Mais, dans ce contexte inédit, devant des choix tragiques, où le problème de la priorisation se pose, les médecins réanimateurs se trouvent à devoir prendre des décisions impossibles, alors que le questionnement déborde le seul cadre médical. »

On le constate, les dilemmes décisionnels ne relèvent plus aujourd’hui de considérations théoriques : les personnels médicaux y sont d’ores et déjà confrontés, même s’ils sont réticents à les assumer dans l’entre-soi d’une procédure collégiale et font appel à l’énoncé d’un cadre d’action respectueux à la fois de leurs valeurs et de l’exigence de repères éthiques appropriés.

Dès lors que la saturation progressive des services de soins critiques est imputée à l’hospitalisation majoritaire de malades non-vaccinés, voire détenteurs parfois de faux passes sanitaires, les critères de priorisation suscitent une attention et des considérations qui ne procèdent plus seulement de l’expertise médicale. Les arbitrages prennent une signification politique.

Qu’une personne qui se serait conformée aux prescriptions vaccinales, puisse être victime de ce qui sera considéré comme une forme d’injustice dans l’accès à un lit de réanimation du fait de la saturation des capacités par un afflux de malades non-vaccinés peut susciter des controverses. De même, si s’instituait une sélection des personnes accédant à un traitement selon des critères de respect ou non des préconisations de prévention, de tels prérequis seraient-ils compatibles avec le souci d’équité, pour ne pas dire avec les droits fondamentaux de la personne ?

Selon quels principes intangibles ériger des critères décisionnels pertinents, éthiquement soutenables, alors que tant de facteurs, notamment d’ordre socioculturel, infèrent dans l’exposition différenciée aux risques en ce qui concerne notre santé ? La participation à la solidarité vaccinale ne pourrait-elle pas toutefois constituer un critère d’arbitrage recevable entre deux malades présentant des indications équivalentes à la réanimation ?

Les recommandations de la Société française d’anesthésie réanimation

La priorisation en réanimation relève d’expertises professionnelles permettant de viser une justesse décisionnelle en conscience, en tenant compte de circonstances rétives à toute approche systématique. L’intelligibilité d’une situation spécifique permet d’étayer un processus d’arbitrage mené dans la concertation, avec pour souci l’intérêt direct de la personne malade. Une fois ces principes posés, comment argumenter un dilemme inédit qui accentue la complexité de l’instruction de choix limitatifs ?

La Société française d’anesthésie réanimation (SFAR) a publié le 15 avril 2020 des recommandations que nous pourrions solliciter comme première référence dans l’examen des conditions d’arbitrage d’un accès à la réanimation qui pourraient s’avérer dérogatoires aux principes en vigueur, si le contexte de pression pandémique devait l’imposer.

« Prioriser l’initiation des traitements de réanimation et leur poursuite est indispensable pour sauver le plus de vies possible, en allouant ces ressources limitées, parmi les malades en état critique, en priorité à ceux qui ont la plus forte probabilité d’en bénéficier. Cette priorisation est pleinement éthique si elle s’appuie sur des éléments objectifs et partagés préalablement par tous, pour éviter tout arbitraire et garantir l’équité. Il faut allouer équitablement les traitements, maximiser le bénéfice en vies, tenir compte du bénéfice indirect à prioriser soignants exposés et assimilés, accepter en dernière ligne de prioriser le plus lourdement pénalisé, et prioriser tous les patients selon des modalités analogues. »

Nous retenons de l’analyse de cette position qu’une hiérarchisation des choix pourrait « tenir compte du bénéfice indirect à prioriser soignants exposés et assimilés, accepter en dernière ligne de prioriser le plus lourdement pénalisé ». Le principe de réciprocité à l’égard des soignants n’est pas discutable. Dès lors, quelle acception attribuer à la priorisation du « plus lourdement pénalisé » ? Elle pourrait concerner une personne qui malgré sa vaccination a développé une forme grave de l’infection, ou qui du fait de sa situation de vulnérabilité n’a pas été en mesure de bénéficier de l’accès à la vaccination.

Il est précisé dans ces recommandations que « cette approche, envisagée seulement lorsque les facteurs pronostiques strictement médicaux ne suffisent plus à décider, conduirait par exemple, entre deux patients de gravité et facteurs pronostiques comparables, à donner la priorité au plus jeune, qui a potentiellement plus d’années de vie à perdre ». À équivalence de pronostic et d’âge, quels facteurs autres que subjectifs et donc arbitraires mobiliser afin qu’une décision qui pourrait s’avérer vitale soit incontestable ?

Dès lors que « la priorisation est pleinement éthique si elle s’appuie sur des éléments objectifs et partagés préalablement par tous, pour éviter tout arbitraire et garantir l’équité », encore convient-il de déterminer selon quelles conditions en débattre car, ainsi que l’affirme le collectif de médecins précédemment cités, « le questionnement déborde le seul cadre médical ».

Dans une position rendue publique le 22 décembre, la SFAR se demande si la vaccination pourrait « être mobilisée comme un critère médical de priorisation ? » Elle rappelle qu’« à gravité égale, la seule raison qui justifierait de retenir la vaccination comme critère médical de priorisation serait que celle-ci donne plus de chance de survie (en terme de quantité de vie et de qualité de vie). À ce jour, il n’existe pas de preuve scientifique solide pour l’affirmer. Au-delà des critères médicaux, une priorisation qui se baserait sur un critère de mérite (les vaccinés seraient plus méritants que les non vaccinés) sort du champ médical et serait discriminatoire ».

