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Archives Mensuelles: juillet 2022

L’opération Vivendi-Hachette : une illustration de la globalisation de l’édition

31 dimanche Juil 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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  1. François LévêqueProfesseur d’économie, Mines Paris

Déclaration d’intérêts

François Lévêque a conseillé Vivendi à plusieurs reprises par le passé et à été consulté récemment comme économiste académique dans le cadre du rapprochement entre Vivendi et Largardère, plus particulièrement entre Editis et Hachette.

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devanture d'un magasin Amazon Books.
386 millions d’euros de livres sont vendus par Amazon chaque année. ymgerman /Shutterstock

Finalement, la fusion annoncée entre le groupe d’édition Editis, propriété de Vivendi, et Hachette, filiale de Lagardère, ne devrait pas avoir lieu.

Après des mois de bruits divers, Vincent Bolloré, le patron du géant des médias Vivendi, a décidé de céder le très franco-français Editis à un repreneur étranger pour ne pas avoir à faire face à des problèmes de concentration que lui promettaient déjà les régulateurs européens.

Une façon pour lui et Vivendi de mieux garder le contrôle d’Hachette et de réaliser ses ambitions d’envergure mondiale.

La plus grande librairie du monde

Cet échange croisé illustre l’internationalisation de l’industrie de l’édition et témoigne de la foi du secteur en son avenir.

Amazon offre, par exemple, un parfait cas d’école pour analyser la mondialisation du secteur du livre.

L’entreprise de Jeff Bezos n’est-elle pas devenue la première librairie globale ? Première à offrir une plate-forme de revente de livres dans de nombreux pays ; première par l’étendue du choix de langue écrite ; première par sa domination dans la commercialisation des livres imprimés, qu’ils soient neufs ou d’occasion. Première naturellement dans la vente de livres numériques. Première aussi, c’est moins attendu, dans le livre audio.

En un clic, des centaines de millions de lecteurs un peu partout sur la planète bénéficient désormais d’un accès immédiat ou après une attente de quelques jours au livre de leur choix parmi des millions de références disponibles.

Faut-il encore savoir quel livre choisir ! À l’image d’un Umberto Eco se dirigeant d’un pas tranquille, mais décidé, dans sa bibliothèque labyrinthique pour trouver celui qu’il cherche.La librairie personnelle d’Umberto Ecco.

Amazon est aussi la première plate-forme d’auto-édition. Elle propose plus d’un million de nouveaux titres chaque année dans plusieurs langues. Si vous faites partie des quelques 100 000 écrivains français du dimanche, vous avez sans doute déjà regardé, sinon utilisé, les nombreux outils offerts par Kindle Direct Publishing, pour créer et publier un livre électronique, broché ou relié. Vous avez sans doute aussi été déçu par les ventes de votre œuvre. À en croire un écrivain humoriste américain, comptez en moyenne 14 exemplaires vendus dont plus de la moitié acquis par les membres de la famille.

Cette puissance de feu tous azimuts d’Amazon n’est pas sans inquiéter les entreprises de l’édition, d’autant qu’elle est progressivement devenue leur premier client. Leur besoin de mieux négocier leurs conditions de vente avec l’ogre de Seattle est d’ailleurs une motivation, affirmée avec force, de leurs projets de fusion et acquisition.

Des fusions transfrontalières

Une bonne illustration de ce phénomène est le rapprochement entre Penguin Random House (Bertelsman) et Simon & Schuster (Paramount Global). Cette opération, non encore finalisée, car en cours de jugement antitrust, fait suite à une vague de 30 ans de fusions et acquisitions internationales.

Trop nombreuses à lister ici, citons-en seulement quelques-unes : l’absorption de Collins (Royaume-Uni) ­– rappelez-vous de votre premier dictionnaire d’anglais ! – par Harper (États-Unis) ; celle d’Harlequin (Canada), connu pour ses romans sentimentaux publiés dans le monde entier, par Harper Collins ; le rachat de Random House (États-Unis) aux choix chanceux de publication, à l’instar de l’Ulysse de Joyce, par Bertelsmann (Allemagne) ; celui de Penguin House (Royaume-Uni) au célèbre et inoxydable logo par Bertelsman toujours.

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Et donc aujourd’hui aussi le projet d’acquisition de Simon & Schuster, la maison d’édition de Stephen King, et John Grisham, entre autres ; sans oublier le projet de rapprochement désormais caduc entre Editis (Vivendi) et Hachette Livre (Largardère).

La constitution de géants de l’édition est la conséquence immédiate des fusions et acquisitions, en particulier transfrontalières. Six groupes occupent aujourd’hui le quart du marché mondial. L’industrie de l’édition n’a pas échappé au mouvement planétaire de l’ascension commerciale d’entreprises multinationales devenant des géants.

Une collection de livres publiés par Penguin Books
72 000 livres sont publiés chaque année par Penguin Books. Shutterstock

Innovations technologiques et des modèles d’affaires

Comme dans les autres industries, l’innovation joue un rôle clef dans l’évolution du secteur. À commencer par l’innovation technologique. Le numérique a inondé la planète du livre, que ce soit à travers l’édition électronique, la logistique de la distribution, le marketing des succès, la vente de livres audio et de bandes dessinées ou encore le segment du livre professionnel. Or le numérique se caractérise par des coûts unitaires plus faibles, mais aussi par des coûts fixes plus élevés qui doivent donc être amortis sur de plus vastes marchés. Ce sont aussi des économies de réseaux qui favorisent quelques-uns par un effet boule de neige. Un seul ou une poignée de gagnants sont sélectionnés.

L’innovation concerne également les formats, utilisons ici les termes anglais consacrés, et finalement plus parlants, à l’instar de webtoon, webnovel, graphic novel, serial fiction, etc. Elle concerne aussi les modèles d’affaires comme les formules par abonnements – sortes de club du livre du monde d’aujourd’hui – ou la déclinaison tous médias et tous azimuts des titres à succès : séries, films, podcasts, jeux, colifichets et autres babioles. Bref, une sorte d’universalisation des récits et de leurs héros.

Le Petit Prince lui-même, livre le plus traduit au monde après la Bible, n’a pas échappé à cette commercialisation effrénée. Il a bien sûr été adapté en film et en série et sa célèbre silhouette élancée a été reproduite sur tout et n’importe quoi, porte-clefs, médailles, casquettes, et même coquetiers, étuis à lunettes et gourdes. Il y a du bon, du moins bon et du très mauvais, mais ne levez pas les yeux au ciel en regrettant ce commerce hors du livre. Le personnage de Saint-Exupéry a ainsi connu de nombreuses vies nouvelles, prolongeant pour certains le bonheur de la lecture ou engageant d’autres à s’y plonger.

Les livres à succès

Joue également une certaine uniformisation des goûts et des modes dont témoignent de nombreux livres et genres à succès internationaux. L’anatomie des best-sellers a été étudiée en comparant les données des caractéristiques textuelles des ouvrages qui figurent dans les listes des meilleures ventes et ceux qui n’y figurent pas. Leur dissection fait apparaître, entre autres, que le succès réclame plutôt un langage simple, proche du parler, un nombre de thèmes principaux restreint à deux ou trois, et des montées et descentes d’émotion qui se succèdent. Trop d’adjectifs et de verbes sont à éviter. Idem pour les scènes de sexe ou la description des corps, sauf s’ils sont refroidis (les romans policiers sont légion parmi les livres à succès…).

Bien entendu, la connaissance complète des ingrédients à incorporer ou à éviter ne fournit pas pour autant la recette du succès. De la même façon que la liste des produits dans le garde-manger des cuisiniers de Top Chef ne suffit pas pour désigner à l’avance le vainqueur. Notez qu’il n’y a pas non plus de recette miracle pour deviner les genres et sous-genres à succès à l’instar du polar scandinave ou du manga d’action. C’est ici comme l’engouement mondial pour la pizza et le hamburger, ou plus récemment pour le poke bowl.

Terminons de filer la métaphore culinaire en rappelant que pour le livre comme pour la cuisine, les goûts et les préférences restent encore marqués par la culture locale. Ils diffèrent d’un endroit, d’un pays, d’un continent à l’autre. Les livres traduits ne représentent par exemple en France qu’un cinquième des ventes.

Même s’il fait rêver nombre d’auteurs, le livre à succès et ses déclinaisons restent une exception. En proportion du nombre d’exemplaires vendus et donc du chiffre d’affaires des éditeurs, c’est une autre affaire. Prenons l’exemple des États-Unis où le nombre moyen d’exemplaires par titre s’élève à quelques centaines : les 10 livres écoulés à plus d’un million d’exemplaires font autant de recettes que le million d’autres placés à moins de 100 exemplaires.

Un marché mondial qui perd du poids

Par ailleurs, le nombre de tirages par nouveau titre diminuant mécaniquement à mesure que le nombre de nouveaux titres gonfle – une tendance depuis de longues années – les livres à succès deviennent plus importants pour l’équilibre des comptes. En effet, à la différence notable d’autres secteurs qui se sont internationalisés, l’édition ne bénéficie pas d’un marché mondial qui explose. Celui-ci ne croît même pas plus vite que la population ou la richesse mesurée par le PIB. Dans les pays développés, le marché se rétrécit en euros ou en dollar constants et les pays d’économie émergente n’ont pas pris le relais, et ce malgré les progrès de l’éducation et le développement universitaire qu’ils connaissent. En tout cas pas encore.

Dans les années 1960, la planète comptait 1,6 livre vendu par habitant, le chiffre est tombé à moins d’un dans les années 2000. En attendant, un retournement de tendance éventuel, on comprend pourquoi les géants de l’édition s’empressent de chercher de la croissance en dehors de leur marché géographique traditionnel et de rechercher des débouchés autres que la publication pour leurs titres imprimés ou électroniques à succès.

Le livre hors de ses frontières linguistiques grâce aux traductions, et textuelles grâce à ses adaptations en images, ne perd pas son âme. De même pour l’édition hors de ses bastions nationaux. Elle aide le livre à voyager. Le rapprochement entre Editis et Hachette faisait craindre à beaucoup la constitution d’un mastodonte français de l’édition écrasant tout le monde hexagonal sur son passage. Avec l’acquisition d’Hachette par Vivendi et celle future d’Editis vraisemblablement par un groupe étranger de l’édition, cette tentative va pousser finalement l’industrie française du livre à s’ouvrir encore un peu plus au monde.


François Lévêque a publié chez Odile Jacob « Les entreprises hyperpuissantes. Géants et Titans, la fin du modèle global ». Son ouvrage a reçu le prix lycéen du livre d’économie 2021.

Le difficile combat des artistes russes qui s’opposent à Poutine et à sa guerre en Ukraine

31 dimanche Juil 2022

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  1. Vera AgeevaProfesseur associée de la Haute école des études économiques (Russie), Sciences Po

Déclaration d’intérêts

Vera Ageeva ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Le chanteur russe Oxxxymiron en concert. Derrière lui, l'inscription « Russians against war ».
En mars, la star du hip-hop russe Oxxxymiron a organisé à Istanbul, Berlin et Londres une série de concerts de charité dont les recettes ont été consacrées à l’aide aux réfugiés ukrainiens. @JonnyTickle/Twitter, CC BY-NC-ND

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un certain nombre de représentations d’artistes russes dans les pays occidentaux ont été annulées par les organisateurs au nom de la solidarité avec Kiev. C’est ainsi que, entre autres exemples, le ballet du Bolchoï n’a pas pu se produire à l’opéra de Londres ; l’orchestre du théâtre Marinski de Saint-Pétersbourg, dirigé par Valéri Guerguiev, connu pour sa proximité avec le Kremlin, a été retiré du programme de la Philarmonie de Paris ; et la Russie a été bannie du concours de l’Eurovision. Il est également arrivé que des œuvres du répertoire russe soient déprogrammées.

