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Archives Journalières: 09/05/2022

États-Unis : L’histoire montre que la hausse des taux de la Fed ne suffira pas à éviter une récession

09 lundi Mai 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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Auteurs

  1. Alex DomashResearch Fellow, Harvard Kennedy School
  2. Lawrence H. SummersCharles W. Eliot University Professor, Harvard Kennedy School

Déclaration d’intérêts

Lawrence H. Summers est consultant pour diverses institutions financières et Distinguished Senior Fellow au Center for American Progress.

Alex Domash ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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La Réserve fédérale (Fed) devrait bientôt apprendre ce que les gymnastes savent déjà : il est toujours difficile d’atterrir en douceur. L’inflation ayant atteint son plus haut niveau depuis 40 ans et continuant à s’accélérer, la banque centrale américaine a décidé le 4 mai, comme anticipé, de relever d’un demi-point de pourcentage son principal taux directeur, soit la plus forte hausse depuis 2000. Le Comité de politique monétaire (FOMC) a par ailleurs annoncé que « d’autres hausses seront justifiées ».

Le président de la Fed, Jerome Powell a estimé qu’il y avait de « bonnes chances » de parvenir à un « atterrissage en douceur » de l’économie américaine. Selon lui, ce relèvement des taux ne devrait pas conduire à une récession ou à une aggravation du chômage si « les conditions économiques et financières évoluent de manière cohérente » avec les attentes de la banque centrale.

Il s’agit là de la deuxième des sept hausses de taux prévues en 2022 – après une augmentation d’un quart de point en mars. La Fed tente ainsi de refroidir la demande des consommateurs et de ralentir la hausse des prix. La banque centrale américaine et les prévisionnistes tablent aujourd’hui sur une inflation qui retombera en dessous de 3 % et sur un taux de chômage qui restera inférieur à 4 % en 2023.

Aidez-nous à mettre l’intelligence au cœur du débat.

Faire un don

Nos recherches récentes suggèrent toutefois que cet « atterrissage en douceur » reste hautement improbable et qu’il existe bel et bien une forte probabilité de récession dans un avenir proche.

En effet, une inflation élevée et un faible taux de chômage constituent deux puissants prédicteurs de futures récessions. Depuis les années 1950, chaque fois que l’inflation a dépassé 4 % et que le taux de chômage a été inférieur à 5 %, l’économie américaine a connu une récession dans les deux ans.

Or, l’inflation est aujourd’hui de 8,5 % sur un an et le taux de chômage de 3,6 %, ce qui laisse penser qu’une récession sera très difficile à éviter.

La Fed en retard

L’inflation reste fondamentalement causée par un excès d’argent par rapport aux biens disponibles à l’achat. Or, à court terme, l’offre de biens dans l’économie demeure plus ou moins fixe – la politique budgétaire ou monétaire ne peut rien y changer. Le travail de la Fed consiste donc à gérer la demande totale dans l’économie afin qu’elle s’équilibre avec l’offre disponible.

Lorsque la demande dépasse trop l’offre, l’économie commence à surchauffer et les prix augmentent fortement. Selon notre évaluation, les mesures de cette surchauffe, telles que la forte croissance de la demande, la diminution des stocks et la hausse des salaires – ont commencé à se manifester dans l’économie tout au long de l’année 2021. Mais le nouveau cadre opérationnel que la Fed a adopté en août 2020 l’a empêchée d’agir jusqu’à ce qu’une inflation soutenue soit déjà apparente.

Par conséquent, la banque centrale américaine apparaît aujourd’hui très en retard dans sa réponse à la surchauffe de l’économie.

Pour enrayer l’inflation galopante, la Fed va désormais chercher à relever les taux d’intérêt afin de freiner la demande des consommateurs. L’augmentation des coûts d’emprunt qui en résultera peut contribuer à ralentir l’activité économique en décourageant les consommateurs et les entreprises de réaliser de nouveaux investissements. Cependant, cette hausse des coûts d’emprunt risque aussi de provoquer des perturbations économiques majeures et d’orienter l’économie vers une récession.

Par « atterrissage en douceur », la Fed entend ainsi parvenir à une situation dans laquelle les taux d’intérêt augmentent et la demande diminue suffisamment pour faire baisser l’inflation, mais sans enrayer la croissance économique.

Néanmoins, l’histoire des « atterrissages en douceur » n’incite pas à l’optimisme. En effet, nous avons constaté que, chaque fois que la Fed avait freiné suffisamment fort pour enrayer l’inflation de manière significative, l’économie était entrée en récession. Bien que certains aient affirmé qu’il y a déjà eu plusieurs exemples d’atterrissage en douceur au cours des 60 dernières années, notamment en 1965, 1984 et 1994, nous montrons dans notre analyse que ces périodes ne ressemblent guère au moment actuel.

Dans ces trois épisodes, la Fed opérait en effet dans une économie où le chômage était nettement plus élevé, la hausse des prix moindre et la croissance des salaires plus faible. Dans ces exemples historiques, la banque centrale avait également augmenté les taux d’intérêt bien au-delà du taux d’inflation – contrairement à aujourd’hui, où l’inflation est de 8,5 % alors que les taux d’intérêt devraient rester inférieurs à 3 % jusqu’en 2023.

