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Archives Mensuelles: mars 2022

Russie : l’information économique, victime collatérale de la guerre en Ukraine

31 jeudi Mar 2022

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Auteur

  1. Julien VercueilProfesseur des universités en sciences économiques, Centre de recherche Europes-Eurasie (CREE), Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)

Déclaration d’intérêts

Julien Vercueil ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

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Le 28 février, Vladimir Poutine s’entretient au Kremlin avec les responsables du bloc économique du gouvernement russe au Kremlin. Alexey Nikolsky/AFP

« Toute quantification change le monde ». C’est ainsi que l’économiste Olivier Martin résume l’enjeu politique de ce qu’il appelle « l’empire des chiffres ».

À mesure que s’affirme devant nous l’ambition impériale du pouvoir en Russie, la statistique et l’information économique échappent de moins en moins à l’emprise du politique dans ce pays. Ce processus a des conséquences très concrètes.

URSS : le temps du secret

Au temps de l’Union soviétique, les données de la planification économique étaient traitées comme des secrets militaires.

Les calculs et projections de l’Institut de prévision de l’économie nationale de l’académie des sciences, l’un des centres les plus écoutés par le Politburo, étaient gardés sous clé dans un coffre-fort, et seul le directeur du centre était habilité à décider de ses modalités de divulgation. Toute donnée macro-économique n’était publiée qu’après un contrôle strict des autorités politiques. Le plus souvent, ces données étaient falsifiées, pour éviter que les difficultés économiques apparaissent au grand jour.

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Des passants lisent les journaux affichés en vitrine d’un magasin, Kiev, 18 octobre 1975. Pierre Guillaud/AFP

Le même phénomène se reproduisait, à des degrés variables, dans les autres économies de type soviétique. L’ONU avait d’ailleurs créé un service statistique spécial dans sa Commission économique pour l’Europe, dont l’un des buts était de corriger les distorsions les plus évidentes dans les données transmises par les pays du pacte de Varsovie pour reconstituer au plus près leur trajectoire économique réelle. De son côté, la CIA faisait de même.

L’ouverture des années 1990

Avec la fin de l’Union soviétique, les organismes de collecte statistique ont dû s’engager dans une véritable révolution copernicienne. Le contrôle politique sur la production de chiffres, déjà affaibli par la Glasnost’ dans les années 1986-1990, s’est évanoui. Les catégories marxistes de classification du réel disparaissaient (par exemple le « produit matériel net », remplacé par la notion de « produit intérieur brut »), et avec elles les principes méthodologiques sur lesquels elles reposaient.

Dans le même temps, la réalité économique elle-même se métamorphosait : de nouveaux acteurs surgissaient et avec eux, de nouveaux comportements économiques à saisir. Le tout, dans une situation de crise sans précédent des moyens humains, financiers et matériels disponibles pour la collecte. La réponse des autorités a été de faire appel à l’aide technique internationale. Des programmes d’assistance, portés par des organismes multilatéraux comme le FMI et la Banque mondiale, appuyés par des instituts nationaux comme l’Insee, ont orchestré la migration des méthodes et des pratiques de ces administrations vers les normes internationales.

APW. Dmitry Sokolov/AFP

Depuis les années 1990, la collecte de données économiques a donc progressé, en quantité et en qualité. Certes, Rosstat, l’équivalent russe de l’Insee, a encore une marge de progression dans de nombreux domaines, mais son site est incomparablement plus fourni qu’autrefois, et une grande partie de ses données et informations sont en accès ouvert, parfois en anglais. La Banque centrale de Russie a aussi réalisé des avancées spectaculaires dans la diffusion de l’information financière. Ces administrations sont dotées de personnels techniquement compétents et soucieux d’assurer un service public de qualité.

Années 2010 : un débat économique encore possible

Sur cette base, les centres de recherche, think tanks, économistes de banque et cabinets de conseils présents en Russie ont pu développer une véritable culture de l’analyse économique et du débat d’idées.

Durant la décennie 2010, tandis que les lumières s’éteignaient les unes après les autres dans le débat public sur le système politique russe, la question économique restait l’objet d’une véritable liberté d’expression, recouvrant le spectre classique des opinions et des recommandations, des plus étatistes aux ultra-libéraux. Alexeï Koudrine, président de la Cour des comptes, n’hésitait pas à flageller le gouvernement pour ses avancées jugées trop lentes dans la lutte contre les monopoles et les entorses aux droits de propriété.

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De son côté, l’Institut de prévision pour l’économie nationale vilipendait ouvertement ce même gouvernement pour sa timidité dans l’engagement des fonds souverains au service de l’investissement dans l’équipement du territoire de la Russie en infrastructures. L’institut Gaïdar organisait chaque année un forum international, retransmis en direct sur le web, où experts, politiques et universitaires de plusieurs pays se retrouvaient pour, parfois sur le ton de la polémique, débattre des options de politique économique susceptibles de sortir la Russie de la stagnation.

Vladimir Poutine lui-même avait suscité en 2016 l’émulation entre le Centre de recherche stratégique, dirigé jusqu’en 2018 par Alexeï Koudrine, et le centre Stolypine, dirigé par Boris Titov, co-président de l’Association nationale des petites et moyennes entreprises et représentant du président pour le monde des affaires, pour dessiner les options de développement à long terme du pays susceptibles d’être reprises par l’exécutif.

Avec la guerre en Ukraine, ce monde informationnel et intellectuel semble sur le point de disparaître pour laisser place à une toute autre réalité.

Le retour du secret

Les signes avant-coureurs du changement de « régime politique du chiffre » en Russie datent de la crise pandémique.

Placées sous le contrôle de _Rospotrebnadzor_, littéralement Agence de supervision de la consommation, une agence de normalisation directement ressuscitée de l’Union soviétique, les informations sur la mortalité liée au Covid-19 ont été systématiquement tronquées, suivant un processus parcourant toute la chaîne de production statistique, depuis les chambres d’hôpital et les morgues jusqu’à la vice-première ministre chargée de la santé, Tatiana Golikova. Dès le mois de mai 2020, il était clair que la mortalité liée à l’épidémie était sous-estimée d’un facteur au moins égal à trois.

Avec le recul et les calculs, mais aussi grâce à la conscience professionnelle des responsables de Rosstat, qui ont continué à publier les données de mortalité avec régularité, il est possible aujourd’hui d’affirmer que le nombre de morts en Russie lié à l’épidémie n’est pas de 357 000 (chiffre officiel), mais de près de 1 million, ce qui en fait le pays le plus meurtri du monde par la pandémie – en attendant une révision des statistiques indiennes.

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Le deuxième signal négatif est la révision du calcul de la pauvreté en Russie. À partir de janvier 2021, le minimum de subsistance a été défini de manière relative et non plus absolue. Il correspond désormais à 44,2 % du revenu par tête médian de l’année précédant la période de référence de l’enquête.

Ce changement est important, car le passage d’un niveau absolu à un niveau relatif signe en général l’entrée du pays dans le groupe des pays à niveau de revenu élevé. S’il est appliqué dans les pays à faible revenu, le calcul du taux pauvreté à partir d’un niveau relatif peut conduire à une forte sous-estimation de l’ampleur réelle de la pauvreté. Compte tenu du niveau de vie moyen de la population russe, ce changement de méthode est prématuré et risque de minorer artificiellement la pauvreté du pays, dans l’hypothèse (probable) où le niveau de vie des plus modestes serait rogné par l’inflation créée par la guerre.

L’économie russe dans le brouillage de la guerre

La dégradation de l’information économique risque de s’accélérer. Comme tout conflit, la guerre dans laquelle Vladimir Poutine a lancé son pays est aussi une guerre de l’information. Montrer que les sanctions n’ont pas touché les centres vitaux du pouvoir, vanter la résilience économique de l’économie russe pourrait nécessiter à brève échéance de maquiller des comptes, surtout si la guerre en Ukraine confirme son enlisement dans la durée. Dans ce contexte, la communication récente de la Banque centrale est le signal le plus évident du changement en cours.

L’une de ses premières décisions après l’invasion a consisté à demander aux banques commerciales de ne plus alimenter leur site en données financières mais de continuer à les transmettre directement à la banque Centrale. Si la mesure venait à s’étendre aux entreprises non financières, elle ne tarderait pas à provoquer un conflit d’objectifs pour les sociétés cotées en bourse, soumises du fait de leur statut à des normes exigeantes en matière de transparence de données comptables. Gazprom et Rosneft, deux entreprises stratégiques pour le pouvoir mais partiellement détenues par des capitaux étrangers, sont dans ce cas.

Plus généralement, il est probable que la question de la confidentialisation des données économiques et sociales jusqu’à présent librement accessibles (concernant par exemple le niveau de chômage, le taux de pauvreté, etc.) soit désormais au menu des réunions de la direction de Rosstat avec les ministères concernés. On peut aussi craindre qu’avec le temps et l’aggravation de la situation économique en Russie, des textes ressemblant aux lois récentes sur l’information de guerre soient édictés qui pénalisent la diffusion d’informations économiques contraires à l’intérêt du pouvoir, s’abritant au besoin derrière le « secret commercial » ou plus ouvertement, derrière la « sécurité nationale ».

Dans tous les cas, il sera de plus en plus difficile aux économistes et observateurs indépendants, russes comme occidentaux, de se faire une idée claire de la situation économique en Russie. Incidemment, il sera aussi plus ardu pour le pouvoir de construire des solutions innovantes et efficaces aux problèmes économiques qui assailleront le pays, dans un paysage intellectuel vidé de tout débat contradictoire sur les options envisageables. En conséquence, les erreurs de politique économique deviendront plus probables. En matière économique, l’information peut vraiment changer le monde, pour le meilleur comme pour le pire.

–

Annexe :

Banque centrale de Russie/Décision du 6 mars 2022 (traduction de l’auteur)

_La Banque centrale de Russie a décidé de réduire temporairement la diffusion des états financiers publiés par les établissements de crédit sur leurs sites Web, ainsi que sur le site Web de la Banque centrale de Russie. Ceci pour limiter les risques des établissements de crédit liés aux sanctions imposées par les pays occidentaux.

_À compter de la déclaration de février 2022, les banques ne sont plus tenues de publier des états comptables et financiers (à l’échelle de l’établissement et consolidés) conformément aux normes russes, ainsi que des informations complémentaires à celles-ci.

_Dans le même temps, les établissements de crédit continueront de soumettre ces documents à la Banque centrale de Russie, ce qui permettra d’exercer pleinement un contrôle efficace sur leurs activités, ainsi que d’analyser le secteur.