Il semblerait alors pertinent et urgent que les instances ordinales, le Comité consultatif national d’éthique, la Haute autorité de santé, l’Académie nationale de médecine et les sociétés savantes de réanimation produisent une réflexion attendue par les professionnels qui permette d’éclairer les instances collégiales. Les pouvoirs publics pourraient, à juste titre, estimer indispensable d’en formaliser les recommandations dans un texte réglementaire.

Une question morale émerge

Ces différentes considérations incitent à une interrogation d’ordre moral : pourrait-on imputer une responsabilité à la personne qui, en toute conscience et dans l’affirmation de sa liberté individuelle, a rejeté l’offre vaccinale, niant a priori tout risque pour sa vie et pour celle d’autrui, au point de lui refuser l’accès à la réanimation ?

Dans le contexte d’incertitude qui perdure depuis février 2020, en dépit de l’expérience probante acquise depuis le lancement de la stratégie vaccinale, mais mise en cause par des prises de positions contradictoires (y compris de la part de médecins), il semble délicat de discriminer parmi les opposants aux vaccins entre ceux qui le font par des convictions de toute nature, et ceux qui sont influencés par un discours qu’ils ne sont pas en mesure d’analyser et de pondérer par une approche critique.

Dans son texte du 22 décembre, la SFAR soutient une position déterminée à cet égard, précisant que « chacun est libre d’accepter ou de refuser un traitement. C’est le cas pour la vaccination. Et quand bien même celle-ci deviendrait obligatoire, cela ne justifierait pas non plus de facto de ne pas prendre en charge ceux qui ne respecteraient pas la loi. De nombreuses conduites à risque pèsent sur le système de santé. Pour autant, elles ne sauraient justifier une limitation de l’accès aux soins ».

Notons que ces derniers jours, certains « repentis » survivant à une réanimation qu’ils pensaient ne jamais avoir à subir ont exprimé un sentiment de détresse, voire de culpabilité, et le besoin de témoigner afin de faire la preuve tardive d’une exemplarité dont ils espèrent qu’elle bénéficiera à d’autres.

Quel cadre posent les textes actuels ?

Pour conclure sur l’opportunité qu’il y aurait, ou non, à intégrer explicitement le critère vaccinal aux arbitrages en réanimation, évoquons brièvement quelques repères réglementaires.

L’examen d’une décision sensible dans ses aspects politique, éthique et déontologique devrait évaluer ses différents impacts, y compris en référence aux textes qui encadrent les pratiques dans le champ de la santé : leur portée pourrait perdre en pertinence.

Il convient ainsi de rappeler que le Code de la santé publique détermine des principes d’action qui seraient remis en cause si les critères décisionnels en intégraient d’autres, qui s’avéreraient alors contradictoires :

« Le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne »

« Aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins »

Il en est de même s’agissant des principes de non-discrimination et de la non-stigmatisation que rappelle la Déclaration universelle sur la bioéthique et les droits de l’homme :

« Aucun individu ou groupe ne devrait être soumis, en violation de la dignité humaine, des droits de l’homme et des libertés fondamentales, à une discrimination ou à une stigmatisation pour quelque motif que ce soit. »

D’un point de vue strictement déontologique, deux articles du Code de déontologie médicale peuvent même s’avérer contradictoires dans leur application :

« Tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril ou, informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires » ;

et

« Dans les limites fixées par la loi et compte tenu des données acquises de la science, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance »

C’est dire les enjeux et la complexité des réflexions que susciterait la priorisation en réanimation des personnes vaccinées, au détriment de celles qui volontairement ne le seraient pas.

Enfin, dans sa réflexion, le Comité consultatif national d’éthique considère que « le contexte, quel qu’il soit, ne peut modifier les principes éthiques, même si une situation inédite comme celle provoquée par la lutte contre l’épidémie peut contraindre seulement à les hiérarchiser provisoirement, mais de manière argumentée en toute transparence ».

Les valeurs dont nous devons être collectivement les garants

J’estime que le contexte pandémique dont on ne maîtrise en rien l’évolutivité, pourrait nous contraindre à la difficile responsabilité de hiérarchiser nos principes éthiques, à titre provisoire et en ayant le souci d’exercer un contrôle sur les modalités d’un arbitrage en situation caractérisée comme exceptionnelle. L’expérience sociétale acquise depuis près de deux ans, ainsi que celle restituée par les professionnels de santé alors que nous sommes confrontés à une phase inquiétante de menaces encore imprécises, nous enjoignent au devoir d’une concertation argumentée portant sur les critères d’acceptabilité des décisions qui concernent les valeurs dont nous devons être collectivement les garants.

Il nous faudra peut-être aborder dignement, dans la rigueur et la transparence d’arbitrages pertinents et justes, la nécessité de choix de priorisation en réanimation intégrant des critères non exclusivement d’ordre médical. N’est-il pas préférable d’anticiper cette éventualité, plutôt que de concéder à une forme d’indifférence ou de tolérance à des pratiques qui devraient elles aussi mobiliser notre attention ? Je constate ainsi que les déprogrammations contraintes des interventions et des traitements se décident aujourd’hui sans que soit précisé dans quelles conditions sont établis les critères d’arbitrage des choix sans pour autant susciter des controverses publiques. D’un point de vue strictement médical, l’intérêt direct de la personne qui subit les conséquences parfois vitales d’une déprogrammation est estimé d’une moindre importance que la prise en charge des malades de la Covid-19. Nous y consentons comme si, déjà, nous étions habitués à certains renoncements.