La Fed avait en outre agi tôt pour empêcher l’inflation de s’emballer, plutôt que d’attendre que l’inflation soit déjà excessive.

Une récession plus probable qu’improbable

L’une des raisons pour lesquelles le défi de la Fed apparaît particulièrement difficile à relever est que le marché du travail reste aujourd’hui plus tendu que jamais, ce qui signifie que la demande des entreprises en travail dépasse largement l’offre de main-d’œuvre disponible. Cette situation implique donc que les entreprises doivent augmenter les salaires pour attirer de nouveaux travailleurs.

Habituellement, le taux de chômage est utilisé comme indicateur de l’étroitesse du marché du travail. Or, le chômage reste très bas et la Fed s’attend à ce qu’il baisse encore. Mais nos recherches montrent que la pression pour augmenter les salaires semble encore plus forte que ce qu’indique le taux de chômage. En effet, le nombre d’offres d’emploi n’a jamais été aussi élevé et les employés quittent leurs postes à un rythme record, soit deux facteurs importants pour la hausse des salaires.

Dans un sens, les salaires constituent la mesure ultime de l’inflation sous-jacente (c’est-à-dire corrigée des variations saisonnières). Plus des deux tiers des coûts des entreprises concernent aujourd’hui la main-d’œuvre. La hausse des salaires, qui atteint aujourd’hui un taux historique de plus de 6 % et qui s’accélère, exerce donc une pression à la hausse significative sur l’inflation.

En conséquence, il y a peu de raisons d’être optimiste quant à la possibilité de ralentir l’inflation pour atteindre la fourchette de 2 % visée par la Fed. Selon notre analyse, la croissance actuelle des salaires implique une inflation supérieure à 5 %. L’histoire montre également que la croissance des salaires ne ralentit pas sans une augmentation significative du chômage et une récession.

L’économie américaine reste en outre confrontée à des pressions inflationnistes supplémentaires dues à la hausse des prix des céréales et de l’énergie en raison de la guerre en Ukraine et à de nouvelles perturbations de la chaîne d’approvisionnement, le Covid-19 imposant de nouveaux blocages en Chine. Ces facteurs menacent d’exacerber encore plus l’inflation au cours de l’année à venir.

Selon notre évaluation, ce problème d’inflation apparaît donc peu susceptible d’être résolu sans un ralentissement économique significatif. Dans l’ensemble, la combinaison d’une économie en surchauffe, de la hausse des salaires, du retard de la politique de la Fed et des récents chocs d’offre signifie qu’une récession dans les deux prochaines années est certainement plus probable qu’improbable.

Politisation de la Cour suprême : la démocratie américaine en péril ?

09 lundi Mai 2022

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Auteur

  1. Jérôme Viala-GaudefroyAssistant lecturer, CY Cergy Paris Université

Déclaration d’intérêts

Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

CY Cergy Paris Université apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

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Donald Trump et un autre homme en costume regardent une femme prêter serment la main posée sur un livre.
Amy Coney Barrett prête serment et devient juge de la Cour suprême sous les regards de son mari et de Donald Trump, alors président des États-Unis. Washington, le 27 octobre 2020. Brendan Smialowski/AFP

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La Cour suprême des États-Unis serait en passe d’annuler l’arrêt Roe v. Wade de 1973 qui garantit le droit à l’avortement au niveau fédéral, selon l’avant-projet de la décision majoritaire écrite par le juge conservateur Samuel Alito qui a fuité et a été publié sur le site Politico. S’il s’agit d’une version provisoire, son authenticité a été confirmée par le président de la Cour et l’émoi est considérable.

Cette remise en cause de près d’un demi-siècle de jurisprudence est le fruit de décennies de batailles du parti républicain, motivé notamment par son électorat conservateur catholique et évangélique. C’est à Donald Trump que ces électeurs devront leur victoire puisque c’est sous sa présidence et grâce à la nomination de trois juges conservateurs que la Cour a perdu sa majorité progressiste (rappelons que les juges de la Cour suprême sont nommés à vie par le président et confirmés par un vote au sénat).

Premier effet le plus visible : entre 23 et 26 États sur 50 seraient susceptibles d’interdire l’avortement et seuls 16 États protégeraient légalement ce droit. Mais cette décision pourrait avoir bien d’autres conséquences sociales, juridiques et politiques.

La « règle du précédent » mise à mal

L’une des questions au cœur de la bataille juridique est la « règle du précédent » (stare decisis), laquelle veut que les arrêts précédents fassent jurisprudence. Une règle qui permet la stabilité du droit dans les pays de common law.

Vos dons placent la science au centre de l’actualité.

Faire un don

Bien entendu, la Cour suprême a annulé des dizaines de précédents par le passé, comme l’arrêt Brown v. Board of Education, (1955) qui invalidait la décision Plessy v. Ferguson (1896), pierre angulaire des lois ségrégatives des États du Sud.