En outre, les banques auront la possibilité de divulguer, si nécessaire, des informations à leurs contreparties dans le cadre de relations commerciales courantes.

Pourquoi les États (et les entreprises) dépensent-ils autant pour des prestations de conseil ?

30 mercredi Mar 2022

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Auteur

  1. Jérôme BarthélemyProfesseur et Directeur Général Adjoint, ESSEC

Déclaration d’intérêts

Jérôme Barthélemy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Partenaires

ESSEC

CY Cergy Paris Université

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En 2021, l’État français a dépensé plus d’un milliard d’euros pour financer des prestations de conseil. Ce chiffre a plus que doublé en cinq ans… Depuis les révélations du livre Les Infiltrés de Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre (Éditions Allary, 2022) et la récente publication du rapport du Sénat intitulé « Un phénomène tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », les consultants sont sous le feu des projecteurs, d’autant plus que les sénateurs reprochent au cabinet McKinsey de ne pas avoir payé d’impôt sur les sociétés en France depuis plusieurs années.

Le sujet du « McKinsey Gate » s’est même immiscé dans la campagne présidentielle. À deux semaines du premier tour, le président-candidat Emmanuel Macron a ainsi mis au défi les accusateurs : « s’il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal », a-t-il ainsi lancé lors d’une émission sur France 3.McKinsey : « Qu’ils aillent au pénal », lance Macron à ses accusateurs (Le Point, 27 mars 2022).

Au-delà de cette polémique, ces révélations interrogent : pourquoi les pouvoirs publics, comme les entreprises, dépensent-ils autant pour des prestations de conseil ? Pour répondre à cette question, nous avons étudié le marché du conseil en management dans 21 pays européens et nord-américains sur les 20 dernières années.

Notre première constatation est que la France n’est pas le pays qui fait le plus appel aux consultants. D’après les données les plus récentes de la FEACO (Fédération européenne des associations de conseil en organisation), elle se situe dans la moyenne européenne, avec des dépenses de conseil qui s’élèvent à 0,31 % du PIB.

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Des prestations… quand tout va bien !

Sans surprise, notre étude a également montré que ces écarts s’expliquent en partie par le niveau de développement économique. Les grandes entreprises sont les principaux clients des cabinets de conseil. Comme elles sont plus nombreuses dans les pays les plus développés, les dépenses de conseil y sont également plus élevées.

Autre constatation : les dépenses de conseil sont fortement influencées par la conjoncture économique. Les consultants aiment se présenter comme des médecins à qui les entreprises font appel lorsqu’elles vont mal. En vérité, c’est plutôt le contraire. Les entreprises sont plus susceptibles de faire appel aux consultants lorsqu’elles vont bien. L’explication : elles ont plus d’argent à dépenser en prestations de conseil que lorsqu’elles vont mal !

Outre le développement économique, nous nous sommes intéressés à l’impact de la culture nationale sur les dépenses de conseil. La première dimension culturelle que nous avons prise en compte est la valorisation de la performance (c’est-à-dire la mesure dans laquelle l’amélioration de la performance et l’excellence sont valorisées dans un pays).

Le recours aux consultants est souvent justifié par leur capacité à accroître la performance de leurs clients. Leur principal atout serait leur capacité à extraire les « meilleures pratiques » des entreprises les plus performantes et à les transférer à leurs clients. Leur regard extérieur leur donnerait également un avantage par rapport aux salariés des entreprises pour qui ils travaillent. Nous nous attendions donc à ce que les dépenses de conseil soient plus élevées dans les pays qui valorisent plus la performance. Contre toute attente, nos résultats montrent qu’il n’y a aucun lien entre ces deux variables.

Maîtrise de l’incertitude

Si les entreprises et les pouvoirs publics ne font pas appel aux consultants pour améliorer leur performance, quelle est leur véritable motivation ? Nos résultats suggèrent que les dépenses de conseil dépendent fortement d’une autre dimension culturelle appelée « maîtrise de l’incertitude » (c’est-à-dire la mesure dans laquelle on cherche à réduire l’incertitude dans un pays). Les dépenses de conseil sont ainsi beaucoup plus élevées dans les pays où la volonté de maîtriser l’incertitude est forte, comme l’Allemagne ou l’Autriche, que dans les pays où elle est faible, comme l’Italie ou le Portugal. La France se situe entre ces extrêmes.

En bref, les dirigeants font plus appel aux consultants pour se rassurer que pour résoudre des problèmes qui pourraient souvent être réglés sans aucune aide extérieure. Comme l’a bien résumé un consultant dans la revue McKinsey Quarterly :

« Pour la plupart des dirigeants, une seule chose est pire que faire une erreur : être le seul à la commettre. »

Cette soif de « réassurance » semble également expliquer la popularité des consultants auprès de l’État français. D’après l’ancienne déléguée interministérielle à l’intelligence économique, Claude Revel, citée dans Les Infiltrés :

« Les fonctionnaires ont depuis longtemps perdu confiance en eux, en leurs compétences. Ils se sentent obligés d’ouvrir 50 parapluies, de commander 50 000 rapports pour se protéger en cas d’erreur… Quand j’entends un ministre dire que c’est difficile de décider avec un risque pénal au-dessus de la tête, je suis choquée. Ils ont été choisis normalement pour leur capacité de décision. »

Pour conclure, on peut noter que l’un des articles de recherche les plus connus sur les consultants s’intitule « Le conseil : une activité peu rassurante ? » Quand on y réfléchit, faire appel à des consultants pour se rassurer n’est pas très rationnel. Dans certains cas, ils n’en savent pas plus que leurs clients… et ce sont plutôt eux qui auraient besoin d’être rassurés !

Un an après la première prescription de cannabis médical en France, où en est-on ?

30 mercredi Mar 2022

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Auteur

  1. Nicolas AuthierProfesseur des universités, médecin, Inserm 1107, Université Clermont Auvergne et CHU Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)

Déclaration d’intérêts

Nicolas Authier exerce des fonctions d’expert externe pour des autorités sanitaires. Il est membre du Collège scientifique de l’OFDT et du Comité Scientifique Permanent Psychotropes, Stupéfiants et Addictions de l’ANSM. Au sein de l’ANSM, il préside le Comité Scientifique de suivi de l’expérimentation du cannabis médical et est membre du comité scientifique pour la culture et transformation du cannabis médical. Il a présidé le groupe de travail de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le bon usage des médicaments opioïdes et la prévention des surdoses.*

Université Clermont Auvergne apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

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Photo du ministre français de la Santé Olivier Veran participe à une consultation au CHU Estaing lors d'une visite axée sur les usages thérapeutiques du cannabis, le 26 mars 2021 à Clermont Ferrand.
Le ministre français de la Santé Olivier Veran participe à une consultation au CHU Estaing lors d’une visite axée sur les usages thérapeutiques du cannabis, le 26 mars 2021 à Clermont Ferrand. Jeff Pachoud / AFP*

Le 26 mars 2021 avait lieu en France la première prescription de cannabis à usage médical en présence du ministre de la Santé, Olivier Véran, au CHU de Clermont-Ferrand. Ce moment était la concrétisation de deux ans et demi de réflexion menée par deux comités scientifiques successifs, créés par l’agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

La pertinence de cette légalisation du cannabis à usage médical avait été préalablement actée non seulement par les autorités sanitaires à partir des données scientifiques internationales disponibles, mais aussi par les autorités politiques. Ces dernières ont signifié leur position lors du vote à l’Assemblée nationale de l’article 43 de la loi N°2019-1446 de financement de la Sécurité sociale pour 2020, porté par Olivier Véran – alors député. En application de cette loi, le décret 2020-1230 du 7 octobre 2020 autorisait une expérimentation relative à l’usage médical du cannabis sous la forme de médicaments, à titre expérimental et pour une durée de deux ans à compter de la prescription au premier patient.

Un an après, où en est-on de cette expérimentation nationale de politique publique, dont l’objectif principal est de déterminer les conditions d’une légalisation de l’accès aux médicaments à base de cannabis ?

Déjà 1500 patients traités

Avant la France, plusieurs pays ont autorisé l’accès aux médicaments à base de cannabis, parfois depuis longtemps. C’est notamment le cas du Canada (2001), d’Israël (2004), de l’Italie (2013), de l’Allemagne (2017)…

L’expérimentation en cours dans notre pays prépare une prochaine légalisation d’accès au cannabis médical et permet d’adapter ce dernier aux spécifications françaises de l’accès aux soins. Elle permet également de traiter sans attendre les premiers patients en toute sécurité (« soulager sans nuire »), en attendant les prises de décisions actant la légalisation de ces traitements.

Les patients qui souhaitent être inclus dans ces traitements doivent en faire la demande à leur médecin. Ce dernier peut alors les aider à justifier médicalement leur inclusion au regard de leur pathologie et des traitements déjà prescrits. Cependant, toutes les demandes ne pourront probablement pas être acceptées, car l’expérimentation actuelle, qui doit se terminer en mars 2023, ne concerne qu’un nombre limité de patients : elle a été calibrée pour traiter jusqu’à 3 000 malades. À mi-parcours, 1 500 patients ont déjà pu bénéficier de ces traitements, malgré une situation sanitaire difficile liée au Covid, qui mobilise fortement les professionnels de santé hospitaliers et libéraux. Les pharmaciens d’officine se sont eux aussi fortement impliqués dans la dispensation de ces traitements, parallèlement à leur forte implication dans le dépistage et la vaccination Covid-19.

Le relais de ces prescriptions auprès des médecins traitants des patients reste limité, pour deux raisons principales. D’une part, en raison d’une certaine prudence envers ces nouveaux traitements, et d’autre part à cause des contraintes imposées par le caractère expérimental de ces prescriptions, qui nécessite une formation obligatoire ainsi que le remplissage d’un registre à chaque consultation. Néanmoins, des centaines de médecins travaillant dans plus de 240 structures hospitalières, en métropole et outre-mer, sont d’ores et déjà impliqués dans l’instauration de ces traitements : au total, plus de 1000 professionnels de santé ont déjà été formés à la prescription et dispensation de ces médicaments.

Il est recommandé aux patients qui souhaiteraient intégrer une potentielle prescription dans leur parcours de soin habituel d’en parler au préalable avec leur médecin traitant et leur pharmacien d’officine, qui pourront les adresser à l’une des 280 structures hospitalières participantes. Toutes les réponses aux questions sur cette expérimentation sont consultables sur le site de l’ANSM (notamment pour savoir si l’un des services hospitaliers proches de chez vous en fait partie).

Du cannabis médical pour qui et comment ?