Chaque épisode de ce type constitue une aubaine pour la propagande du Kremlin, qui les relaie largement auprès de son opinion publique afin de la convaincre que l’Occident tout entier est en proie à une scandaleuse flambée de « russophobie » et que la culture russe dans son ensemble fait l’objet d’un boycott intégral – les médias du pouvoir, et Poutine en personne, parlant à cet égard d’un déchaînement de « cancel culture » visant spécifiquement la Russie.

En réalité, si « cancellation » de la culture russe il y a aujourd’hui, c’est plutôt en Russie même qu’elle se déroule. Depuis des années, le régime se livre à une persécution politique constante visant réalisateurs, chanteurs, écrivains et autres artistes russes. Un phénomène qui s’est encore intensifié à partir de février 2022.

Avant la guerre : dix ans de répression

Après le début de l’attaque contre l’Ukraine, Moscou a mis en place une censure quasi militaire qui rappelle à bien des égards la pratique soviétique. Il s’agit d’un nouveau tour de vis dans la guerre culturelle qui se déroule en Russie depuis une bonne décennie : elle met aux prises, d’un côté, de nombreux artistes russes qui réclament la liberté d’opinion et d’expression, et de l’autre côté, les fonctionnaires du monde de la culture et les idéologues du Kremlin déterminés à sanctionner durement la moindre manifestation d’opposition à la ligne du pouvoir.

Le 4 février 2012, le chanteur du groupe DDT, Iouri Chevtchouk (guitare en main), prend part au meeting « Pour des élections non truquées » à Moscou aux côtés de l’homme politique d’opposition Boris Nemtsov, qui sera assassiné en 2015. Kirill Kudryavtsev/AFP

Avant le début de la guerre, seule une minorité du monde artistique et culturel russe osait faire part publiquement de son désaccord avec le régime de Vladimir Poutine, devenu de plus en plus autoritaire au cours des années. La majorité avait opté pour une posture – très commode pour le pouvoir – consistant à se placer « hors de la politique », à « rester neutre » et à « se concentrer sur son art ».

Les rares artistes à critiquer ouvertement Poutine et son système se voyaient largement empêchés de travailler normalement et de rencontrer leur public. Par exemple, en 2012, Iouri Chevtchouk, l’une des plus grandes stars russes du rock depuis les années 1980, leader du groupe culte DDT, s’est vu interdire de partir comme prévu en tournée à travers le pays après participé à des manifestations à Moscou contre les fraudes survenues pendant l’élection présidentielle organisée en mai de cette année-là, qui s’est soldée par le retour au Kremlin de Vladimir Poutine après l’interlude Medvedev. C’est surtout à partir de ce moment-là que le pouvoir s’est mis à s’en prendre systématiquement aux personnalités du monde de la culture qui se permettaient de prendre publiquement position contre lui.

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L’annexion de la Crimée en 2014 a tracé une nouvelle ligne de séparation entre le gouvernement russe et les artistes, spécialement les plus jeunes d’entre eux. Des rappeurs populaires comme Oxxxymiron, Noize MC, Husky, ou encore Face ont participé à des manifestations politiques, s’en sont pris en paroles au régime et ont donc eu, eux aussi, des difficultés à poursuivre leur activité professionnelle en Russie, certains ayant même connu des démêlés avec la justice du fait de leurs prises de position.Oxxxymiron, Face, IC3PEAK : les artistes russes s’opposent à Poutine, Arte, 5 avril 2022.

Au pays de Vladimir Poutine, la justice est en effet régulièrement mise à contribution pour ramener à la raison les personnalités de la société civile jugées suspectes. En 2017, une procédure pénale, officiellement pour motifs économiques, est lancée contre l’éminent réalisateur et metteur en scène Kirill Serebrennikov, fondateur du théâtre « Gogol Center » à Moscou, devenu l’un des lieux culturels centraux de la Russie contemporaine. En 2018, son film « Leto » (L’Été) a reçu plusieurs prix internationaux y compris au Festival de Cannes. En 2019, il a été fait par la France commandeur des Arts et des Lettres. Serebrennikov était connu pour sa position critique envers le régime de Poutine. Pour la majorité de l’intelligentsia russe, les poursuites déclenchées à son encontre par le Kremlin n’ont rien à voir avec le motif officiellement invoqué et relèvent d’une nouvelle manifestation de la persécution de toute dissidence. Le metteur en scène a été placé en résidence surveillée pour presque deux ans. Lors de son procès, finalement tenu en 2020, il a été jugé coupable et condamné à une peine de prison avec sursis. Il a quitté le pays peu après l’invasion de l’Ukraine.

Kirill Serebrennikov devant le Deutsches Theater à Berlin, où est affichée une banderole aux couleurs du drapeau ukrainien proclamant « We Stand United »
Kirill Serebrennikov devant le Deutsches Theater à Berlin, le 22 avril 2022. Lors d’une interview à l’AFP ce jour-là, il a déclaré : « Nous avons le choix : devenir Leni Riefenstahl ou Marlène Dietrich », cette dernière étant connue pour s’être opposée au nazisme. Tobias Schwarz/AFP

Le point de non-retour entre le régime de Poutine et la culture russe

Après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, les autorités russes ont nettement accru leur contrôle sur l’espace public. L’objectif, désormais, n’est plus simplement de taper sur les doigts des contestataires, mais de purger le pays de tous les éléments insuffisamment « patriotes » : dans son fameux discours du 16 mars, Vladimir Poutine n’a-t-il pas appelé à une « purification naturelle » de la société contre « les racailles et les traîtres » ?

Depuis l’adoption d’une loi ad hoc, la moindre expression d’une opinion indépendante sur la guerre en cours est susceptible d’être qualifiée de « tentative de jeter le discrédit sur l’armée russe » et de « diffusion de fausses nouvelles » – des infractions passibles d’une peine de prison ferme pouvant aller jusqu’à 15 ans. Cette législation, similaire à celle de la loi martiale, a permis aux siloviki (les responsables des structures de sécurité et de justice de l’État) de placer sous une pression maximale ceux des artistes russes qui ont pris la décision de ne pas garder le silence. Et pourtant, certains, y compris une proportion non négligeable des représentants de la culture dite populaire, qui étaient jusqu’ici considérés comme plutôt loyaux envers le régime, n’ont pas craint de défier le pouvoir.

La chanteuse russe Monetotchka en concert
La très populaire chanteuse russe Monetotchka, qui s’est exilée après le début de la guerre, participe à Varsovie (Pologne) à un concert de charité visant à lever des fonds pour les réfugiés ukrainiens, le 25 avril 2022. Janek Skarzynski/AFP

Les artistes de la culture pop étaient restés largement apolitiques pendant les 22 ans du régime de Poutine. Mais la guerre déclenchée par le Kremlin a révélé qu’une partie d’entre eux, y compris parmi les plus célèbres, étaient aptes à défendre une position éthique dans des circonstances périlleuses. Des idoles de la variété et de la pop, dont les Russes connaissaient les chansons par cœur (parfois depuis l’enfance) – tels que la superstar Alla Pougatcheva, mais aussi Valéry Meladze, Sergueï Lazarev, Ivan Ourgant, etc – ont osé de déclarer au grand public leur désaccord avec les bombardements du pays voisin.

Même si d’autres artistes – comme le « rappeur de cour » et businessman Timati, en passe de reprendre les cafés abandonnés par la chaîne Starbucks, ou l’acteur Vladimir Machkov – ont accepté de diffuser la propagande officielle, l’effet qu’a sur la société le courage des artistes anti-guerre (qui, en dénonçant la guerre ou en quittant la Russie, ont mis leur carrière professionnelle, voire leur liberté, en péril) ne doit pas être sous-estimé.

Les représentants des générations les plus jeunes, comme les rappeurs évoqués plus haut, n’ont pas été en reste, à commencer par le plus célèbre, Oxxxymiron, qui est parti pour l’étranger et y a organisé de nombreux concerts réunissant ses compatriotes sous le slogan sans équivoque « Russians against war », et dont les recettes sont reversées à des organisations d’aide aux réfugiés ukrainiens.

Une position partagée par les emblématiques punkettes de Pussy Riot – l’une d’entre elles, menacée de prison, a d’ailleurs fui la Russie dans circonstances particulièrement rocambolesques – et par les membres de l’un des rares groupes russes connus à l’international, Little Big, qui se sont exilés et ont publié un clip établissant implicitement un lien entre la destruction de l’Ukraine et la « cancellation » de la culture en Russie.Little Big, Generation Cancellation, 24 juin 2022.

Enfin, la majeure partie de l’intelligentsia culturelle russe est également hostile à la guerre. Si, là encore, certains – par conviction (comme l’écrivain Zakhar Prilépine) et le cinéaste Nikita Mikhalkov, ou par calcul – chantent les louanges du régime et saluent son « opération spéciale », une large majorité des écrivains, poètes, réalisateurs et musiciens connus internationalement se sont opposés à l’invasion du pays voisin. Quelques-uns sont même passés des paroles aux l’action et ont fondé une association baptisée « La vraie Russie ».

Parmi les plus actifs, citons les célèbres écrivains Lioudmila Oulitskaïa, Boris Akounine et Dmitri Gloukhovski ; le metteur en scène Kirill Serebriannikov, déjà cité ; le réalisateur Andreï Zviaguintsev ; la chanteuse lyrique Anna Netrebko ; la poétesse Vera Polozkova ; les vétérans du rock Boris Grebenchtchikov, Iouri Chevtchouk et Andreï Makarevitch ; les acteurs Lia Akhedkajova, l’acteur Artur Smolyaninov… liste non exhaustive).

Certains d’entre eux ont déjà été désignés par le gouvernement russe comme « agents de l’étranger » et ont dû quitter le pays. Ajoutons que plusieurs responsables d’institutions culturelles de premier plan ont démissionné pour protester contre la guerre en Ukraine.

Persécuter l’intelligentsia artistique contemporaine sera une tâche plus facile pour le Kremlin que démanteler les fondements éthiques de la culture russe classique, qui s’est toujours opposée aux horreurs de la guerre, mettant au centre de la réflexion l’individu (le problème du « petit homme » chez Pouchkine, Gogol, Tchekhov) et considérait l’âme russe comme ouverte, paisible et tournée vers le monde (l’idée de « vsemirnaïa doucha » de Fedor Dostoïevski).

Les auteurs classiques sont encore étudiés à l’école en Russie… pour le moment. Mais au rythme où vont les choses, il est permis de se demander si le plus célèbre roman de la littérature russe, Guerre et Paix, ne sera pas jugé contraire à l’esprit de l’époque, puisque le mot « guerre » lui-même a disparu de l’espace public, si bien qu’un meme populaire présente la couverture de l’ouvrage portant ironiquement pour titre « L’opération militaire spéciale et la paix »…

L’écologie est-elle soluble dans les démocraties capitalistes ?

31 dimanche Juil 2022

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  1. Albin WagenerChercheur associé l’INALCO (PLIDAM) et au laboratoire PREFICS, Université Rennes 2

Déclaration d’intérêts

Albin Wagener ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Le risque d’une écologie devenant elle-même une ressource pour la communication et le marketing. Shutterstock

Suite aux élections législatives de 2022, la toute récente reparlementarisation de la vie politique française pourrait faire évoluer la place des questions écologiques et environnementales, tout en soulignant les tensions qui existent entre urgence climatique et choix démocratiques et politiques. Le tout dans un contexte qui montre que les événements liés à l’urgence climatique deviennent désormais la norme, en France comme ailleurs.

