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Archives Mensuelles: mai 2022

Les marges de manœuvre limitées des pouvoirs publics pour développer le tourisme

31 mardi Mai 2022

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auteurs

  1. Marie-Laure BaronMaître de conférences en sciences de gestion, Université Le Havre Normandie
  2. Samuel GrandvalMaître de conférences HDR en sciences de gestion, Université Le Havre Normandie
  3. Xiao LiuDocteur, Université Le Havre Normandie

Déclaration d’intérêts

Marie-Laure Baron a reçu des financements de Le Havre Seine Métropole.

Samuel Grandval a reçu des financements de Le Havre Seine Métropole.

Xiao Liu a reçu des financements de Le Havre Seine Métropole.

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Dans le secteur touristique, il faut aussi compter sur une myriade de petits acteurs privés. Albrecht Fietz / Pixabay, CC BY-SA

 

Le tourisme a particulièrement souffert de la pandémie. En France, 38 % des acteurs du secteur ont dû contracter un prêt garanti par l’État, et le pays s’en sort pourtant mieux que ses voisins.

La saison estivale 2022 s’annonce cependant bonne, avec une météo clémente et des consommateurs qui ont pu mettre une épargne de côté durant la pandémie. De quoi pousser les pouvoirs publics à miser sur le secteur pour développer un territoire ? Ceux-ci souhaitent souvent occuper une place centrale dans l’organisation et l’animation du tourisme local.

Reste que les impulsions qu’ils proposent ne sont cependant pas toujours reprises par le tissu des entreprises du secteur, souvent de petites tailles. Or, les zones touristiques constituent des territoires identifiés par les voyageurs comme une offre globale. Ils ne choisiront bien souvent pas de se rendre à un endroit pour une ou deux particularités mais pour tout un ensemble de lieux et de services.

Notre recherche montre en fait, que les pouvoirs publics ne peuvent que difficilement piloter l’ensemble du système. Leur action, paradoxalement, ne peut fonctionner que sur des segments particuliers.

Diversité et originalité

La valeur d’un site dépend, du point de vue du visiteur, de deux facteurs. Deux facteurs qui reposent eux-mêmes sur deux types d’acteurs différents.

Il y a d’une part ce que l’on nomme le « paysage ». Ce sont les sites en eux-mêmes, les plages, musées, ou monuments. Le touriste vient à Richelieu (Indre) pour ses fortifications, à Honfleur (Calvados) pour son grenier à sel, son église Sainte-Catherine dont la particularité est d’être construite en bois ou son port, et au Havre (Seine-Maritime), pour la plage, son architecture Perret ou son musée d’art moderne. Promouvoir, entretenir et mettre en valeur ce paysage est le rôle des collectivités territoriales.

Le port de Honfleur constitue un élément incontournable de son paysage. Thomas Ulrich/Pixabay, CC BY-SA

D’autre part se trouve l’ensemble de services complémentaires entre eux qui composent le séjour du client : l’hébergement, les lieux de restauration ou de loisirs sportifs par exemple. Leur production échoit, elle, à une mosaïque de petites entreprises.

En ce qui les concerne, nos recherches montrent que la propension à dépenser des touristes dépend en fait de deux éléments. Ils s’avèrent, d’une part, sensibles à la diversité des offres individuelles des entreprises : plus les activités sont variées, plus l’offre est large et le site attractif. Autrement dit, une interaction semble nécessaire entre les différents éléments de l’offre pour un bon fonctionnement de l’ensemble. D’autre part, nous soulignons l’importance de l’originalité des offres individuelles. Elles permettent de distinguer la destination touristique parmi ses concurrentes.

Ce peuvent être, par exemple, les galeries d’art réputées pour la destination touristique honfleuraise, dont le « paysage » est pourtant d’abord maritime. Se pose alors la question de la possibilité d’améliorer l’attractivité du territoire sans pour autant noyer le trait distinctif de la destination. Pari réussi à Honfleur, qui renvoie aussi l’image de « creuset des impressionnistes ».

Densité et légitimité

Puisqu’une coordination de l’ensemble semble ainsi nécessaire, faut-il s’en remettre aux pouvoirs publics ? Certains experts évoquent la nécessité d’une gouvernance partagée entre les acteurs. Il ne semble cependant pas exister de cas de stratégies collectives réussies.

Prenons le cas de Venise. La ressource touristique y est abondante et la tendance que l’on y observe paraît être à la maximisation des intérêts individuels au détriment du collectif. C’est en fait une conséquence d’une densité de touristes élevée : le besoin de coordination est plus faible car il n’y a pas nécessité de développer davantage l’attractivité de l’endroit.

« À. Ruth Archer/Pixabay, CC BY-SA

C’est donc la densité de la ressource touristique qui va déterminer la légitimité de l’action publique. Elle ne sera reconnue, d’après nos résultats, que si la densité des touristes est faible. C’est pour cette raison que, souvent, les entreprises n’expriment pas de volonté d’intervention des pouvoirs publics.

L’action publique (par exemple au travers d’un office du tourisme) ne peut donc porter que sur la mise en valeur et la promotion des sites touristiques et de l’offre globale de la destination touristique. C’est d’ailleurs là une attente des acteurs du secteur. Il s’agit d’attirer les touristes et moins de coordonner l’écosystème.

Les pouvoirs publics ne joueront ce second rôle qu’indirectement puisque les entrepreneurs individuels s’adaptent à l’évolution des profils des touristes drainés. Éventuellement peuvent-ils utiliser les plans d’urbanisme comme à Barcelone, réglementer les locations saisonnières comme à Honfleur ou encore favoriser l’implantation d’activités dont la densité est faible afin de rééquilibrer l’écosystème. À eux de trouver une niche la plus adaptée pour agir.

Quel « monde d’après » pour le tourisme ?

31 mardi Mai 2022

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  1. Laurence GraillotMaître de conférences en Sciences de gestion (marketing) – HDR, Université de Bourgogne – UBFC

Déclaration d’intérêts

Laurence Graillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Le tourisme de masse a-t-il encore un avenir ?

t52 000 arrivées en avion à Paris pour le week-end de Pâques, annoncées sept fois plus nombreuses qu’en 2021 pour la période de mai à juillet… la reprise du tourisme semble réelle. Au niveau mondial, elle est observée depuis quelque temps par l’Organisation mondiale du tourisme. Les voyageurs étaient en janvier déjà 2,3 fois plus nombreux qu’au même mois un an plus tôt.

Pour certains professionnels, ce retour laisse entrevoir un été radieux. Il est estimé qu’en 2022 les fréquentations atteindront des records et apporteront des recettes tant attendues après des mois de pandémie. En 2021, à l’échelle du monde, le nombre de touristes internationaux a baissé de 71 % par rapport à 2019 (de 1 468 millions à 421 millions) et en France de 72 %.

Cette reprise du tourisme de masse suscite l’intérêt des chercheurs. Deux scénarios, correspondant à deux champs de recherche, semblent d’ailleurs émerger. D’une part, celui de la reprise du tourisme poursuivant une logique de croissance ; d’autre part, sa redéfinition.

Relance ou « détouristification » ?

Certains universitaires encouragent ainsi l’élaboration de stratégies de relance pour permettre au secteur de retrouver le « business as usual » dès que possible. Des travaux récents concluent d’ailleurs au retour et au maintien du tourisme tel qu’il existait dans le « monde d’avant ».

À Venise, un tag réclame le retour des touristes. Fourni par l’auteur

Cette perspective surfe également sur la propagation d’un « revenge travel ». Par cette expression sont désignés les effets qui résultent de la combinaison des désirs de rencontres et de déplacements déclenchés par la distanciation sociale et le confinement imposés par la pandémie. D’autant que nombre de ménages ont pu se constituer une épargne durant les mois de confinement.

Le risque d’un surtourisme, chargé en externalités négatives, apparaît cependant. Dégradations de l’environnement, du cadre de vie des résidents, nuisances et pollutions aérienne, visuelle ou sonore… Avant la pandémie, le tourisme avait déjà fait l’objet de rejets. Des mouvements « tourismophobes » ont été initiés par des habitants de Barcelone, de Venise ou d’Amsterdam, obligeant les autorités à implémenter de nouvelles régulations. Leur enjeu : maintenir la qualité de la vie et, pour cela aussi, la manne financière issue du tourisme.

C’est pourquoi d’autres recherches invitent à rejeter le modèle du tourisme de masse qui valorise l’exploitation des ressources naturelles, humaines ou culturelles comme moteur de la croissance. Leurs auteurs plaident pour une réinvention du tourisme afin de sortir de la logique du « toujours plus », incompatible avec le besoin de durabilité.

Il s’agit, dans un souci d’écologie, de privilégier la proximité plutôt que l’ailleurs et de placer les habitants au cœur du système touristique afin qu’ils bénéficient d’interactions positives. Des travaux exposent même l’idée d’une décroissance du tourisme ou « détouristification ». Ils encouragent le développement d’un tourisme alternatif proposant des offres compatibles avec les valeurs environnementales et sociétales de la région d’accueil, ce tourisme devant être « régénérateur ».

Trois systèmes

D’un point de vue théorique, ce modèle alternatif peut reposer sur le concept d’ « économie diversifiée ». Il a été introduit en 1996 par les géographes économistes féministes Katherine Gibson et Julie Graham dans leur ouvrage The End of Capitalism (As We Knew It), en réaction notamment à la valorisation du capitalisme néolibéral. Celle-ci se fait au détriment d’autres systèmes existants de production, d’échanges et de distribution. Nos travaux en cours, fondés sur nos précédentes publications liant tourisme et bien-être, transposent la notion à ce secteur.

Selon cette théorie, le paysage économique serait composé d’une multitude de pratiques et d’organisations cachées qui exercent un impact potentiellement plus élevé sur le bien-être social que le capitalisme et qui peuvent contribuer à la régénération environnementale au sens large. Très schématiquement, cette théorie s’intéresse à cinq types de relations développés dans le cadre du capitalisme, du capitalisme alternatif et du non-capitalisme.

Dans le cadre du tourisme, on observe une coexistence de systèmes alternatifs et non capitalistes avec le système capitaliste dominant, celui des tour-opérateurs. En France, plusieurs initiatives peuvent être mentionnées. Pour ce qui est des pratiques alternatives, Terres des Andes est, par exemple, une société coopérative et participative qui propose un tourisme en immersion, co-construit avec les habitants locaux et assurant une juste rémunération aux guides et aux familles d’accueil.

Pour ce qui est des pratiques non capitalistes, outre le WWOOFing, l’association des greeters regroupent des guides locaux bénévoles proposant des visites aux touristes. Pour sa part, la plate-forme coopérative de voyages Les oiseaux de passage réunit les deux pratiques précédentes.

À Venise toujours, des drapeaux sont aussi de sortie contre certaines formes de tourisme. Fourni par l’auteur

Prendre en compte cette théorie peut ainsi permettre d’identifier de nouvelles formes de tourisme. Cela suggère notamment de développer des initiatives valorisant les collaborations entre parties prenantes pour penser des offres touristiques impliquant des pratiques économiques diversifiées. Elle peut aussi aider à élaborer des offres combinant de façon équilibrée le marchand, le marchand alternatif, voire même le non marchand.

Ces recherches pourraient d’ailleurs intégrer les apports des travaux consacrés à l’« abondance frugale » pour proposer des solutions permettant de faire, de vivre et de (faire) voyager mieux avec moins. Il s’agirait de privilégier l’eudémonisme et moins l’hédonisme.

Coucher avec Cléopâtre… et mourir

30 lundi Mai 2022

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  1. Christian-Georges SchwentzelProfesseur d’histoire ancienne, Université de Lorraine

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Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Sophia Loren en Cléopâtre dans « Deux nuits avec Cléopâtre », 1953. ivannature

Cléopâtre « était si belle que beaucoup d’hommes achetèrent de leur vie la faveur de passer une nuit avec elle (« Tantae pulchritudinis, ut multi noctem illius morte emerint »), peut-on lire sous la plume de l’auteur anonyme du De viris illustribus (Au sujet des hommes illustres 86, 2), un ouvrage latin du IVe s. apr. J.-C. qui fut parfois attribué à Aurelius Victor.

Ainsi, la célèbre reine d’Égypte (69-30 av. J.-C.) ne se serait pas contentée de coucher avec ses admirateurs, elle les aurait aussi faits tuer, à la manière d’une araignée ou d’une mante religieuse pratiquant le cannibalisme sexuel.