Au nom de quels principes et en référence à quels critères de priorisation estime-t-on qu’une décision est acceptable on non dans le contexte d’une pandémie ? Nous ne saurions nous exonérer d’une responsabilité sociétale à intervenir dans des domaines qui ne relèvent pas seulement de l’expertise ou de la déontologie médicales.

L’exigence politique et éthique d’une réflexion partagée me semble donc d’une plus grande urgence encore face aux multiples défis susceptibles d’affecter notre cohésion nationale et notre mobilisation contre le SARS-CoV-2 au moment de leur plus grand besoin.

Le pétoncle noir bientôt de retour en Bretagne ?

26 dimanche Déc 2021

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Auteurs

  1. Philippe CugierChercheur en modélisation des écosystèmes benthiques côtiers, Ifremer
  2. Aline Blanchet-AurignyChercheuse en écologie marine, Ifremer
  3. Stéphane PouvreauChercheur en biologie marine, spécialisé dans l’écologie et la physiologie des bivalves marins, Ifremer

Contributeur

  1. Olivier DugornayPhotographe sous-marin, responsable du pôle audiovisuel, Ifremer

Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer) apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

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De jeunes pétoncles sont semés par l’équipe de l’écloserie du Tinduff (Finistère) sur des zones préalablement enrichies en substrats pour leur permettre de se fixer. Stéphane Pouvreau / Ifremer, CC BY-NC-ND

Longtemps pêché sur la côte atlantique française – principalement en rade de Brest, dans les Pertuis charentais et le bassin d’Arcachon –, le pétoncle noir (Mimachlamys varia) se fait de plus en plus rare.

Peu connu, il a pour cousin le pétoncle blanc, souvent appelé « vanneau » et plus largement consommé. Tous deux appartiennent à la famille des pectinidés, celle de la coquille Saint-Jacques. Moins répandu, le pétoncle noir fait l’objet d’une consommation plus restreinte et surtout locale. Les amateurs lui trouvent des qualités gustatives supérieures à celles du pétoncle blanc, du fait de son goût à mi-chemin entre la coquille et l’huître.

Au cours des dernières décennies, les stocks de Mimachlamys varia se sont effondrés, sous l’action conjointe de la surpêche et de la dégradation ou perte d’habitat. Dans les années 1970, la pêcherie du pétoncle noir produisait 700 tonnes en rade de Brest. Cette production est tombée à 70 tonnes dans les années 2010 ; la pêcherie a été fermée en 2018, faute de stocks suffisants.

Aujourd’hui, l’avenir de cette exploitation par la pêche est incertain, notamment en rade de Brest.

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Réintroduire l’espèce durablement

Dans le cadre d’un projet de recherche – Mascoet, réunissant des équipes de l’Ifremer, de l’université de Brest, des comités des pêches et une écloserie située en rade de Brest (celle du Tinduff) – des travaux sont conduits pour mieux connaître cette espèce.

Un des volets du projet concerne l’étude des conditions favorables à sa croissance (température, salinité, régime alimentaire…), mais aussi les conditions favorables à son implantation et son maintien en milieu naturel ; un effort particulier est ainsi consacré à l’étude de son habitat.

Le pétoncle noir a besoin de supports pour se fixer sur le fond, se développer (failles de roches, blocs, coquilles d’autres bivalves et notamment celles de l’huître plate, Ostrea edulis) et obtenir un abri contre ses principaux prédateurs – les étoiles de mer, les dorades. Mais, dans les zones fréquemment draguées, ces supports se raréfient.

L’ambition des scientifiques est de pouvoir proposer des solutions de réintroduction de l’espèce et de reconquête de ses conditions d’habitat favorable dans les sites historiques de présence. Pour permettre une reprise de son exploitation par les professionnels de façon durable.

Nous vous proposons de suivre en photos ces travaux sur le terrain…

Des écoblocs en guise de maison

Écoblocs. Matthias Huber/Ifremer, CC BY-NC-ND

Dans le cadre des opérations de restauration écologique de l’habitat favorable aux pétoncles – comme ici (photo ci-dessus) sur le site du Roz en baie de Daoulas dans la rade de Brest –, de petits blocs de béton coquillier, fabriqués à partir de poudre de coquilles d’huîtres, sont proposés à des jeunes pétoncles.

Ces derniers viennent s’abriter à l’intérieur de chaque niche prévue à cet effet. Alors qu’il n’y a plus aucun pétoncle sur le fond, chaque écobloc abrite plus d’une dizaine de pétoncles.

Comptage des pétoncles dans les écobocs. Stéphane Pouvreau/Ifremer, CC BY-NC-ND

Des opérations de comptage des pétoncles présents dans chaque écobloc sont conduites, comme ici (photo ci-dessus) sur le chantier pilote de la rade de Brest ; on y compte une trentaine d’écoblocs déposés sur une surface de 5 m2. La densité actuelle est de 500 pétoncles sur l’ensemble du chantier, soit environ 100 pétoncles par m2.

Ce suivi va se poursuivre tout au long du projet et de nouveaux types d’écoblocs, de plus en plus bioinspirés, vont être testés.