À ce titre, plusieurs travaux ont montré que les programmes des partis situés à gauche du spectre politique étaient plus cohérents avec les accords de Paris, notamment EELV et LFI.

Au-delà de ce contexte, il est important de se poser cette question : une démocratie capitaliste est-elle compatible avec une politique écologique ambitieuse, susceptible de répondre aux effets du changement climatique ?

Cette question est d’autant plus pertinente, lorsqu’on sait à quel point il peut être difficile de prendre des décisions radicales, capables de répondre aux urgences, dans un moment où les positions hégémoniques du néolibéralisme font pression pour conserver une politique des « petits pas ».

Le philosophe et juriste Sam Adelman a ainsi montré que le principe même du « développement durable » repose sur des objectifs de croissance économique, rigoureusement incompatibles avec les défis de l’urgence climatique.

Changer de modèle

Si la question peut paraître un brin provocatrice, remettre en question le modèle économique de croissance basé sur un extractivisme matérialiste qui transforme biens, vivants et humains en ressources, semble nécessaire. D’autant que dans beaucoup de cas, lorsque l’écologie est prise en considération, elle relève du greenwashing. Ou, pour le dire autrement, l’écologie elle-même devient une ressource pour la communication et le marketing, avant d’être transformée en politique ambitieuse.

Pour le professeur Pieter Leroy, qui enseigne la politique environnementale aux Pays-Bas, la réponse est claire : notre organisation politique ne nous permettrait pas de pouvoir répondre dignement aux effets liés au changement climatique. Même lorsque des grands conglomérats proposent de baisser la consommation d’énergie par exemple, cela sert d’abord des buts économiques et financiers.

Démocratie vs capitalisme ?

En réalité, la question est peut-être mal posée : il n’y a pas de démocratie contemporaine qui fonctionne en dehors du régime économique capitaliste, comme l’avait d’ailleurs identifié l’économiste Francis Fukuyama il y a 30 ans ; alors que l’inverse est vrai, puisque plusieurs régimes autoritaires prospèrent dans le monde, tout en adoptant une économique capitaliste.

S’agit-il d’un hasard ou d’un lien consubstantiel ? Sommes-nous incapables de rendre une démocratie fonctionnelle sans idéologie de croissance ni prédation économique ? Et, dans ce cas de figure, quelle peut être la véritable place de l’écologie dans un tel système, qui définit la planète, l’environnement, le vivant et l’humain comme un ensemble de ressources à exploiter ?

En réalité, cette question est loin d’être nouvelle puisqu’elle date du début des années 2000 à tout le moins ; mais à l’heure où chaque mois compte pour tenter de rendre le changement climatique le moins catastrophique possible, il est intéressant de se pencher sur ces questions qui lient succès démocratique et essor de l’économie de marché capitaliste.

Rester critique

Il y a 30 ans déjà, la philosophe américaine Nancy Fraser expliquait que le succès du modèle démocratique libéral ne devait pas nous faire oublier qu’aucun modèle politique n’est parfait, et que la critique est toujours saine et indispensable.

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Pour Nancy Fraser, cette critique met notamment en exergue le fait qu’une démocratie fonctionnelle dispose d’un espace public libre, dans lequel chacun est libre de donner un avis, débattre et exercer son droit au désaccord – mais que cet espace public peut être saturé de lobbies et de groupes d’intérêt qui vont influencer les décisions politiques et les opinions publiques.

Pour le dire simplement, ces espaces de liberté peuvent être des sources d’émancipation, ou bien de redoutables terrains où prospère l’inaction climatique.

Contre le capitalisme néo-libéral

En 2004, la politiste Wendy Brown associe les difficultés et les écueils des démocraties contemporaines à l’essor du capitalisme néolibéral, en expliquant notamment que :

« la rationalité néo-libérale […] soumet chaque aspect de la vie politique et sociale au calcul économique : plutôt que de se demander, par exemple, ce que le constitutionnalisme libéral permet de défendre, ce que les valeurs morales et politiques protègent et ce dont elles préservent, on s’interrogera plutôt sur l’efficacité et la rentabilité promues – ou empêchées – par le constitutionnalisme. »

Dans cette optique, où le constitutionnalisme libéral est à entendre comme l’exaltation des libertés individuelles face au pouvoir étatique, le politique ne devient qu’un instrument au service de la rentabilité – rendant de facto toute réforme écologique et environnementale difficile à implanter, à partir du moment où elle menace des intérêts économiques et financiers immédiats.

Un peu plus tard, en 2009, la professeur de science politique Jodi Dean va encore plus loin dans un ouvrage qui propose une critique de la version néolibérale des démocraties. Selon elle, les démocraties se retrouvent menacées par une confusion entre libre expression et stratégies de communication ; en d’autres termes, rien ne permet de distinguer les intérêts de celles et ceux qui utilisent leur droit à la liberté d’expression dans la sphère publique.

Ainsi, la sphère publique démocratique représente un véritable marché de la liberté d’expression où se mêlent tendances énonciatives, stratégies de persuasion, fabrication du consentement, opinions privées, argumentations élaborées et influences médiatiques. Cette confusion ne devient compréhensible et lisible qu’à l’aide d’un réel outillage critique, qui peut permettre à chacune et chacun d’exercer ses droits citoyens ; hélas, cet outillage n’est pas accessible à tous et il est difficile de l’appliquer dans le bruit ambiant.

Au sein de ce marché de la libre expression émerge alors non plus une démocratie réelle, mais une illusion de démocratie, réduite à une incarnation simpliste de liberté d’expression publique et d’abondance de production de messages. Cette analogie du marché n’est pas innocente : elle témoigne, une nouvelle fois, de la gémellité entre économie de marché capitaliste et démocraties contemporaines, soulignée entre autres par le politologue allemand Wolfgang Merkel, dans un article particulièrement lumineux paru en 2014.

L’enjeu du changement climatique

Quid alors de l’urgent besoin de réaction face à l’incroyable violence des changements climatiques à venir ?

Si le modèle démocratique présente autant de dangers ou de vicissitudes liés à sa consanguinité avec l’économie de marché capitaliste, il est aisé de voir que les mesures écologiques nécessaires pour changer de modèle de société semblent littéralement vouées à l’échec.

Comment faire voter des individus contre l’intérêt propre de leur confort personnel en termes de consommation, ou empêcher des groupes d’intérêt de peser lorsque leurs propres intérêts financiers sont en jeu ? Comment permettre à des partis politiques et aux femmes et aux hommes qui les représentent de proposer un programme qui ira à l’encontre d’un certain nombre de partis-pris économiques habituels de l’économie de marché capitaliste – notamment la fameuse idéologie de croissance ?

Avec de telles limites, il semble difficile, voire impossible de pouvoir mettre en place une réelle transition écologique, au sens plein du terme, dans un système démocratique contemporain. Le fait qu’économie et démocratie fonctionnent en miroir sur un certain nombre de paramètres exploitables de l’environnement, que ceux-ci soient externes (ressources minières, terres à cultiver, animaux à élever, etc.) ou internes (ressources cognitives et affectives des individus, besoins anthropologiques élémentaires) n’est vraisemblablement pas le fruit du hasard ; ceci montre, comme je le développe dans Ecoarchie, qu’économie capitaliste et démocratie contemporaine, dans la version que nous connaissons, partagent en réalité un ADN commun.

Des données inédites sur les interactions entre les mégafeux et le phénomène El Niño

30 samedi Juil 2022

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auteurs

  1. Apostolos VoulgarakisAXA Chair in Wildfires and Climate Director, Laboratory of Atmospheric Environment & Climate Change, Technical University of Crete
  2. Matthew KasoarResearch Associate at the Leverhulme Centre for Wildfires, Environment and Society, Imperial College London

Déclaration d’intérêts

Matthew Kasoar a reçu des financements du Leverhulme Trust, par l’intermédiaire du Leverhulme Centre for Wildfires, Environment and Society. Les capacités de modélisation climatique évoquées dans cet article ont été fournies par le Joint Weather and Climate Research Programme, un partenariat stratégique entre le Met Office britannique et le Natural Environment Research Council.

Apostolos Voulgarakis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Les incendies de forêt sont un phénomène qui touche pratiquement tous les milieux végétalisés de la Terre depuis des millions d’années. Cependant, au cours des dernières décennies, la planète a connu une activité inédite en la matière, avec des dégâts immenses qui ont touché et touchent la Méditerranée, l’Amérique du Nord et du Sud, l’Asie du Sud-Est, l’Australie et même la Sibérie.

Cette année 2022 témoigne déjà de l’impact d’incendies massifs : la superficie totale brûlée en Europe pour la saison des feux de 2022 serait déjà quatre fois supérieure à la moyenne (en prenant la période 2006-2021 comme référence), selon les données du Système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS).

En plus de causer des dommages directs aux écosystèmes et aux populations locales, les incendies de forêt entraînent l’émission d’énormes quantités de polluants dans l’atmosphère.

À l’échelle mondiale, les émissions dues aux feux de forêt perturbent le cycle du carbone et induisent un intense forçage radiatif ; ce terme désigne un déséquilibre dans le bilan radiatif terrestre, soit l’énergie reçue et perdue par le système climatique. Ces émissions influencent aussi la température, les nuages et les précipitations, et entraînent une dégradation de la qualité de l’air dont on estime qu’elle est responsable de 339 000 décès humains par an.

Mieux prendre en compte les effets des incendies sur le climat

Ces incendies de forêt représentent aujourd’hui l’un des processus les plus mal compris du système terrestre. Ce que l’on sait, c’est qu’en émettant des gaz à effet de serre et des aérosols (minuscules particules de fumée) affectant le rayonnement dans l’atmosphère, ils provoquent des perturbations du climat mondial comme régional.

Toutefois, l’ampleur de ces effets demeure très incertaine. Les modèles actuellement utilisés pour prédire l’évolution du climat – comme ceux sur lesquels s’appuient les rapports du GIEC – n’incluent pas de représentations des effets des incendies de forêt ou le font encore trop imprécisément.

En l’absence de modèles capables de représenter avec précision les influences du changement climatique sur les feux de forêt et, à leur tour, les influences de la pollution générée par les feux de forêt sur le climat – on parlera ici de « rétroactions feu-climat » – les prévisions du changement climatique à venir pourraient souffrir de biais importants.

Les feux et le phénomène El Niño

Les émissions dues aux incendies n’ont pas seulement le potentiel d’influencer le climat à long terme, elles peuvent également modifier les conditions météorologiques à court terme dans différentes parties du globe. Il s’agit là encore d’un sujet scientifique mal compris, malgré l’existence de quelques études.

Notre équipe de climatologues de Grèce et du Royaume-Uni a récemment conduit une série d’expériences pour tenter d’apporter de nouveaux éléments de compréhension sur cette question.

Ces travaux ont porté sur un ensemble de simulations inédites incluant des événements marqués du phénomène El Niño ; ils ont permis de quantifier l’impact des émissions intenses provenant d’incendies de forêt au-dessus de l’Asie équatoriale lors d’épisodes marqués du phénomène El Niño au cours des dernières décennies.

Des saisons sèches plus longues en Asie

El Niño est un phénomène qui modifie les régimes climatiques dans la région du Pacifique, ainsi que d’autres régions du monde. L’une des conséquences de ces épisodes concerne notamment une saison sèche plus profonde et plus longue en Asie équatoriale. Les impacts sont très importants pour les sociétés de ces zones géographiques.