À l’occasion de la première prescription de cannabis médical en France, le 26 mars 2021, Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, avait déclaré : « C’est le rôle de la médecine que de combattre les maladies et de soulager les douleurs. […] je suis fier que la France puisse expérimenter l’usage du cannabis à des fins médicales, et ainsi mieux accompagner des milliers de patients qui affrontent des pathologies lourdes. »

Ces traitements s’adressent en effet à des malades pour lesquels la médecine est en échec thérapeutique dans les cinq situations cliniques suivantes : douleurs neuropathiques, épilepsie, spasticité (contraction musculaire anormale) douloureuse, situations palliatives et complications liées au cancer et à ses traitements. En effet, un niveau modeste de preuve scientifique sur leur efficacité ne permet pas d’en faire des traitements de première ligne.

Carnet de suivi fourni aux patients participant à l’expérimentation cannabis médical. ANSM

Les patients peuvent se voir prescrire des huiles à prendre par voie orale contenant des extraits de fleurs de cannabis. Cette forme représente le traitement de fond prescrit en première intention. Des fleurs séchées de cannabis associées à un dispositif de vaporisation pour inhalation sont parfois associées à ces huiles, pour soulager notamment des épisodes douloureux aigus mal jugulés par le traitement de fond.

Tous ces médicaments sont caractérisés par leur teneur en deux phytocannabinoïdes, les plus fréquemment présents dans les fleurs de cannabis : le CBD ou cannabidiol (substance légèrement psychoactive, sans risque avéré de dépendance, non classée parmi les stupéfiants) et le THC ou tétrahydrocannabinol (substance la plus psychoactive, à l’origine des effets euphorisants et désinhibiteurs, mais aussi des risques de dépendance du cannabis. Elle est classée dans les stupéfiants). Les taux de ces deux substances varient selon les variétés de cannabis.


À lire aussi : La douleur chronique, première indication pour la prescription de cannabis médical


Comme cela était attendu, et comme pour tous médicaments, certains patients n’ont pas présenté d’amélioration significative de leurs symptômes. Chez d’autres, le traitement a parfois dû être arrêté en raison de l’apparition d’effets indésirables bien connus, majoritairement d’ordre neurologique (somnolence), psychiatrique (anxiété), cardio-vasculaire (palpitations) ou digestif (diarrhée). Au final, ce sont un quart des patients traités qui ont arrêté leur traitement pour l’une de ces deux raisons.

« Certaines modalités de l’expérimentation sont régulièrement réinterrogées de façon à répondre au plus près aux besoins des patients et des professionnels de santé, en concertation avec eux », souligne Nathalie Richard, directrice du projet cannabis médical à l’ANSM.

Il faut noter que ces traitements ne s’adressent pas spécifiquement à des patients consommateurs de cannabis. Les patients traités par ces médicaments à base de cannabis n’ont, dans leur très grande majorité, jamais consommé de cannabis.

Une filière française de production de ces médicaments

L’expérimentation en cours permettra d’évaluer les meilleures conditions de prescriptions et de dispensation de ces médicaments. Cela ne devrait pas poser de difficultés particulières. En effet, prescrire des médicaments stupéfiants en primoprescription hospitalière est déjà bien connu et maîtrisé par les professionnels de santé. Des adaptations ont déjà été proposées par l’ANSM pour optimiser l’accès des patients à ces médicaments.

Un point important consistera à établir une filière française de production de ces médicaments. En France, le décret 2022-194 du 17 février 2022, entré en vigueur le 1er mars, autorise désormais la culture de cannabis à usage médical. En pratique, un premier arrêté sera publié pour préciser les conditions légales de cette culture. Elle relèvera de règles différentes de celle du chanvre en plein champ, du fait de la présence dans les variétés concernées de THC, substance classée stupéfiant.

En parallèle, l’ANSM a aussi installé un nouveau comité scientifique temporaire, dénommé « Culture en France du cannabis à usage médical – spécifications techniques de la chaîne de production allant de la plante au médicament ». Il définira les spécifications attendues pour les médicaments à base de cannabis qui seront produits par une future filière de production française, de la graine au médicament.

Ce comité est composé notamment de représentants des différents ministères concernés (agriculture, santé, économie, intérieur), de représentants de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) ainsi que du Conseil national de l’ordre des pharmaciens. Les premières assises du cannabis médical ont d’ailleurs déjà eu lieu au ministère de la Santé.

« Les conditions de l’expérimentation ont été définies de façon à sécuriser au mieux l’utilisation des médicaments à base de cannabis pour les patients. De l’approvisionnement à la surveillance rigoureuse des effets indésirables. », explique Nathalie Richard.


À lire aussi : Cannabis « médical » contre cannabis « récréatif » : une vision trop simpliste


Dans les années à venir, le travail de recherche devra se poursuivre : ces thérapeutiques à base de cannabis, bien que disponibles dans certains pays depuis plus de vingt ans, sont encore expérimentales et nécessiteront donc des connaissances complémentaires pour mieux préciser leurs indications, les profils de patients concernés et les compositions des produits. La formation des professionnels de santé sera aussi l’un des enjeux majeurs.

Couverture du Petit livre vert du cannabis medical, N. Authier.

Enfin, le remboursement par l’Assurance maladie de ces médicaments à base de cannabis fera aussi partie des questions cruciales à traiter avant toute généralisation, car cela en conditionnera bien évidemment l’accessibilité. L’opinion publique semble quant à elle prête à l’arrivée de ces nouveaux traitements : un sondage réalisé en janvier 2022 par l’IFOP rapportait que plus des deux tiers des Français (70 %) sont favorables à la légalisation de l’usage du cannabis à titre thérapeutique.

Les aires protégées, instrument d’un « colonialisme vert » en Afrique ?

29 mardi Mar 2022

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Auteurs

  1. Alain KarsentyÉconomiste de l’environnement, chercheur et consultant international, Cirad
  2. Christian LeclercEthno-biologiste, Cirad
  3. Didier BazileChercheur spécialiste de la conservation de l’agrobiodiversité, chargé de mission biodiversité, Cirad

Déclaration d’intérêts

Alain Karsenty est membre du Conseil Scientifique de la Fondation pour la Nature et l’Homme

Didier Bazile est membre du Conseil Scientifique de la FRB, du Comité français de l’UICN et du Comité français de l’IPBES.

Christian Leclerc ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Cirad apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

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Dans un contexte d’accroissement démographique sans précédent sur le continent africain, les moyens de préserver la biodiversité sont au cœur de vifs débats, notamment au sein de la Convention pour la diversité biologique, dont la proposition phare vise à classer 30 % des territoires nationaux en aires protégées, dont 10 % en conservation stricte.

En 2020, dans son essai L’Invention du colonialisme vert, Guillaume Blanc s’en prenait à l’UICN, au WWF et à l’Unesco impliqués dans les parcs naturels en Afrique.

Il accuse les gestionnaires de parcs d’exclure et de violenter les populations locales, de créer de la misère pour satisfaire un fantasme de nature vierge au seul profit de touristes occidentaux. Il affirme que :

« Cet idéal d’une nature débarrassée de ses habitants guide la majorité des aires protégées du continent. »

et que :

« Les parcs nationaux ne protègent pas vraiment la nature puisque la consommation touristique nuit à la biodiversité. »

Les parcs nationaux sont ici au cœur du débat et deux grandes questions agitent les milieux de la conservation en Afrique :

  • Est-il légitime de restreindre des droits d’usage pour des motifs de conservation ?
  • Quel modèle d’aire protégée, ou stratégie alternative de préservation de la biodiversité, peut concilier efficacité et prise en compte des droits humains et fonciers ?

À lire aussi : Débat : Colonialisme vert, une vérité qui dérange


Une nature sous pressions multiples

Les pressions sur l’environnement sont croissantes du fait de l’augmentation des populations en zones rurales qui accroît la concurrence pour le foncier, des opportunités offertes par la demande agricole mondiale (cacao ou palmier à huile), de la fabrication du charbon de bois, de la demande urbaine en viande de brousse, de la ruée de mineurs artisanaux sur les pierres précieuses ; ou du décalage entre les maigres revenus paysans et la valeur commerciale de l’ivoire ou du bois de rose.

En outre, les communautés locales sont parfois enrôlées dans les réseaux de braconnage. En Afrique, si comme partout ailleurs la demande internationale pousse à la surexploitation de ressources, la majorité des activités portant atteinte à la biodiversité est le fait de petits producteurs, qui produisent pour les marchés locaux tout autant que pour les marchés étrangers.

La création de nouvelles aires protégées reste du domaine des gouvernements africains, même si certains instruments qualifiés d’« échange dette contre nature », par lesquels un pays créditeur réduit la dette d’un pays débiteur, influencent parfois la décision de création.

Le constat général est peu encourageant, avec une majorité d’aires protégées en Afrique sous-financée : peu de recettes touristiques et une gestion défaillante. De plus, les recettes liées aux droits d’accès ont nettement baissé ces dernières années avec la crise sanitaire. Des chercheurs estiment de 103 à 178 milliards de dollars les besoins budgétaires pour atteindre la cible de 30 %.

Une gestion de plus en plus « déléguée » à des opérateurs privés

Compte tenu de ces difficultés financières, certains États optent pour une « gestion déléguée » des parcs à des ONG spécialisées. Face à la montée en puissance de réseaux de braconnage parfois lourdement armés, on observe parallèlement une tendance à la « militarisation » de la conservation dans certains parcs. Des actes de violence sur les populations de la part d’éco-gardes ont été rapportés en Afrique.

La gestion déléguée échoit souvent à African Parks, une ONG sud-africaine habituée aux contextes difficiles, mais la militarisation est vécue différemment par les populations selon les contextes. D’après une enquête de 2020 sur la gestion du parc national de Zakouma (Tchad), les populations locales sont demandeuses de protection vis-à-vis des groupes armés qui les rackettent, et elles collaborent avec l’ONG pour signaler les incursions des Janjawid soudanais.

Quant à l’efficacité, plusieurs publications montrent que les ressources fauniques sont mieux préservées dans les aires protégées avec de hauts niveaux de protection. En outre, difficile de ne pas évoquer les expériences de conservation basée sur les communautés : Conservancies en Namibie, programme Campfire au Zimbabwe, Village Land Forest Reserves en Tanzanie, et certaines forêts communautaires sans exploitation du bois d’œuvre. Ces espaces à gestion communautaire ou participative peuvent être vus comme des alternatives ou des compléments aux aires protégées à protection stricte. Néanmoins, leurs résultats en matière de conservation sont parfois jugés moins solides et il y a, au moins en Afrique australe, une tendance à la recentralisation de la gestion sous l’influence d’ONG internationales.