Un destin lié à celui des huîtres plates

Comme les moules, le pétoncle noir vit fixé à l’aide d’un byssus sur divers supports : les failles de roches, les blocs de rocher, les coquilles d’autres bivalves et tout particulièrement sur celle de l’huître plate (Ostrea edulis).

Les huîtres, un des habitats favoris des pétoncles. Stéphane Pouvreau/Ifremer, CC BY-NC-ND

Même si le pétoncle peut changer plusieurs fois de support au cours de sa vie, les huîtres plates mortes présentant leurs deux valves intactes offrent des abris de premier choix permettant au pétoncle de se protéger des prédateurs (étoiles de mer, dorades).

Historiquement, les fonds de la rade de Brest hébergeaient d’importants bancs sauvages d’huîtres plates, espèce quasi disparue aujourd’hui, en lien avec la surexploitation, la dégradation des milieux et l’émergence de maladies parasitaires. La disparition de ces supports a fortement contribué au déclin du pétoncle.

Les branchies du pétoncle. Olivier Dugornay/Ifremer, CC BY-NC-ND

Le pétoncle noir est un microphage filtreur qui se nourrit en piégeant les particules organiques en suspension dans l’eau de mer, tout particulièrement le phytoplancton qui constitue une source de nourriture majeure.

Une fois les particules piégées par les branchies – ces lames orange aplaties, visibles dans la cavité palléale que l’on distingue sur la photo ci-dessus –, elles sont conduites via des sillons vers les palpes labiaux qui les amènent ensuite vers la bouche. D’autres sources peuvent contribuer à son régime alimentaire telles que le microphytobenthos lorsqu’il est remis en suspension, et les détritus de macroalgues.

En rade de Brest, étant donné que les sources de nourritures fluctuent en fonction des paramètres du milieu (conditions de marées, apports continentaux et océaniques, charge particulaire…), la quantité et la qualité des ressources alimentaires disponibles constituent des paramètres importants à considérer puisqu’ils déterminent la croissance et le contenu énergétique de l’animal.

En attendant que grandissent les pétoncles

Mesure pour suivre la croissance des pétoncles. Olivier Dugornay/Ifremer, CC BY-NC-ND

Pour suivre la croissance des pétoncles noirs réintroduits dans la rade de Brest, où les conditions environnementales sont contrastées, on peut marquer les coquilles à l’aide d’un fluorochrome non toxique pour l’animal.

La strie fluorescente, que l’on distingue clairement sur la photo ci-dessus, est visible lorsqu’elle est éclairée sous une lumière bleue. Elle correspond au marquage du bord de la coquille au début de l’expérience. La distance comprise entre la strie fluorescente (début du suivi) et la bordure de la coquille indique la zone de croissance. Sur la photo, la coquille a grandi de 13 mm.

Des naissains de pétoncles (individus de même âge) produits en écloserie sont plongés dans une solution de calcéine durant quelques heures puis semés en milieu naturel dans des parcs expérimentaux.

L’objectif de ce marquage est double : il s’agit de différencier les pétoncles semés des individus issus du milieu naturel qui viendraient se fixer dans les parcs expérimentaux ; de suivre la croissance individuelle des pétoncles.

Toutes ces connaissances acquises au cours de ces différentes expériences permettront le futur développement de modèles numériques pour simuler et prédire la croissance et la distribution spatiale des pétoncles en rade de Brest, mais également sur d’autres sites potentiels de la façade Manche-Atlantique.

Ces livres de jeunesse qui font Noël

25 samedi Déc 2021

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  1. Eléonore CartellierDocteur en littérature britannique, Université Grenoble Alpes (UGA)

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Les plus célèbres contes de Noël allient avec habileté rêve et réalité. Shutterstock

Les premiers textes pour enfants associés à Noël ont été écrits au XIXe siècle et opposent souvent la pauvreté, la solitude et le manque à l’opulence générée par la magie et le rêve. L’on peut penser par exemple à Hansel et Gretel des frères Grimm, mais aussi à La Petite fille aux allumettes de Hans Christian Andersen. Des classiques régulièrement revisités par des auteurs et des artistes, comme Květa Pacovská, dont l’œuvre a été couronnée en 1992 par le Prix Hans-Christian-Andersen, en quelque sorte le Nobel du livre pour enfants.

Cette artiste plasticienne a illustré en 2005 un album qui présente l’histoire originale d’Andersen traduite par Danièle Ball-Simon. Les dessins proposés dans cet album sont visuellement très contrastés, permettant au jeune enfant de mieux saisir la situation initiale très dure ainsi que l’échappée dans le monde onirique des visions enchantées.

L’École des Loisirs

Sur le même thème, un autre artiste, Tomi Ungerer nous propose une réécriture beaucoup plus positive de ce conte dans un petit ouvrage intitulé Allumette. Cette histoire débute dans les mêmes conditions matérielles que l’histoire d’Andersen mais évolue très différemment. Les visions de la jeune héroïne y deviennent réalité et le ciel lui offre tellement de cadeaux et de nourriture qu’elle décide de partager son butin avec toute la ville, réduisant ainsi la pauvreté. Tout comme dans l’original, l’auteur nous propose une lecture engagée contre la pauvreté.

Des classiques aux modernes

Dans le même esprit, une des histoires qui a le plus marqué les traditions de Noël est le Conte de Noël, publié en 1842 par Charles Dickens et qui retrace la nuit de Noël d’Ebenezer Scrooge, un homme avare recevant la visite de trois esprits : les fantômes des Noëls passé, présent et futur. L’expérience va lui permettre de reconnaître ses travers et de véritablement comprendre la signification de Noël.Adaptation par Disney du « Christmas Carol » de Dickens.