Lors des récents « grands » épisodes El Niño, comme en 1997 et 2015, ce phénomène s’est combiné à l’expansion du défrichage des terres agricoles, provoquant de vastes incendies dans des zones dominées par la présence de la tourbe. Ces incendies, qui comptent parmi les plus importants de la planète, attirent l’attention des scientifiques et des médias en raison de la couverture de fumée qu’ils produisent dans toute la région pendant plusieurs semaines ; ces épisodes ont un impact sur la santé de millions de personnes.

La fumée des feux de forêt plane sur la campagne
La saison des incendies 2015 en Indonésie a laissé derrière elle une traînée de fumée qui a atteint le monde entier. NASA/Flickr, CC BY

L’air de Singapour pollué par les incendies en Indonésie (vidéo Euronews, septembre 2015).

La littérature s’est jusqu’à présent concentrée sur l’ampleur de ces émissions de fumée provoquées par El Niño et sur leurs graves répercussions sur la santé. Cependant, il y a eu étonnamment peu de recherches portant sur la rétroaction climatique imputable au forçage radiatif majeur provoqué à cette occasion.

L’hypothèse des nouveaux travaux est que ces émissions de fumées peuvent influencer de façon radicale les conditions atmosphériques dans le Pacifique occidental et donc modifier le développement du phénomène El Niño lui-même.

C’est la première fois que l’impact des émissions intenses de fumées au-dessus de l’Asie équatoriale sont étudiés dans le cadre de simulations climatiques d’une très grande complexité. Celles-ci ont permis aux chercheurs de comparer le développement des événements El Niño avec et sans la présence d’importantes émissions de feux de friches en provenance d’Asie équatoriale ; la saison intense des feux de 1997 a été prise comme cas test.

L’impact des feux de forêt sur El Niño

Les résultats suggèrent que les émissions intenses de fumée entraînent un fort réchauffement de l’atmosphère inférieure au-dessus de l’Asie équatoriale, ce qui renforce la convection locale (mouvement ascendant de l’air), la quantité de nuages et les précipitations sur le continent maritime.

Cela a pour effet de déplacer la couverture nuageuse vers l’ouest dans le Pacifique et de renforcer considérablement la « circulation de Walker », qui est le schéma typique de circulation de l’air dans la basse atmosphère tropicale. Cela s’oppose à la circulation typique d’El Niño dans le Pacifique (qui correspond à un affaiblissement de la circulation de Walker) et entraîne une rétroaction négative sur l’événement El Niño lui-même.

Les chercheurs ont ainsi constaté que l’événement El Niño est affaibli d’environ 25 % en moyenne en raison des émissions de feux de forêt que l’événement El Niño lui-même produit.

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Mieux prévoir les épisodes El Niño

En plus d’être une indication de l’impact climatique que peuvent avoir ces saisons exceptionnelles d’incendies provoquées par El Niño en Indonésie, ces résultats ont également des implications claires pour la prévisibilité d’El Niño.

La prise en compte de l’impact des émissions accrues liées aux incendies de forêt pendant les grands événements El Niño peut influencer de manière significative la progression et l’intensité d’El Niño lui-même.

De manière plus générale, ces résultats ouvrent la voie à d’autres études de ce type pour examiner les implications de la pollution générée par les incendies sur la circulation atmosphérique, les précipitations et les températures, dans diverses régions du monde, à la fois sur des échelles de temps courtes (météo) et longues (climat).

L’amélioration des prévisions météorologiques et climatiques résultant d’une meilleure représentation des incendies de forêt dans les modèles devrait conduire à une prise de décision plus éclairée et à une meilleure qualité des informations météorologiques/climatiques disponibles tant pour les citoyens et que pour les acteurs économiques.

Pourquoi les applications de rencontre nous déshumanisent-elles ?

29 vendredi Juil 2022

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auteurs

  1. François NicolleEnseignant chercheur – ICD Paris, ICD Business School
  2. Ziyed GuelmamiEnseignant-chercheur en marketing, Institut Mines-Télécom Business School

Déclaration d’intérêts

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

Partenaires

ICD Business School et Institut Mines-Télécom fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR.

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Un utilisateur de smartphone sur une application de rencontre.
L’utilisateur se retrouve sans le savoir dans une sorte de purgatoire où son expérience est rendue volontairement frustrante, aux antipodes de la promesse initiale des plateformes. Shutterstock

 

Aujourd’hui, malgré une réputation encore sulfureuse, les applications constituent un moyen crédible de rencontrer des partenaires pour de nombreux Français.

À titre d’exemple, près d’un quart des Français ayant trouvé un partenaire depuis la fin du premier confinement l’a rencontré sur une application de rencontre.

Pourtant, ce type de plates-formes suscite encore de la méfiance pour les non-utilisateurs, mais aussi pour les utilisateurs. Ces derniers vivent parfois ces applications comme des espaces de frustration et parfois de souffrance. Au-delà du lieu commun du « supermarché de l’amour », nous proposons d’examiner les raisons pour lesquelles les applications de rencontre peuvent aliéner ou objectifier leurs utilisateurs.

Un design d’application exploitant le désir amoureux

Quel que soit leur concept (à l’exception des applications de slow dating proposant volontairement peu de profils dans une logique qualitative) et, leurs spécificités, les applications de rencontre visent à faciliter et à accélérer les rencontres. À l’instar des réseaux sociaux, leur enjeu économique fondamental est l’acquisition, la rétention et la monétisation de leurs utilisateurs. Et comme pour les réseaux sociaux, la démarche business sous-jacente à ces plates-formes revêt de graves conséquences.


À lire aussi : Que se passe t-il dans le cerveau quand on tombe amoureux ?


Ainsi, dès l’inscription, les applications simplifient l’accès à leur vivier de célibataires : il suffit souvent d’un compte Facebook ou d’un numéro de téléphone, et d’une image pour exister sur la plate-forme. Les utilisateurs étant peu guidés et conseillés, la qualité des profils s’en ressent.

Selon l’étude que nous avons menée dans le cadre de notre ouvrage « Applications de rencontre. Décryptage du néo-consumérisme amoureux », seulement 59 % des profils masculins proposent une description et un tiers d’entre eux proposent une description ou biographie de plus d’une phrase. La pauvreté du contenu de nombreux profils (ou leur aspect très artificiel) implique que l’on s’y attarde moins, qu’on ne les prend pas au sérieux. En conséquence, l’être humain derrière le profil s’avère beaucoup moins visible. Notons que ce phénomène est moins prégnant sur les sites de rencontre traditionnels (où les frais d’inscription supposent une plus grande élaboration du profil) et sur certaines applications encourageant les utilisateurs à répondre à un grand nombre de questions pour alimenter leur profil.

Algorithmes secrets

Ce premier problème n’a pourtant qu’une influence toute relative sur le désir des utilisateurs, promis à la rencontre d’une abondance de célibataires. Une ou deux photos peuvent suffire à susciter l’envie de rencontrer. Ici, la nécessité des applications à retenir leurs inscrits peut s’avérer nuisible. Nul ne sait comment sont conçus les différents algorithmes de suggestion de profils, seulement, si l’on se fie à l’expérience des utilisateurs telle qu’elle est racontée, on se rend compte que les applications distillent les profils pertinents au compte-goutte et qu’une lassitude tend à s’installer. Ce sentiment suscite une moindre implication dans la démarche de dating, un moindre intérêt dans chaque profil proposé, et, conséquemment, la multiplication de comportements peu constructifs, voire antisociaux.

Enfin, la nécessité de monétiser les profils prometteurs contribue également à faire des applications de rencontres des machines à créer de la frustration. Il s’agit pour ces plates-formes d’amoindrir la performance naturelle de ces utilisateurs pour les encourager à opter pour des options payantes (pour mettre en avant son profil, pouvoir aimer un nombre illimité de profils ou envoyer un message non sollicité, etc.). Ce système permet aux applications de rencontre de figurer parmi les plus rentables au monde.

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L’utilisateur lambda, attiré par les applications pour leur gratuité apparente, se retrouve donc sans le savoir dans une sorte de purgatoire où son expérience serait rendue volontairement frustrante, aux antipodes de la promesse initiale des plates-formes, en proie aux problèmes d’estime de soi que l’on peut imaginer. On observe ainsi nombre d’utilisateurs s’accrochant désespérément à la moindre mise en contact et certains autres développant de l’agressivité.

Un système fécond de comportements antisociaux

La conception (le design) des applications de rencontre, ainsi que la nature même du cyberespace, favorise les comportements antisociaux et tend donc à déshumaniser les rencontres en ligne. Nous abordons ici quelques exemples parlants qui nous ont été relatés dans le cadre de notre étude.

Tout d’abord, parmi les critères d’adoption des applications de rencontre, deux aspects sont régulièrement évoqués : s’engager dans une logique d’homophilie ou s’ouvrir à de nouveaux horizons. Si cela semble contradictoire, nos recherches démontrent que ces deux approches aboutissent sur un comportement de recherche similaire : une hypercritérisation.

D’après notre étude, 73,8 % des répondants se considèrent plus sélectifs en matière de critères sur les applications que dans la vie hors ligne. Cette hypercritérisation correspond à une tendance très prononcée à focaliser son attention sur des critères conçus comme des préférences personnelles mais souvent découlant du système des applications tels que l’âge, la taille, la couleur de peau, des cheveux, le métier, le niveau d’études, la religion, la qualité de l’orthographe, etc.

Cette hypercritérisation va souvent de pair avec une hypersélectivité. Un utilisateur pourra donc considérer que le moindre élément d’un profil est rebutant et disqualifier ainsi chaque profil non conforme, à tout moment. Ce phénomène, s’il peut paraître bénin ou légitime, tend à vider la démarche de rencontre de son sens, à la rendre bien plus artificielle et à instaurer la fameuse atmosphère de « prêt-à-jeter » tant décriée sur les applications. Paradoxalement, l’hypercritérisation et l’hypersélectivité constituent le revers de la médaille d’une trop grande abondance de profils.

Violence du ghosting

En conséquence, le ghosting s’est imposé comme un acte de violence normalisé et intériorisé par les utilisateurs. Ce terme issu de l’anglais « ghost » (fantôme) désigne le fait de ne plus donner de nouvelles à quelqu’un de manière subite et définitive, sans raison apparente. Selon notre étude, 53 % des hommes et 80 % des femmes admettent l’avoir déjà fait lors de leur activité de dating. Il est intéressant de noter que le ghosting se pratique aussi après une rencontre « en réel » suite à des échanges sur les applications de rencontre. Il ne s’agit donc pas seulement d’un problème de design des applications ; le système d’abondance qu’elles ont instauré altère également les interactions humaines hors du monde virtuel. Plusieurs éléments viennent favoriser cette pratique sur les applications : la consommation cyclique des plates-formes (les utilisateurs s’inscrivent et se désinscrivent au gré de leur situation amoureuse), l’incitation à flirter avec plusieurs personnes à la fois, la décontextualisation des rencontres (c’est-à-dire qu’aucun contexte social ne consolide le lien établi entre deux personnes), la mauvaise perception – paradoxale – que l’on a des autres utilisateurs sur ces plates-formes (c’est le cas de 54 % des répondants de notre étude), le fait d’être soi-même régulièrement victime de ghosting et de vouloir « rendre la pareille ».