Le déplacement de populations pose un problème auquel il faut se garder d’apporter une réponse tranchée a priori. Dans tous les pays du monde, les expropriations sont considérées légitimes pour réaliser des infrastructures (routes, barrages…), dès lors que des indemnisations financières correctes sont versées aux ayants droit.

Mais ce statut d’ayant droit est source de contentieux au sein des aires protégées où l’on trouve des migrants fuyant l’insécurité ou attirés par des terres et des ressources perçues comme disponibles. Les détenteurs de droits fonciers coutumiers peuvent avoir accepté ou subi l’installation de ces familles. Les politiques des gestionnaires d’aires protégées vis-à-vis des migrants vont varier, allant d’un « cantonnement » toléré à des actions d’éviction pure et simple.

Une diversité d’outils et d’approches pour les aires protégées

Réduire les aires protégées à un outil de spoliation, c’est oublier la diversité de leur statut et de leur gouvernance. L’UICN classe les 200 000 aires protégées recensées dans le monde en 6 catégories.

Adapté des données IUCN, Fourni par l’auteur

Seules les catégories de 1 à 3 sont dédiées à une conservation stricte, car c’est parfois la seule option pour protéger des espèces menacées d’extinction. Les autres catégories incluent des activités économiques. La catégorie 4 est la plus fréquente en Afrique, et les catégories 5 et 6 dépendent des interactions avec les humains. Les parcs nationaux eux-mêmes peuvent être de catégorie 2, 4 ou 6. Outre ces catégories de gestion, le mode de gouvernance précise qui prend les décisions.

Adapté des données IUCN, Fourni par l’auteur

Les trois dernières catégories sont majoritaires même si des spécificités existent : en Afrique du Sud, 56 % des aires protégées sont privées tout comme l’est majoritairement le foncier.

Les aires protégées ne visent donc pas à « protéger un Éden où l’homme est exclu ». La majorité des aires protégées créées depuis une trentaine d’années intègre des activités humaines. Une évaluation des projets d’appui à des aires protégées financées entre 2000 et 2017 par l’AFD montre qu’une double finalité de conservation et de développement est toujours privilégiée.

Dans le monde, seulement 15 % des espaces sont des aires protégées et beaucoup d’autres initiatives de conservation existent. Si l’on retient l’objectif mondial de 30 %, il serait peu réaliste de viser 30 % d’aires protégées « excluantes » au niveau de chaque État, mais plutôt considérer 30 % d’espaces où l’objectif de conservation encadre des activités de production compatibles avec un haut niveau de préservation de la biodiversité.

Carte présentant la répartition des aires protégées au niveau mondial. Actuellement, plus de 22,5 millions de km² sur terre et 28 millions de km² en milieux marins et côtiers sont aujourd’hui protégés. protectedplanet.org, CC BY-NC-ND

Ne pas se cantonner aux aires protégées

Sur cet objectif particulier de 30 % – qui sera examiné et débattu lors de prochaines négociations (COP15) organisées par les Nations unies pour coordonner la sauvegarde de la biodiversité au niveau mondial –, il faudrait revenir sur les « autres mesures de conservation efficace par zone » (AMCE) que de précédentes négociations (COP14) avaient défini comme « zone géographiquement délimitée, autre qu’une aire protégée, qui est réglementée et gérée de façon à obtenir des résultats positifs et durables à long terme pour la conservation in situ de la diversité biologique […] ».

L’UICN précise que « si les aires protégées doivent avoir un objectif de conservation primaire, cela n’est pas nécessaire pour les AMCE. Les AMCE peuvent être gérées pour de nombreux objectifs différents, mais elles doivent aboutir à une conservation efficace ». Par exemple, une politique de protection des bassins versants peut conduire à une protection efficace de la biodiversité.

Un compromis possible consisterait ainsi à intégrer les AMCE dans la cible des 30 %, ce qui rendrait non seulement ce seuil plus acceptable, mais qui permettrait aussi sa hausse régulière.


À lire aussi : Biodiversité : protéger 30 % de la planète… quid des 70 % restants ?


Les aires protégées ne peuvent répondre seules à l’ensemble des défis que pose la crise de la biodiversité. Une réflexion sur l’ensemble du territoire d’un pays considérant l’interface entre les différentes activités est nécessaire pour renouveler notre point de vue sur la nature et redéfinir des stratégies de conservation de la biodiversité plus efficaces.

La guerre en Ukraine est-elle une conséquence de la crise financière de 2008 ?

28 lundi Mar 2022

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Auteur

  1. Ronen PalanProfessor of International Politics, City, University of London

Déclaration d’intérêts

Ronen Palan a reçu des financements du Conseil européen de la recherche. Il est conseiller principal du Réseau pour la justice fiscale.

Partenaires

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Le 15 septembre 2008, la banque Lehman Brothers déposait le bilan, provoquant un tsunami financier dans le monde entier dont les répercussions se font encore sentir aujourd’hui. Nicholas Roberts / AFP

Les parallèles historiques sont toujours troublants. Une dizaine d’années après l’une des deux crises financières les plus dévastatrices du capitalisme moderne, un terrible conflit débute en Europe et menace d’entraîner le monde entier dans le chaos. Jusqu’à présent, la guerre en Ukraine reste évidemment d’un tout autre ordre que la Seconde Guerre mondiale, mais le choc des idéologies semble tout aussi fondamental.

À nos yeux, si un tel parallèle entre les conséquences de 1929 et 2008 n’a pas tellement était établi, c’est parce qu’à première vue, il n’a pas beaucoup de sens : les grandes crises financières et les guerres restent avant tout symptomatiques de problèmes structurels plus profonds dans les sociétés, qui sont autant de mouvements tectoniques qui créent des fractures en surface.

Vers la fin du XIXe siècle, un bouleversement important est survenu dans le capitalisme. Jusqu’alors, l’humanité menait une vie précaire. L’offre de biens était soumise aux aléas climatiques, et la demande ne posait généralement pas de problème. Cela a changé avec la méthode scientifique de production dans l’agriculture et l’industrie manufacturière, qui a introduit des éléments tels que les engrais et les machines puissantes. D’abord aux États-Unis, qui étaient les pionniers de la technologie, puis ailleurs, il y eut alors trop de biens pour un nombre restreint de personnes capables de les acheter.

Luttes idéologiques

Cette situation a fondamentalement déstabilisé le capitalisme, créant des situations dans lesquelles les prêteurs étaient surendettés alors que les producteurs, qui ne trouvaient pas assez de clients, ne remboursaient pas leurs dettes.

Nouveau : L’application qui donne la parole à la recherche.

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Les États-Unis ont connu depuis de nombreuses paniques financières à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, jusqu’à la crise de 1929 qui fut la plus spectaculaire. Selon ce que l’on appelle la théorie française de la régulation, l’offre excédentaire de biens était bien là au cœur du problème.

On peut dire que la Seconde Guerre mondiale a été une bataille colossale entre quatre modèles industriels qui proposaient chacun leur propre solution à cette offre excédentaire :

Joseph Stalin en 1925
Staline a refusé de s’associer au modèle impérial britannique. Wikimedia
  • La solution britannique consistait à essayer de recréer l’économie impériale d’avant la Première Guerre mondiale, centrée sur la Grande-Bretagne, en imposant notamment des droits de douane élevés au-delà de l’empire pour se protéger.
  • Au début des années 1920, peu après la révolution russe, les Britanniques, pour lesquels l’Ukraine et la Russie jouaient jusqu’alors le rôle de producteurs de céréales, avaient offert aux Soviétiques la possibilité de réintégrer cette vision d’un système commercial mercantile. Cette proposition a finalement été rejetée lors du débat qui a suivi en Russie. Cependant, le débat a en partie conduit au modèle de socialisme « dans un seul pays » du dirigeant soviétique Joseph Staline (par opposition à l’opinion de Karl Marx selon laquelle le communisme nécessitait une révolution mondiale). Le système stalinien est en effet celui d’une économie planifiée où l’offre et la demande de biens industriels sont organisées par l’État.
  • En Allemagne, les national-socialistes ont développé un modèle différent : une économie semi-planifiée, essentiellement capitaliste, mais les industries clés étaient nationalisées, ainsi que les syndicats.
  • Une autre variante est venue des États-Unis, avec le New Deal. Ce modèle combinait des services publics, des systèmes de défense, d’éducation et de retraite nationalisés avec une économie d’entreprise planifiée gérée par de grands conglomérats, mais tous construits autour des droits de propriété privée. Il existe de nombreuses similitudes avec le modèle allemand, bien que le modèle américain soit finalement fondé sur la démocratie.

En 1939, ces quatre systèmes différents sont entrés en guerre. La quatrième version a gagné. Elle a été quelque peu adaptée dans les années qui ont suivi, mais nous dire que cette victoire s’est traduite, en gros, par la mondialisation. Cette mondialisation est maintenant contestée, ce qui est au cœur de la lutte idéologique équivalente aujourd’hui.

D’hier à aujourd’hui

La crise de 2008 n’a pas été aussi dévastatrice que celle de 1929, mais elle a gravement endommagé le modèle dominant d’économie capitaliste dirigée par le marché. Pendant des décennies, ce modèle a été présenté aux électeurs comme étroitement lié à la notion de « liberté », c’est-à-dire à la primauté de la propriété privée associée à la liberté de choix des consommateurs. Ce modèle a conduit à un « marché libre » dominé par des conglomérats multinationaux se déplaçant librement dans le monde entier tout en évitant les impôts et les responsabilités des personnes et des entreprises.

Une autre forme de capitalisme apparue à la fin du XXe siècle ne partageait que quelques-unes de ces hypothèses. La Russie est revenue au capitalisme dominé par l’État après un flirt ruineux avec l’économie néolibérale dans les années 1990. Cette « solution » est devenue l’un des socles de la popularité et du pouvoir du président Vladimir Poutine.

La Chine, quant à elle, a prudemment ouvert son économie depuis la fin des années 1970 afin d’éviter l’effondrement. S’inspirant peut-être de l’expérience de la Russie dans les années 1990, elle s’est montrée beaucoup plus prudente, veillant à ce que sa version du capitalisme reste sous la tutelle du parti communiste.

Dans une troisième variante, les États du Golfe ont encouragé l’entreprise privée et des milliards de dollars d’investissements dans leurs pays, mais toujours sous le contrôle de quelques cheikhs et de leurs familles dirigeantes. Pour eux, cette approche autoritaire reflète fondamentalement ce qu’ils ont toujours été – et ce qu’ils seront certainement à l’avenir.