Renverser un précédent est cependant extrêmement rare : ce fut le cas d’à peine 0,5 % des arrêts de la Cour suprême depuis 1789 et ces renversements ont généralement été motivés par le fait que la loi est « inapplicable ou n’est plus viable, » notamment en raison de « changements des conditions sociales ». Même quand un droit n’est pas spécifiquement mentionné dans la Constitution, c’est son caractère “profondément enraciné dans l’histoire et la tradition de cette nation” qui en fait un droit garanti par le quatorzième amendement.

Or c’est précisément cet « enracinement profond » que conteste le juge conservateur Samuel Alito dans son avant-projet de décision. Pourtant, en 1992, tout en modifiant considérablement le droit à l’avortement, l’arrêt Casey notait précisément la valeur de précédent de Roe v. Wade, arguant que « la vie des femmes a été changée par cette décision », s’appuyant sur « le besoin de prévisibilité et de cohérence dans la prise de décision judiciaire », et le fait que « la Cour manquerait de légitimité si elle changeait fréquemment ses décisions constitutionnelles ».

Cette décision pourrait donc à terme remettre en cause un ensemble de droits comme l’accès à la contraception ou au mariage pour tous, d’autant que l’arrêt Roe v. Wade s’appuie sur le droit à la vie privée, et non sur celui de l’égalité sexuelle, comme le déplorait la très progressiste juge Ruth Ginsburg. Même si le juge Alito insiste que cette décision ne concerne que l’avortement qui, selon lui, seule implique « une question morale critique » liée à la « vie potentielle » d’un « être humain non né, » les spécialistes du droit sont inquiets.États-Unis : la Cour suprême, une institution qui façonne la société américaine (France 24, 24 septembre 2020).

Contre l’opinion publique ?

Une large majorité des Américains est en faveur de l’avortement dans la plupart des cas.

Pourcentage d’Américains favorables (en marron foncé) ou défavorables (en beige) à ce que l’avortement soit légal, de 1995 à 2021. Pew Research Center

Sans surprise, on note toutefois une ligne de fracture qui s’est creusée ces dernières années entre une droite toujours majoritairement contre et une gauche de plus en plus en faveur de l’IVG.

Part de la population considérant que l’avortement devrait être légal en fonction de l’appartenance politique (Démocrate ou approchant en bleu et Républicain ou approchant en rouge). Pew Research Center

Parallèlement, comme le montre un sondage Gallup, un nombre croissant d’Américains considère que la Cour est trop conservatrice, et seuls 40 % des habitants du pays approuvent son action de la Cour, ce qui représente « l’opinion la plus mauvaise que l’institut ait mesurée dans ses sondages sur la Cour dans les deux dernières décennies ».

Confiance dans les institutions judiciaires du pays. Gallup

Plus grave encore, selon un sondage de Quinnipiac, une majorité d’Américains de tous bords politiques estime que la Cour est principalement motivée par des questions partisanes.

Le résultat d’une stratégie politique

Si, comme le rappelle le le président de la Cour, John Roberts, la Cour ne peut pas baser ses décisions sur le fait que celles-ci soient populaires, son autorité repose néanmoins sur une légitimité liée au fait que le public perçoit ses décisions comme émanant du respect des principes du droit et non des prises de position politiques et partisanes qui guident les juges.

Non seulement le sujet du droit à l’avortement aux États-Unis est éminemment politique, mais la confirmation des juges les plus conservateurs s’est faite essentiellement autour de cette question sur des lignes partisanes. Elle est le fruit d’une stratégie au long cours des Républicains, qui n’ont pas hésité à mettre à mal les normes démocratiques du fonctionnement des institutions dans le but de politiser tout l’appareil judiciaire.

Ainsi, en 2016, le leader de la majorité (républicaine) au Sénat, Mitch McConnell, a refusé d’organiser un vote du Sénat sur la candidature à la Cour suprême, présentée par le président Obama, du progressiste Merrick Garland pour remplacer Antonin Scalia, décédé en février 2016. Prétexte invoqué par McConnell : 2016 était une année d’élection présidentielle. Ce qui n’empêchera pas ce même McConnell de procéder au vote de la confirmation de la candidate du président Trump, Amy Coney Barrett, en 2020, également durant une année d’élection.Qui est Amy Coney Barrett, la juge choisie par Trump ? C dans l’air, 15 octobre 2020.

Une majorité de juges « minoritaires »

On peut s’interroger sur le fait que trois des juges conservateurs de la Cour – Gorsuch, Kavanaugh et Coney Barrett – ont été nommés par un président qui a obtenu quelque 3 millions de voix de moins que son adversaire.

Qui plus est, ces juges sont doublement « minoritaires », puisqu’ils ont été confirmés par une majorité au Sénat (en termes de sièges) qui représente en fait une minorité d’électeurs en termes de voix.