La putain charismatique

Ce court passage inspira Alexandre Pouchkine dans ses Nuits égyptiennes (1835). Dans cette œuvre, un poète italien installé en Russie est chargé, lors d’une élégante soirée, d’improviser un poème sur le thème : « Cléopâtre et ses amants ». Il imagine une putain charismatique qui tout en se prostituant n’en reste pas moins dans une position radicalement supérieure à ses clients qu’elle anéantit après leur avoir procuré des plaisirs divins.

À son tour, Théophile Gautier reprit ce thème dans sa nouvelle intitulée Une nuit de Cléopâtre (1838). La reine, qui fait commerce d’elle-même, y offre à un jeune Égyptien, nommé Meïamoun la félicité suprême mais éphémère de passer une nuit dans ses bras. Il pourra jouir pleinement du corps de la souveraine, assouvir ses rêves les plus intimes, mais à une seule condition : en payer ensuite le prix extrême. Le lendemain matin, il recevra une coupe de poison qu’il devra avaler. Sa mort sera le salaire de Cléopâtre pour cette coucherie orgiaque.

Au moment où Meïamoun avale le puissant poison qu’elle lui fait apporter, la sublime Cléopâtre, un peu émue, baisse la tête et verse « une larme brûlante, la seule qu’elle ait versée de sa vie ». Sans doute n’a-t-elle pas été totalement indifférente à la fougue du jeune Meïamoun. La prostituée aurait-elle tiré du plaisir des extases de son client ? Mais elle sort vite de ce regret passager. Lorsque retentit le signal de l’arrivée de Marc Antoine, le chef romain avec lequel elle vit maritalement, elle retrouve aussitôt sa parfaite insensibilité.

Meïamoun s’agenouille devant Cléopâtre. Illustration de Paul Avril, 1894. Gallica

Deux nuits avec Sophia Loren

Dans Due notti con Cleopatra (Deux nuits avec Cléopâtre, 1953), film comique de Mario Mattoli, dont le titre constitue une référence ironique à la nouvelle de Théophile Gautier, Sophia Loren, pulpeuse incarnation de Cléopâtre, prend pour amants ses gardes du corps. Au petit matin, elle les fait systématiquement exécuter, leur première nuit d’amour devant aussi être la dernière. Par ce procédé cruel, la reine peut se vanter de n’avoir aucun amant, du moins en vie !

Un des hommes de la reine, nommé Cesarino, interprété par Alberto Sordi, passe une nuit avec Nisca, sosie de la reine et servante (également jouée par Sophia Loren), qu’il prend pour Cléopâtre. N’ayant pas fait l’amour avec la véritable souveraine, il n’est pas mis à mort. C’est seulement dans un second temps que Cesarino couche avec l’authentique Cléopâtre. Mais il échappe à la peine capitale. Après avoir réussi à enivrer la reine, il prend la fuite avec Nisca. Tout est bien qui finit bien. Le film offrant une parodie du thème de la femme fatale, cher aux auteurs du XIXe siècle.

Récemment, la figure de Cléopâtre a également fait son entrée dans l’univers des jeux vidéo. Les concepteurs d’Assassin’s Creed Origins, sorti en octobre 2017, ont choisi comme point de départ la guerre civile qui opposa la reine à son jeune frère Ptolémée XIII, en 49-47 av. J.-C. Le jeu fut suivi, en 2018, d’un Discovery Tour, à but autant ludique que pédagogique, qui propose une promenade culturelle à Alexandrie, dans la vallée du Nil et en Cyrénaïque.


À lire aussi : Dans « Assassin’s Creed Origins », une Antiquité « mondialement correcte »


On note cependant la présence d’éléments tirés non de l’histoire de Cléopâtre, mais du mythe de la femme fatale. Ainsi, dans une cinématique, la reine se dit prête à passer la nuit avec tout homme qui accepterait de se faire exécuter le lendemain matin (« I will sleep with anyone ! As long as they agree to be executed in the morning »).

C’est donc une référence à Pouchkine, à Gautier et à Sophia Loren en Cléopâtre ! Preuve que les fantasmes collent à la peau de la reine d’Égypte de manière presque indélébile.

Mort et orgasme de Cléopâtre

Dans la figure fantasmée de Cléopâtre se mêlent plaisir et cruauté, amour et mort. Si la reine élimine ses amants, elle finit aussi par se tuer elle-même. Son suicide connut un extraordinaire succès dans l’art de la fin du Moyen Age à nos jours.

Enluminure d’un manuscrit de Boccace, vers 1480. British library

La représentation de la mort de Cléopâtre est fortement érotisée, comme le montre une enluminure d’un manuscrit de Boccace (1313-1375), aujourd’hui à la British Library, à Londres. L’artiste a peint Cléopâtre en train de se faire mordre les tétons par deux serpents. C’est la première fois, autant qu’on puisse le savoir, que la morsure est ainsi déplacée au niveau des seins, alors que Plutarque écrit pourtant que la reine a été mordue au bras. Le but de l’artiste était de rendre ce suicide encore plus érotique.

Wikipedia
Cléopâtre se donnant la mort. Tableau de Claude Vignon, XVIIᵉ siècle, Musée des Beaux-Arts, Rennes.

Le serpent devient, par la même occasion, un symbole phallique entrant en contact avec la poitrine dénudée de la reine. On retrouve ce thème dans la peinture occidentale du XVIe jusqu’à la fin du XIXe siècle. La mort de Cléopâtre se confond avec un orgasme chez Guido Reni, Guido Cagnacci, Claude Vignon, Hans Makart, Reginald Arthur et bien d’autres encore. La reine paraît s’abandonner à l’ultime jouissance que lui procure le ou les reptiles phalliques qui lui dévorent les seins. Le venin mortel remplaçant le sperme, c’est un érotisme ambigu et sadique qui se dégage de ces œuvres.


À lire aussi : Les jeux érotiques de Salammbô et de son python fétiche


Dans son drame Antoine et Cléopâtre (1607), Shakespeare fait référence à la peinture de son époque : lorsque le paysan apporte à la reine le reptile, instrument de son suicide, il lance ironiquement : « Je vous souhaite beaucoup de plaisir avec le serpent » (« I wish you all joy of the worm »).

Érotisme nécrophile

Dans la seconde moitié du XIXe siècle, certains peintres préfèrent des compositions d’apparence moins troublée, mais tout aussi cruelles : ils montrent non l’instant très tendu qui précède la mort, mais la minute qui suit le suicide parfaitement orchestré.

La mort de Cléopâtre. Tableau de Jean-André Rixens, 1874. Musée des Augustins, Toulouse.

Il en résulte un érotisme nécrophile, comme sur le célèbre tableau de Jean-André Rixens, en 1874. On y voit le corps nu de la reine morte, très belle selon les canons de l’époque. Mais sa peau inerte est déjà d’une blancheur toute cadavérique qui contraste avec sa chevelure d’un noir intense. Dans un style orientaliste, alors en vogue en Europe, la reine prend la pose d’une odalisque défunte. Son cadavre érotique excite le désir du spectateur et voyeur, tout en le plongeant dans un monde lointain et fantasmé.

Cleopatra Varela

À l’extrême fin du XXe siècle, l’intérêt du grand public pour la figure de Cléopâtre fut relancé par un téléfilm en deux parties, réalisé par Franc Roddam, qui connut un large succès. Le rôle de la reine, toujours impeccablement fardée et vêtue de tenues égyptiennes dorées, assura à Leonor Varela une renommée internationale.

Leonor Varela en Cléopâtre, dans le téléfilm Cléopâtre, 1999. légende. YouTube

L’actrice offre une transposition filmique des Cléopâtre littéraires et picturales. Elle incarne une reine courageuse qui met fin à ses jours, au terme d’un face-à-face avec le serpent fatal, offrant une ultime scène d’érotisme aussi éclatant que trouble. Comme le paysan de Shakespeare, le spectateur se prend à souhaiter à Cléopâtre « beaucoup de plaisir avec le serpent » !


Christian-Georges Schwentzel est l’auteur de « Cléopâtre, la déesse-reine », aux éditions Payot.

Qu’est-ce que le régiment Azov, ce bataillon ultra-nationaliste devenu symbole du martyre de Marioupol ?

29 dimanche Mai 2022

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  1. Adrien NonjonDoctorant en Histoire , Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)

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Azov. Voilà plus de trois mois que ce nom résonne à travers le monde. Depuis le déclenchement de l’offensive russe en Ukraine sous couvert de « dénazification » de celle-ci, cette formation militaire rattachée à la Défense territoriale ukrainienne se trouve plus que jamais au centre de l’attention médiatique.

Considéré par les uns comme une organisation néo-nazie s’étant rendue coupable d’atrocités sur la ligne de front et par les autres comme un régiment héroïque, Azov est devenu, par la force des armes et des images, le symbole du siège de Marioupol et de son martyre.Guerre en Ukraine : Quel avenir pour les soldats ukrainiens d’Azovstal ? (20 Minutes, 21 mai 2022).

Loin de tomber dans les interprétations schématiques et les narratifs qui alimentent en continu la guerre de l’information que se livrent la Russie et l’Ukraine, nous proposons à travers cet article de revenir sur la généalogie de ce régiment et de lever ainsi le voile sur certaines ambiguïtés.

Aux origines d’Azov

L’histoire de ce qui allait devenir le régiment Azov débute fin février 2014, au lendemain de la révolution du Maïdan, et s’inscrit dans un contexte précaire marqué par une grande instabilité politique et militaire.

Dès le 27 février, souhaitant faire table rase d’un passé jugé autoritaire, la Rada ukrainienne vote la loi 4271, qui prévoit l’amnistie générale des prisonniers politiques de l’ancien président Viktor Ianoukovitch (élu en 2010, il a fui le pays durant la révolution du Maïdan). Parmi les amnistiés figurent un certain nombre de personnalités affiliées aux milieux paramilitaires et hooligans ukrainiens, dont Andriy Biletsky, né en 1979 et emprisonné depuis 2011 (officiellement pour agression armée ; pour des raisons politiques selon ses soutiens).

Évoluant depuis sa jeunesse dans les milieux d’ultra-droite de l’underground ukrainien, Biletsky est notamment connu pour avoir relancé en 2005 à Kharkiv le groupe paramilitaire « Patriote d’Ukraine », autour duquel s’agglomérèrent plusieurs formations radicales de droite, formant ainsi l’Assemblée sociale nationale.


À lire aussi : Les deux visages de l’extrême droite ukrainienne


Si l’extrême droite ukrainienne avait pu bénéficier, à l’exemple de l’Union pan-ukrainienne Liberté (Svoboda), de l’appui officieux du président Viktor Ianoukovitch dans l’optique de la présidentielle de 2014, lors de laquelle il entendait être candidat à sa propre succession, l’extrême droite non institutionnelle, telle que l’Assemblée sociale nationale, est paradoxalement combattue par ce même régime. Cette stratégie est comparable à celle employée par l’administration russe à partir de la fin des années 2000, qui visait à bâtir une opposition ultra-nationaliste d’inspiration néo-fasciste contrôlée, tout en s’attaquant, sous couvert d’antifascisme, aux éléments les plus subversifs.

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Représentant une force pour le moins marginale, principalement impliquée dans des affrontements de rue, le mouvement Patriote d’Ukraine cultive une idéologie xénophobe, racialiste et violente à l’encontre des non-Ukrainiens. Cet héritage suivra Andriy Biletsky tout au long de son parcours.

En 2012, Patriote d’Ukraine est démantelé par Ianoukovitch. Biletsky est derrière les barreaux et les autres dirigeants du mouvement ne participent pas à la révolution du Maïdan, qui voit d’autres mouvances radicales s’imposer comme Secteur Droit (Praviy Sektor).

En dépit de cette absence prolongée du champ politique ukrainien, une étape décisive sera franchie au printemps 2014 dans l’ascension de ce groupe. Affecté par une série d’insurrections prorusses à l’Est, le gouvernement provisoire peine, faute d’une armée suffisamment opérationnelle, à rétablir l’ordre. S’appuyant sur l’élan inédit de la société civile qui commence à former des bataillons de volontaires, le gouvernement accepte finalement que Biletsky, tout juste libéré de prison, et ses hommes assistent les forces de l’ordre. Il s’agit, pour Kiev, de capitaliser sur celles et ceux qui ont, de par leur passé militant, une expérience de la violence afin de l’employer dans un cadre régalien.