Le modèle capitaliste des États du Golfe en démonstration lors de l’Exposition universelle 2020 à Dubaï. Karim Sahib/AFP

La crise financière mondiale de 2008 a ébranlé la conviction que les marchés avaient la capacité de résoudre les problèmes, sapant ainsi la confiance dans la classe politique et la démocratie elle-même. Les banques ayant été renflouées alors que la population subissait l’austérité, il était alors facile de penser, dans les années qui ont suivi, que la Chine, la Russie ou un certain populisme occidental pourrait représenter l’avenir.

Jusqu’à présent, chaque courant du capitalisme autoritaire ressemblait à un îlot isolé, ne se reliant qu’occasionnellement à un autre. Or, la guerre actuelle pourrait changer la donne si le conflit se transforme rapidement en une guerre par procuration entre les démocraties autocratiques et libérales. La Chine, les États du Golfe, peut-être l’Inde – et les républicains pro-Trump aux États-Unis – sont au mieux ambivalents face à la guerre en Ukraine, alors que le reste du monde ne l’est pas.

Qui va gagner ? La Russie rencontre peut-être des difficultés militaires en Ukraine, mais cette bataille par procuration pour l’avenir du capitalisme ne sera pas être remportée à coup de missiles Stinger.

Étrangement, le problème est que l’Occident, mené par les États-Unis et l’Union européenne, a réussi à faire en sorte que la crise de 2008 ne soit pas aussi dévastatrice qu’elle aurait pu l’être. Pour ce faire, les gouvernements ont combiné l’austérité, la réduction des taux d’intérêt à zéro et l’augmentation massive de la masse monétaire grâce aux politiques d’assouplissement quantitatif (quantitative easing).

Le prix à payer de ces politiques est aujourd’hui élevé. Les inégalités ne cessent de s’aggraver, et la récente flambée de l’inflation les creuse encore davantage. Une fois de plus, nous sommes confrontés à un problème de demande : si les acteurs économiques n’ont pas les moyens d’acheter les biens et services que les producteurs vendent, l’instabilité s’accentuera.

Ainsi, si l’autoritarisme peut sembler moins attrayant maintenant que Poutine démolit l’Ukraine, les conditions qui favorisent le populisme ne font que se renforcer.

L’autonomie de la Corse : une échappatoire pour la République ?

27 dimanche Mar 2022

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Auteur

  1. Yaodia Sénou DumartinDroit constitutionnel conflits armés, Université de Bordeaux

Déclaration d’intérêts

Yaodia Sénou Dumartin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Une femme agit le drapeau corse en soutien au nationaliste Yvan Colonna, détenu et condamné pour l’assassinat du préfet Erignac en 1998 et attaqué dans sa prison à Arles. L’événement a suscité une flambée de violences sur l’île. Pascal Pochard-Casabianca / AFP

La question de l’autonomie de la Corse est une nouvelle fois mise sur la table par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin pour répondre à « la gravité des évènements » qui secouent l’île à la suite de l’agression de détenu Yvan Colonna par un co-détenu, au début du mois de mars à la prison d’Arles.

Ce dernier, militant indépendantiste corse est mort lundi 21 mars à Marseille où il avait été hospitalisé. Il avait été condamné pour l’assassinat du préfet Erignac en 1998.

Cette attaque a servi de catalyseur aux revendications nationalistes corses – souvent en faveur de l’autonomie, parfois de l’indépendance – qui montent en puissance depuis plusieurs années.

L’autonomie offrirait davantage de prérogatives et de libertés à la Corse alors que l’indépendance en ferait un État distinct de la France.

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L’attaque sur Yvan Colonna marque aussi le début d’une vague de violences sur l’île de beauté qui s’embrase progressivement sous le feu des cocktails Molotov. Dans ce contexte, après l’échec du Premier ministre à restaurer la paix par la décision de rapatriement du militant indépendantiste corse, c’est l’autonomie qui est envisagée.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, lors d’un entretien à Corse-Matin début mars, laisse ainsi entrevoir la diversité identitaire à travers la possibilité d’une autonomie corse. En effet, c’est la reconnaissance d’une identité spécifique qui motive la mise en œuvre d’un statut juridique particulier.

Une annonce éloignée de la Constitution

Dans sa décision du 9 mai 1991, relative à la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse, le Conseil constitutionnel affirmait que « la mention faite par le législateur du « peuple corse, composante du peuple français » est contraire à la Constitution, laquelle ne connaît que « le peuple français, composé de tous les citoyens français sans distinction d’origine, de race ou de religion ».

L’autonomie se présente comme un compromis politique fondé sur l’idée que l’octroi de pouvoirs plus importants ferait taire les revendications indépendantistes.

C’est en ce sens que la voie de l’autonomie éviterait celle de l’indépendance, c’est-à-dire la sécession d’une partie du territoire, qui prend souvent la forme d’un conflit armé, c’est souvent le cas en Afrique, cela s’est produit au Soudan notamment.

Accorder l’autonomie réclamée aujourd’hui empêcherait l’indépendance demain. Cette option se présente alors comme l’alternative la plus adaptée dans le contexte actuel tant que la voix nationaliste majoritaire corse reste cantonnée à l’autonomie et tant que les émeutes demeurent contenues dans le temps et dans leur intensité.

L’autonomie pacificatrice ?

Sans pour autant être érigée en solution miracle, universellement pacificatrice notamment face à des prétentions sécessionnistes, l’autonomie atténuerait quand même les tensions et mettrait fin aux émeutes dans des sociétés divisées.

En effet, on prête souvent à l’autonomie des vertus pacificatrices dans une configuration de pluralisme identitaire c’est-à-dire dans le cadre d’un État caractérisé par une hétérogénéité ethnique, linguistique, religieuse. C’est le cas de la Belgique qui se caractérise par un pluralisme linguistique (communautés française, flamande et germanophone) et dont les trois régions reconnues (flamande, wallone, Bruxelles-capitale) bénéficient de compétences étendues en vertu de l’article 35 de la constitution.

En accordant la possibilité à des groupes revendiquant le respect de leur identité propre, présents sur un territoire, de prendre des décisions dans des matières importantes les concernant spécifiquement, elle garantirait l’existence et le développement de ce groupe.

C’est cette finalité qui anime les revendications de différentes régions françaises (Bretagne, Pays basque, Alsace-Lorraine) réclamant davantage de décentralisation, c’est-à-dire le transfert de compétences de l’État vers des autorités locales distinctes de celui-ci ou l’autonomie. C’est ainsi que la question de la décentralisation est au cœur de la campagne présidentielle 2022, nombre de candidats proposent un approfondissement de ce processus à travers différentes mesures, telles que le renforcement de l’enseignement des langues régionales, la reconnaissance d’un statut et d’une langue.

C’est ainsi que face à l’hétérogénéité identitaire une autonomie développée est préconisée afin de prévenir les conflits motivés par des aspirations indépendantistes. La forme fédérale impliquant non seulement une autonomie administrative, mais également législative et constitutionnelle apparaît comme une solution constitutionnelle dans un climat de tensions identitaires.

C’est la solution retenue, au lendemain de conflits majeurs, en Bosnie-Herzégovine, en Irak ou encore en Afrique du Sud, afin d’éviter la résurgence des nationalismes ou des mobilisations ethniques et religieuses.

Une révision de la constitution ?

Dans le cas français, l’autonomie de la Corse impliquerait une révision de la constitution, et elle serait cantonnée à la sphère législative. Il pourrait s’agir à côté des compétences administratives déjà exercées par la collectivité de Corse, comme les autres collectivités territoriales françaises, de lui conférer un véritable pouvoir législatif qui dépasserait les attributions actuelles de l’Assemblée de Corse.

Elle disposerait d’un Parlement qui adopterait ses propres décisions dans des domaines matériellement importants qui reviennent actuellement au Parlement national, telles que la fiscalité ou certaines politiques de développement économique.

Cette configuration accentuerait l’autonomie différenciée qui régit déjà les territoires de la République. La plupart des collectivités ne bénéficient que d’une autonomie administrative, alors que d’autres jouissent déjà à titre exceptionnel d’une autonomie législative, telle que la Nouvelle-Calédonie dont le Congrès peut adopter des lois pays. Ce nouveau statut juridique de la Corse contribuerait à rapprocher la France de la stratégie de l’autonomie « à la carte » pratiquée par l’État espagnol.

Tandis qu’il y a trente ans, le Conseil constitutionnel déniait l’existence d’un peuple corse avec l’idée sous-jacente que la consécration de la diversité favoriserait les contestations, aujourd’hui la reconnaissance de cette même diversité apparaît comme le seul moyen d’apaiser les tensions. Cet éloignement progressif du modèle de l’État unitaire classique à travers l’octroi d’une autonomie différenciée serait-il le seul moyen de conserver l’île de beauté au sein de la République française ?


L’autrice réalise sa thèse sous la direction de Fabrice Hourquebie et de Jean Belin.

Guerre en Ukraine : quel rôle pour la Cour pénale internationale ?

26 samedi Mar 2022

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  1. Insaf RezaguiDoctorante en droit international public, Le Mans Université – Chercheuse au Centre Thucydide Paris Panthéon-Assas, Le Mans Université

Déclaration d’intérêts

Insaf Rezagui ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Après un tir de missile sur un immeuble résidentiel à Kiev, 17 mars 2022. Des milliers de civils ukrainiens auraient déjà été tués depuis le début de l’invasion russe le 24 février. Fadel Senna/AFP

« Le mal doit être puni ». C’est ce qu’affirmait le 16 mars dernier devant le Congrès américain le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, faisant référence à l’invasion de son pays par la Russie.

Pour punir ce mal, le gouvernement ukrainien a très rapidement agi sur le front judiciaire en mobilisant différentes juridictions internationales dont la Cour pénale internationale (CPI).

L’objectif de l’Ukraine est clair : judiciariser la guerre afin d’affirmer son statut de victime face à l’agresseur russe. Mais face à un Vladimir Poutine qui n’a que faire des injonctions internationales, que peut accomplir la justice internationale ? La CPI peut-elle jouer le rôle de moralisateur des relations internationales ? Alors que des milliers de civils ukrainiens ont déjà péri durant le conflit et que des millions d’autres ont trouvé refuge partout en Europe, la paix en Ukraine peut-elle s’établir grâce au droit ?

L’ouverture d’une enquête par le procureur de la CPI : une première victoire pour l’Ukraine

La Cour pénale internationale est une organisation internationale chargée de juger les individus accusés de crimes internationaux (génocide, crime de guerre, crime contre l’humanité, crime d’agression) au regard du Statut de Rome (traité international signé en 1998 établissant la CPI).