Les descriptions prolixes des festins ont contribué à ancrer les plats traditionnels dans la culture populaire tels que les marrons, les oranges, citrons et pommes ainsi que la dinde rôtie, les diffusant au-delà des classes les plus aisées. Conseillée pour les enfants qui savent déjà bien lire, cette belle histoire de Noël permet de revenir aux sources des traditions festives.

Gallimard Jeunesse

Le magnifique texte de Timothée de Fombelle, Quelqu’un m’attend derrière la neige (2019) travaille lui aussi sur les difficiles questions de solitude et d’inégalités à travers l’histoire d’un livreur de glaces et d’une hirondelle dont les destins vont se croiser pour permettre à un troisième personnage de survivre. C’est un texte touchant qui mêle réalisme et onirisme. Les illustrations douces de Thomas Campi apportent de la profondeur et de la poésie au texte, que ce soit dans les paysages d’Afrique ou dans ceux recouverts de neige.

Noël à tous les étages de Marie-Aude Murail (publié dans J’aime Lire en 1998 puis republié en format livre en 2017) se déroule aussi au XIXe siècle : Jeanne tente de gagner assez d’argent pour aider son frère Hugues qui est gravement malade. Comme dans les autres histoires que nous avons évoquées, le retournement de situation s’opère grâce à la magie de Noël qui permet à Hugues de retrouver la santé et à Jeanne de trouver l’amour.

Du papier à l’écran

Cette magie de Noël est au cœur de deux autres textes jeunesse, Comment le Grinch a volé Noël de Dr Seuss (traduit par Stephen Carrière) et Le Bonhomme de Neige de Raymond Briggs.

Comment le Grinch a volé Noël est en fait une réécriture du Conte de Noël de Charles Dickens, car le Grinch a les mêmes caractéristiques qu’Ebenezer Scrooge. Dans cet album écrit en rimes, le Grinch ourdit un plan pour gâcher le Noël des Chous, les habitants de Chouville, en leur volant cadeaux et nourriture de fête.Bande-annonce du film Le Grinch (2018).

Mais il va vite comprendre que « Noël est blotti/Dans les cœurs et les têtes », bien au-delà des possessions matérielles. L’histoire du Grinch peut être découverte en album ou dessin animé ou encore en film animé. Ces formats différents ont permis à ce texte de véritablement faire partie de la culture anglophone et de devenir un classique pour Noël.

Grasset Jeunesse

Le deuxième classique de la saison est le très bel album de Raymond Briggs, Le Bonhomme de Neige. Publié pour la première fois en 1978, il propose de magnifiques illustrations pastel organisées en cases de bande dessinée sur la page mais ne contenant aucun texte. C’est donc à l’adulte ou à l’enfant de narrer l’histoire du petit garçon fabriquant un bonhomme qui va prendre vie.

Les aventures des deux héros sont pleines de magie et de rires et permettent aux jeunes enfants qui ne savent pas encore lire de suivre l’histoire à travers les images. Un film d’animation a été tiré de l’album en 1982 et peut permettre de continuer l’immersion dans ce monde magique.

Émergence des variants du SARS-CoV-2 : que peut-on espérer (ou craindre) dans un futur proche

24 vendredi Déc 2021

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  1. Benjamin RocheDirecteur de Recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)
  2. Jean-François EtardDirecteur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)

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Au début de l’année 2021, les bonnes nouvelles arrivaient enfin sur le front de la pandémie de Covid-19. Les premiers vaccins étaient disponibles et leur déploiement pouvait commencer à travers le monde, faisant espérer qu’on puisse apercevoir la lumière au bout du tunnel…

Malheureusement, l’euphorie aura été de courte durée, avec l’émergence fin 2020 du variant préoccupant « anglais » (variant of concern, B.1.1.7), nommé plus tard Alpha. Sa transmissibilité augmentée faisait craindre une accélération de la pandémie.

Le variant historique (Wuhan), qui avait cadenassé nos vies du jour au lendemain, avait un nombre de reproduction de base, ou R₀, de 3 (chaque personne infectée en pouvait infecter en moyenne trois autres). Les efforts inédits de la population (confinement, etc.) avaient fait descendre ce nombre en dessous de 1, indiquant que chaque malade contaminait moins d’un autre individu, laissant espérer une diminution du nombre de nouveaux cas.

Malheureusement, Alpha avait une transmissibilité environ 50 % plus importante que la souche historique, avec un nombre de reproduction de base approchant 5. Puis allait apparaître Delta (identifié en Inde), au nombre de reproduction de base estimé à plus de 5. Chaque nouveau variant, de par sa transmissibilité plus importante, allait ensuite supplanter son prédécesseur.

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Si 2020 avait été l’année de l’épidémiologie du SARS-CoV-2, 2021 aura indéniablement été celle de son évolution.

L’émergence des variants, un phénomène normal et pris en compte

Les virus, comme toute entité vivante, évoluent en permanence. Ils s’adaptent à leur environnement afin de maximiser leur propagation. Mais là où il faut des années pour les espèces de vertébrés, les virus comme le SARS-CoV-2 sont infiniment plus rapide – un million de fois plus rapide que pour nos cellules, par exemple. C’est cette évolution biologique accélérée mais normale et attendue, que le monde entier observe depuis un an.