La problématique de l’hypercritérisation présente également des cas plus extrêmes, par exemple la fétichisation, notamment des minorités. De nombreux témoignages ainsi que les travaux du chercheur français Marc Jahjah mettent en évidence ce phénomène sur les applications. La fétichisation consiste dans ce cas à ne plus considérer son interlocuteur comme un individu à part entière, mais à l’assimiler à une catégorie, un stéréotype, basé sur des critères visibles comme la couleur de peau, la taille, une partie de son corps (seins, mains, pieds, cheveux, sexe, etc.). Ici, l’humain est donc réduit à l’un de ses attributs : il s’agit donc d’une forme d’objectification qui contribue à alimenter le sentiment de déshumanisation et de marchandisation sur les plates-formes de rencontre.

Quitter les applications pour réhumaniser la rencontre en ligne ?

La lassitude (la « dating fatigue ») est sans doute le plus grand mal qui ronge le monde des applications aujourd’hui. Si ces plates-formes semblent satisfaire leurs utilisateurs au début de leur activité, ce sentiment semble décroître au fur et à mesure du temps, ce qui amène logiquement les utilisateurs à quitter ces plates-formes. 88 % de nos sondés déclarent avoir déjà désinstallé toutes leurs applications de rencontre. Cependant, parmi eux, seuls 31 % l’ont fait car ils avaient rencontré une personne qui leur convenait. Les 69 % restants ont quitté les applications par lassitude, pour leur caractère chronophage ou suite à une mauvaise expérience. Ces chiffres ne surprennent pas, étant donné que la frustration sur les applications de rencontre fait partie intégrante de leur modèle d’affaires « freemium ».

En guise d’alternative, les ex-utilisateurs, notamment les jeunes, se tournent de plus en plus vers les réseaux sociaux comme Instagram pour faire des rencontres. Sur ces plates-formes, les échanges sont perçus comme plus authentiques, et donc, plus humains.

Nous soulevons donc le rôle essentiel que les utilisateurs ont à jouer pour contribuer à réhumaniser les rencontres en ligne, mais soulignons surtout la responsabilité des applications qui se doivent de proposer une conception éthique de l’expérience utilisateur si elles souhaitent se pérenniser. Un mouvement s’opère déjà chez les plates-formes pour intégrer des dispositifs de sécurité et pour lutter contre les pratiques antisociales mais leur modèle d’affaires semble encore limiter leurs options.

Pourquoi la forêt française a besoin d’un traitement de fond

28 jeudi Juil 2022

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auteurs

  1. Guillaume DecocqProfesseur en sciences végétales et fongiques, directeur de l’UMR EDYSAN, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)
  2. Serge MullerProfesseur émérite, chercheur à l’Institut de systématique, évolution, biodiversité (UMR 7205), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)

Déclaration d’intérêts

Guillaume Decocq est vice-président de la Société botanique de France ; il a dirigé la rédaction du «livre blanc sur l’introduction d’essences exotiques en forêt». Il est par ailleurs membre du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) et de la Commission régionale de la forêt et du bois (CRFB) de la région Hauts-de-France. Il a participé et dirigé de nombreux projets de recherche financés par l’ANR, les Ministères et des collectivités territoriales.

Serge Muller préside actuellement le Conseil national de la protection de la nature (CNPN), ainsi que le Conseil scientifique régional du patrimoine naturel (CSRPN) de la région Grand Est. Il est membre associé de l’Autorité environnementale du CGEDD et membre du Groupe sur l’urbanisme écologique (GUE) de l’Institut de la transition environnementale de Sorbonne-Université (SU-ITE)

Partenaires

Sorbonne Université apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Muséum National d’Histoire Naturelle et Université de Picardie Jules Verne (UPJV) fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR.

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Covid-19, urbanisation galopante, péril sur la biodiversité… la forêt apparaît ces dernières années comme le refuge par excellence, un lieu pour retisser des liens avec le vivant, une « nature » en voie de disparition. Mais un refuge au cœur de forts enjeux économiques, le bois devenant un matériau de choix pour écoconstruire ou se chauffer… Dans un monde chahuté, quelle place allons-nous accorder aux forêts, s’interroge cette série.


Comme l’ont souligné les conclusions des Assises nationales de la forêt et du bois, lancées par le gouvernement en octobre 2021 avec pour objectif de « penser la forêt française de demain », la forêt française est aujourd’hui en crise.

Depuis deux décennies, on assiste en effet à une mortalité croissante des peuplements forestiers et à une baisse globale de leur productivité. Si la surface boisée en France métropolitaine ne cesse de croître depuis le milieu du XIXe siècle, c’est en raison du boisement – spontané ou artificiel – de terres agricoles, car la superficie occupée par des forêts anciennes, elle, ne cesse de diminuer.

Ce « dépérissement », est généralement attribué aux modifications climatiques. Les sécheresses estivales récurrentes fragilisent les arbres et la douceur hivernale favorise les pullulations de bioagresseurs, en particulier les scolytes et les hannetons.

Le changement climatique en est sans aucun doute une cause essentielle, mais il est aussi le révélateur d’écosystèmes forestiers fragilisés par des décennies de pratiques sylvicoles focalisées sur la production de bois. Non seulement la forêt française fixe moins de carbone par unité de surface, mais l’exploitation des peuplements dépérissants induit des émissions supplémentaires de CO₂ aggravant l’effet de serre et les changements climatiques associés.

Dans un tel contexte, adapter la forêt française est plus qu’une nécessité, c’est une urgence.

L’arbre ne doit plus cacher la forêt

Les forêts ne sont pas des champs d’arbres, mais des écosystèmes avec de multiples interactions entre les différentes composantes.

Le promeneur a tôt fait de constater que les descentes de cimes et les mortalités de masse concernent surtout des plantations monospécifiques, constituées d’arbres de même âge, correspondant souvent à des essences introduites hors de leur territoire d’indigénat.

C’est le cas de nombreuses plantations d’épicéa en plaine, tandis que les pessières naturelles d’altitude résistent plutôt bien. Les premières constituent des peuplements simplifiés sensibles aux aléas climatiques (tempêtes, sécheresses, incendies) et aux attaques de bioagresseurs (insectes, champignons…), tandis que les secondes, beaucoup plus hétérogènes et diversifiées, sont plus résilientes.L’Argonne, la forêt morte (Sylvain Gaudin, 2020).

Même s’il existe une sensibilité propre à chaque essence et à chaque situation stationnelle, les impacts directs et indirects du dérèglement climatique sont modulés par l’intégrité fonctionnelle de l’écosystème forestier, qui est elle-même largement influencée par la sylviculture.

Adapter la forêt, c’est agir sur la santé de l’écosystème et non simplement remplacer des arbres mourants par d’autres. C’est un traitement de fond des causes du dépérissement qu’il faut entreprendre et non un simple traitement des symptômes. La forêt ne peut plus être réduite à ses arbres et à sa fonction de production : seule une vision écosystémique peut être salvatrice.

La nécessaire adaptation des pratiques sylvicoles

Le principal levier permettant d’adapter la forêt française repose sur la promotion de pratiques sylvicoles prenant davantage en compte le fonctionnement des écosystèmes forestiers dans leur ensemble ; cela pour améliorer durablement leur état de santé, leur résilience, et accroître leur capacité à séquestrer et à stocker du CO2.

D’abord, il faut réserver chaque essence à des stations présentant des conditions optimales pour elle, actuellement et en prenant en compte l’évolution modélisée du climat sur des pas de temps cohérents avec le cycle sylvicultural. Il faut aussi privilégier les peuplements mélangés (plusieurs essences) et structurellement hétérogènes (plusieurs hauteurs et formes de houppiers), de manière à renforcer la résistance aux aléas météorologiques et aux attaques de bioagresseurs.

Forêt mélangée des Vosges du Nord (sept. 2021). Evrard de Turckheim, CC BY-NC-ND

Privilégier la régénération naturelle permet d’accroître la diversité génétique soumise à la sélection naturelle et les capacités d’adaptation locale, contrairement aux plantations. Cela implique une meilleure gestion de l’équilibre sylvo-cynégétique, notamment en favorisant la végétation accompagnatrice qui protège les plants sensibles et fournit une ressource alimentaire alternative.

Il existe déjà des modes de sylviculture mettant en œuvre ces principes, comme la futaie irrégulière ou jardinée. Ce type de sylviculture n’est pas nouveau, il a été adopté depuis 2017 par l’Office national des forêts pour toutes les forêts publiques franciliennes afin d’éviter les « coupes à blanc ».

Coupe à blanc d’une parcelle de Douglas dans une forêt de l’Oise. Guillaume Decocq, CC BY-NC-ND

Face aux sécheresses récurrentes, il faut adapter la densité des peuplements au bilan hydrique de la station et préserver l’alimentation en eau des sols, y compris en limitant leur tassement.

Plus généralement, accroître la résilience des forêts nécessite de favoriser la biodiversité au sein de tous les compartiments de l’écosystème. Celle-ci est encore trop souvent perçue comme une contrainte pour le forestier, comme un obstacle à la gestion, alors même que c’est son assurance sur le long terme pour maintenir la fertilité des sols, la résistance aux bioagresseurs et, in fine, la capacité de production de bois.

Une condamnation sans procès des essences autochtones

Plusieurs documents de planification, comme les Plans régionaux Forêt-Bois (PRFB) considèrent un peu hâtivement que les essences indigènes ne sont plus adaptées au « nouveau » climat. Cette vision fixiste du monde vivant oublie que les essences forestières européennes ont déjà connu bien des changements climatiques (notamment un Petit Âge glaciaire et un Optimum médiéval). Pire, elle ignore nombre de travaux scientifiques récents qui mettent en lumière des capacités d’adaptation insoupçonnées des arbres.

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Au moins trois ensembles de mécanismes permettent l’adaptation spontanée des arbres en environnement changeant : les mécanismes génétiques, via la sélection naturelle qui agit sur le long terme, ce qui nécessite une certaine diversité génétique ; les mécanismes épigénétiques, qui prédisposent des individus à des conditions environnementales que leurs parents ont vécues, via des marques induites capables de moduler l’expression des gènes et d’induire des mutations ; les mécanismes holobiontiques, via les symbioses issues de la co-évolution entre l’arbre et son microbiote, ce dernier contribuant à de nombreuses fonctions vitales.

Forêt mélangée dans le Sud amiénois (Somme) où les épicéas sont épargnés par les attaques de scolytes (oct. 2021). Guillaume Decocq, CC BY-NC-ND

L’efficacité de ces différents mécanismes face à des changements climatiques rapides est encore mal connue, d’où l’intérêt de pouvoir observer la réponse des essences autochtones dans un contexte « naturel », c’est-à-dire hors forêt soumise à la sylviculture.

À cet égard, il est important d’augmenter les superficies d’aires forestières protégées et leur représentativité des différents contextes climatiques et des types de sols, comme souligné dans la contribution du Conseil national de la protection de la nature aux Assises de la forêt et du bois.

Ces espaces à naturalité élevée constituent non seulement des réservoirs de biodiversité préservée, mais aussi des laboratoires grandeur nature pour la compréhension de la biologie des espèces et des dynamiques forestières spontanées, indispensables à l’acquisition de références pour concevoir les itinéraires sylviculturaux de demain.

Une fausse bonne idée : le recours aux essences exotiques

La prétendue « inadaptation » des essences autochtones justifie le recours à des essences exotiques, venant souvent d’autres continents, dont l’intérêt et l’innocuité sont plus que douteux… L’idée de privilégier les essences naturellement résistantes au stress hydrique serait séduisante, si elle ne faisait pas preuve d’une certaine amnésie (en plus de faire l’impasse sur des millions d’années d’histoire évolutive).