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À ce titre, elle ne juge pas directement des États, mais a pour rôle d’établir des responsabilités pénales individuelles. Son objectif est de lutter contre l’impunité afin de prévenir et de dissuader la commission de ces crimes qui touchent toute l’humanité en raison de leur gravité. Pour y parvenir, la Cour s’appuie sur ses plus de 900 membres du personnel et un budget annuel d’environ 148 millions d’euros. 123 États sont actuellement membres de la Cour.

Bien que ni l’Ukraine ni la Russie ne soient partie au Statut de Rome (la Russie s’est retirée du Statut en 2016, reprochant à la Cour son manque d’indépendance), le procureur de la CPI, Karim Khan, a annoncé le 28 février l’ouverture d’une enquête au regard d’allégations de crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis en Ukraine.Ukraine : pour le procureur de la CPI, « si les civils sont pris pour cible, c’est un crime », France 24, 3 mars 2022.

Le procureur fonde sa compétence au regard de deux déclarations ad hoc produites par l’Ukraine en 2014 et 2015 sur la base de l’article 12-3 du Statut. Celles-ci reconnaissent la compétence de la Cour pour des faits commis sur le sol ukrainien depuis le 21 novembre 2013. Si ces déclarations ont été émises dans le cadre de la guerre dans le Donbass et de l’annexion de la Crimée par la Russie, elles permettent aujourd’hui d’élargir le cadre géographique afin de mener une enquête sur l’intégralité du sol ukrainien.

Avant le début de l’invasion russe, le Bureau du Procureur de la CPI fut très critiqué par la société civile ukrainienne. Celle-ci lui reprochait sa lenteur dans la mise en évidence des responsabilités pénales, alors que la guerre dans le Donbass aurait coûté la vie à 13 000 personnes, dont 3 350 civils entre 2014 et 2020 d’après les Nations unies. Le déclenchement de la guerre par la Russie le 24 février dernier a contraint le procureur à prendre en main ce dossier.

Dans sa déclaration du 28 février, Karim Khan se dit convaincu qu’« il existe une base raisonnable de croire que les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité allégués ont bel et bien été commis ». Pour confirmer l’ouverture d’une enquête, le Procureur devait alors obtenir soit l’autorisation des juges de la Chambre préliminaire de la Cour, soit le renvoi de l’affaire à son Bureau par un ou plusieurs États membres de la CPI.

La seconde option a finalement été retenue. Début mars, 41 États – incluant tous les pays membres de l’Union européenne – ont soumis un renvoi de la situation au procureur. Cette mobilisation sans précédent d’un si grand nombre d’États démontre la volonté d’une partie de la société internationale de mobiliser le droit international pour rétablir la paix en Ukraine. De manière inédite, la philosophie kantienne de la paix par le droit semble enfin trouver un large écho en Europe et ailleurs…

Les allégations de crimes de guerre au cœur de l’enquête de la CPI

Désormais, Karim Khan entend faire de cette enquête une priorité. Ce 16 mars, il s’est rendu en Ukraine et a échangé virtuellement avec le président Zelensky.

Cependant, le procureur fait preuve de pragmatisme. La collecte des preuves ne peut se faire sans le soutien des États. C’est pourquoi lors de l’annonce de l’ouverture de son enquête, il s’est directement adressé à la société internationale pour demander des moyens financiers et humains supplémentaires. Le manque de ressources est au cœur des difficultés rencontrées par la Cour depuis son entrée en fonction en 2002, contraignant le procureur à faire parfois des choix politiques dans la sélection de ses dossiers. Au-delà des moyens, il est aussi question d’obtenir une pleine coopération des parties au conflit, des ONG, de la société civile et des États afin de recueillir les preuves et les témoignages nécessaires à l’établissement des responsabilités pénales.

S’il semble logique que les dirigeants russes refuseront toute coopération avec la Cour, l’organisation internationale peut s’appuyer sur une société civile ukrainienne déjà très mobilisée depuis 2014. L’expérience de la guerre dans le Donbass a favorisé cette bonne structuration. De nombreuses preuves avaient déjà pu être récoltées.

Parmi les crimes invoqués par la Cour, les allégations de commissions de crimes de guerre sont celles qui reviennent le plus fréquemment et pour lesquelles il semble plus simple d’établir des preuves. Un crime de guerre est une violation grave du droit international humanitaire. Trois éléments – légal, matériel et psychologique – doivent être remplis pour qualifier un agissement de crime de guerre. L’acte doit être prohibé par l’article 8 du Statut de Rome (élément légal). Sont notamment interdits l’homicide intentionnel, la torture et les traitements inhumains, les attaques intentionnelles contre la population et des biens civils, les attaques et bombardements contre des lieux non défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires, etc. (élément matériel). L’acte doit avoir été commis dans le cadre d’un conflit armé – ce qui est le cas en Ukraine – et la personne mise en cause doit avoir commis le crime avec intention et connaissance (élément psychologique).

Cette photo prise le 4 mars 2022 montre un immeuble résidentiel endommagé lors du bombardement la veille dans la ville de Tchernihiv, qui aurait coûté la vie à quarante-sept personnes. Dimitar Dilkoff/AFP

Dans les faits, de nombreux agissements sont visés. Il s’agit notamment des frappes indiscriminées et aveugles de l’armée russe contre des zones abritant des infrastructures civiles et médicales à Kiev, Kharkiv, Marioupol et ailleurs. Ces attaques auraient déjà causé la mort de centaines de civils. Par exemple, le jeudi 3 mars, l’armée russe aurait largué huit bombes à Tchernihiv, ville située à 130 kilomètres de Kiev, dans une zone où étaient rassemblés des civils venus acheter de la nourriture. Aucune cible militaire ne semblait présente à proximité. D’après Amnesty international, ces attaques auraient coûté la vie à 47 civils. Cette opération s’apparente à un crime de guerre. Par ailleurs, l’armée russe semble faire preuve d’un recours disproportionné à la force, au regard du nombre important de destructions de biens et d’équipements civils (habitations civiles, maternités, hôpitaux, etc.) et des grandes souffrances infligées à la population civile ukrainienne.

Si à ce stade, Karim Khan n’a pas fait état de la nature précise de ces crimes, le président Joe Biden et le premier ministre britannique Boris Johnson n’ont pas hésité à qualifier le président Poutine de criminel de guerre.

Dans les manifestations de solidarité avec l’Ukraine organisées dans de nombreux pays du monde, il est fréquent que les pancartes réclament le jugement de Vladimir Poutine à La Haye. Ici Malaga (Espagne), 28 février 2022. Jorge Guerrero/AFP

Désormais, il appartient au procureur d’établir les responsabilités pénales individuelles. Au-delà de Vladimir Poutine, des responsables militaires et politiques russes – mais aussi ukrainiens – pourraient être mis en cause. Des mandats d’arrêt pourraient ensuite être émis. Cependant, il est difficilement envisageable à ce stade de voir la Russie coopérer et transférer à La Haye – où se trouve le siège de la CPI – certains de ses dirigeants. Le gouvernement ukrainien le sait. Mais l’objectif n’est pas là. Il s’agit de poursuivre son action pour isoler la Russie et accroître la pression à son encontre.

Une judiciarisation du conflit dans un objectif de moralisation des relations internationales

Par ailleurs, la mobilisation de la CPI par l’Ukraine s’inscrit dans une stratégie plus globale de judiciarisation du conflit afin d’affirmer son statut de victime face à l’agresseur russe. Au-delà de la CPI, la Cour internationale de Justice – qui établit des responsabilités étatiques – a rendu ce 16 mars une ordonnance exigeant de la Russie qu’elle cesse ses opérations militaires en Ukraine.« Russia must immediately suspend military operations in Ukraine » – International Court of Justice, Nations unies, 17 mars 2022.

Le gouvernement ukrainien entend mettre à profit ses différents recours juridictionnels pour obtenir un avantage diplomatique. L’Ukraine n’est pas le premier pays à judiciariser sa cause pour bénéficier de gains politiques. Avant elle, la Palestine fit le même calcul quand elle décida d’adhérer à la CPI en 2015. Finalement, nombre d’États perçoivent la CPI comme un acteur politique capable de contribuer à moraliser les relations internationales et à participer au rétablissement de la paix, faisant vivre l’idée que la paix ne peut advenir sans le triomphe de la justice.

Si le dossier ukrainien devrait permettre à la Cour pénale internationale de renforcer sa stature sur la scène internationale, il faut cependant relativiser la capacité de la juridiction pénale à contribuer à la restauration de la paix dans le pays. Le temps long de la justice semble éloigné des objectifs à court terme visant à mettre fin au conflit.

La guerre en Ukraine va-t-elle provoquer l’effondrement de l’économie russe ?

25 vendredi Mar 2022

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  1. Renaud FoucartSenior Lecturer in Economics, Lancaster University Management School, Lancaster University

Déclaration d’intérêts

Renaud Foucart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Lancaster University apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation UK.

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Char russe détruit par l’armée ukrainienne dans la région de Lougansk (est de l’Ukraine), le 26 février 2022. La Russie aurait déjà perdu pour plusieurs milliards de dollars d’équipements militaires. Anatolii Stepanov/AFP

L’invasion de l’Ukraine a placé la Russie au bord de la faillite. Les taux d’intérêt ont doublé, le marché boursier a fermé, et le rouble est tombé à son plus bas niveau historique.

Le coût militaire de la guerre a été exacerbé par des sanctions internationales sans précédent, soutenues par une large coalition de pays. Les citoyens russes, qui ont assisté à la fermeture rapide de très nombreuses enseignes étrangères comme Ikea, McDonald’s ou encore Starbucks, ne sont pas autorisés à convertir en devises étrangères l’argent qu’ils possèdent en roubles.

Une récession considérable

Selon les analyses les plus optimistes, l’économie russe se contractera de 7 % cette année, au lieu des 2 % de croissance prévus avant l’invasion. D’autres estiment que la baisse pourrait atteindre 15 %.

Une telle chute serait plus importante que celle provoquée par le krach des marchés boursiers russes en 1998. Ce serait un choc majeur pour une économie qui n’a pratiquement pas connu de croissance au cours de la dernière décennie et qui n’a pas réussi à se diversifier suffisamment pour ne plus dépendre très largement des exportations de pétrole et de gaz. Or l’Union européenne prévoit de réduire radicalement sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie, tandis que les États-Unis et le Royaume-Uni ont lancé un processus visant à éliminer totalement leurs propres importations d’hydrocarbures russes, plus limitées.Sanctions contre la Russie : quel est l’impact sur l’économie russe ? • FRANCE 24, 5 mars 2022.