Rattaché au groupement oriental de Secteur Droit – qui constitue une galaxie de mouvements politiques et paramilitaires nationalistes de différentes orientations idéologiques –, le désormais nommé Corps Noir (nom choisi en réponse aux « petits hommes verts » russes mobilisés lors de l’annexion de la Crimée le 26 février 2014) sécurise entre le 1er mars et le 1er mai 2014 la ville de Kharkiv. Voyant les séparatistes du Donbass progresser au sud-est avec l’appui de la Russie, les combattants de Corps Noir déportent leurs efforts vers les rivages de la mer d’Azov, d’où ils reçoivent en grande partie leur armement.

Andryï Biletsky lors d’une cérémonie de prestation de serment des nouveaux combattants d’Azov, à Kiev, le 19 octobre 2014. Genya Savilov/AFP

Composé de 300 hommes, le bataillon s’autonomise et devient rapidement, par son expérience du terrain, l’une des meilleures unités de combat au sein de l’appareil défensif ukrainien. Il repousse contre toute attente les séparatistes hors de la ville portuaire de Marioupol. Le 5 mai 2014, dans la ville de Berdiansk, Corps Noir se transforme en « bataillon territorial d’auto-défense ». C’est à cette date qu’il prend le nom d’Azov, en référence à la mer du même nom mais aussi par simplicité comme le faisait remarquer Alex Kovzhun, l’un des managers de l’identité visuelle d’Azov : « Comme les Beatles, un nom simple et même ridicule est souvent plus facile à retenir. »

Une institutionnalisation synonyme de professionnalisation

Conformément aux premiers protocoles de Minsk signés le 5 septembre 2014, le gouvernement ukrainien impose aux différents bataillons de volontaires de se ranger sous ses drapeaux afin d’éviter toute subversion.

À la différence de Secteur Droit, qui privilégie une approche contre-insurrectionnelle spontanée et non étatique de type « Corps Francs », le bataillon Azov rejoint sans peine la nouvelle Garde nationale en tant que régiment placé sous commandement direct du ministère de l’Intérieur. Cette institutionnalisation affecte en profondeur l’identité initiale du groupe de combattants. Non seulement Azov doit désormais répondre à l’État, mais en plus ses actions sont encadrées par un statut disciplinaire très strict mettant l’accent sur le respect des droits humains et de la dignité, conformément au statut disciplinaire 551-XIV adopté par l’Ukraine en 1999.

Des recrues du bataillon Azov scandent des slogans lors d’une cérémonie à Kiev, le 14 août 2015. Sergei Supinsky/AFP

Dès lors, le régiment ouvre son recrutement. Se présentant comme une force ayant fait ses preuves sur le champ de bataille, il voit ses effectifs culminer avant février 2022 à environ 1 500 hommes.

Les profils retenus sont plus qu’hétérogènes et renvoient à la diversité du tissu qui compose la nation ukrainienne : ukrainophones, russophones (qui constituent d’ailleurs la majorité des effectifs), Grecs pontiques et même, à l’exemple de Vystup Mose, ancien commandant adjoint en 2015, de Juifs. Le « noyau dur » néo-nazi qui pouvait exister à sa création est dès lors affaibli au profit d’un « nationalisme patriote ».

Les succès militaires du régiment à Marioupol et Chirokino furent l’acte de baptême de cette nouvelle mystique bâtie autour de l’ambition, de la détermination et de l’autonomie des combattants, et ce dans le seul intérêt d’une nation en péril et non de sa présupposée « supériorité ». Ce message simple mais fort est destiné avant tout à la population ukrainienne ; il permet de faire d’Azov un régiment d’élite accepté par une partie de la population.

Au terme de cette ascension au sein de l’appareil défensif ukrainien, Azov se modernise tant du point de vue doctrinal que du matériel. Possédant sa propre colonne de blindés 300 BTR-80 et T-64B1M, le régiment tend progressivement vers les standards OTAN et construit un univers collectif conforme à sa vision élitiste. Dans l’optique de légitimer son existence, mais aussi ses actions auprès de la population, Azov s’emploie à se présenter comme un régiment intègre au mode de vie et aux valeurs exemplaires qui tranchent avec le reste des forces armées ukrainiennes.

Azov encadre également des camps d’entraînement militaire destinés aux enfants et adolescents. Ici à Kiev, en août 2015. Sergei Supinsky/AFP

Grâce à cela, les actions et les attitudes du régiment sont non seulement admises et détachées de son image fascisante initiale, mais servent aussi de vitrine pour le recrutement. La discipline est stricte, sans distinction de rang, et l’affichage d’un mode de vie sain, inspiré du straight edge punk (ni alcool, ni drogue, ni tabac), entend garantir l’efficacité sur le théâtre d’opération, mais aussi sa force de persuasion par rapport aux autres unités.

Une symbolique néo-païenne controversée

Contrairement aux autres formations militaires nationalistes comme Aïdar ou le bataillon Sainte-Marie, le régiment Azov n’est que peu imprégné du culte de l’Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN) et de ses figures tutélaires comme Stepan Bandera. Outre l’emploi de la prière des nationalistes ukrainiens rédigée dans les années 1930 par Osip Mashchak et le nom donné à son école de sous-officiers, « Yehen Konovalets » (fondateur de l’OUN), les traditions du régiment s’inscrivent dans un héritage beaucoup plus ancien.Vidéo mise en ligne par le régiment Azov en juillet 2017. À partir de 1’30, on assiste à un rituel païen.

Bien que la figure du Cosaque de l’ère moderne soit célébrée comme l’archétype du combattant ukrainien, Azov prend principalement comme modèle le Varègue de la Rous’ de Kiev païenne, qui est largement idéalisé et assimilé à la « physicalité » brute, à l’incarnation suprême de la puissance masculine et de son esprit de corps. Il s’agit ici d’un choix assumé que l’on retrouvait déjà chez les membres de Patriote d’Ukraine, pour qui le néo-paganisme slave renvoyait à une célébration de la nation et même de la race.

Dans ce processus de représentation de son identité, la culture du régiment semble répondre à des codes précis et idéalisés selon ce que nous désignons par « néo-paganisme guerrier ». Ainsi, les combattants n’hésitent pas à se mettre en scène autour de rites mystiques. Ils effectuent des marches aux flambeaux, arborant des boucliers vikings gravés de runes.Vidéo mise en ligne par le bataillon Azov le 23 septembre 2018, montrant une cérémonie funéraire aux rites païens.

Au travers de ces cérémonies apparues dès les premières pertes au combat essuyées par Azov, un véritable sentiment d’appartenance à une élite émerge chez ses membres, d’autant plus que ces cérémonies accentuent le caractère martial du régiment. Il n’est pas rare de voir aussi chez certains des combattants des pendentifs à l’effigie de Mjölnir, le marteau du dieu de la foudre Thor, ou même de les entendre parler de voyage vers « Valhalla », le paradis viking, pour évoquer leur mort prochaine sur le champ de bataille.

De surcroît, la référence au peuple varègue a permis à Azov de justifier certains choix esthétiques plus que controversés. Employé jusqu’à son incorporation à la Garde nationale fin 2014, avant d’être tout simplement effacé, le soleil noir, symbole ésotérique nazi popularisé par la SS, est en dépit de sa filiation considéré par beaucoup de combattants se revendiquant du néo-paganisme comme une variante nordique du Kolovrat symbolisant le soleil et sa rotation. Stylisé de façon runique, le Tryzub (trident) du parti Corps National (voir plus bas) suit cette même logique. Plus largement, le choix de tels éléments confirme en partie l’orientalisme des origines d’Azov, qui se situent au Donbass. Le peuple varègue a principalement occupé l’Est de l’Ukraine : raison de plus, aux yeux des membres d’Azov de faire de cette région l’épicentre des nouvelles représentatons du pays.

L’usage de la rune « croc de loup » Wolfsangel est tout aussi polémique. Si ce symbole remonte à l’époque médiévale et est encore utilisé sur certains blasons comme celui du quartier de Bornheim à Francfort, il fut arboré par la division SS Das Reich. Indépendamment de l’histoire et de ses tragédies, ce symbole est peu critiqué en Ukraine, où il signifie « I » et « N » pour Idée de la Nation, un slogan répandu au sein de l’extrême droite nationaliste, toutes tendances confondues.

Des combattants d’Azov durant une cérémonie précédant leur départ au front, Kiev, 3 janvier 2015. Sergei Supinsky/AFP

Bien que ces symboles confortent l’idée que l’extrême droite ukrainienne soit fascinée par le paganisme, leur utilisation au sein d’Azov reflète deux dynamiques. L’une interne au groupe : cette culture guerrière teintée d’imaginaire païen a pour principale fonction de renforcer les groupes de combattants, de créer un esprit de corps. Il s’agit ici d’une socialisation virile qui conforte la thèse de Benedict Anderson qui, dans son ouvrage Imaginated communities, présentait la plupart des forces nationalistes comme des entités construites sur un projet « mâle-hétéro » imaginé comme une « confrérie ».

L’autre est externe : elle participe à la valorisation d’un folklore combattant nationaliste qui jalonne le parcours initiatique de chaque individu. Celui-ci permet de mobiliser l’énergie intérieure de ses adeptes et de répondre à leur besoin d’identité. La violence et la mort sont implicitement réclamées, vécues et mises en valeur comme outils concrets pour relier le nationalisme contemporain avec ses héritages historiques et les désirs de dépassement.

Enfin, selon certaines déclarations de combattants recueillis par l’historien et politologue originaire du Donbass, Konstantin Batozsky, que nous avons rencontré, le choix de la symbolique néo-nazie ne serait que pure provocation à l’encontre des séparatistes du Donbass qui, de leur côté, surfent sur l’imagerie du totalitarisme soviétique. Bien que ces symboles furent utilisés dès le départ au sein de Patriote d’Ukraine, le régiment se défend aujourd’hui de toute réappropriation idéologique et symbolique de l’ancienne formation ultra-nationaliste. Il ne s’agirait donc pas, selon cette présentation des choses, d’un choix doctrinal mais d’un choix de circonstance visant à répondre au sectarisme des groupes ennemis.

Une socialisation combattante au service du politique

La mise sous tutelle directe du régiment Azov par le gouvernement ukrainien fut, comme nous l’avons vu, déterminante dans la mutation du régiment. Si elle a contribué à sa dépolitisation, elle n’a pas pour autant mis fin aux ambitions politiques des éléments les plus radicaux.

Des vétérans du régiment Azov assistent au premier congrès du parti Corps National, à Kiev, le vendredi 14 octobre 2016. Genya Savilov/AFP

Cherchant à capitaliser sur l’expérience et la légitimité du conflit, Andriy Biletsky quitte fin 2014 le commandement d’Azov au profit de la politique. Élu député au Parlement sur une liste composée de vétérans, il fonde en 2015, avec des anciens du régiment Azov, l’ONG Corps Civil. Cette organisation militante formera l’ossature du parti nationaliste-révolutionnaire Corps National, fondé le 14 octobre 2016, qui obtiendra 2 % des suffrages aux législatives de 2019.

Cette évolution relève d’une stratégie de transformation et de réinvestissement du capital militaire. La démarche ainsi décrite a valeur d’exemple : les membres du régiment aspirent à transcender leur combat de militaire en combat politique. C’est pour eux une façon de tirer bénéfice de leurs actes héroïques passés pour développer sur le terrain politique une véritable identité nationale ukrainienne née pendant la guerre et renouvelée par la guerre.

Andriy Biletsky et des militants de son parti Corps national manifestent devant la résidence présidentielle à Kiev pour dénoncer l’attitude jugée trop accommodante de Volodymyr Zelensky à l’égard de Vladimir Poutine, le 14 février 2020. Sergei Supinsky/AFP

Corps National étant une émanation politique d’Azov, et ses militants étant pour la plupart des vétérans revenus à la vie civile, il est normal que des relations existent avec le régiment. Pour autant, les deux entités sont distinctes et n’aspirent pas aux mêmes objectifs. Le parti vise à donner à celles et ceux qui souhaitent aller plus loin dans leur engagement une « voix » dans l’espace public.

Quel est l’impact des accusations de nazisme sur le régiment Azov ?

Depuis sa création, Azov fait l’objet de vives attaques de la part des organes de presse séparatistes (Donipress, FortRuss) et russes (Russia Today, Sputnik), avec plus ou moins de succès. S’il n’y a aucun doute que des éléments radicaux existent au sein du régiment et que le parti Corps National soit bel et bien un parti ultra-nationaliste situé à l’extrême droite de l’échiquier politique, l’impact de ces accusations et généralisations s’articule ici en deux temps.