Carte montrant la progression de la chalarose du frêne. Ministère de l’Agriculture

Car l’introduction d’essences exotiques en forêt n’est pas nouvelle. Beaucoup se sont soldées soit par des échecs d’acclimatation, soit par de graves crises écologiques : introductions accidentelles de bioagresseurs exotiques (l’actuelle épidémie de chalarose du frêne en est un exemple parmi des dizaines d’autres), invasions biologiques (le cerisier tardif, jadis vanté pour ses mérites en foresterie est devenu aujourd’hui l’ennemi du forestier), érosion de la biodiversité autochtone (les sous-bois fantomatiques de nombreuses plantations de conifères en plaine en sont un exemple criant) ; ou encore, aggravation des conséquences de certains aléas (les méga-feux que connaît la Péninsule ibérique sont étroitement liés aux plantations d’eucalyptus, très inflammables, et pourtant promues en région méditerranéenne française).

En forêt de Compiègne (Hauts-de-France), invasion par le cerisier tardif (juin 2005). Guillaume Decocq, CC BY-NC-ND

Une analyse détaillée de ces risques est présentée dans un livre blanc sur l’introduction d’essences exotiques en forêt, récemment publié par la Société botanique de France.

Les risques associés aux essences exotiques, difficilement prévisibles, mais réels et coûteux pour la société, justifient que les nouvelles plantations soient davantage réglementées. Celles-ci devraient faire l’objet d’une étude d’impact préalable avec analyse de risque.

Plus généralement, il est urgent d’évaluer le rapport bénéfice/risque à moyen et à long terme de ces plantations, et, dans l’attente d’une telle évaluation, de soumettre à un moratoire les mesures politiques et financières incitant leur introduction en forêt.

Mieux prendre en compte les résultats de la recherche scientifique

Cet effort indispensable pour adapter la gestion des forêts aux changements climatiques ne doit pas se limiter aux actions d’ingénierie, mais reposer sur une approche scientifique interdisciplinaire, fondée sur l’ensemble des apports récents des sciences et techniques de la conservation.

La recherche scientifique en écologie forestière en particulier est très mobilisée sur la question des impacts des changements climatiques sur la forêt et des capacités adaptatives des espèces.

Les nombreux résultats de la recherche permettraient d’appuyer les stratégies de gestion et de planification forestières sur des bases scientifiques robustes. Pourtant ces résultats sont jusqu’ici peu ou pas pris en compte par les décideurs.

La gestion durable des forêts ne peut pourtant reposer sur la seule ingénierie, tout comme elle ne peut se réduire aux seuls arbres. Agir en environnement changeant et en univers incertain suppose d’intégrer nos connaissances scientifiques dans tous les domaines, de prendre en compte l’évolution des attentes sociétales et d’actualiser les outils des ingénieurs.

Cinq auteurs de jeunesse à faire absolument découvrir aux enfants

27 mercredi Juil 2022

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auteurs

  1. Eléonore CartellierDocteur en littérature britannique, Université Grenoble Alpes (UGA)
  2. Anne-Marie MonluçonMaîtresse de conférences en littérature comparée, Université Grenoble Alpes (UGA)
  3. Chiara RameroDocteur en littérature française, Université Grenoble Alpes (UGA)
  4. Fanny RinckMaîtresse de conférences en Sciences du langage, Université Grenoble Alpes (UGA)

Déclaration d’intérêts

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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Les œuvres de Beatrice Alemagna, Claude Boujon, Susie Morgenstern, Marie-Aude Murail ou Jean-Claude Mourlevat aident les jeunes lecteurs à développer leur imaginaire. Shutterstock

C’est en se heurtant au réel et en multipliant les expériences que chaque enfant dessine son chemin vers l’âge adulte. Mais sa personnalité et ses convictions, il les forge aussi à partir des imaginaires dans lesquels il baigne et des histoires qu’on lui raconte. Dans notre série « L’enfance des livres  », nous vous proposons de découvrir l’extraordinaire diversité de la littérature de jeunesse. Retour sur quelques grands auteurs d’aujourd’hui dans ce premier épisode.

Lisa Antoine-Pénelon, bibliothécaire à Grenoble, a contribué à cet article aux côtés d’Éléonore Cartellier, Anne-Marie Monluçon, Chiara Ramero et Fanny Rinck.


La littérature de jeunesse est un secteur particulièrement dynamique, ce qui multiplie les possibilités de découvertes pour les lecteurs en herbe ou confirmés. Mais comment s’orienter alors entre tous ces contes, romans, albums, fictions historiques ou séries pour repérer les titres qui interpelleront votre enfant ? Les œuvres de ces cinq auteurs et illustrateurs, désormais incontournables auprès du jeune public, offrent de nombreuses pistes pour commencer le voyage.

Beatrice Alemagna

Cette autrice et illustratrice est née à Bologne. Bercée par les aventures de Fifi Brindacier et le roman Le Baron Perché, d’Italo Calvino, Beatrice Alemagna décide à 8 ans de devenir peintre et autrice de livres. Ce qu’elle a parfaitement réussi à faire avec une cinquantaine de livres édités, dont le multi-traduit Mon amour, aux éditions Hélium.

Son album Un grand jour de rien, chez Albin Michel jeunesse, plusieurs fois récompensé, met en scène un enfant obligé de sortir sous la pluie au lieu de jouer à son jeu vidéo. On y retrouve le style « fondu » de Beatrice Alemagna, où les matières ont l’air de se mêler, tout en donnant du relief et de la texture. Les pointes de couleurs vives semblent illuminer ses illustrations.Présentation de l’album « Un grand jour de rien » lors de sa sortie, en 2016.

Ses livres sont pensés comme des objets avec des calques, des collages, des formats atypiques et parfois très peu de texte mais qui laissent toute la place à l’interprétation de l’adulte lecteur et de l’enfant écoutant. Son dernier livre Adieu Blanche-Neige revisite le conte laissant la parole à la belle-mère dans toute sa cruauté, son ambivalence et sa douleur. Le propos a toujours plusieurs niveaux de lecture ce qui rend son œuvre accessible pour plusieurs âges et permet des interprétations diverses.

Marie-Aude Murail

Membre de la « Charte des Auteurs et des Illustrateurs de Jeunesse » et décorée de plusieurs prix dont le prestigieux « Prix Hans Christian Andersen », qui lui a été décerné en 2022, Marie-Aude Murail est un des piliers de la littérature française de jeunesse.

Elle naît en 1954 au Havre, dans une famille d’artistes. Plus tard, à la demande « Comment on devient auteur pour les enfants ? », elle répondra : « On le devient par hasard et on le reste par conviction. » La majeure partie de son œuvre, publiée à L’École des loisirs s’adresse aux adolescents. Elle se rapproche de leur monde et fait vivre des personnages auxquels ils peuvent s’identifier, avec un mouvement de balancier entre identification et projection, pour imaginer d’autres possibles et d’autres horizons. Elle soutient l’idée que le public doit sentir qu’elle aime ses personnages et ses lecteurs.

Couverture du roman Miss Charity
L’école des loisirs

Parmi ses romans les plus célèbres, comme Oh, boy ! (2000), Simple (2004), Vive la République ! (2005) ou Miss Charity (2008), les séries se succèdent : Émilien (1989-1992), Nils (1991-1998) et Malo de Lange (2009-2012) conquièrent le cœur des adolescents, L’espionne, publiée chez Bayard depuis 2001, celui des lecteurs plus jeunes.

Aujourd’hui, Sauveur & Fils, autour d’un psychologue qui aide des jeunes en souffrance, en est à sa septième saison, le deuxième volet de l’adaptation en bande dessinée de Miss Charity, contant les aventures d’une petite fille pleine de curiosité de la bonne société anglaise du XIXe siècle, va bientôt paraître et les enquêtes policières dans les rues du Havre (co-écrites avec son frère Lorris) sont désormais trois : Angie, Souviens-toi de septembre et À l’hôtel du pourquoi pas ?.

Jean-Claude Mourlevat

Recommander la lecture des livres pour la jeunesse de Jean-Claude Mourlevat est-ce si original ? Cet ancien professeur d’allemand, passé par le théâtre, comme interprète et metteur en scène, traduit dans une vingtaine de langues ainsi qu’en braille, récompensé par le prestigieux prix Astrid-Lindgren en 2021, jouit d’une renommée internationale.


À lire aussi : Lectures d’été : sept ouvrages à glisser dans les valises de vos enfants


Nombre d’adultes ont lu à leurs enfants et petits-enfants, ou fait lire à leurs élèves, quelques-uns de ses livres mémorables. En fin de primaire, on peut lire L’Enfant Océan, réécriture par transposition à l’époque contemporaine du Petit Poucet de Perrault, combiné – les spécialistes parlent de « contamination », lorsque l’on tresse plusieurs sources littéraires – à des réminiscences de Hansel et Gretel, des frères Grimm. Mais la vraie prouesse de l’auteur est ailleurs. Celui-ci renouvelle l’exploit de Faulkner dans son roman polyphonique Tandis que j’agonise. Mourlevat écrit dans les silences du conte de Perrault, il donne la parole à tous les personnages, y compris, de manière virtuose, à tous les frères de ce petit taiseux de Poucet.

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D’autres se souviennent d’avoir dû relire plusieurs soirs de suite le chapitre du concours de jurons de La Ballade de Cornebique à leurs enfants trépignant de joie et s’empressant de réemployer ces insultes archaïques et savoureuses.

Gallimard Jeunesse/Folio Junior

Le récent roman Jefferson, destiné aux enfants de 9 ans et plus, traite de sujets sérieux, avec nuances, et une agilité tonale qui permet de passer du suspense le plus angoissant à la franche rigolade ou à l’humour subtil. Le récit démarre à la suite du meurtre d’un coiffeur, un blaireau dénommé Edgar, dont est accusé le héros, Jefferson, un jeune hérisson. L’enquête, lancée avec son ami, le cochon Gilbert, pour échapper à une erreur judiciaire, constitue le nœud de l’intrigue. Elle ne s’articule à la cause animale que dans un second temps : il s’avère que la victime militait secrètement en faveur de cette cause, dénonçant la manière dont les animaux souffrent dans les abattoirs.

Les dialogues entre les personnages valent leur pesant d’or, notamment grâce à l’emploi récurrent par ces personnages animaux d’expressions humaines, le sens figuré venant doubler le sens propre. Ainsi « la vieille bique » est-elle une vieille chèvre, épouse d’un juge…

Claude Boujon

Claude Boujon a aussi été peintre, sculpteur et marionnettiste. Auteur et illustrateur, il fait partie des figures incontournables auprès du jeune public, à l’âge de la maternelle. Ce qui frappe, dans les textes comme dans les dessins, c’est leur simplicité, alliée à une grande expressivité. Tout tient dans une posture, un regard, une onomatopée.

Son univers est d’une extrême richesse et faussement facile, car entrer dans un album de C. Boujon, c’est entrer en littérature, passer par une petite porte pour s’ouvrir aux relations entre personnages, au pouvoir des mots, aux questions du lecteur. C’est lui que le renard regarde, droit dans les yeux, sur la couverture de Bon appétit ! Monsieur Renard.

Couverture de l’album Bon appétit Monsieur Renard
L’école des loisirs

Les incipit déclenchent une quête, toujours avec humour : « Il était une fois un jeune loup qui ne savait pas qu’il était un loup », dans L’apprenti-loup, ou « Quand la sorcière Ratatouille se compara à la photo du magazine, elle se trouva moche », dans Ah ! Les bonnes soupes.