En effet, comme il y a deux sénateurs par État quelle que soit sa population (Article I, Section 3 de la Constitution), les États les moins peuplés, les plus ruraux et généralement les plus républicains, sont surreprésentés par rapport aux États plus peuplés, urbains, et principalement démocrates. Ainsi, la Californie (démocrate), presque 40 millions d’habitants, a deux sénateurs, tout comme le Wyoming (républicain), avec moins de 600 000 habitants. Cette tendance s’est accentuée au cours des dernières années : en 1980, l’électeur républicain moyen avait 6 % de pouvoir en plus au Sénat que l’électeur démocrate moyen, contre 14 % aujourd’hui.

Ce différentiel n’est pas négligeable : il a été de 15 millions d’électeurs pour la confirmation d’Amy Coney Barrett, et d’environ 22 millions pour celles de Gorsuch et Kavanaugh, les deux premiers juges de la Cour suprême à avoir été nommés sous Donald Trump.

Il s’agit là d’un phénomène récent, dont la première occurrence remonte à 1991, avec la nomination de Clarence Thomas, ouvertement opposé à Roe v. Wade.

En fait, sur les six juges conservateurs de la Cour suprême, les cinq qui sont les plus susceptibles de remettre en cause Roe v. Wade sont des « juges minoritaires », comme on le voit sur le graphique suivant (en gris le vote positif de confirmation par nombre, et en noir le vote négatif).

Juges de la cour suprême. US Senate

L’enjeu de la survie de la Cour et de la démocratie

En qualifiant Roe v. Wade d’« abus de l’autorité judiciaire », « manifestement erronée dès le départ » qui a « court-circuité le processus démocratique », le juge Alito reprend un vieil adage des conservateurs fondamentalement méfiants du pouvoir fédéral. Tout en soulignant ne pas porter un jugement de fond sur la légalité de l’avortement, il renvoie aux élus et à la souveraineté démocratique.

Remarquant que les États adoptaient des lois sur l’avortement de plus en plus restrictives, explicitement inspirées par la nouvelle majorité conservatrice de la Cour, la juge Sotomayor s’est inquiétée de savoir si « … cette institution survivra à l’odeur nauséabonde que crée dans la perception publique l’idée que la Constitution et sa lecture ne sont que des actes politiques. […] Si les gens croient vraiment que tout est politique, comment survivrons-nous ? Comment la Cour va-t-elle survivre ? »

À long terme, la question de la légitimité de la Cour va bien au-delà de la question du droit à l’avortement, ou de la protection des minorités par le droit. N’oublions pas que, lors de l’élection présidentielle de 2000, c’est la majorité conservatrice de la Cour suprême qui a donné la victoire à G.W. Bush, en arrêtant le recomptage des voix en Floride.


À lire aussi : Les réformes électorales menacent-elles la démocratie des États-Unis ?


Plus récemment, en 2019, les juges conservateurs ont décidé que les tribunaux fédéraux n’ont pas le pouvoir d’entendre les contestations relatives au redécoupage électoral partisan (gerrymandering).

Souvenons-nous, enfin, que Donald Trump et une majorité de Républicains continuent de clamer que l’élection de 2020 leur a été volée, et que Joe Biden est un président illégitime.

Que se passerait-il si, la prochaine fois, non seulement le candidat à la présidentielle rejette le verdict des urnes, et qu’en plus un État clé dominé par son parti refuse de valider les résultats ? Comment, alors, une Cour suprême délégitimée pourrait-elle régler la crise constitutionnelle qui s’en suivrait ?

À plus court terme, la question du droit à l’avortement devrait être un enjeu des élections de mi-mandat en novembre prochain. Les démocrates espèrent en tout cas que cela permettra de faire passer au second plan la question de l’inflation, de mobiliser leur électorat, voire les électeurs indépendants et de limiter ainsi un échec annoncé.


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Politisation de la Cour suprême : la démocratie américaine en péril ?

Publié: 13 décembre 2021, 19:30 CET •Mis à jour le: 5 mai 2022, 21:15 CEST

Auteur

  1. Jérôme Viala-GaudefroyAssistant lecturer, CY Cergy Paris Université

Déclaration d’intérêts

Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Donald Trump et un autre homme en costume regardent une femme prêter serment la main posée sur un livre.
Amy Coney Barrett prête serment et devient juge de la Cour suprême sous les regards de son mari et de Donald Trump, alors président des États-Unis. Washington, le 27 octobre 2020. Brendan Smialowski/AFP

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La Cour suprême des États-Unis serait en passe d’annuler l’arrêt Roe v. Wade de 1973 qui garantit le droit à l’avortement au niveau fédéral, selon l’avant-projet de la décision majoritaire écrite par le juge conservateur Samuel Alito qui a fuité et a été publié sur le site Politico. S’il s’agit d’une version provisoire, son authenticité a été confirmée par le président de la Cour et l’émoi est considérable.

Cette remise en cause de près d’un demi-siècle de jurisprudence est le fruit de décennies de batailles du parti républicain, motivé notamment par son électorat conservateur catholique et évangélique. C’est à Donald Trump que ces électeurs devront leur victoire puisque c’est sous sa présidence et grâce à la nomination de trois juges conservateurs que la Cour a perdu sa majorité progressiste (rappelons que les juges de la Cour suprême sont nommés à vie par le président et confirmés par un vote au sénat).