Le phénomène a été largement documenté sur d’autres virus, tels les virus influenza (grippe). Cela n’est d’ailleurs pas sans poser des contraintes pour le contrôle de ces virus, pour lesquels les vaccins doivent être constamment remis à jour.

Pour adapter nos réponses à ces émergences, il est particulièrement important de garder en tête que la détection de nouveaux variants dans une localité particulière ne veut pas dire qu’ils y sont apparus ni même qu’ils ne circulent qu’à cet endroit. L’exemple d’Omicron est particulièrement criant. Identifié en Afrique du Sud, il a aussi été détecté à Hongkong (confirmé le 15 novembre), au Botswana (confirmé le 24 novembre) et, après avoir commencé à le rechercher, les autorités sanitaires se sont rendu compte qu’il s’était déjà disséminé à travers le monde.

Trois voyageurs venant de Chine sortent d’un aéroport américain avec combinaison de protection de protection
Les variants apparaissent et voyagent plus vite qu’on ne les identifie. Fermer les lignes aériennes vers les pays qui font le travail de recherche de ces variants dans leur population est contre-productif (Los Angeles International Airport, le 3 décembre 2021). Mario Tama/AFP

La fermeture des liaisons aériennes aura donc un impact extrêmement limité sur sa propagation… mais peut en revanche pousser de nombreuses autorités à ne plus divulguer ce genre d’informations afin de ne pas en subir les conséquences économiques. Or, lors d’une pandémie, le partage rapide de l’information est la meilleure arme pour préparer et adapter les outils existants, notamment les vaccins et les diagnostics.

Autre point majeur, il est important de bien caractériser les variants : quantifier transmissibilité, virulence et efficacité de l’immunité naturelle ou vaccinale sur les différents groupes de la population vont être déterminants pour adapter une réponse multisectorielle (restrictions, gestes barrières, vaccination, laboratoires d’analyse médicale, préparation des hôpitaux impliquent une coordination de secteurs et de ministères différents).

Depuis le début de l’émergence des variants, le monde redoute trois scénarios : une hausse de la transmissibilité, de la létalité associée à une infection et/ou un échappement immunitaire. Pour l’heure, on a principalement observé des variants avec une transmissibilité augmentée.

Le cas Omicron

Fin novembre 2021, la découverte du variant Omicron a déclenché une alerte mondiale car les premières données laissent à penser que ce variant hautement transmissible provoque plus de réinfections que les autres. Si tel était bien le cas, cela signifierait que, parallèlement à une transmission élevée chez les personnes non immunisées, les personnes précédemment infectées ou vaccinées, seraient également à risque d’être réinfectées.

Avec une transmission très intense et un échappement immunitaire, c’est la pandémie qui redémarrerait – avec son cortège de restrictions. Ce variant ne semble cependant pas associé à une gravité clinique particulière et, actuellement, c’est toujours la 5e vague liée au variant Delta qui peut conduire à une saturation des hôpitaux. Le degré d’observance des gestes barrières et la progression de la couverture vaccinale de rappel auront donc un impact majeur.

Par contre, à court terme, la très forte diffusion d’Omicron au sein de la population non immunisée présentant des facteurs de risque pourrait mettre à mal le système de santé.

Alors que les précédents variants présentaient des évolutions relativement « proches » (quelques mutations en plus), ce variant est particulièrement différent et possède plus d’une trentaine de mutations par rapport à Delta rien que pour la protéine Spike. Une surprise…

L’impact de la population d’origine dans l’émergence d’un virus

Bien qu’aujourd’hui l’histoire évolutive de ce variant reste inconnue, plusieurs hypothèses semblent possibles, liées à l’environnement dans lequel se trouve le virus.

Tout d’abord, une évolution « graduelle » est bien sûr possible. Les mutations observées ont pu s’accumuler de façon régulière, sans être détectées pendant des mois parce qu’elles n’engendraient pas de changements épidémiologiques majeurs – sur la transmissibilité, la létalité ou l’immunité engendrée. En d’autres termes, ce n’est qu’après une certaine accumulation de mutations qu’une combinaison particulière sur le virus a pu représenter un vrai tournant pour notre système immunitaire (dans sa capacité à le reconnaître, etc.)

Ce cas de figure se retrouve particulièrement au sein des populations faiblement vaccinées où le virus peut circuler et parcourir des « paysages adaptatifs » extrêmement compliqués sans être trop freiné – jusqu’à arriver au fameux variant Omicron. Ces « paysages » sont les milliers de combinaisons de mutations que le virus peut avoir avec chacune un impact sur les caractéristiques épidémiologiques compliqué à prédire. Sachant que ce virus possède environ 30 000 paires de bases, cela correspond à plus de 8.1017 combinaisons possibles… Bien sûr, beaucoup de ces combinaisons vont engendrer des virus avec les mêmes caractéristiques ou non viables, mais le champ des possibles reste énorme.

Une autre possibilité, plusieurs fois revenue sur le devant de la scène, est l’implication des longues durées d’infection chez les personnes immunodéprimées.

En effet, certaines personnes atteintes par le Covid, notamment celles ayant un système immunitaire déficient (par exemple atteintes de VIH, de cancers, greffées, etc.), peuvent rester infectées pendant des périodes relativement longues (de plusieurs semaines à plusieurs mois). Or, si le virus évolue quand il se transmet d’un individu à l’autre, il évolue également à l’intérieur des personnes infectées. Ainsi, les patients qui présentent des formes cliniques marquées par de longues durées d’infection peuvent permettre l’accumulation de mutations et ainsi « produire en interne » un nouveau variant différent de ceux circulant dans la population générale. Et qui peut développer « localement » des traits spécifiques adaptés à sa situation propre, notamment une capacité à échapper au système immunitaire.