D’une part, elles décrédibilisent l’État ukrainien, accusé d’employer des « bataillons néo-nazis » contre les populations du Donbass. La révolution de Maïdan est ainsi associée à un putsch ayant porté au pouvoir une junte fascisante.

D’autre part, elles incitent l’État ukrainien à renforcer sa tutelle sur Azov, afin, justement, d’éviter de donner prise à ces accusations d’indulgence envers le néo-nazisme et de rassurer ses partenaires étrangers qui avaient pu témoigner de leur inquiétude quant à ces formations paramilitaires ultranationalistes.

Pyrénées françaises : un cocktail toxique « impressionnant » détecté dans les lacs de montagne

28 samedi Mai 2022

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  1. Dirk S. SchmellerProfessor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier

Déclaration d’intérêts

Dirk S. Schmeller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Comparées aux plaines envahies par les humains, les montagnes sont un paradis. Un havre pour de nombreux touristes, pour notre cher bétail et bien sûr aussi pour nos animaux sauvages. De l’air pur, de l’eau propre, des paysages verts, des reliefs impressionnants et beaucoup de calme.

Ce paradis s’est toutefois fissuré. Le changement climatique a un impact particulièrement important sur ces hauteurs (comme dans l’Arctique et l’Antarctique) et dégrade les forêts.

L’augmentation de la température moyenne y est plus marquée qu’en plaine, tout comme les variations des précipitations – il y a parfois des sécheresses et parfois des inondations – ce qui contribue à la disparition de nos glaciers. De nouvelles études ont également montré que la pollution plastique avait atteint les montagnes que l’on pensait préservées.

En 2007, nous avons commencé à travailler dans les Pyrénées françaises (comme le documente Adeline Loyau dans ce livre sur notre travail).

À l’époque, et encore aujourd’hui, il s’agissait entre autres de comprendre pourquoi la chytridiomycose (voir ici ou ici, une maladie affectant les amphibiens, apparaissait dans certaines régions de montagne.

Lac Prat Matao dans le Massif du Mont Valier
Lac Prat Matao dans le Massif du Mont Valier. Dirk S. Schmeller/Damien Mayoussier, Author provided (no reuse)

Pourquoi tel lac est-il touché, et pas tel autre ? En 2014, nous avons réalisé une avancée importante après trois ans de travail d’équipe laborieux : nous avons pu démontrer que le zooplancton des lacs de montagne constitue une barrière biologique qui préserve l’habitat des amphibiens (étangs et lacs de montagne). Il les protège du dangereux champignon chytride Batrachochytrium dendrobatidis, à l’origine de la chytridiomycose.

Cependant, le zooplancton est très sensible aux changements environnementaux, en particulier dans les régions montagneuses, qui connaissent des conditions environnementales extrêmes et peuvent servir d’habitat à relativement peu d’espèces adaptées.Gestion des lacs de montagne.

Au cours de nos recherches, nous avons également pu observer certains changements très frappants : disparition des amphibiens, croissance des algues, variations de plus en plus importantes du niveau de l’eau, etc.

Nous avons lancé en 2016 le projet financé par le Belmont-Forum intitulé « People, pollution and pathogens » (personnes, pollution et agents pathogènes).

Objectif : regarder de plus près l’évolution des lacs de montagne. Outre l’étude de la dynamique du zooplancton, des bactéries et autres micro-organismes, il s’agissait également de mieux comprendre la pollution chimique de ces eaux.

Les Américains avaient déjà fait de nombreuses recherches à ce sujet, par exemple dans la Sierra Nevada il y a quelques années, mais les méthodes se sont améliorées depuis et les possibilités de détection vont jusqu’au nanogramme par litre. Cela signifie que les traces les plus infimes de substances chimiques peuvent désormais être décelées.

Pour analyse la pollution chimique, nous avons placé des échantillonneurs passifs dans huit lacs de montagne des Pyrénées françaises situés entre 1714 et 2400 m d’altitude. Les échantillonneurs passifs, constitués de plaquettes de silicone, simulent des corps gras d’animaux vivants et ont pour fonction d’accumuler des substances lipophiles (qui aiment les graisses). La plupart des 1500 molécules chimiques de pesticides et autres substances organiques (qui comportent de nombreux atomes de carbone) actuellement en circulation en Europe et dans le monde sont précisément lipophiles.

Nous sommes rendus trois fois par an pendant trois ans (2016–2018) dans chacun de nos lacs pour y effectuer une analyse non seulement spatiale, mais aussi temporelle de la pollution.

En laboratoire, il est actuellement possible de détecter 479 produits chimiques organiques, dont des polluants organiques persistants, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des pesticides anciens et actuels, des biocides et des parfums musqués.

Il était évident pour nous que nous allions trouver des substances chimiques dans nos lacs. Pourquoi seraient-ils épargnés alors que nous avons déjà pollué chimiquement des régions presque désertes de notre planète, comme l’Antarctique ? Cependant, nous avons été surpris par l’ampleur de cette pollution : nous avons découvert 141 molécules différentes dans nos huit lacs de montagne, dans les Pyrénées ariégeoises (deux lacs), le Néouvielle (trois lacs) et le Béarn (trois lacs).

Parmi elles, des fongicides, des herbicides, des insecticides, des pesticides difficilement dégradables, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des biphényles polychlorés et autres. Nous avons pu détecter entre 31 et 70 molécules différentes par lac. La plus grande diversité de molécules a été trouvée dans l’étang d’Ayes en Ariège.

Un cocktail chimique impressionnant dans les huit lacs dont découle une toxicité chronique pour les crustacés. Ces derniers sont une composante importante du zooplancton et leur abondance diminue à mesure que la toxicité augmente. Nos données montrent également une réduction de la diversité des rotifères, un deuxième groupe d’espèces constitutives du zooplancton, avec une toxicité croissante pour les algues.

Cette dernière provient principalement des herbicides détectés (par exemple, atrazine, terbuthylazine et autres). Nous supposons que certaines algues sont tuées par la pollution et que les rotifères spécialisés qui se nourrissent de ces algues disparaissent aussi localement. Il s’agit d’une hypothèse, qui doit être testée plus avant.

La pollution chimique des lacs de montagne entraîne une forte modification de la composition de la communauté zooplanctonique et donc du fonctionnement de ces écosystèmes. Cela pourrait être l’une des raisons pour lesquelles les algues prolifèrent dans certains de nos lacs, car les crustacés, une fois disparus, ne peuvent plus contrôler la croissance des algues vertes.

Petit lac en Ariège.

Ces changements ont également pour effet indirect d’affaiblir la population d’amphibiens. En effet, le zooplancton constitue une barrière biologique vis-à-vis du champignon chytride amphibie, responsable de la chytridiomycose. En d’autres termes, le zooplancton ne peut très probablement plus jouer son rôle de protecteur des amphibiens.

Il pourrait en être de même pour d’autres agents pathogènes et donc présenter un risque de santé pour l’homme et le bétail de pâturage. Nos échantillons seront étudiés plus avant dans cette direction.Nos lacs de montagne sont pollués.

Reste la question de savoir comment cette pollution s’est produite. La grande diversité des molécules est très probablement liée au transport atmosphérique : les produits chimiques utilisés en plaine sont soulevés dans l’air par évaporation. Ces masses d’air sont ensuite poussées vers les montagnes, et les substances chimiques qu’elles contiennent s’y déversent sous forme de précipitations.

Ces molécules se retrouvent alors dans les lacs de montagne et peuvent s’accumuler dans les organismes vivants, par exemple dans les poissons introduits, et bien sûr dans le zooplancton.

La toxicité élevée de certains de nos lacs de montagne est principalement causée par deux molécules, le diazinon et la perméthrine, des insecticides très actifs. Le diazinon est utilisé pour lutter contre les blattes, les poissons d’argent, les fourmis et les puces dans les habitations.

La perméthrine se trouve dans les produits de lutte contre les insectes suceurs, comme les moustiques ou les tiques et est utilisée pour protéger les chiens et le bétail. On en trouve aussi dans les insecticides pour les humains. Cela signifie que ces deux molécules ont très probablement été introduites dans les lacs par des sources locales (comme le bétail, les touristes, les chiens), et ce en quantité haute en concentration, sinon nous aurions eu du mal à les détecter dans les centaines d’hectolitres d’eau présents dans ces lacs.

Un changement radical de mentalité est nécessaire : il faut cesser d’utiliser ces insecticides. Seuls les produits chimiques que nous n’utilisons pas n’auront aucune influence sur notre environnement.

L’autonettoyage des lacs, qui est possible grâce à des processus biologiques et par la dilution, ne peut avoir lieu que si aucun nouveau polluant n’est introduit dans l’écosystème. Il existe déjà des alternatives végétales aux insecticides, comme du spray aux huiles végétales, ou des répulsifs comme la citronnelle.Lacs de Montagne.

Mais la question se pose également de savoir qui est responsable de la pollution et de la dégradation des lacs de montagne : les fabricants de ces produits ou les utilisateurs ? Les décideurs sont interpellés.


Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a soutenu près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 55 pays. Pour en savoir plus, consultez le site du Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AxaResearchFund.

Publié: 23 mai 2022, 21:56 CEST

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  1. Dirk S. SchmellerProfessor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier

Déclaration d’intérêts

Dirk S. Schmeller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Comparées aux plaines envahies par les humains, les montagnes sont un paradis. Un havre pour de nombreux touristes, pour notre cher bétail et bien sûr aussi pour nos animaux sauvages. De l’air pur, de l’eau propre, des paysages verts, des reliefs impressionnants et beaucoup de calme.

Ce paradis s’est toutefois fissuré. Le changement climatique a un impact particulièrement important sur ces hauteurs (comme dans l’Arctique et l’Antarctique) et dégrade les forêts.

L’augmentation de la température moyenne y est plus marquée qu’en plaine, tout comme les variations des précipitations – il y a parfois des sécheresses et parfois des inondations – ce qui contribue à la disparition de nos glaciers. De nouvelles études ont également montré que la pollution plastique avait atteint les montagnes que l’on pensait préservées.

En 2007, nous avons commencé à travailler dans les Pyrénées françaises (comme le documente Adeline Loyau dans ce livre sur notre travail).

À l’époque, et encore aujourd’hui, il s’agissait entre autres de comprendre pourquoi la chytridiomycose (voir ici ou ici, une maladie affectant les amphibiens, apparaissait dans certaines régions de montagne.

Lac Prat Matao dans le Massif du Mont Valier
Lac Prat Matao dans le Massif du Mont Valier. Dirk S. Schmeller/Damien Mayoussier, Author provided (no reuse)

Pourquoi tel lac est-il touché, et pas tel autre ? En 2014, nous avons réalisé une avancée importante après trois ans de travail d’équipe laborieux : nous avons pu démontrer que le zooplancton des lacs de montagne constitue une barrière biologique qui préserve l’habitat des amphibiens (étangs et lacs de montagne). Il les protège du dangereux champignon chytride Batrachochytrium dendrobatidis, à l’origine de la chytridiomycose.

Cependant, le zooplancton est très sensible aux changements environnementaux, en particulier dans les régions montagneuses, qui connaissent des conditions environnementales extrêmes et peuvent servir d’habitat à relativement peu d’espèces adaptées.Gestion des lacs de montagne.

Au cours de nos recherches, nous avons également pu observer certains changements très frappants : disparition des amphibiens, croissance des algues, variations de plus en plus importantes du niveau de l’eau, etc.

Nous avons lancé en 2016 le projet financé par le Belmont-Forum intitulé « People, pollution and pathogens » (personnes, pollution et agents pathogènes).

Objectif : regarder de plus près l’évolution des lacs de montagne. Outre l’étude de la dynamique du zooplancton, des bactéries et autres micro-organismes, il s’agissait également de mieux comprendre la pollution chimique de ces eaux.

Les Américains avaient déjà fait de nombreuses recherches à ce sujet, par exemple dans la Sierra Nevada il y a quelques années, mais les méthodes se sont améliorées depuis et les possibilités de détection vont jusqu’au nanogramme par litre. Cela signifie que les traces les plus infimes de substances chimiques peuvent désormais être décelées.