Les perspectives à long terme sont sombres. Si les sanctions sont maintenues, la Russie sera coupée de ses principaux partenaires commerciaux, à l’exception de la Chine et de la Biélorussie. Les agences de notation prévoient désormais que Moscou sera bientôt dans l’incapacité de rembourser ses créanciers, ce qui aura des répercussions colossales à long terme sur l’économie du pays. En raison de sa réputation d’emprunteur peu recommandable, il sera difficile, pour la Russie, d’attirer des investissements étrangers sans leur offrir des garanties massives, ce qui pourrait la rendre entièrement dépendante de la Chine.

Le coût immense d’une éventuelle victoire russe

Paradoxalement, la situation économique pourrait connaître une évolution encore plus désastreuse si Vladimir Poutine parvient à remporter la victoire en Ukraine. L’occupation du pays et l’installation d’un gouvernement fantoche impliqueraient certainement, pour la Russie, l’obligation de reconstruire les infrastructures détruites. Et sachant que, même avant la guerre, les citoyens ukrainiens se montraient de plus en plus favorables à l’UE, le maintien de la paix dans un environnement aussi hostile obligerait Poutine à consacrer à l’Ukraine des ressources colossales… qui devront alors être prélevées sur le budget russe.

Pour avoir une idée des conséquences qu’entraînerait un tel scénario, il est utile d’examiner un précédent relativement comparable. Depuis la fin de la seconde guerre de Tchétchénie, qui a notamment vu la destruction quasi totale de la capitale Grozny en 1999-2000, la Russie dépense jusqu’à 3,8 milliards de dollars par an pour maintenir son emprise sur cette république. Toute diminution des transferts monétaires ferait courir à Moscou le risque d’une nouvelle insurrection. Et depuis son annexion en 2014, la Crimée lui coûte un montant comparable.

Kharkiv, 8 mars 2022. Le coût de la reconstruction des villes et infrastructures ukrainiennes après la guerre est encore impossible à quantifier. Sergey Bobok/AFP

La population de l’Ukraine, qui compte environ 40 millions d’habitants, est pratiquement 40 fois plus importante que celle de la Tchétchénie et 20 fois plus importante que celle de la péninsule de Crimée. L’Ukraine est le deuxième plus grand pays d’Europe par sa superficie (après la Russie) : y maintenir une occupation durable sera extrêmement coûteux.

Enfin, les pertes russes sont couvertes par le secret militaire, mais les autorités ukrainiennes estiment que la destruction de ses chars, avions et autres équipements militaires au cours des deux premiers jours de la guerre a coûté à la Russie environ 5 milliards de dollars. Depuis, la quantité de ces matériels détruits a bien entendu nettement augmenté.

Le prix ultime

Mais il n’y a pas que le matériel militaire qui coûte de l’argent. Cela peut sembler étrange, voire dérangeant, mais les gouvernements et les économistes attribuent une valeur monétaire à chaque vie humaine. Ce sont par exemple des calculs de ce type qui déterminent quels médicaments ou traitements médicaux le système britannique de couverture santé fournit avec son budget limité.

Jusqu’à présent, selon diverses estimations, entre 7 000 et 12 000 soldats russes auraient déjà été tués en Ukraine depuis le début du conflit le 24 février (la Russie a annoncé le chiffre de 498 morts le 2 mars et n’a plus communiqué sur le sujet depuis). À titre de comparaison, environ 15 000 soldats sont morts lors de l’invasion soviétique de l’Afghanistan, 8 000 lors de la première guerre de Tchétchénie et un nombre légèrement plus important (mais incertain) lors de la deuxième guerre.

Une estimation approximative basée sur l’espérance de vie et le PIB par habitant suggère que le décès de 10 000 soldats russes correspondrait à un coût de plus de 4 milliards de dollars. À cela, il faudrait ajouter les énormes conséquences sur la santé mentale de leurs familles et de tous les soldats ayant pris part à la guerre.

Dans les jours et semaines à venir, les réponses à deux questions cruciales permettront de comprendre si le coût de la guerre est trop élevé pour Poutine.

D’abord, l’armée et l’industrie de la défense russes peuvent-elles subsister sans importations technologiques telles que l’électronique et les robots industriels en provenance des pays occidentaux ? Ensuite, l’impact des sanctions et des pertes humaines sera-t-il suffisant pour faire évoluer l’opinion publique au point que le pouvoir du Kremlin serait menacé ? Les autres difficultés économiques de la Russie n’auront d’impact sur la suite du conflit que si le dirigeant se soucie réellement de l’impact à long terme que la guerre aura sur ses concitoyens…

Proscrits, déplacés, réfugiés : ce que révèle le vocabulaire de la migration contrainte

24 jeudi Mar 2022

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  1. Delphine DiazMaîtresse de conférences en histoire, Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)

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Delphine Diaz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Des réfugiés ukrainiens arrivent à Przemysl, dans le sud-ouest de la Pologne, le16 mars 2022. Plus de 3 millions de personnes ont fui l’Ukraine depuis le début de l’invasion russe. Louisa Gouliamaki/AFP

« Émigrés » et « proscrits », « migrants » et « exilés », « demandeurs d’asile » et « réfugiés ». Le vocabulaire utilisé pour désigner celles et ceux qui subissent les migrations contraintes est révélateur des représentations contrastées qui leur sont attachées.

Si les médias ont beaucoup usé du terme migrants pour désigner les personnes fuyant sous la contrainte le sud de la Méditerranée et la corne de l’Afrique vers l’Union européenne au cours des années 2010, le mot n’est quasiment jamais appliqué aux millions d’exilés ukrainiens auxquels l’Union européenne accorde à si juste titre la protection temporaire.

Un détour par l’histoire montre tout l’intérêt qu’il y a d’étudier les phénomènes d’exil en tenant compte du vocabulaire qui leur est appliqué.

C’est l’un des fils directeurs de mon ouvrage En exil. Les réfugiés en Europe de la fin du XVIIIᵉ siècle à nos jours, qui se propose de remettre en perspective l’histoire européenne et contemporaine de l’exil.

Nouveau : L’application qui donne la parole à la recherche.

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Ce terme renvoie à la fois à un arrachement à sa patrie, à une situation forcée d’attente, et à une position depuis laquelle peuvent s’affirmer de nouvelles formes de mobilisation et d’engagement.

« Exilés » et « proscrits » après les guerres napoléoniennes

L’acte final du Congrès de Vienne, en 1815, a mis un terme aux guerres napoléoniennes. Il s’agissait pour les monarques européens de redécouper le continent et d’y assurer la paix.

Le Congrès de Vienne par Jean Godefroy d’après l’œuvre de Jean‑Baptiste Isabey. CC BY-SA 3.0, CC BY

Le nombre d’opposants alors chassés de leur pays pour des motifs politiques a augmenté et ceux-ci ont été de plus en plus fréquemment qualifiés en français d’« exilés » ou de « proscrits ».

Comme l’écrivit plus tard Victor Hugo dans les Travailleurs de la mer, le vocabulaire lui-même contribuait alors à distinguer les exils de patriotes et de libéraux – les « proscriptions » – des mouvements migratoires qui avaient affecté les contre-révolutionnaires durant la Révolution française – les « émigrations ».

Au début des années 1820, dans l’Europe des Restaurations monarchiques, alors même que Napoléon Bonaparte terminait sa vie banni sur l’île de Sainte-Hélène, les révolutions survenues en Europe méridionale ont jeté sur les routes de l’exil Grecs, Italiens et Espagnols.

Au cours de la décennie suivante, les révolutions réprimées à Varsovie et en Italie centrale en 1831 ont encore amplifié ces mouvements. C’est dans un contexte où les patriotes polonais fuyant la répression russe arrivaient par milliers en France – 7 000 d’entre eux étaient secourus par le gouvernement en 1832 – que la monarchie de Juillet a adopté une première loi sur les « étrangers réfugiés ».

Ce texte d’avril 1832, encore flou sur la façon de les définir, a été complété par une abondante réglementation ministérielle qui a précisé les contours de ce groupe particulièrement contrôlé (voir le corpus de circulaires ministérielles rassemblé sur le site du programme ANR AsileuropeXIX).

Le « réfugié » s’imposait alors en Europe occidentale comme une nouvelle catégorie administrative, ce qui n’empêchait pas les personnes parties sous la contrainte de revendiquer d’autres appellations : celle d’exilé en français, exile en anglais ou esule en italien (voir l’ébauche de lexique européen de l’exil et de l’asile pour le XIXᵉ siècle proposé par le site du programme ANR AsileuropeXIX).

L’exilé politique mal accueilli à la fin du XIXᵉ siècle

Le dernier tiers du XIXe siècle a marqué un nouveau point de bascule dans la façon dont les personnes contraintes de quitter leur pays pour leurs idées étaient considérées et traitées à travers le continent européen.

Ainsi, les milliers d’hommes et de femmes partis à cause de la répression de la Commune de Paris au printemps 1871 ont été particulièrement mal accueillis dans les pays d’asile qui se contentaient de les tolérer – Grande-Bretagne, Suisse, notamment – et où ils se voyaient parfois dénoncés comme étant de potentiels terroristes.

Ce mouvement s’est confirmé à la fin du siècle, avec l’intensification des circulations transnationales d’anarchistes : l’exilé politique était de moins en moins le bienvenu et se trouvait plus fréquemment assimilé à la figure du criminel qu’à celle du héros.

Avec les deux guerres balkaniques (1912-1913) puis les deux guerres mondiales, le XXe siècle a fait entrer le continent dans une ère où, plus que les répressions d’insurrections et de révolutions, les conflits armés sont devenus la principale cause de départ forcé à l’étranger.

L’exil ne concernait plus seulement les opposants politiques, mais des groupes entiers de civils visés par la progression de combats ou par des politiques de déportation de masse.

Les « personnes déplacées » de l’après Seconde Guerre mondiale

En 1945, la crise migratoire provoquée par la Seconde Guerre mondiale fut loin d’avoir été interrompue par l’armistice. En Europe de l’Ouest, l’exil, entendu comme arrachement à son foyer, représentait une expérience de masse, subie dans les années d’après-guerre par des millions de « personnes déplacées » (displaced persons).

Cette catégorie forgée par les Alliés leur permettait de désigner tous les individus en situation de déracinement au lendemain de la guerre : rescapés des camps de concentration en transit, anciens travailleurs forcés, prisonniers de guerre libérés, mais aussi expulsés des territoires de l’Est.

Des personnes déplacées allemandes attendent dans la gare d’Anhalter à Berlin en 1945. Everett Collection

Parmi ces personnes dites « déplacées », se trouvaient aussi des groupes entiers qui, pour des raisons politiques, refusaient de rentrer dans leur patrie, comme ce fut le cas de nombreux réfractaires au retour en URSS.