Premier effet le plus visible : entre 23 et 26 États sur 50 seraient susceptibles d’interdire l’avortement et seuls 16 États protégeraient légalement ce droit. Mais cette décision pourrait avoir bien d’autres conséquences sociales, juridiques et politiques.

La « règle du précédent » mise à mal

L’une des questions au cœur de la bataille juridique est la « règle du précédent » (stare decisis), laquelle veut que les arrêts précédents fassent jurisprudence. Une règle qui permet la stabilité du droit dans les pays de common law.

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Bien entendu, la Cour suprême a annulé des dizaines de précédents par le passé, comme l’arrêt Brown v. Board of Education, (1955) qui invalidait la décision Plessy v. Ferguson (1896), pierre angulaire des lois ségrégatives des États du Sud.

Renverser un précédent est cependant extrêmement rare : ce fut le cas d’à peine 0,5 % des arrêts de la Cour suprême depuis 1789 et ces renversements ont généralement été motivés par le fait que la loi est « inapplicable ou n’est plus viable, » notamment en raison de « changements des conditions sociales ». Même quand un droit n’est pas spécifiquement mentionné dans la Constitution, c’est son caractère “profondément enraciné dans l’histoire et la tradition de cette nation” qui en fait un droit garanti par le quatorzième amendement.

Or c’est précisément cet « enracinement profond » que conteste le juge conservateur Samuel Alito dans son avant-projet de décision. Pourtant, en 1992, tout en modifiant considérablement le droit à l’avortement, l’arrêt Casey notait précisément la valeur de précédent de Roe v. Wade, arguant que « la vie des femmes a été changée par cette décision », s’appuyant sur « le besoin de prévisibilité et de cohérence dans la prise de décision judiciaire », et le fait que « la Cour manquerait de légitimité si elle changeait fréquemment ses décisions constitutionnelles ».

Cette décision pourrait donc à terme remettre en cause un ensemble de droits comme l’accès à la contraception ou au mariage pour tous, d’autant que l’arrêt Roe v. Wade s’appuie sur le droit à la vie privée, et non sur celui de l’égalité sexuelle, comme le déplorait la très progressiste juge Ruth Ginsburg. Même si le juge Alito insiste que cette décision ne concerne que l’avortement qui, selon lui, seule implique « une question morale critique » liée à la « vie potentielle » d’un « être humain non né, » les spécialistes du droit sont inquiets.États-Unis : la Cour suprême, une institution qui façonne la société américaine (France 24, 24 septembre 2020).

Contre l’opinion publique ?

Une large majorité des Américains est en faveur de l’avortement dans la plupart des cas.

Pourcentage d’Américains favorables (en marron foncé) ou défavorables (en beige) à ce que l’avortement soit légal, de 1995 à 2021. Pew Research Center

Sans surprise, on note toutefois une ligne de fracture qui s’est creusée ces dernières années entre une droite toujours majoritairement contre et une gauche de plus en plus en faveur de l’IVG.

Part de la population considérant que l’avortement devrait être légal en fonction de l’appartenance politique (Démocrate ou approchant en bleu et Républicain ou approchant en rouge). Pew Research Center

Parallèlement, comme le montre un sondage Gallup, un nombre croissant d’Américains considère que la Cour est trop conservatrice, et seuls 40 % des habitants du pays approuvent son action de la Cour, ce qui représente « l’opinion la plus mauvaise que l’institut ait mesurée dans ses sondages sur la Cour dans les deux dernières décennies ».

Confiance dans les institutions judiciaires du pays. Gallup

Plus grave encore, selon un sondage de Quinnipiac, une majorité d’Américains de tous bords politiques estime que la Cour est principalement motivée par des questions partisanes.

Le résultat d’une stratégie politique

Si, comme le rappelle le le président de la Cour, John Roberts, la Cour ne peut pas baser ses décisions sur le fait que celles-ci soient populaires, son autorité repose néanmoins sur une légitimité liée au fait que le public perçoit ses décisions comme émanant du respect des principes du droit et non des prises de position politiques et partisanes qui guident les juges.

Non seulement le sujet du droit à l’avortement aux États-Unis est éminemment politique, mais la confirmation des juges les plus conservateurs s’est faite essentiellement autour de cette question sur des lignes partisanes. Elle est le fruit d’une stratégie au long cours des Républicains, qui n’ont pas hésité à mettre à mal les normes démocratiques du fonctionnement des institutions dans le but de politiser tout l’appareil judiciaire.

Ainsi, en 2016, le leader de la majorité (républicaine) au Sénat, Mitch McConnell, a refusé d’organiser un vote du Sénat sur la candidature à la Cour suprême, présentée par le président Obama, du progressiste Merrick Garland pour remplacer Antonin Scalia, décédé en février 2016. Prétexte invoqué par McConnell : 2016 était une année d’élection présidentielle. Ce qui n’empêchera pas ce même McConnell de procéder au vote de la confirmation de la candidate du président Trump, Amy Coney Barrett, en 2020, également durant une année d’élection.Qui est Amy Coney Barrett, la juge choisie par Trump ? C dans l’air, 15 octobre 2020.