Pour analyse la pollution chimique, nous avons placé des échantillonneurs passifs dans huit lacs de montagne des Pyrénées françaises situés entre 1714 et 2400 m d’altitude. Les échantillonneurs passifs, constitués de plaquettes de silicone, simulent des corps gras d’animaux vivants et ont pour fonction d’accumuler des substances lipophiles (qui aiment les graisses). La plupart des 1500 molécules chimiques de pesticides et autres substances organiques (qui comportent de nombreux atomes de carbone) actuellement en circulation en Europe et dans le monde sont précisément lipophiles.

Nous sommes rendus trois fois par an pendant trois ans (2016–2018) dans chacun de nos lacs pour y effectuer une analyse non seulement spatiale, mais aussi temporelle de la pollution.

En laboratoire, il est actuellement possible de détecter 479 produits chimiques organiques, dont des polluants organiques persistants, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des pesticides anciens et actuels, des biocides et des parfums musqués.

Il était évident pour nous que nous allions trouver des substances chimiques dans nos lacs. Pourquoi seraient-ils épargnés alors que nous avons déjà pollué chimiquement des régions presque désertes de notre planète, comme l’Antarctique ? Cependant, nous avons été surpris par l’ampleur de cette pollution : nous avons découvert 141 molécules différentes dans nos huit lacs de montagne, dans les Pyrénées ariégeoises (deux lacs), le Néouvielle (trois lacs) et le Béarn (trois lacs).

Parmi elles, des fongicides, des herbicides, des insecticides, des pesticides difficilement dégradables, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des biphényles polychlorés et autres. Nous avons pu détecter entre 31 et 70 molécules différentes par lac. La plus grande diversité de molécules a été trouvée dans l’étang d’Ayes en Ariège.

Un cocktail chimique impressionnant dans les huit lacs dont découle une toxicité chronique pour les crustacés. Ces derniers sont une composante importante du zooplancton et leur abondance diminue à mesure que la toxicité augmente. Nos données montrent également une réduction de la diversité des rotifères, un deuxième groupe d’espèces constitutives du zooplancton, avec une toxicité croissante pour les algues.

Cette dernière provient principalement des herbicides détectés (par exemple, atrazine, terbuthylazine et autres). Nous supposons que certaines algues sont tuées par la pollution et que les rotifères spécialisés qui se nourrissent de ces algues disparaissent aussi localement. Il s’agit d’une hypothèse, qui doit être testée plus avant.

La pollution chimique des lacs de montagne entraîne une forte modification de la composition de la communauté zooplanctonique et donc du fonctionnement de ces écosystèmes. Cela pourrait être l’une des raisons pour lesquelles les algues prolifèrent dans certains de nos lacs, car les crustacés, une fois disparus, ne peuvent plus contrôler la croissance des algues vertes.

Petit lac en Ariège.

Ces changements ont également pour effet indirect d’affaiblir la population d’amphibiens. En effet, le zooplancton constitue une barrière biologique vis-à-vis du champignon chytride amphibie, responsable de la chytridiomycose. En d’autres termes, le zooplancton ne peut très probablement plus jouer son rôle de protecteur des amphibiens.

Il pourrait en être de même pour d’autres agents pathogènes et donc présenter un risque de santé pour l’homme et le bétail de pâturage. Nos échantillons seront étudiés plus avant dans cette direction.Nos lacs de montagne sont pollués.

Reste la question de savoir comment cette pollution s’est produite. La grande diversité des molécules est très probablement liée au transport atmosphérique : les produits chimiques utilisés en plaine sont soulevés dans l’air par évaporation. Ces masses d’air sont ensuite poussées vers les montagnes, et les substances chimiques qu’elles contiennent s’y déversent sous forme de précipitations.

Ces molécules se retrouvent alors dans les lacs de montagne et peuvent s’accumuler dans les organismes vivants, par exemple dans les poissons introduits, et bien sûr dans le zooplancton.

La toxicité élevée de certains de nos lacs de montagne est principalement causée par deux molécules, le diazinon et la perméthrine, des insecticides très actifs. Le diazinon est utilisé pour lutter contre les blattes, les poissons d’argent, les fourmis et les puces dans les habitations.

La perméthrine se trouve dans les produits de lutte contre les insectes suceurs, comme les moustiques ou les tiques et est utilisée pour protéger les chiens et le bétail. On en trouve aussi dans les insecticides pour les humains. Cela signifie que ces deux molécules ont très probablement été introduites dans les lacs par des sources locales (comme le bétail, les touristes, les chiens), et ce en quantité haute en concentration, sinon nous aurions eu du mal à les détecter dans les centaines d’hectolitres d’eau présents dans ces lacs.

Un changement radical de mentalité est nécessaire : il faut cesser d’utiliser ces insecticides. Seuls les produits chimiques que nous n’utilisons pas n’auront aucune influence sur notre environnement.

L’autonettoyage des lacs, qui est possible grâce à des processus biologiques et par la dilution, ne peut avoir lieu que si aucun nouveau polluant n’est introduit dans l’écosystème. Il existe déjà des alternatives végétales aux insecticides, comme du spray aux huiles végétales, ou des répulsifs comme la citronnelle.Lacs de Montagne.

Mais la question se pose également de savoir qui est responsable de la pollution et de la dégradation des lacs de montagne : les fabricants de ces produits ou les utilisateurs ? Les décideurs sont interpellés.


Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a soutenu près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 55 pays. Pour en savoir plus, consultez le site du Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AxaResearchFund.

Les candidats pro-RIC, favoris des « gilets jaunes »

27 vendredi Mai 2022

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auteurs

  1. Frédéric GonthierProfesseur de science politique, Sciences Po Grenoble
  2. Tristan GuerraDoctorant en science politique, Sciences Po Grenoble

Déclaration d’intérêts

Frédéric Gonthier a reçu des financements de l’ANR Les Gilets jaunes : approches pluridisciplinaires des mobilisations et politisations populaires (ANR-20-CE41-0010)

Tristan Guerra a reçu des financements de l’ANR Les Gilets jaunes : approches pluridisciplinaires des mobilisations et politisations populaires (ANR-20-CE41-0010).

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Des ‘gilets jaunes’ participent au ‘Convoi de la liberté’ devant le mémorial canadien de Vimy, le 13 février 2022. Thomas Lo Presti/ AFP

Le vote des « gilets jaunes » a souvent été catalogué comme un vote de rejet. Dans un article récent, nous nous appuyons sur une expérimentation conduite pendant le mouvement pour mettre en évidence que les considérations programmatiques, à commencer par le référendum d’initiative citoyenne (RIC), occupent la première place dans leurs logiques de vote.

Une littérature abondante s’est intéressée aux liens entre les caractéristiques des électrices et des électeurs et les caractéristiques des candidates ou candidats. Il a notamment été souligné que les citoyens préfèrent les candidats qui leur ressemblent. Ce principe de congruence (« voter-politican congruency ») se décline selon trois grandes dimensions : une dimension statutaire (on préfère un candidat proche par son profil social), une dimension idéologique (on préfère un candidat qui partage nos idées et valeurs politiques), et une dimension plus programmatique (on préfère un candidat qui défend nos revendications, sans être forcément de la même origine sociale, ou de la même couleur politique).

Pour autant, comment les électeurs arbitrent-ils entre ces trois conditions quand elles ne sont simultanément remplies par un même candidat. En situation de choix électoral contraint, est-ce qu’on va préférer un candidat qui nous ressemble politiquement à un candidat qui nous ressemble idéologiquement, ou qui nous ressemble programmatiquement plutôt qu’idéologiquement ?

Le mouvement des « gilets jaunes » constitue un cas d’étude particulièrement intéressant pour étudier ce type de dilemme. Outre les questionnements qui l’ont travaillé sur la légitimité et la nature de la représentation, le mouvement a en effet été traversé par une tension forte entre une exigence de congruence statutaire (un représentant issu du peuple), une exigence de congruence idéologique (un représentant qui rejette le système partisan et l’opposition gauche-droite) et une exigence de congruence politique (un représentant qui soutient les doléances exprimées par le mouvement).

Saisir les choix électoraux de façon réaliste

Pour mieux comprendre comment s’organisent les préférences électorales des « gilets jaunes », nous avons eu recours à une expérimentation conjointe, une méthode souvent utilisée en science politique pour approcher la réalité des arbitrages électoraux. L’expérimentation a été conduite dans le cadre d’une grande enquête en ligne, administrée auprès de 2 743 participants ou soutiens au mouvement entre décembre 2018 et mars 2019.

Concrètement, nous avons posé une question formulée ainsi :

« Dans le tableau suivant, les candidats A et B sont deux candidats qui sollicitent votre suffrage pour être élus à l’Assemblée nationale lors de prochaines élections législatives. Merci de lire la description de chacun des deux candidats, puis d’indiquer votre préférence entre ces deux candidats. Même si vous n’êtes pas entièrement sûr de vous, merci d’indiquer lequel d’entre les deux vous préférez. »

Une série de vignettes étaient ensuite présentées, sur lesquelles apparaissaient les différents traits testés et relevant respectivement de la personne du candidat, de son idéologie et des principales revendications portées par le mouvement des « gilets jaunes » (instaurer le référendum d’initiative citoyenne, augmenter le smic, rétablir l’ISF, réduire les taxes sur les carburants – à quoi a été ajoutée la limitation des flux migratoires qui a fait débat à l’intérieur du mouvement).

Le principe de l’expérimentation est que chaque répondant se voit proposer de choisir entre (trois) paires de candidats dont les attributs sont tirés aléatoirement (figure 1). Sur cette base, il est possible d’isoler statistiquement les effets propres de chaque attribut, tout en contrôlant les caractéristiques sociales et politiques des répondantes et répondants.

Figure 1. Exemple de vignette proposée et présentant une combinaison aléatoire de caractéristiques. F. Gonthier, T. Guerra, Fourni par l’auteur

« RIC en toutes matières »

La figure 2 montre le degré de soutien à chaque attribut, net du soutien aux autres traits testés. Trois grands résultats se dégagent. D’abord, le sexe, l’âge et le niveau de diplôme sont globalement peu clivants, à l’exception des candidats diplômés de grandes écoles qui sont largement rejetés. Ensuite, un candidat qui défend les revendications phares du mouvement tend à être préféré à un candidat enseignant, travailleur social ou ouvrier – plus proche donc du profil moyen des « gilets jaunes » en termes de profession. Ce type de candidat est également préféré à un candidat qui signalerait une forme de proximité idéologique avec le mouvement en affirmant que « la plupart des responsables politiques sont corrompus ».

Enfin, parmi les revendications, c’est celle du RIC est la plus fortement soutenue ; ce qui est cohérent avec la centralité gagnée progressivement par ce thème dans le mouvement. Des analyses supplémentaires montrent d’ailleurs qu’un candidat défendant le RIC sera préféré dans tous les cas de figures, quelles que soient donc ses autres caractéristiques. En clair, la préférence pour un candidat soutenant le RIC conditionne toutes leurs autres préférences.

Figure 2. Caractéristiques préférées d’un candidat aux yeux des « gilets jaunes ». Les coefficients à droite du seuil de 0,5 indiquent une probabilité de soutien plus marquée pour la caractéristique considérée, celles à gauche une probabilité de rejet plus prononcée. F. Gonthier, T. Guerra, Fourni par l’auteur

Les logiques de vote intègrent aussi des considérations programmatiques

Un grand nombre de commentateurs ont affirmé que le vote des « gilets jaunes » serait avant tout de type protestataire, prompt à céder aux appels populistes des leaders charismatiques. Nos résultats invitent à relativiser cette lecture. Loin d’être uniquement motivées par le rejet des élites, les logiques de vote intègrent aussi des considérations programmatiques, à commencer par le RIC. De ce point de vue, ils ne se distinguent pas des électeurs ordinaires, dont les chercheurs ont souligné qu’ils préféraient une représentation fondée sur des préférences politiques partagées (substantive representation) à une représentation fondée seulement sur des caractéristiques sociales partagées (descriptive representation).

Surtout, nos résultats éclairent les performances à l’élection présidentielle des candidats ayant le plus ouvertement soutenu le RIC – à savoir Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou encore Jean Lassalle dont le gain électoral conséquent au premier tour (666086 voix de plus qu’en 2017) tient sans doute en grande partie à la labellisation de son programme par les collectifs œuvrant pour la mise en place du RIC. Certes, le soutien affiché aux réformes démocratiques n’est pas suffisant à faire élire un candidat. Mais il a pour mérite de contribuer à dynamiser une campagne et ramener aux urnes un électorat populaire démobilisé mais sensible à l’enjeu de représentation démocratique.