Chez Claude Boujon, il est question du vivre ensemble, comme dans La brouille, savoureuse histoire de voisinage, et dans L’intrus, où les Ratinos font face à une « montagne de chair ». Il est aussi question de livres, dans Un beau livre, et dans Le Crapaud perché, où le héros « aurait pu passer des jours entiers le nez dans un bouquin ». Un de ses textes les plus drôles, La chaise bleue, est l’histoire d’une amitié et une ode à l’imaginaire car « Une chaise c’est magique. On peut la transformer. »

Susie Morgenstern

Née aux États-Unis en 1945, écrivant depuis la fin des années 1970, Susie Morgenstern est une autrice incontournable en littérature de jeunesse. Ses œuvres sont à la fois touchantes et complexes. Ayant beaucoup écrit pour les lecteurs de l’âge du primaire, elle s’est tournée ces dernières années vers un public plus mûr avec des textes sur le désir adolescent tels que Touche-Moi, publié en 2020, ou encore sur la technologie et les relations inter-générationelles avec iM@mie.

Ses œuvres les plus emblématiques s’adressent aux lecteurs de 8 à 12 ans avec La Sixième, Joker, Lettres d’amour de 0 à 10, ou encore Les deux moitiés de l’amitié. Alors que les deux premiers ouvrages se concentrent sur l’école, les deux derniers de la liste sont de belles réflexions sur l’amour et l’amitié entre les générations et entre les religions.

Le Tour de France, une expérience patrimoniale totale ?

26 mardi Juil 2022

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  1. Fabrice RaffinMaître de Conférence à l’Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Auteurs historiques The Conversation France

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Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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La 10e étape de la 109e édition du Tour de France, 148,1 km entre Morzine et Megève, dans les Alpes françaises, le 12 juillet 2022. AFP

L’histoire traverse le peloton, tandis que le peloton traverse l’Histoire : le Tour de France est une entreprise patrimoniale totale. Mais il n’est pas de ces patrimoines muséifiés, intellectualisés, imposés. Chaque Français le croise un jour, au bord d’une route, au détour d’un article, d’un reportage, sur un écran de télévision, sur une application, un jeu vidéo. Repère national, de plus en plus européen, il vient à chacun, comme chacun vient à lui, dans un espace-temps ensoleillé chaque début du mois de juillet.

Dispositif patrimonial bien vivant, le Tour articule et met en scène chaque année une diversité quasi exhaustive de patrimoines (architecturaux et artistiques, naturels, techniques, immatériels), au cœur d’un évènement sportif. Il réussit là où les artefacts patrimoniaux politiques peinent à établir le lien subtil entre les mémoires collectives les plus locales, du fond des plaines aux confins des vallées, et celles des grandes dates qu’il réactive sans cesse, sommets de la grande Histoire. Comme le dit le commentateur Franck Ferrand ce dimanche 3 juillet 2022 sur France 2, rarement il est possible de parler d’histoire à autant de personnes en même temps.

L’émergence d’un événement mythique

Objet patrimonial en lui-même, l’histoire du Tour s’écrit en majuscules depuis 120 ans. Sa dramaturgie avant d’être sportive, fut initialement économique. En 1903, il est créé à partir d’une rivalité pour augmenter les ventes du journal L’Auto – qui deviendra l’Equipe en 1946 – par rapport à son concurrent, Le Vélo. Rivalité de ventes et enjeux politiques, le Tour de France né sur fond d’affaire Dreyfus, Henri Desgranges fondateur de l’Auto et du Tour défendant un magazine sportif « neutre » à la différence de son concurrent, fervent dreyfusard, qui dérange certains industriels.

Si l’apolitisme fait question, la dimension économique a perduré pour devenir aujourd’hui le succès et l’évènement mondial que l’on sait.

La Caravane publicitaire en 1958. Wikimedia

Au-delà de la course, on notera que le Tour construit lui-même du patrimoine économique. Par la Caravane Publicitaire créée en 1930, véritable carnaval qui précède le peloton et distribue quantité d’objets promotionnels au public, par la publicité sur les maillots également, il a participé à l’affirmation de grandes marques nationales comme Peugeot, Ricard, Meunier…

Le Tour naît dans la presse qui en construit la légende au début du XXe siècle, avec des journalistes à la plume complice, tels Albert Londres ou le plus sulfureux Antoine Blondin), plus récemment Jacques Chancel ou Eric Fottorino.

Leurs textes génèrent un imaginaire, créent les héros, mythifient ses grands moments et déjà, les paysages. Ces journalistes auteurs font désormais partie du patrimoine littéraire, aux côtés d’autres noms célèbres qui écrivirent sur le Tour comme Colette, Louis Nucera, Michel Tournier, ou Philippe Delerm.

Albert Londres écrit dans Le Petit Parisien le vendredi 27 juin 1924 :

« Vous n’avez pas idée de ce qu’est le Tour de France […], c’est un calvaire. Et encore le chemin de croix n’avait que quatorze stations, tandis que le nôtre en compte quinze. Nous souffrons du départ à l’arrivée. »

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Une expérience collective

A la mise en scène de la course par la presse succèdent les retransmissions radiophoniques, puis à la télévision et sur Internet où aujourd’hui durant les étapes, chacun peut contrôler les caméras.

Ce sont bien les retransmissions en direct par la télévision qui concrétisent l’expérience patrimoniale collective qu’est le Tour, à partir des années 1970. De plus en plus, la mise en scène sur le petit écran s’effectuera à grand renfort de technologies, pour être toujours plus près de la course, valoriser les paysages : de la multiplication des motos à celles des hélicoptères, de l’apparition des caméras loupes aux drones. Aujourd’hui, le Tour, c’est 2 400 véhicules, 294 accompagnateurs pour les équipes, 43 motards de la garde républicaine, 2 avions, 5 hélicoptères, 647 médias et 2 269 journalistes. La course en devient presque secondaire. Elle reste néanmoins le socle, le motif, d’un Tour vécu sur le mode de l’épopée, comme le disait déjà Roland Barthes en 1957.

Une expérience des paysages

La compétition, pourtant, n’est pas toujours intense. Et l’épopée puise aussi son intérêt, dans les temps morts, de la géographie française. Une épopée des patrimoines naturels où se côtoient à travers la course et de manière paradoxale, le mythe de la conquête et la contemplation des paysages. Autant qu’une relation aux paysages c’est une relation à la « nature » qui est proposée.

Durant la course se renforce le sens que les « Modernes » que nous sommes (au sens de Bruno Latour) y donnent. C’est-à-dire,

une nature à maîtriser, qui ne saurait arrêter l’Homme, le coureur, qui, par monts et par vaux, la domestique toujours un peu plus par l’effort, la souffrance. Une nature personnifiée, mise en paysage par la télévision, mythifiée par la course, surtout dans la montagne grandiose, ses cols : le Tourmalet, le Galibier, l’Isoard, l’Aubisque, ses sommets, le Mont Ventoux, l’Alpes d’Huez. La course chaque année commémore les précédentes, comme une actualisation patrimoniale récurrente, depuis 120 ans.

Nivellement des mémoires

Durant les nombreuses phases de trêve sportive, la plupart du temps en fait, lorsque le peloton musarde, une fois « l’échappée du jour partie », pendant les étapes de transition ou dans l’attente interminable du dénouement d’une étape pour sprinter, le dispositif patrimonial fonctionne à plein pour pallier l’ennui. Et là se produit le tour de force à nul autre pareil, une sorte d’avènement égalitariste par le nivellement social des mémoires.

Ce dimanche 3 juillet par exemple, durant l’étape de Dunkerque à Calais, le commentaire s’arrête sur la fête de la Dinde à Licques, les batailles de la Grande Guerre, les procédés industriels d’une gravière locale, la figure de Charles de Gaulle, les Beffrois du Nord.

La course matérialise ainsi un patchwork patrimonial en mettant sur un même plan des patrimoines artistiques, architecturaux, historiques, jugés habituellement supérieurs et les plus humbles, le petit patrimoine, patrimoine vernaculaire, traditions, folklores.

Tout au long du parcours, à travers les villes et les villages, les commentaires mêlent la grande Histoire aux mémoires locales.

De la profondeur historique la plus lointaine, on passe sans transition à des faits divers sordides contemporains, comme l’Affaire Grégory lors du passage dans la la vallée de la Vologne cette année. D’un arrêt sur image sur des patrimoines classés, une abbaye, une cathédrale, on poursuit par l’évocation d’une obscure tradition rurale ou d’un fromage local. Le patrimoine ouvrier est également valorisé lorsque le peloton passe par les régions industrielles, des carreaux de mines aux techniques de productions, le patrimoine immatériel n’est pas en reste.

Les clivages sociaux semblent s’estomper durant trois semaines. Il y a dans cette égalité de traitement quelque chose de profondément démocratique porté par le Tour de France.

Cette mise en avant du « petit » patrimoine enfin considéré pour sa réelle importance montre ainsi, par un processus/dispositif rodé durant un siècle combien les évènements du sport de masse sont éminemment politiques.

En Russie, sur fond de guerre en Ukraine, l’élite se débarrasse de ses derniers « libéraux »

25 lundi Juil 2022

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  1. Victor ViolierDocteur en science politique de l’Université Paris Nanterre, chercheur associé à l’Institut des Sciences sociales du Politique (ISP/CNRS), Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières

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Vladimir Poutine serre la main de Vladimir Maou
Vladimir Maou, ici décoré par Vladimir Poutine au Kremlin en 2017, ne rencontrera plus le président russe avant longtemps : arrêté le 30 juin dernier, il risque dix ans d’emprisonnement. Service de presse de la présidence de la Fédération de Russie, CC BY-NC-SA

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Le 30 juin 2022 dernier, provoquant l’étonnement des observateurs de la vie politique russe jusqu’aux plus avertis, le ministère russe de l’Intérieur a annoncé l’arrestation pour « détournement de fonds par le biais d’emplois fictifs » de Vladimir Maou, économiste reconnu et réputé proche du pouvoir. Assigné à résidence jusqu’au 7 août, il encourt jusqu’à dix ans de colonie pénitentiaire.

Vladimir Maou, 62 ans, est alors le recteur de la puissante Académie russe de l’économie nationale et de l’administration publique (RANKhiGS). Celle-ci, également connue sous le sigle anglais de RANEPA, accueille, chaque année, jusqu’à 200 000 auditeurs – qu’ils soient étudiants ou cadres des secteurs privé et public – dont les plus prometteurs sont admis au sein de sa Haute école d’administration publique (VSGU), surnommée « l’école des gouverneurs » car bon nombre de personnalités ayant par la suite été nommées à la tête de sujets de la Fédération de Russie y ont fait un passage.

Comment ce personnage de premier plan, que Vladimir Poutine avait encore largement congratulé lors de leur dernière rencontre publique, en octobre 2020, et qui venait d’être réélu au Conseil d’administration de Gazprom, peut-il se retrouver ainsi dans la tourmente judiciaire ?

Détenteur de la prestigieuse distinction d’« économiste émérite de la Fédération de Russie », régulièrement honoré par le pouvoir, recteur d’une institution de premier plan fondamentale pour l’avenir du régime, Vladimir Maou semblait intouchable. Son cas interpelle d’autant plus qu’il s’était toujours montré parfaitement accommodant avec le Kremlin – et cela, depuis une bonne trentaine d’années.