Une majorité de juges « minoritaires »

On peut s’interroger sur le fait que trois des juges conservateurs de la Cour – Gorsuch, Kavanaugh et Coney Barrett – ont été nommés par un président qui a obtenu quelque 3 millions de voix de moins que son adversaire.

Qui plus est, ces juges sont doublement « minoritaires », puisqu’ils ont été confirmés par une majorité au Sénat (en termes de sièges) qui représente en fait une minorité d’électeurs en termes de voix.

En effet, comme il y a deux sénateurs par État quelle que soit sa population (Article I, Section 3 de la Constitution), les États les moins peuplés, les plus ruraux et généralement les plus républicains, sont surreprésentés par rapport aux États plus peuplés, urbains, et principalement démocrates. Ainsi, la Californie (démocrate), presque 40 millions d’habitants, a deux sénateurs, tout comme le Wyoming (républicain), avec moins de 600 000 habitants. Cette tendance s’est accentuée au cours des dernières années : en 1980, l’électeur républicain moyen avait 6 % de pouvoir en plus au Sénat que l’électeur démocrate moyen, contre 14 % aujourd’hui.

Ce différentiel n’est pas négligeable : il a été de 15 millions d’électeurs pour la confirmation d’Amy Coney Barrett, et d’environ 22 millions pour celles de Gorsuch et Kavanaugh, les deux premiers juges de la Cour suprême à avoir été nommés sous Donald Trump.

Il s’agit là d’un phénomène récent, dont la première occurrence remonte à 1991, avec la nomination de Clarence Thomas, ouvertement opposé à Roe v. Wade.

En fait, sur les six juges conservateurs de la Cour suprême, les cinq qui sont les plus susceptibles de remettre en cause Roe v. Wade sont des « juges minoritaires », comme on le voit sur le graphique suivant (en gris le vote positif de confirmation par nombre, et en noir le vote négatif).

Juges de la cour suprême. US Senate

L’enjeu de la survie de la Cour et de la démocratie

En qualifiant Roe v. Wade d’« abus de l’autorité judiciaire », « manifestement erronée dès le départ » qui a « court-circuité le processus démocratique », le juge Alito reprend un vieil adage des conservateurs fondamentalement méfiants du pouvoir fédéral. Tout en soulignant ne pas porter un jugement de fond sur la légalité de l’avortement, il renvoie aux élus et à la souveraineté démocratique.

Remarquant que les États adoptaient des lois sur l’avortement de plus en plus restrictives, explicitement inspirées par la nouvelle majorité conservatrice de la Cour, la juge Sotomayor s’est inquiétée de savoir si « … cette institution survivra à l’odeur nauséabonde que crée dans la perception publique l’idée que la Constitution et sa lecture ne sont que des actes politiques. […] Si les gens croient vraiment que tout est politique, comment survivrons-nous ? Comment la Cour va-t-elle survivre ? »

À long terme, la question de la légitimité de la Cour va bien au-delà de la question du droit à l’avortement, ou de la protection des minorités par le droit. N’oublions pas que, lors de l’élection présidentielle de 2000, c’est la majorité conservatrice de la Cour suprême qui a donné la victoire à G.W. Bush, en arrêtant le recomptage des voix en Floride.


À lire aussi : Les réformes électorales menacent-elles la démocratie des États-Unis ?


Plus récemment, en 2019, les juges conservateurs ont décidé que les tribunaux fédéraux n’ont pas le pouvoir d’entendre les contestations relatives au redécoupage électoral partisan (gerrymandering).

Souvenons-nous, enfin, que Donald Trump et une majorité de Républicains continuent de clamer que l’élection de 2020 leur a été volée, et que Joe Biden est un président illégitime.

Que se passerait-il si, la prochaine fois, non seulement le candidat à la présidentielle rejette le verdict des urnes, et qu’en plus un État clé dominé par son parti refuse de valider les résultats ? Comment, alors, une Cour suprême délégitimée pourrait-elle régler la crise constitutionnelle qui s’en suivrait ?

À plus court terme, la question du droit à l’avortement devrait être un enjeu des élections de mi-mandat en novembre prochain. Les démocrates espèrent en tout cas que cela permettra de faire passer au second plan la question de l’inflation, de mobiliser leur électorat, voire les électeurs indépendants et de limiter ainsi un échec annoncé.

Publié: 13 décembre 2021, 19:30 CET •Mis à jour le: 5 mai 2022, 21:15 CEST

Auteur

  1. Jérôme Viala-GaudefroyAssistant lecturer, CY Cergy Paris Université

Déclaration d’intérêts

Jérôme Viala-Gaudefroy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Donald Trump et un autre homme en costume regardent une femme prêter serment la main posée sur un livre.
Amy Coney Barrett prête serment et devient juge de la Cour suprême sous les regards de son mari et de Donald Trump, alors président des États-Unis. Washington, le 27 octobre 2020. Brendan Smialowski/AFP

La Cour suprême des États-Unis serait en passe d’annuler l’arrêt Roe v. Wade de 1973 qui garantit le droit à l’avortement au niveau fédéral, selon l’avant-projet de la décision majoritaire écrite par le juge conservateur Samuel Alito qui a fuité et a été publié sur le site Politico. S’il s’agit d’une version provisoire, son authenticité a été confirmée par le président de la Cour et l’émoi est considérable.