Cet article a été co-publié dans le cadre du partenariat avec Poliverse créé par une équipe de chercheurs et qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle.

Comment la guerre en Ukraine fragilise le partenariat Russie-Israël

26 jeudi Mai 2022

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  1. Lina KennoucheDocteur en géopolitique, Université de Lorraine

Déclaration d’intérêts

Lina Kennouche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Retransmission à Tel-Aviv de l’adresse du président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Knesset, le 20 mars 2022. Jack Guez/AFP

 

Israël et la Russie ont bâti un partenariat qui peut être qualifié de pragmatique. Ces dernières années, la relation bilatérale a clairement suivi une tendance ascendante qui a culminé avec la signature d’un accord de coopération militaire et technologique en 2015.

La coopération s’est particulièrement matérialisée dans le cadre de la guerre en Syrie à travers un « mécanisme de déconfliction ». Ce dernier visait à empêcher les troupes israéliennes et russes de s’affronter sur le terrain et a permis à Tel-Aviv de mener la campagne aérienne « Operations beetween wars », prenant pour cible les positions de l’Iran et de ses alliés, sans être inquiété par Moscou.


À lire aussi : Les multiples conséquences du retrait américain du Moyen-Orient


En outre, la présence d’une importante diaspora russe en Israël, qui représenterait 15 % de la population, a permis aux deux pays de tisser un lien particulier. D’autant qu’Israël a longtemps été considéré comme l’Eldorado des oligarques russes, dont certains possèdent la nationalité israélienne à l’exemple de Roman Abramovitch, Mikhail Fridman, Petr Aven et Viktor Vekselberg, aujourd’hui ciblés par les sanctions internationales en raison de leurs liens supposés avec Vladimir Poutine.

Mais l’agression de l’Ukraine par la Russie a rebattu les cartes.

Un partenariat à rude épreuve

Israël a condamné sans ménagement l’invasion de l’Ukraine et accusé la Russie de commettre des crimes de guerre. Les tensions se sont traduites par une série de déclarations particulièrement critiques.

Dès le 27 février, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid a exigé qu’Israël refuse toute aide aux oligarques russes juifs visés par les sanctions internationales. Cette orientation s’est confirmée le 14 mars lorsqu’un haut diplomate israélien a déclaré que son pays s’efforcerait de contribuer à l’application des sanctions contre les oligarques russes.

Surtout, les relations ont été fortement mises à mal en mai dernier après un échange tendu entre le ministre des Affaires étrangères russe et son homologue israélien qui a frôlé la crise diplomatique. Les commentaires de Sergeï Lavrov lors d’une interview accordée à une chaîne de télévision italienne le 1er mai – laissant entendre que la judéité du président Zelensky ne l’empêchait pas de s’allier avec les nazis et établissant un parallèle avec Hitler qui, d’après le chef de la diplomatie, « avait peut-être du sang juif » – ont entraîné une réaction virulente des officiels israéliens.

Alors que le Kremlin associe quasi systématiquement les dirigeants ukrainiens au nazisme, ces manifestants de Tel-Aviv comparent au contraire Vladimir Poutine à Hitler et affirment qu’Israël se tient aux côtés de l’Ukraine. Jack Guez/AFP

Le premier ministre Naftali Bennett et le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid ont qualifié ces commentaires de « mensonges », « racistes » et « suintant l’antisémitisme ». En réponse, le ministère russe des Affaires étrangères s’est empressé d’accuser le gouvernement israélien actuel de soutenir « le régime néo-nazi » de Kiev. Selon des sources israéliennes reprises par la presse francophone, Poutine aurait présenté ses excuses à Israël mais cette information a été démentie par le Kremlin.

Ainsi, après avoir tenté un temps de jouer les médiateurs entre la Russie et l’Ukraine pour préserver l’entente en Syrie, Tel-Aviv a abandonné cette posture prudente, ralliant la stratégie de condamnation et d’isolement de la Russie adoptée par la plupart des pays occidentaux.

« L’Occident contre le reste du monde »

La guerre en Ukraine révèle donc aujourd’hui deux tendances profondes :

D’un coté, il n’y pas eu de mobilisation unanime des alliés et partenaires stratégiques des puissances occidentales pour isoler la Russie, ce qui révèle le fossé grandissant entre l’Occident et le reste du monde. Comme l’écrit la spécialiste de la Russie Angela Stent dans un article intitulé « The West vs. the Rest » dans Foreign Policy, le président russe a eu raison sur un point : « “le reste” – le monde non occidental – ne condamnerait pas la Russie et ne lui imposerait pas de sanctions. Le jour où la guerre a éclaté, le président américain Joe Biden a déclaré que l’Occident ferait en sorte que Poutine devienne un “paria sur la scène internationale” – mais pour une grande partie du monde, Poutine n’est pas un paria ».

À cet égard, l’attitude de l’Inde, considérée comme un pays démocratique, partenaire stratégique des États-Unis et membre du QUAD, est révélatrice de la polarisation « The West versus The Rest ». Au-delà des intérêts économiques et commerciaux qui unissent l’Inde à la Russie, la « doctrine Jaishankar » (du nom du ministre indien des Affaires étrangères qui a développé une rhétorique critique à l’égard des puissances occidentales) est empreinte d’une vision idéologique considérant le clivage entre l’Occident et l’Orient comme structurant.

Lors d’un discours prononcé le 1er octobre 2019 devant le think tank Atlantic Council – auquel fait référence le magazine international The Dipomat en le replaçant dans le contexte de la guerre d’Ukraine –, Jaishankar a rappelé les « deux siècles d’humiliation nationale » au cours desquels « “l’Occident” a soutiré à l’Inde quelque “45 000 milliards de dollars” en valeur (tout en soumettant la Chine à un seul siècle d’humiliation nationale). Dans cette formulation, les États-Unis font définitivement partie de “l’Occident” et l’Inde de “l’Orient ».Guerre en Ukraine : le double jeu de l’Inde – Le Dessous des cartes – L’Essentiel | Arte, 5 mai 2022.

L’Inde s’est abstenue lors des votes successifs au Conseil de sécurité, à l’Assemblée générale et au Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui ont condamné l’invasion russe de l’Ukraine, s’accrochant fermement à une position de neutralité. New Delhi et Moscou œuvreraient également à la mise en place d’un mécanisme de paiement dans leurs monnaies nationales respectives pour contourner les sanctions occidentales contre les banques russes.

D’un autre côté, la guerre en Ukraine a permis l’unification politique des puissances occidentales, Israël faisant partie intégrante de ce bloc. Tel-Aviv se trouve, en effet, dans l’incapacité de se placer en dehors du consensus atlantique pour affirmer à l’instar de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du sud ou encore de l’Arabie saoudite et des Émirats son autonomie stratégique et cela pour plusieurs raisons.

Une alliance organique qui influe sur les choix politiques

Contrairement, aux autres pays, Israël n’est pas un allié stratégique mais organique des puissances occidentales et, dans la représentation israélienne dominante, sa survie dépend de ce soutien indéfectible.

La construction par Israël d’une menace existentielle – historiquement incarnée par les pays arabes, aujourd’hui par l’Iran et ses alliés – explique sa crainte qu’un acteur, dans son environnement immédiat, puisse acquérir des moyens militaires franchissant un seuil qualitatif. Le maintien de la supériorité militaire qualitative d’Israël (« Qualitative Military Edge ») a toujours été garanti par les États-Unis. Dans le cadre du protocole d’entente décennal pour la période 2019 à 2028, Washington a attribué à Israël une aide militaire de 38 milliards de dollars. Au seul titre de l’année 2022, l’administration Biden a demandé 3,3 milliards de dollars de subventions pour le financement militaire étranger d’Israël et 500 millions de dollars d’aide à la défense antimissile.États-Unis-Israël : en rencontrant Joe Biden, Naftali Bennett veut un nouvel élan • FRANCE 24, 26 août 2021.

Mais Tel-Aviv n’est pas seulement tributaire de l’aide américaine qui l’empêcherait de se positionner de manière indépendante des États-Unis. En effet, cette alliance organique renvoie aussi à une communauté de vision stratégique.

Une représentation partagée des défis stratégiques

Le rapport « Russia in the Middle East : National Security Challenges for the United States and Israel in the Biden Era » élaboré en 2021 par un groupe de travail réunissant à la fois des intellectuels et d’anciens militaires américains et israéliens traduit une représentation partagée du rôle de la Russie et définit les priorités d’une approche stratégique conjointe. On y trouve notamment ce passage :

« Les États-Unis et Israël devraient élever la Russie au rang de priorité stratégique dans leurs relations bilatérales et accroître la consultation et la coordination officielles pour contenir les défis que la Russie pose aux deux pays, au Moyen-Orient et dans les domaines cybernétique et technologique ».

La guerre en Ukraine a mécaniquement renforcé le fossé qui existe entre Israël, arrimé à l’Occident, et la Russie, les deux n’ayant jamais été des alliés stratégiques mais de simples partenaires pragmatiques. Si la convergence en Syrie n’est pas remise en cause à l’heure actuelle, elle demeure suspendue au devenir d’une relation bilatérale qui s’est fortement détériorée.

La guerre en Ukraine offre donc un point d’observation privilégié des transformations en cours de l’ordre international. Elle cristallise les divergences entre, d’une part, un camp occidental réunifié qui entend accroître le coût politique et économique de l’intervention militaire en Ukraine en mettant à genoux la Russie et en envoyant un signal fort à la Chine, et d’autre part les pays qui, guidés par la défense de leurs intérêts économiques et géopolitiques, cherchent à affirmer leur autonomie stratégique.

L’élite « de l’anti-élitisme », un paradoxe français

25 mercredi Mai 2022

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  1. William GenieysDirecteur de recherche CNRS au CEE, Sciences Po
  2. Mohammad-Saïd DarvicheMaître de conférences, Université de Montpellier

Déclaration d’intérêts

Mohammad-Saïd Darviche est membre de l’Association française de science politique.

William Genieys ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Photo des affiches des candidats prise le 6 avril 2022 à Marseille an amont du premier tour de l’élection présidentielle. Nicolas Tucat / AFP

Les résultats de l’élection présidentielle ont amené de nombreux observateurs à penser que la France serait divisée en trois pôles : un centre de gouvernement, une droite regroupant ses courants conservateurs et extrémistes et une gauche majoritairement ralliée à son pôle radical.

Les variables de la sociologie électorale, l’abstentionnisme, le clivage entre générations ou modes de vie expliquent qu’il ne s’agit pas d’une simple répétition du scénario de 2017. En effet, la crise des « gilets jaunes » et celle du Covid-19 ont accentué le sentiment de « détestation » des hommes et des femmes politiques représentant les partis de gouvernement. Emmanuel Macron incarne particulièrement bien cette détestation.

Vers un alignement des discours contre les « élites » ?

Peu parmi ces analystes ont cependant souligné la victoire sans précédent des candidatures se revendiquant comme anti-élitiste.

Le terme « élite » vient du verbe eligere (« choisir »), terme latin en usage en France dès le XIIe siècle. À l’époque contemporaine, « élite » et « élitisme » désignent dans la communauté des hommes un certain nombre de personnes « élues » destinées à diriger les non-« élues » en y associant la notion de mérite. Par opposition à l’aristocratisme, l’élitisme a une connotation sociale et politique positive. L’anti-élitisme est une critique radicale de cette conception. Aujourd’hui appliqué à la vie politique, il se traduit par une remise en question du caractère « méritocratique » de la compétence donc la légitimité des élites de la démocratie représentative.

Nous qualifions ainsi les candidats ayant mobilisé durant la campagne la rhétorique de l’anti-élitisme. L’extrême droite, Éric Zemmour, Marine Le Pen, la droite souverainiste, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle mais aussi les candidats de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou ou encore Nathalie Artaud ont vilipendé le pouvoir de « l’oligarchie », des « puissants », de la « finance », de la « caste », de « ceux d’en haut », etc.

Les candidats ayant mobilisée cette rhétorique au premier tour des élections présidentielles entre 2012 et 2022 ont obtenu un nombre de voix en constante progression : 33 % en 2012 ; 49,8 % : 2017 ; 61,1 % en 2022. Si on ne peut pas vraiment faire de lien de causalité entre cette rhétorique et ces scores, on peut supposer que cette rhétorique n’a pas choqué les électeurs au point de les dissuader de porter leur voix sur ces candidats.