Extrêmement compliquée à tester, cette hypothèse n’en reste pas moins possible biologiquement parlant. On sait que l’évolution intra-hôte du VIH est extrêmement importante et joue sur la diversité comme sur l’épidémiologie des virus au sein de la population.

Enfin, dernière possibilité, l’augmentation des pressions de sélection auxquelles est soumis le virus. En effet, plus une population est immunisée contre le virus circulant (de façon naturelle ou par vaccination), plus un variant présentant un avantage compétitif (comme une transmission plus importante ou un échappement immunitaire) va pouvoir se répandre.

Accueil d’un centre de vaccination
La vaccination limite drastiquement la propagation du virus. Ce qui sélectionne chez ce dernier des mutations qui le rendent potentiellement plus dangereux (centre de vaccination parisien, 27 novembre 2021). Stéphane de Sakutin/AFP

La zone la plus dangereuse se situe donc à un niveau intermédiaire d’immunisation d’une population : ce qui applique des pressions de sélection sur le virus, qui favorisent des mutations potentiellement plus dangereuses, mais ne contraint pas suffisamment sa circulation pour limiter l’émergence de nouveaux variants.

Il est important de noter que ces explications ne sont pas exclusives : chacun de ces trois mécanismes évolutifs peut contribuer, de façon plus ou moins importante, à l’émergence de chacun des variants.

Ce que cela veut dire pour la pandémie en cours

Il est fort probable que de nouveaux variants soient identifiés dans les prochains mois, et que l’un d’eux présentant un échappement immunitaire important se retrouve sur le devant de la scène. Certaines mutations (dans le domaine de liaison au récepteur, ou RBD, 484K, K417N et L452R) sont déjà suivies à cet égard. Mais il est très probable également que les vaccins continueront à conférer une protection contre les formes graves, même si leur efficacité contre l’infection pourra se retrouver diminuée.

Ce qui est absolument évident, c’est que pour évoluer (et faire émerger des variants) un virus a besoin de se transmettre. En cela, les taux de vaccination extrêmement hétérogènes entre les différentes régions du monde lui laissent un espace important. Des stratégies de vaccination originales, adaptées aux situations hétérogènes des pays aux ressources limitées ou instables, doivent être conçues.

Il est plus que temps de comprendre que cette pandémie se joue à un niveau planétaire, et que le virus ne rencontrera jamais de frontières suffisamment imperméables.

Lutte contre le harcèlement scolaire : ce que le marketing a à nous dire

23 jeudi Déc 2021

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  1. Sarah Benmoyal BouzagloMaitre de conférences, Université de Paris

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« Je le dis clairement : nous pouvons remporter ce combat à condition de ne rien laisser passer, de ne rien céder. »

C’est ainsi que le président de la République, Emmanuel Macron s’exprimait récemment au moment de présenter toute une série de mesures visant à lutter contre le harcèlement scolaire.

Par harcèlement scolaire, on désigne des comportements nuisibles et répétitifs perpétrés par des pairs à l’école à l’encontre d’un camarade. Il s’agit bien là d’un problème de santé publique. Les risques socio-psychologiques s’avèrent en effet importants (décrochage scolaire, isolement, symptômes dépressifs, troubles alimentaires, insomnie, somatisation avec maux de tête ou de ventre, etc.). La part d’enfants et d’adolescents impliqués en tant que victimes ou harceleurs peut varier de 10 % à 30 % ; ce chiffre peut différer selon la façon dont cette implication est mesurée. Claire Hédon, défenseure des droits, soulignait récemment que cela touchait près de 700 000 victimes par an en France.

La lutte contre le phénomène concerne plusieurs domaines de recherche. Si l’on pense plus spontanément à ceux de la psychologie, de la sociologie, ou du droit, il n’en faudrait pas pour autant oublier l’importance du marketing. En effet, subir une insulte par rapport à la tenue vestimentaire constitue l’une des attaques les plus fréquemment identifiées par les jeunes à l’école.

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Les marques arborées, le style vestimentaire et la culture de consommation peuvent être à l’origine de la division des groupes de jeunes à l’école et peuvent conduire à tourner en ridicule des camarades perçus comme non conformes puis à les rejeter. Lorsque cela devient répétitif, cela peut aboutir à un discrédit social qui amène la victime à se sentir dévalorisée, affectant ainsi son identité.

Pourtant, il semble que les travaux de la discipline aient très peu traité, de façon centrale, du rôle de la consommation dans le développement du harcèlement à l’école chez les enfants et les adolescents. Dans notre recherche, nous avons tenté de comprendre ce sujet en portant un regard attentif au rôle des pairs dans le phénomène.

Effet « cour de récréation »

L’école apparaît comme le lieu le plus favorable aux commentaires sur les choix de consommation des uns et des autres, avec une place prépondérante des marques comme objets d’humiliations pouvant amener certains jeunes à être tournés en ridicule, rejetés voire ostracisés. Pensez par exemple aux collections de cartes (Pokémon, Yu-Gi-Oh ou Panini pour ne citer que celles-ci) qui génèrent des discussions, des jeux et des échanges entre les enfants dans la cour de récréation. Un enfant qui n’est pas collectionneur peut être perçu comme différent et le mener à être exclu.