Cette remise en cause de près d’un demi-siècle de jurisprudence est le fruit de décennies de batailles du parti républicain, motivé notamment par son électorat conservateur catholique et évangélique. C’est à Donald Trump que ces électeurs devront leur victoire puisque c’est sous sa présidence et grâce à la nomination de trois juges conservateurs que la Cour a perdu sa majorité progressiste (rappelons que les juges de la Cour suprême sont nommés à vie par le président et confirmés par un vote au sénat).

Premier effet le plus visible : entre 23 et 26 États sur 50 seraient susceptibles d’interdire l’avortement et seuls 16 États protégeraient légalement ce droit. Mais cette décision pourrait avoir bien d’autres conséquences sociales, juridiques et politiques.

La « règle du précédent » mise à mal

L’une des questions au cœur de la bataille juridique est la « règle du précédent » (stare decisis), laquelle veut que les arrêts précédents fassent jurisprudence. Une règle qui permet la stabilité du droit dans les pays de common law.

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Bien entendu, la Cour suprême a annulé des dizaines de précédents par le passé, comme l’arrêt Brown v. Board of Education, (1955) qui invalidait la décision Plessy v. Ferguson (1896), pierre angulaire des lois ségrégatives des États du Sud.

Renverser un précédent est cependant extrêmement rare : ce fut le cas d’à peine 0,5 % des arrêts de la Cour suprême depuis 1789 et ces renversements ont généralement été motivés par le fait que la loi est « inapplicable ou n’est plus viable, » notamment en raison de « changements des conditions sociales ». Même quand un droit n’est pas spécifiquement mentionné dans la Constitution, c’est son caractère “profondément enraciné dans l’histoire et la tradition de cette nation” qui en fait un droit garanti par le quatorzième amendement.

Or c’est précisément cet « enracinement profond » que conteste le juge conservateur Samuel Alito dans son avant-projet de décision. Pourtant, en 1992, tout en modifiant considérablement le droit à l’avortement, l’arrêt Casey notait précisément la valeur de précédent de Roe v. Wade, arguant que « la vie des femmes a été changée par cette décision », s’appuyant sur « le besoin de prévisibilité et de cohérence dans la prise de décision judiciaire », et le fait que « la Cour manquerait de légitimité si elle changeait fréquemment ses décisions constitutionnelles ».

Cette décision pourrait donc à terme remettre en cause un ensemble de droits comme l’accès à la contraception ou au mariage pour tous, d’autant que l’arrêt Roe v. Wade s’appuie sur le droit à la vie privée, et non sur celui de l’égalité sexuelle, comme le déplorait la très progressiste juge Ruth Ginsburg. Même si le juge Alito insiste que cette décision ne concerne que l’avortement qui, selon lui, seule implique « une question morale critique » liée à la « vie potentielle » d’un « être humain non né, » les spécialistes du droit sont inquiets.États-Unis : la Cour suprême, une institution qui façonne la société américaine (France 24, 24 septembre 2020).

Contre l’opinion publique ?

Une large majorité des Américains est en faveur de l’avortement dans la plupart des cas.

Pourcentage d’Américains favorables (en marron foncé) ou défavorables (en beige) à ce que l’avortement soit légal, de 1995 à 2021. Pew Research Center

Sans surprise, on note toutefois une ligne de fracture qui s’est creusée ces dernières années entre une droite toujours majoritairement contre et une gauche de plus en plus en faveur de l’IVG.

Part de la population considérant que l’avortement devrait être légal en fonction de l’appartenance politique (Démocrate ou approchant en bleu et Républicain ou approchant en rouge). Pew Research Center

Parallèlement, comme le montre un sondage Gallup, un nombre croissant d’Américains considère que la Cour est trop conservatrice, et seuls 40 % des habitants du pays approuvent son action de la Cour, ce qui représente « l’opinion la plus mauvaise que l’institut ait mesurée dans ses sondages sur la Cour dans les deux dernières décennies ».

Confiance dans les institutions judiciaires du pays. Gallup

Plus grave encore, selon un sondage de Quinnipiac, une majorité d’Américains de tous bords politiques estime que la Cour est principalement motivée par des questions partisanes.

Le résultat d’une stratégie politique

Si, comme le rappelle le le président de la Cour, John Roberts, la Cour ne peut pas baser ses décisions sur le fait que celles-ci soient populaires, son autorité repose néanmoins sur une légitimité liée au fait que le public perçoit ses décisions comme émanant du respect des principes du droit et non des prises de position politiques et partisanes qui guident les juges.