Une rhétorique contre la démocratie représentative

Cette rhétorique anti-élitiste – relayée par les leaders populistes depuis plus d’une décennie – transcende le clivage droite-gauche.

Comme souligne Jacques Julliard le mouvement social de 1995 a été le moment historique qui a fait de la rhétorique anti-élitiste « l’un des topos obligatoires du discours politique ». Il n’a cessé depuis de devenir central pour les styles discursifs les plus radicaux de droite mais aussi de plus en plus de gauche, en particulier de La France insoumise. Gérald Bronner rappelle que même des professionnels de la politique pourtant plus modérés ne rechignent pas à faire usage de cette figure de la « démagogie cognitive ». Chacun se souviendra du « mon adversaire c’est le monde de la finance ! » lancé par François Hollande lors de la campagne électorale de 2012. Dans ce contexte, les arguments rationnels perdent droit de cité puisque même ceux qui doivent les porter s’en débarrassent au nom de la rentabilité électorale.

Dans cette perspective, l’oligarchie « des riches, la caste des politiciens » et les technocrates de « l’État profond (français ou bruxellois) » doivent partir. Cet appel à se débarrasser de l’élite est consubstantiel à la division du monde entre le (bon) peuple et la (méchante) élite. Le bien ne doit-il pas naturellement chasser le mal. Relevant habituellement du bagage conceptuel de l’extrême droite, cette réduction du combat politique à des catégories religieuses a aussi été théorisée par la gauche dite « radicale ».

La philosophe Chantal Mouffe appelle, ainsi, à la répudiation de la raison, fondement de la démocratie libérale, au profit de l’« énergie libidinale ». Elle propose de « mobiliser » cette énergie « malléable » contre l’oligarchie afin de « construire » le « peuple ». Dans cette perspective, les émotions et les affects devront se traduire par le rejet, comme le suggère le député François Ruffin, « physique et viscéral » de l’élite.

De surcroît, l’anti-élitisme est présenté comme discours politique permettant de « sauver » la démocratie. Pour ses promoteurs, l’élitisme contemporain contrarierait l’imaginaire égalitaire et occulterait les grands projets d’émancipation au profit de la mondialisation néolibérale.

La mobilisation du déclin des « grands récits »

Cet anti-élitisme puise sa force dans un contexte de déclin des « grands récits » (libéralisme, socialisme, etc.) et est aujourd’hui aisément récupéré par les tenants d’une critique de la démocratie représentative. Ce carburant idéologique des mouvements sociaux étêtés, tels que celui des « gilets jaunes », permet de mobiliser un électorat toujours plus large autour d’un prétendu clivage entre « bloc élitaire » et « bloc populaire ».

Le raisonnement de ces pourfendeurs de « l’oligarchie » repose sur une « terrible simplification » : le mythe de l’existence d’une élite « Consciente, Cohérente et Conspirante » (modèle de « 3 C ») critiqué par James Meisel en raison de la déformation de la théorie de la classe dirigeante de Gaetano Mosca. En effet, ce raccourci facilite l’association de tout type de médiation élitaire avec les théories complotistes.

Dans la stratégie discursive populiste, l’idée d’une élite unifiée maximisant ses intérêts concurrence fortement celle – plus en cohérence avec le pluralisme démocratique – d’une multiplicité de groupes élitaires en compétition pour le pouvoir politique, religieux social et économique.

Aux États-Unis, depuis l’administration de Georges Bush jr., des travaux ont évoqué le rôle d’une « élite de l’ombre » (shadow elite) qui aurait favorisé la deuxième guerre du Golfe. Toutefois, la démonstration de l’interpénétration des réseaux néoconservateurs et l’administration des affaires étrangères, repose sur un travail dont la scientificité est discutable. Une recherche, plus solide empiriquement, a ainsi démontré que, dans le cas de la réforme de l’assurance maladie, les groupes d’intérêts (big pharma, compagnies d’assurance, etc.) n’ont pas joué un tel rôle auprès de l’administration Obama. Pourtant, malgré le déficit de preuve, le mythe d’une élite omnipotente influençant l’ensemble des décisions démocratiques persiste. Dans un contexte de crise de confiance à l’égard des gouvernants, il renforce la croyance dans l’antiélitisme.

L’élite de l’anti-élitisme : une autre oligarchie ?

En poussant ce raisonnement sociologique, on pourrait établir que certains leaders mobilisant la rhétorique antiélitiste forment aussi une élite. Le diplomate britannique et ancien ministre conservateur, Georges Walden, la naissance d’une « caste supérieure de l’élite anti-élite » (upper-caste elite of anti-elitists) composée d’individus issus de milieux sociaux très privilégiés à l’image des premiers ministres David Cameron et de Boris Johnson. Tous deux issus sont les produits du cursus élitiste Eton-Oxford.

En France, l’élite anti-élite se caractérise par son profil de professionnel de la politique. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en constituent des exemples emblématiques comme le montrent leur carrière et leur leadership partisan. La première est une « héritière politique » entrée dans la carrière dès l’âge de 18 ans, avant de gravir tous les échelons du Front national avant de se présenter aux élections présidentielles depuis 2012. Le second est un « produit de la méritocratie » à la française, obtenant son CAPES en lettres modernes et intégrant en même temps le Parti socialiste en 1976.

Il a cumulé au cours de sa longue carrière politique les fonctions électives entre autres de député, de sénateur, de député européen et la fonction exécutive de ministre délégué à l’enseignement professionnel (2000-2002). Depuis la création de son propre parti (Le Parti de Gauche en 2008 devenu en 2016 la France insoumise), il s’est lui aussi présenté à trois reprises aux élections présidentielles. Par ailleurs, tous deux ont imposé un leadership incontesté sur leur parti politique comme en témoignent leur réélection continue à la direction. Cette main de fer sur l’organisation illustre la loi d’airain de l’oligarchie chère à Roberto Michels.

Les critères de la sociologie des élites, à savoir l’origine sociale, la formation, la trajectoire professionnelle, la durée de la carrière politique, cumul et le type des mandats, montrent, sans surprise, le peu de distance les séparant de celles et ceux qu’ils dénoncent.

Ce que vos yeux révèlent de votre santé

24 mardi Mai 2022

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  1. Barbara PierscionekProfessor and Deputy Dean, Research and Innovation, Anglia Ruskin University

Déclaration d’intérêts

Barbara Pierscionek a reçu des financements de l’UE (Centre de formation doctorale Marie-Skłodowska-Curie) et de Rayners (subvention de conseil). Elle a été financée par l’EPSRC, Fight for Sight (organisation caritative) et Essilor International (industrie).

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L’université de Californie, à San Diego, vient de développer une application pour smartphone capable, immédiatement et simplement, de détecter les signes précoces de plusieurs troubles neurologiques, dont la maladie d’Alzheimer. Comment ? Via la caméra du téléphone, capable de suivre les changements de taille des pupilles d’une personne à un niveau de résolution inférieur au millimètre. L’analyse de ces mesures peut ensuite être utilisée pour évaluer son état cognitif.

L’idée n’est pas nouvelle et, à mesure que les technologies évoluent, les yeux se révéleront toujours plus pertinents pour diagnostiquer un large panel de maladies. En effet, de par leur transparence partielle, ils demandent des méthodes d’examen beaucoup moins invasives que les autres parties du corps.

Sans aucune technologie, en vous regardant juste dans les yeux (ou vos proches), vous pouvez vous-mêmes détecter un certain nombre de problèmes de santé bénins – mais pas que. Voici les exemples concrets de quelques caractéristiques que vous pouvez analyser.

Anomalie de dilatation de la pupille

La pupille, ce « trou noir » au cœur de notre œil, réagit instantanément à la lumière grâce à l’iris (partie colorée, composée de fibres musculaires) qui est capable de se contracter ou se dilater tel un diaphragme d’appareil photo.

Gif montrant la contraction-dilatation d’une pupille sous l’effet d’une variation de la luminosité
Le réflexe pupillaire permet de tester rapidement la présence de certaines lésions nerveuses. Greyson Orlando

Elle s’adapte en devenant plus petite dans les environnements lumineux et plus grande dans une ambiance plus sombre. Ce réflexe pupillaire (ou photomoteur) est couramment vérifié par les professionnels de santé.

Une réponse lente ou tardive de la taille de la pupille peut être le signe de plusieurs maladies, notamment de maladies graves comme la maladie d’Alzheimer, ainsi que de l’effet de médicaments et de la consommation de drogues. Les pupilles dilatées sont courantes chez les personnes qui consomment des drogues stimulantes, comme la cocaïne et les amphétamines. Des pupilles très petites peuvent être observées chez les consommateurs d’héroïne.

Couleur du « blanc de l’œil »

Un changement de couleur de la sclérotique (le « blanc des yeux ») indique que quelque chose ne va pas…

Un œil rouge et injecté de sang peut, par exemple, être déclenché par un abus d’alcool ou de drogues. Il peut également être causé par une irritation ou une infection qui, dans la plupart des cas, disparaît en quelques jours.

Si le changement de couleur est persistant, il peut signaler une infection plus grave, une inflammation ou une réaction aux lentilles de contact ou à leurs solutions. Dans les cas extrêmes, un œil rouge indique un glaucome, une atteinte qui peut conduire à la cécité.

Différence entre un œil normal et avec un début de jaunisse
Le jaunissement du blanc de l’œil est le signe d’une atteinte du foie (en bas, œil normal, en haut, « jaunisse »). sruilk/Shutterstock

La sclérotique devenant jaune est le signe le plus évident d’une jaunisse (ictère) ou d’une autre atteinte du foie. Les causes sous-jacentes sont très variables, et ce jaunissement de la peau et de l’œil est dû à un excès de bilirubine (pigment jaune) dans le sang lorsqu’elle ne peut plus être excrétée normalement par le foie. Elles comprennent l’inflammation de cet organe (hépatite), les maladies génétiques ou auto-immunes, ainsi que certains médicaments, virus ou tumeurs.

Hémorragie oculaire

Une petite tache rouge dans le blanc de l’œil, témoin d’une hémorragie sous-conjonctivale – ou d’un petit vaisseau sanguin qui a « claqué » localement – peut effrayer. La plupart du temps, il n’y a pas de raison de s’inquiéter : les causes sont rarement claires à ce phénomène et l’hémorragie disparaît généralement en quelques jours.

Cependant, elle peut également être l’indication d’une hypertension artérielle, d’un diabète et de troubles de la coagulation sanguine qui provoquent des saignements excessifs. Les médicaments anticoagulants comme l’aspirine peuvent également en être la cause. Aussi, si ce problème est fréquent, cela peut suggérer que vous devez limiter votre consommation de ces médicaments, ou au moins en revoir le dosage.

Gros plan sur les yeux d’un jeune homme, dont l’œil gauche est rougi
L’éclatement d’un petit vaisseau sanguin dans le blanc de l’œil peut être impressionnant, mais c’est le plus souvent sans conséquence. Zay Nyi Nyi/Shutterstock

Apparition d’un arc clair

C’est une caractéristique commune passé un certain âge, d’où son nom scientifique d’arcus senilis (ou arc sénile de la cornée, gérontoxon) : un « arc » plus clair, parfois presque blanc, peut se former en périphérie de la cornée.

Il est dû à un dépôt de cholestérol… mais n’est pas forcément le signe d’une hypercholestérolémie, et il ne diminue pas l’acuité visuelle. Dans certains cas toutefois, il peut effectivement être lié à un taux de cholestérol élevé et à un risque accru de maladie cardiaque. Il peut également révéler un alcoolisme.

Œil avec un arc clair en bordure de cornée
L’« Arcus senilis » devient fréquent au-delà de 50 ans. Arztsamui/Shutterstock

Développement d’une petite bosse graisseuse

Parfois, les caractéristiques les plus alarmantes qui peuvent apparaître sur les yeux sont en fait les plus bénignes et les plus faciles à traiter.

Une petite bosse kystique jaunâtre peut apparaître sur le blanc de l’œil : il s’agit d’un pinguécula, un dépôt de graisse et de protéines. Cette petite lésion (qui peut être causée par une exposition à des poussières, etc.) peut être accompagnée d’une légère inflammation et d’une irritation. N’entraînant pas de gêne visuelle, elle ne demande pas forcément de traitement. Mais si l’inflammation s’installe, elle peut être facilement soignée par des gouttes ophtalmiques ou retirée par une petite opération.