Plus généralement, l’effet « cour de récréation » concourt à la diffusion de nouveaux produits.Téléphones portables,vêtements, sacs à dos, collections de cartes, la pression exercée par les pairs à l’école aboutit à encourager l’utilisation des « bonnes » marques et à décourager celle des marques vues comme « incorrectes », et ce de différentes façons entre l’élémentaire, le collège et le lycée.

La compréhension de la signification symbolique des objets de consommation évolue en effet au cours des différentes périodes de l’enfance et de l’adolescence. Entre 7 et 11 ans, l’enfant passe d’une pensée perceptuelle à une pensée plus symbolique, prenant ainsi progressivement conscience que les produits qu’il possède sont utilisés par ses camarades pour le juger, mais aussi qu’ils peuvent constituer un moyen de communiquer son identité aux autres et de se forger une image de soi.

Le changement le plus important a lieu à partir de 11 ans environ, lors du passage au collège. Un jeune se préoccupe alors davantage des significations sociales de la consommation. Avec une estime de soi qui s’affaiblit au début de l’adolescence, la recherche de conformité devient très élevée à cette période.

Les cartes Pokémon, un incontournable des cours de récréation. Jarek Tuszyński/Wikimedia, CC BY-SA

Les collégiens ont ainsi une plus grande tendance à choisir des marques et des produits identiques à ceux de leurs pairs. De leur côté, les lycéens osent davantage affirmer leur individualité et deviennent ainsi plus indulgents aux différences affichées par leurs camarades.

De façon générale, les enfants issus de familles à faibles revenus s’avèrent très vulnérables aux pressions matérialistes qui s’exercent sur eux. Ceux-ci accordent en effet une grande importance aux marques pour compenser leur faible niveau socioéconomique. Ne pas avoir les « bonnes » marques à l’école risque d’indiquer aux autres leur appartenance à un milieu modeste, et conduire ces jeunes à être socialement isolés et/ou stigmatisés.

Mobiliser les chercheurs en marketing…

Face à ce phénomène de harcèlement scolaire lié à des aspects relatifs à la consommation, les chercheurs pourront à l’avenir développer des travaux dans le domaine du marketing social, avec l’ambition d’encourager les jeunes à s’engager dans des alternatives comportementales socialement bénéfiques pour endiguer le phénomène. Mener plus d’études sur l’influence négative du groupe de pairs sur la consommation des jeunes peut aider, en outre, les décideurs publics à mettre en place des réglementations, ainsi que des actions de prévention adaptées.

Afin de renforcer le programme PHARE (Programme de lutte contre le harcèlement à l’école) mis en place par l’exécutif français, les heures d’apprentissage consacrées au harcèlement scolaire dans sa globalité pourraient être renforcées en insistant spécifiquement sur les aspects liés à la consommation.

De plus, de façon similaire aux messages sanitaires intégrés dans les annonces publicitaires pour une grande majorité des produits alimentaires, l’intégration de messages adaptés dans les publicités pour tous les produits ciblant les jeunes consommateurs pourrait être envisagée.

Notons enfin que le ministère de l’Éducation nationale s’appuie sur un comité d’experts pluridisciplinaires, spécialistes du sujet du harcèlement scolaire. La participation de chercheurs en marketing semblerait pertinente afin d’accompagner la prise en compte des aspects sensibles liés à la consommation et de contribuer à l’optimisation des supports de prévention.

… et les marques

La vulnérabilité des jeunes à des pressions répétitives sur des aspects relatifs à leur consommation doit amener les marques qui les ciblent à mener de leur côté des réflexions en termes d’éthique des pratiques et à intégrer des démarches de marketing responsable, sans pour autant délaisser leur objectif de rentabilité.

Les marques peuvent ainsi recourir à différents leviers d’action pour apporter leur contribution à la prévention du harcèlement scolaire. À l’image de la marque Boy Meets Girl qui a récemment mené une campagne #StopHate et réalisé une collection dédiée composée entre autres d’un tee-shirt avec la mention « Stop Bullying End Hate Be Nice That’s It Bye » (« Arrêtez le harcèlement Cessez la haine Soyez gentil C’est tout Au revoir »).

Ce parti pris a également été celui de la marque d’articles de papeterie Clairefontaine en 2019 ou cette année, celui de la chaîne de fast-food Burger King en réaction au mouvement #Anti2010 caractérisé par des moqueries et insultes visant les élèves en classe de sixième sur les réseaux sociaux.

Des programmes courts d’éducation diffusés à la télévision ou sur Internet, pour le public jeune, oscillant entre publicité commerciale et message de sensibilisation, peuvent aussi être envisagés collectivement par le biais des organismes professionnels, plusieurs marques ou à l’initiative d’une seule entreprise.

Enfin, les réseaux sociaux, environnement virtuel favorable à la diffusion d’une culture de l’apparence entre jeunes qui intègre leur culture de consommation, constituent une caisse à résonnance du harcèlement exercé à l’école. Leur soutien à la prévention du harcèlement scolaire, et en particulier lorsqu’il est lié à des aspects relatifs à la consommation, apparaît légitime. On peut citer à titre d’exemple la contribution du réseau social TikTok en novembre 2020, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale, qui a déployé diverses actions autour du hashtag #NonAuHarcelement.

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