Non seulement le sujet du droit à l’avortement aux États-Unis est éminemment politique, mais la confirmation des juges les plus conservateurs s’est faite essentiellement autour de cette question sur des lignes partisanes. Elle est le fruit d’une stratégie au long cours des Républicains, qui n’ont pas hésité à mettre à mal les normes démocratiques du fonctionnement des institutions dans le but de politiser tout l’appareil judiciaire.

Ainsi, en 2016, le leader de la majorité (républicaine) au Sénat, Mitch McConnell, a refusé d’organiser un vote du Sénat sur la candidature à la Cour suprême, présentée par le président Obama, du progressiste Merrick Garland pour remplacer Antonin Scalia, décédé en février 2016. Prétexte invoqué par McConnell : 2016 était une année d’élection présidentielle. Ce qui n’empêchera pas ce même McConnell de procéder au vote de la confirmation de la candidate du président Trump, Amy Coney Barrett, en 2020, également durant une année d’élection.Qui est Amy Coney Barrett, la juge choisie par Trump ? C dans l’air, 15 octobre 2020.

Une majorité de juges « minoritaires »

On peut s’interroger sur le fait que trois des juges conservateurs de la Cour – Gorsuch, Kavanaugh et Coney Barrett – ont été nommés par un président qui a obtenu quelque 3 millions de voix de moins que son adversaire.

Qui plus est, ces juges sont doublement « minoritaires », puisqu’ils ont été confirmés par une majorité au Sénat (en termes de sièges) qui représente en fait une minorité d’électeurs en termes de voix.

En effet, comme il y a deux sénateurs par État quelle que soit sa population (Article I, Section 3 de la Constitution), les États les moins peuplés, les plus ruraux et généralement les plus républicains, sont surreprésentés par rapport aux États plus peuplés, urbains, et principalement démocrates. Ainsi, la Californie (démocrate), presque 40 millions d’habitants, a deux sénateurs, tout comme le Wyoming (républicain), avec moins de 600 000 habitants. Cette tendance s’est accentuée au cours des dernières années : en 1980, l’électeur républicain moyen avait 6 % de pouvoir en plus au Sénat que l’électeur démocrate moyen, contre 14 % aujourd’hui.

Ce différentiel n’est pas négligeable : il a été de 15 millions d’électeurs pour la confirmation d’Amy Coney Barrett, et d’environ 22 millions pour celles de Gorsuch et Kavanaugh, les deux premiers juges de la Cour suprême à avoir été nommés sous Donald Trump.

Il s’agit là d’un phénomène récent, dont la première occurrence remonte à 1991, avec la nomination de Clarence Thomas, ouvertement opposé à Roe v. Wade.

En fait, sur les six juges conservateurs de la Cour suprême, les cinq qui sont les plus susceptibles de remettre en cause Roe v. Wade sont des « juges minoritaires », comme on le voit sur le graphique suivant (en gris le vote positif de confirmation par nombre, et en noir le vote négatif).

Juges de la cour suprême. US Senate

L’enjeu de la survie de la Cour et de la démocratie

En qualifiant Roe v. Wade d’« abus de l’autorité judiciaire », « manifestement erronée dès le départ » qui a « court-circuité le processus démocratique », le juge Alito reprend un vieil adage des conservateurs fondamentalement méfiants du pouvoir fédéral. Tout en soulignant ne pas porter un jugement de fond sur la légalité de l’avortement, il renvoie aux élus et à la souveraineté démocratique.

Remarquant que les États adoptaient des lois sur l’avortement de plus en plus restrictives, explicitement inspirées par la nouvelle majorité conservatrice de la Cour, la juge Sotomayor s’est inquiétée de savoir si « … cette institution survivra à l’odeur nauséabonde que crée dans la perception publique l’idée que la Constitution et sa lecture ne sont que des actes politiques. […] Si les gens croient vraiment que tout est politique, comment survivrons-nous ? Comment la Cour va-t-elle survivre ? »

À long terme, la question de la légitimité de la Cour va bien au-delà de la question du droit à l’avortement, ou de la protection des minorités par le droit. N’oublions pas que, lors de l’élection présidentielle de 2000, c’est la majorité conservatrice de la Cour suprême qui a donné la victoire à G.W. Bush, en arrêtant le recomptage des voix en Floride.


À lire aussi : Les réformes électorales menacent-elles la démocratie des États-Unis ?


Plus récemment, en 2019, les juges conservateurs ont décidé que les tribunaux fédéraux n’ont pas le pouvoir d’entendre les contestations relatives au redécoupage électoral partisan (gerrymandering).

Souvenons-nous, enfin, que Donald Trump et une majorité de Républicains continuent de clamer que l’élection de 2020 leur a été volée, et que Joe Biden est un président illégitime.

Que se passerait-il si, la prochaine fois, non seulement le candidat à la présidentielle rejette le verdict des urnes, et qu’en plus un État clé dominé par son parti refuse de valider les résultats ? Comment, alors, une Cour suprême délégitimée pourrait-elle régler la crise constitutionnelle qui s’en suivrait ?

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