Alors que l’immédiat après-guerre avait vu cette catégorie des « personnes déplacées » s’imposer, la création par les Nations unies du « Haut-Commissariat aux réfugiés » en 1950, puis la signature de la convention de Genève l’année suivante, allaient contribuer à placer de nouveau le « réfugié » sur le devant de la scène.

Cette convention de 1951 était la première à proposer une définition juridique et internationalement reconnue de ce statut, en se fondant sur le critère de la persécution individuelle.

Si son attribution a été généreuse en Europe occidentale au temps des Trente Glorieuses, sans toujours tenir compte en pratique de ce critère de la persécution individuelle, les années 1980 ont marqué un tournant en la matière.

Dans tous les pays grands pays d’asile européens, le taux d’accord du statut de réfugié a alors baissé drastiquement.

Les « exilés » et « migrants » des « Printemps arabes »

Avant même l’année 1989, tournant géopolitique majeur avec la chute du mur de Berlin, les pays d’Europe refermaient leurs frontières aux « demandeurs d’asile ».

De manière significative, cette expression était alors de plus en plus fréquemment employée pour renvoyer à celles et ceux qui sollicitaient le statut de réfugiés, sans être désormais certains de l’obtenir. La chercheuse Karen Akoka évoque dans son livre, L’Asile et l’exil. Une histoire de la distinction réfugiés/migrants, l’entrée dans « le régime des demandeurs d’asile » avec les années 1980.

C’est bien plus tard, à la faveur des nouveaux exils Sud-Nord produits par les « Printemps arabes » et par les guerres civiles dans la corne de l’Afrique, que le mot « migrant » s’est imposé.

Il permettait de désigner les personnes en situation d’exil cherchant à trouver refuge en Europe mais aussi ailleurs, puisque le continent n’était pas, de loin, le premier à les accueillir.

Des personnes secourues par le personnel de l’Aquarius au large des côtes libyennes, en mai 2018. Louisa Goulimiaki/AFP

En français, ce terme avait déjà été employé dans les années 1960 pour désigner les Algériens venus en France après l’indépendance de leur pays, mais il se trouvait ainsi chargé de nouvelles significations et placé au centre de l’attention médiatique.

Dans le même temps, le terme migrant était aussi utilisé dans les médias anglophones, mais son usage a fait l’objet à partir de l’été 2015 de vives critiques.

Plusieurs voix – celles de journalistes, de chercheurs, de politiques – se sont élevées contre l’usage de ce mot qui véhiculait une vision déshumanisante des étrangers tentant au péril de leur vie la traversée de la Méditerranée. Outre cette connotation négative et presque animale, le terme « migrant », en français comme en anglais, les enfermait dans une forme de mouvement perpétuel. Il tendait enfin à les disqualifier dans leurs efforts pour demander l’asile et pour obtenir le statut de réfugiés.

À travers l’histoire européenne de l’exil, on comprend donc que les termes utilisés pour désigner les personnes contraintes au départ ne sont ni évidents, ni neutres. Ils proposent une certaine vision, et parfois même supposent une explication, une légitimation ou au contraire un rejet de ces mouvements migratoires générés par la répression et par la guerre.

Le retour de la guerre confirme en creux que l’histoire est bel et bien finie

23 mercredi Mar 2022

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Le retour de la guerre confirme en creux que l’histoire est bel et bien finie

Publié: 17 mars 2022, 20:25 CET

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  1. Laurent BibardProfesseur en management, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité, ESSEC

Déclaration d’intérêts

Laurent Bibard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

ESSEC et CY Cergy Paris Université fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR.

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Char russe détruit par les forces ukrainiennes dans la région de Lugansk, le 26 février 2022. Une image d’un autre temps ? Anatolii Stepanov/AFP

La difficulté majeure de la guerre faite à l’Ukraine ne tient pas à Poutine seul. Les controverses auxquelles donne lieu le conflit signalent la profonde complexité géopolitique de la situation. La difficulté tient à quelque chose dont nous sommes toutes et tous, humains, désormais responsables.

Ce que Poutine semble de toute évidence ne pas savoir, non plus que nous toutes et tous, est que l’histoire est très probablement totalement terminée. Et elle s’est sans nul doute terminée bien avant les thèses de Fukuyama sur la fin de l’histoire parues après la chute du mur de Berlin. Le compatriote de Poutine plus tard naturalisé français, Aleksandr Kojevnikov (Alexandre Kojève), né à Moscou en 1902, l’avait magistralement compris et enseigné dans un livre publié en 1947, Introduction à la lecture de Hegel.

Francis Fukuyama, en 2016. Fronteiras Do Pensamento/Flickr, CC BY-SA

Si ce qui précède est vrai, il faut évidemment se demander ce que cela veut dire. Car ça a l’air à première vue totalement absurde. Les événements de l’actualité mondiale donnent au contraire le sentiment que loin d’être terminée, l’histoire recommence de plus belle.

L’histoire est terminée au sens de Kojève, car nous pouvons comprendre maintenant pourquoi l’humanité se bat depuis son avènement. Ce qui n’a pas toujours été le cas, c’est le moins que l’on puisse dire. L’humanité se bat. Elle est, on le voit de plus en plus clairement, la lutte même pour ce que l’on appelle la justice et le respect des personnes. Nous savons cela depuis l’avènement de l’idée de l’État de droit, qui rend possible l’avènement des droits de l’homme au sens générique du terme. L’humanité est à la fois l’émergence, l’avènement, et autant que possible, la réalisation du respect et de la justice.

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L’histoire de l’humanité est l’événement de faire advenir ici-bas le respect, la reconnaissance, de chacune et chacun. Indépendamment de nos sexes, de nos couleurs de peau, de nos âges, etc. Elle a été à la fois le théâtre et l’intrigue de ce combat archaïque constitutif pour la dignité de chacune et chacun. Pour la « reconnaissance universelle de l’irréductible individualité » de chacune et chacun comme le formule Alexandre Kojève.

Pourquoi écrire cela maintenant ? Le pari est le suivant. Si l’on prend toutes et tous clairement conscience que l’avènement de la notion d’État de droit, appuyée sur celle de droits de l’homme, est la conséquence finale de l’aventure humaine, cette prise de conscience collective est susceptible de provoquer un effet de cliquet sur notre compréhension des choses et sur nos vies. On peut parier qu’alors l’ancienne présupposition qu’il n’y a que des guerres à faire, à faire encore, à faire toujours s’oublie progressivement. Encore faut-il y mettre la main à la pâte.

Désir de reconnaissance

Nous sommes toutes et tous assoiffés de reconnaissance. La différence d’avec le passé, est qu’aujourd’hui, nous le savons. Nous savons que la notion d’État de droit a été élaborée pour assouvir cette soif. Nous avons à notre portée, si nous voulons bien les lire et leur accorder foi, des livres essentiels de la culture universelle qui disent que l’apaisement est possible, et qui donnent quelques grandes lignes de ce qu’il faut tenter pour cela.


À lire aussi : Gouvernements, entreprises… le désir de reconnaissance, moteur de l’ambition


Nous avons enfin compris – en tout cas on nous a clairement dit – de quoi étaient faits les nerfs de la guerre et de l’aventure humaine jusqu’ici. Nous avons sous la main les guides qui permettent de tracer les grandes lignes d’une vie politique paisible, dotée des gardiens adéquats contribuant à garantir que ceux qui sont censés être nos gardiens, les gouvernants, le soient vraiment : Le Projet de paix perpétuelle de Kant, Les Principes de la philosophie du Droit de Hegel, etc.

Éditions Gallimard

Ici aussi, Le travail d’Alexandre Kojève est essentiel : il faut lire ce qu’il écrit dans son Esquisse d’une phénoménologie du Droit, écrite en pleine Seconde guerre mondiale, en 1943.

La thèse est que l’humanité est passée d’une domination de Maîtres à la montée en puissance de l’autonomie des Esclaves. Le résultat de l’histoire est le dépassement de la domination par l’avènement de Citoyens tous égaux entre eux, indépendamment du sexe, de l’origine ethnique, etc. À chaque « catégorie » correspond une forme dominante essentielle droit relative à un idéal de justice : « justice de l’égalité » (Maîtres), « justice de l’équivalence » (Esclaves), et « justice de l’équité (Citoyens).

Ce qui est très important est que la « tension » maître-esclave une fois comprise, elle se révèle en fait « éternelle » – c’est-à-dire jouée dès l’avènement de l’humanité, et donc toujours à reconquérir en direction d’une citoyenneté qui ne peut jamais être tenue pour acquise.

Trop tard

La conséquence majeure de ceci est que, sur le fond de ce qui précède, le geste de Poutine est un « coup » tardif. Intempestif. Dépassé. Comme tous les « coups » auxquels on assiste de nos jours (voir Bernard Bourgeois, Penser l’histoire du présent avec Hegel). Le gouvernement russe a beau revendiquer que l’Ukraine est une partie de la Russie – et tsariste et communiste –, et que son invasion en constitue la libération, le « geste » de la « reconquérir » est diamétralement contradictoire avec ce que nous savons, nonobstant ses convulsions continues, du sens de l’histoire.

Comme la Seconde Guerre mondiale, l’invasion russe s’apparente à une régression. Sergey Bobok/AFP

On ne peut plus faire semblant de vivre une histoire authentique en reculant. En particulier après les deux Guerres mondiales du XXe siècle, dont la deuxième est due à une régression comparable à celle à laquelle Poutine voudrait que l’on assiste, il est devenu hors de question d’envisager quelque légitimité que ce soit à un geste comme celui de la Russie envers l’Ukraine.

Nous sommes à la fin de ce qu’est notre histoire, et au début d’autre chose. Mais il faut, pour ouvrir vraiment l’avenir, prendre acte du passé, seul sol solide à partir de quoi de nouveaux rêves, mus par autre chose que la soif et le manque, sont possibles.

Insistons bien sur ceci : ce qui est affirmé ici ne parle pas que de la Russie et des « autres ». Cela parle de l’humanité en son entier. Car ce mal dont Poutine et la Russie souffrent, qui provoque tous les excès, est bien universel. C’est une maladie spécifiquement humaine toute simple, qui s’appelle le désir de reconnaissance et dont l’expression se mondialise de plus en plus. Nous sommes bien à la Fin de l’histoire. Fin qui a elle-même son histoire, et dont nous sommes toutes et tous co-responsables.

Plus nous saurons reconnaître les trésors de la pensée qui s’est retournée sur l’histoire et en a extrait l’essentiel, moins nous serons vulnérables à nous abandonner à des colères devenues de pacotille.

Il n’y a décidément plus de « sujet ».

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