Le ptérygion (ou ptérygie) vient lui aussi au niveau de la sclérotique, mais l’impact n’est pas le même. Il s’agit cette fois d’une excroissance rosâtre évolutive qui vient recouvrir le blanc de l’œil ; il ne constitue pas un danger pour la vue tant qu’il ne commence pas à empiéter sur la cornée.

Heureusement, son développement est très lent. Et comme la pinguécula, il peut être facilement enlevé. En fait, il doit être retiré bien avant d’atteindre la cornée. Si on le laisse s’installer, le ptérygion formera un « film » opaque sur la cornée qui obstruera la vision. L’un des principaux facteurs à l’origine du ptérygion (comme pour la pinguécula) serait l’exposition chronique aux rayons ultraviolets du soleil.

Œil avec un pinguécula
Cette petite bosse sur la cornée est anodine. sruilk/Shutterstock

Des yeux qui deviennent plus globuleux

C’est un trait du visage : les yeux peuvent être plus ou moins enfoncés, écartés… Certains ont ainsi des yeux plus exorbités que d’autres. Mais parfois ce trait évolue et on constate une tendance des yeux à se projeter vers l’avant (on parle d’exophtalmie). L’œil parait « grossir », ce qui est notamment dû à une augmentation des muscles oculaires ; si le phénomène s’accentue, une gêne visuelle est possible, avec douleur, mauvaise hydratation du globe, etc.

Un jeune homme présente deux yeux globuleux
Avoir les yeux globuleux n’est problématique qu’en cas d’évolution de ce trait. Garna Zarina/Shutterstock

La cause peut être médicale et demander une attention particulière. Il peut s’agir de la conséquence d’une infection (cause la plus fréquente chez les enfants), d’une blessure, d’une inflammation (liée à une mycose, un abcès…), d’une tumeur derrière l’œil (très rare), etc. Mais l’origine la plus courante est un problème au niveau de la glande thyroïde (80 % de ces cas thyroïdiens découlent d’une hyperthyroïdie), qui déclenche une inflammation des tissus oculaires et provoque leur gonflement. Elle touche alors les deux yeux.

Ce que disent les paupières

Les paupières peuvent également indiquer de nombreuses maladies. Celles-ci sont généralement liées à des affections mineures des glandes qui leur sont associées.

L’orgelet est par exemple une infection courante et sans conséquence de la base d’un cil par des bactéries, qui provoque un gonflement et un rougissement localisé. Il disparaît généralement de lui-même ou avec des compresses chaudes ; en cas de persistance, il peut être retiré par une procédure simple. Le chalazion, qui se présente sous la forme d’une bosse rouge sur la paupière supérieure et, plus rarement, sur la paupière inférieure, est dû à l’obstruction d’une glande sébacée.

Les spasmes et contractions involontaires de la paupière (myokymie) va irriter, gêner – mais dans la plupart des cas, le phénomène est parfaitement inoffensif et est plus désagréable que dangereux. Il peut être liée au stress, à un déséquilibre nutritionnel ou à une consommation excessive de caféine

Spectre de l’autisme : quand il est plus facile de lire les émotions chez les animaux que chez les humains

23 lundi Mai 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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Spectre de l’autisme : quand il est plus facile de lire les émotions chez les animaux que chez les humains

Publié: 16 mai 2022, 21:59 CEST

auteurs

  1. Aurélien MirallesEnseignant-chercheur en systématique animale, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
  2. Marine GrandgeorgeEthologie, Relation Homme – Animal, Médiation Animale, Développement typique et atypique, Université de Rennes 1
  3. Michel RaymondDirecteur de recherche au CNRS, responsable de l’équipe d’Anthropologie Evolutive de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier, IAE Montpellier

Déclaration d’intérêts

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

Partenaires

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Université de Rennes 1, Muséum National d’Histoire Naturelle, IAE Montpellier, Regroupement UniR et IAE France fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR.

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Regards d’un homme et de singes. Author provided

 

Publiée à la mi-avril, une étude que nous avons menée a produit de nouveaux éléments d’appréciation quant à la façon dont les personnes atteintes du spectre de l’autisme lisent les émotions.

Selon notre travail, les difficultés qu’auraient ces personnes à interpréter les émotions d’autrui se limiteraient essentiellement aux situations interhumaines, et épargneraient celles impliquant tous les autres êtres vivants. Elles n’éprouveraient, en effet, pas de problème particulier à communiquer émotionnellement avec les animaux.

Qu’est-ce que l’étude de nos perceptions à l’égard du Vivant peut nous apprendre des mécanismes de l’empathie humaine et des troubles cognitifs qui y sont associés ?

Comment pouvons-nous en tirer profit afin de mieux accompagner ou mieux comprendre le spectre de l’autisme ?

L’empathie, une clé pour déchiffrer les émotions d’autrui

En dépit de nombreuses définitions et d’un large éventail de notions associées à ce concept nébuleux (empathie affective, compassion, théorie de l’esprit, contagion émotionnelle…), l’empathie désigne globalement notre capacité à percevoir et à déduire intuitivement, par effet miroir, les émotions et les états mentaux d’autrui. Comme toutes les propriétés neurocognitives des êtres humains, nos facultés empathiques résultent de l’évolution de notre espèce, et nos prédispositions à l’empathie sont en partie déterminées par nos gènes.L’empathie émotionnelle des autistes resterait intacte vis-à-vis des animaux, êtres humains exceptés.

À la base de toute communication émotionnelle et de la prosocialité humaine (ensemble des comportements sociaux orientés vers le bénéfice d’autrui), l’empathie est en quelque sorte assimilable à la clé de voûte cognitive du « vivre-ensemble ». Ses mécanismes sont complexes, encore mal compris, et font l’objet d’une recherche dynamique en sciences cognitives.

Troubles des facultés empathiques et rapport aux autres espèces

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA, tels que l’autisme typique ou le syndrome d’Asperger) désignent une famille de troubles neurodéveloppementaux plus ou moins prononcés, entre autres caractérisés par des facultés empathiques diminuées. Nombre de personnes avec TSA éprouvent ainsi des difficultés à comprendre intuitivement les états émotionnels d’autrui, ou à percevoir les non-dits au cours d’une discussion. Ces facultés empathiques atypiques sont à l’origine de difficultés en termes d’insertion sociale, et peuvent impacter négativement la qualité de vie des personnes concernées.

Cependant, en dépit des difficultés relationnelles qu’elles peuvent rencontrer, diverses études suggèrent que les personnes avec TSA n’éprouveraient paradoxalement pas de difficultés particulières à communiquer émotionnellement avec les animaux : elles peuvent nouer de forts liens affectifs avec leurs compagnons à quatre pattes et semblent plus à même de rechercher et traiter des indices émotionnels sur les visages animaux que sur ceux humains. Comment expliquer ce phénomène ?

Dimension émotionnelle

Notre rapport à la diversité du Vivant comporte une forte dimension émotionnelle, dont l’expression varie considérablement d’une espèce à l’autre : Sur une route de campagne, écraser un lapin peut être bouleversant, alors que les multiples impacts d’insectes sur le pare-brise nous laissent souvent indifférents.

Une étude publiée en 2019 par notre équipe avait permis de mettre en évidence le fait que cette « discrimination spéciste » ancrée dans nos affects était un phénomène puissant, et selon toute vraisemblance inné.

Celle-ci repose sur le fait que plus nous sommes évolutivement proche d’une espèce, plus cette dernière nous ressemble. Il nous serait alors d’autant plus facile de percevoir en elle un alter-égo (anthropomorphisme), de comprendre ses états mentaux, et donc, d’être touché par son sort. Ainsi estimons-nous mieux comprendre – et sommes-nous plus affectés – par les émotions d’un orang-outan que par celles d’une souris, par celles d’une souris que par celles d’un poisson, et ainsi de suite.

Le regard est le plus puissant canal de communication non verbal de nos émotions. Les différents regards du monde vivant sont loin d’être également expressifs. Ceux du haut (humain et espèces proches) nous touchent bien davantage que ceux du bas, évolutivement distant, plus froids et insaisissables. Source, Fourni par l’auteur

Une approche inédite pour une nouvelle étude

C’est en partant de cette observation qu’est venu l’idée d’utiliser ce gradient de sensibilités empathiques à l’égard du Vivant comme référentiel afin d’explorer les particularités empathiques des personnes avec TSA dans le cadre d’une nouvelle étude.

Pour ce faire, les perceptions au sein d’un groupe de participants avec TSA ont été comparées à celles d’un groupe témoin reflétant la population générale. Cette approche inédite reposait sur un questionnaire photographique en ligne incluant divers organismes allant des plantes aux êtres humains. Des paires de photographies d’organismes étaient tirées au sort et présentées aux participants, qui devaient alors désigner celle pour laquelle ils pensaient être le mieux à même de comprendre les émotions.

À partir de ces nombreux « matchs » entre paires de photographies, il nous a été possible d’attribuer un score d’empathie attribué à chaque espèce. Les résultats obtenus ont montré que si les perceptions au sein du groupe de participants avec TSA sont globalement similaires à celle de la population générale, le score de compréhension empathique qu’ils attribuent à l’être humain est étonnamment faible.

Notre empathie envers les autres organismes (axe verticale en pourcentages) diminue avec le temps de divergence phylogénétique qui nous en sépare (axe horizontal en millions d’années, superposé à la phylogénie). Source, Fourni par l’auteur

Ainsi ces participants estiment-ils, qu’en moyenne, il est aussi difficile de comprendre les états mentaux d’autres humains que ceux de reptiles ou d’amphibiens.

Ces résultats indiquent que les difficultés empathiques des personnes avec TSA seraient propres aux relations inter-humaines. Celles-ci pourraient donc ne pas tant résulter de l’altération de la perception ou de la lecture d’expressions émotionnelles fondamentales, que de difficultés à leur donner du sens dans un contexte global. Percevoir une expression émotionnelle (reconnaître ou être affecté par un rire, un pleur ou un froncement de sourcils…) n’implique pas nécessairement une compréhension correcte de l’état mental qui en est la cause : Hors contexte, ces signaux peuvent être déconcertants ou trompeurs (par exemple, des larmes de joie ou des rires nerveux).

Avec ou sans TSA, les perceptions empathiques des deux groupes de participants sont très similaires pour la majorité des espèces (les points sont alignés sur une diagonale), à une exception près : les scores de compréhension empathique que les personnes avec TSA attribuent à notre espèce sont très faibles (point noir), nettement décorrélés du temps de divergence évolutive, et au même niveau que ceux des reptiles et des amphibiens (niveau vert). Source, Fourni par l’auteur

Les particularités empathiques des personnes avec TSA pourraient s’expliquer par le fait que si les autres espèces peuvent sembler moins expressives et plus difficiles à interpréter intuitivement, leur expression émotionnelle est en revanche plus déterministe, spontanée et stéréotypée. L’état mental d’un animal pourrait donc être perçu par les personnes avec TSA comme relativement transparent, pour peu d’être attentif à leurs signaux comportementaux et d’avoir appris à les interpréter. Au contraire, dans bien des situations, les humains sont habitués à feindre, à détourner ou à contenir leur expression émotionnelle, qu’il s’agisse de préserver leur intimité, de se conformer aux conventions sociales, par stratégie de bluff ou par comédie. Ils pourraient donc, d’une certaine façon, être considérés comme étant bien plus complexe à comprendre à que d’autres animaux.

Techniques de dépistage

Ces résultats pourront peut-être contribuer à affiner les techniques de dépistage existantes, ou à ouvrir de nouvelles perspectives d’accompagnement des personnes avec TSA. Par ailleurs, si ce travail ne nous donne qu’un vague aperçu des difficultés de communication auxquelles les personnes avec TSA sont régulièrement confrontées, il peut aussi, en renversant la situation, nous pousser à nous interroger sur nos propres facultés à les comprendre et à interagir avec elles.

Enfin, depuis plus de deux siècles, la biologie évolutive nous enseigne que toutes les espèces vivantes sont apparentées les unes aux autres et que l’Homme n’est qu’une espèce animale parmi d’autres. Cette étude contribue à faire un pas de plus dans la déconstruction de la catégorie des « animaux » (dans son usage commun, c’est-à-dire utilisée sans distinction entre espèces et en opposition aux humains) en démontrant que ce concept ne s’avère finalement pas plus pertinent d’un point de vue cognitif qu’il ne l’est pour la biologie.

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