Un économiste du régime réputé intouchable

Ce qui frappe dans la trajectoire de Vladimir Maou depuis les années 1980, c’est le caractère irrésistible de l’ascension d’un économiste non seulement reconnu comme brillant – outre ses deux thèses russes, il a également soutenu une thèse de doctorat en économie appliquée en France, et est un auteur particulièrement prolifique à l’international – mais aussi dépeint comme un fin tacticien, capable de résister à d’importants changements politiques, voire d’en tirer habilement parti.

Après un cursus au sein du prestigieux Institut Plekhanov, et alors qu’il est chercheur à l’Académie des sciences, sa carrière prend un premier tournant décisif sous la première présidence de Boris Eltsine (1991-1996). Il intègre alors le « Centre des réformes économiques » dirigé par Egor Gaïdar, l’architecte de la thérapie de choc mise en œuvre dès 1991 en Russie et censée permettre un « passage à l’économie de marché sans délai ». Quand Gaïdar est nommé à la tête du gouvernement, le 15 juin 1992, Maou est nommé conseiller du premier ministre, à tout juste 32 ans.

Il accompagne son mentor au sein de l’exécutif pendant deux ans (Gaïdar est premier ministre jusqu’en décembre 1992, puis vice-premier ministre de septembre 1993 à janvier 1994), avant de réintégrer l’Institut Gaïdar et de renouer avec la recherche en science économique. Il en devient le directeur adjoint avant d’être choisi, en 1997, pour diriger le nouveau Centre d’analyse de la politique économique auprès du gouvernement.

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En 2002, et alors que Vladimir Poutine a succédé à Boris Eltsine depuis le 31 décembre 1999, Vladimir Maou devient recteur de l’Académie de l’économie nationale (ANKh), poste auquel il sera reconduit en 2007. Et en septembre 2010, quand Dmitri Medvedev crée, par oukase présidentiel, l’Académie russe de l’économie nationale et de l’administration publique, c’est Maou qui est nommé à sa tête. Il devient également directeur exécutif du comité d’organisation du Forum Gaïdar.

Vladimir Mau à l’écran pendant une conférence
Vladimir Maou pendant une rencontre du Gaidar Forum autour de la ministre française de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal (deuxième à partir de la droite), en janvier 2019. Ambassade de France en Russie

Un architecte de la formation des élites et de « l’avenir de la Russie »

En tant que recteur de la RANKhiGS, Maou occupait une position de pouvoir au croisement des champs de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la fonction publique, et de l’expertise sur les réformes et la modernisation de l’État.

Si elle n’existe formellement que depuis 2010, la RANKhiGS est en réalité le produit de l’assemblage de quinze établissements d’enseignement supérieur et de formation continue, préparée et mise en œuvre à l’initiative de l’ancienne équipe de l’Académie de l’économie nationale, dont Maou était, nous l’avons dit, le recteur depuis 2002. Aujourd’hui, cette académie qui se présente comme l’un des « établissements leaders du pays » sur le marché international de l’enseignement supérieur et s’autoproclame « l’avenir de la Russie » est un immense complexe protéiforme comptant plus de cinquante filiales régionales et infrarégionales issues des anciennes écoles du Parti du PCUS. Un réseau que l’équipe de Maou avait pour tâche de réorganiser en en rationalisant le fonctionnement, y compris en fermant les filiales les moins performantes.

Université au sens traditionnel d’accueil d’étudiants issus du secondaire, la RANKhIGS se veut aussi une business school de haut niveau incarnant la modernité de la formation en management et distribuant des MBA aux cadres du secteur privé ; un conglomérat de centres de recherche en sciences sociales, économiques et juridiques ; un incubateur de start-up ; une école d’administration à destination des hauts fonctionnaires du régime ; ou encore un think tank au service du gouvernement russe. Largement favorisée par le pouvoir depuis sa création en 2010, l’Académie s’est progressivement installée dans le paysage russe de l’enseignement supérieur et la recherche et a développé une intense activité internationale de partenariats et de coopérations afin d’accroître sa légitimité en dépit de son jeune âge.

Un silence coupable pour tout crime de lèse-majesté

L’arrestation récente de Vladimir Maou s’inscrit dans une affaire de plus grande ampleur dont les premiers développements judiciaires datent de l’automne 2021 et impliquent, au premier chef, l’ancienne vice-ministre de l’Éducation Marina Rakova, accusée d’avoir fourni des emplois fictifs au sein de la RANKhIGS à douze employés du ministère de l’Éducation, et emprisonnée depuis octobre 2021. Dans le cadre de l’instruction, Marina Rakova aurait, au côté d’autres complices présumés, mis en cause Vladimir Maou.

Mais l’événement déclencheur de l’affaire Maou se cache peut-être dans une liste de noms… où n’apparaît justement pas le sien. En effet, le 4 mars 2022, soit huit jours après le début de l’invasion de l’Ukraine, l’Union russe des Recteurs (RSR) publiait un texte soutenant l’« opération militaire spéciale » et affirmant que « les universités ont toujours été un pilier de l’État » et que leur objectif prioritaire doit être de « servir la Russie et de développer son potentiel intellectuel ». L’absence de la signature du recteur Maou interroge et certains médias russes s’en font rapidement l’écho : pourquoi Maou ne soutient-il pas publiquement Vladimir Poutine – se marginalisant de facto ?

On évoque alors ses liens avec la France, où il dispose d’un permis de séjour – circonstance aggravante s’il en est dans le contexte actuel. On ajoute qu’un petit groupe de personnes à la tête de l’Académie aurait acquis des biens immobiliers dans le sud de la France où certaines d’entre elles auraient leurs habitudes. De plus, certaines sources rapportent à ce moment-là que le recteur Maou a ni plus ni moins disparu depuis le 24 février, premier jour de la guerre.

Guerre de palais ou coup de force ?

Les affaires judiciaires qui secouent actuellement l’Académie présidentielle offrent une visibilité particulière à une guerre intérieure qui ne dit pas son nom mais rejoue un air bien connu des observateurs de la vie politique russe que Marie Jégo, alors correspondante du Monde résumait ainsi : « Siloviki contre siviliki ». Le premier terme qualifiant les hommes des structures de force (ministères de la Défense et de l’Intérieur, armée, services de sécurité, prokuratura), le second englobant la frange de l’élite au pouvoir traditionnellement plus tournée vers l’occident et gagnée à l’économie de marché qu’on désigne parfois comme les « libéraux systémiques ».

Au-delà du seul cas de Maou et de la question de l’avenir de la RANKHiGS, l’arrestation du recteur corrobore en effet l’hypothèse d’une tentative du régime de se débarrasser des derniers représentants de la frange libérale de l’élite au pouvoir. Dès le jour de l’arrestation de Maou, un recteur par intérim, Maxim Nazarov, était nommé « en lien avec le congé prévu du recteur » (sic). Nazarov faisait déjà partie, depuis 2013, de l’équipe de direction de l’Académie. Seulement, parmi les treize membres composant cette équipe, il était le seul à ne jamais avoir travaillé au sein de l’ANKh sous la direction de Maou. Loin d’être anodine, cette particularité est sans doute l’un des facteurs ayant présidé à sa désignation. Nazarov apparaît désormais en pole position pour succéder à Maou à la tête du paquebot de la formation des cadres de la Russie de demain.

« Première arrestation d’une figure majeure depuis plusieurs années » selon la politologue Ekaterina Schulmann, l’attaque contre Vladimir Maou sonne l’heure des siloviki tandis que leurs traditionnels opposants au sein de l’élite au pouvoir, les « libéraux systémiques », sont aux abonnés absents. En effet, on n’entend guère les principaux représentants de ce camp tels que Guerman Gref, PDG de la Sberbank ou Alexeï Koudrine, ancien ministre des Finances et actuellement à la tête de la Cour des comptes, qui a pourtant osé, par le passé, faire entendre sa voix. Ce dernier serait lui aussi, selon certaines sources journalistiques russes qui se font les relais des enquêteurs, susceptible d’être rattrapé par l’affaire Maou…

De ce point de vue, l’affaire en cours à l’Académie présidentielle résonne avec des condamnations plus anciennes comme celle, en 2016, de l’ancien ministre de l’Économie, Alexeï Oulioukaev, pour corruption, et relance une lutte interne à l’élite que les nécessités de la guerre semblaient avoir un temps apaisée.

Parallèlement à la marginalisation des libéraux qui ne sont pas partis d’eux-mêmes, comme l’a fait l’ancien ministre Anatoli Tchoubaïs, lequel a quitté le pays dès le début de la guerre, la montée en puissance des siloviki montre que la guerre en cours a déjà des conséquences sur la composition et les équilibres de l’élite au pouvoir en Russie. Ce nouveau basculement du régime au profit des partisans d’une ligne dure qui se manifeste par une tolérance zéro à la moindre forme de déloyauté annonce très probablement un durcissement encore plus notable du régime.

Comment les forêts de Yellowstone se sont régénérées après les terribles feux de 1988

24 dimanche Juil 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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 Monica G. Turner, University of Wisconsin-Madison 

Une personne marche sur une terre brûlée parmi des arbres calcinés
En 2016 dans le parc du Yellowstone, l’incendie Maple a brûlé les jeunes arbres qui avaient poussé après les feux de 1988 (photo prise en 2017). Monica Turner, CC BY-NC-ND

Aux États-Unis, de juin à novembre 1988, des brasiers massifs ont ravagé le parc national de Yellowstone, dans le Wyoming, touchant à peu près 500 000 hectares du parc et ses alentours. Faisant l’objet d’une forte couverture médiatique, la taille et l’intensité des feux avaient surpris les scientifiques, les gestionnaires du parc et le public. Plusieurs médias avaient proclamé la destruction totale du parc, ce qui était totalement faux.

J’étais là durant les feux et suis revenue juste après pour constater les dégâts.

Des forêts brûlées s’étendaient à des kilomètres, les troncs d’arbres noircis donnaient l’impression d’un paysage de désolation. En observant le parc d’un hélicoptère, nous étions cependant surpris de voir une mosaïque de parcelles brûlées mais aussi intactes.

Mosaïque d’arbres brûlés et non brûlés à Yellowstone, en octobre 1988. Monica Turner, CC BY-ND

J’ai étudié la régénération des forêts de Yellowstone depuis 1989, observant des paysages d’arbres carbonisés se transformer en jeunes forêts abondantes. Les feux jouent un rôle écologique important dans plusieurs écosystèmes et le parc de Yellowstone n’est pas une exception. La faune et la flore locales du site sont bien adaptées à ces cycles historiques de destruction et de régénération. Aujourd’hui, le paysage brûlé est dominé par de jeunes pins tordus.

De tels feux se sont majoritairement produits dans des parcs nationaux ou des zones sauvages, où la gestion post-incendie était minimale. Cela nous a beaucoup appris sur les réactions naturelles des écosystèmes à de tels événements.

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Les forêts de Yellowstone étant remarquablement résistantes, les incendies de 1988 n’ont pas constitué une catastrophe écologique. Aujourd’hui cependant, le changement climatique et la fréquence des feux pourraient pousser les forêts au-delà de leurs limites.

Forêts de pins tordus à Yellowstone, photo prise en 2014. Monica Turner, CC BY-ND

Chaleur, sécheresse et vents puissants

Des conditions météorologiques extrêmes ont été à l’origine des incendies de 1988 et sont responsables de beaucoup de feux aujourd’hui. L’été de 1988, exceptionnellement sec par rapport aux étés habituels à Yellowstone, est pointé du doigt comme cause principale.

En effet, cette année-là, les quantités de matières combustibles présentes (bûches, aiguilles de pin, arbres flammables) étaient habituelles. Les feux n’ont pu être causés que par de hautes températures, une sécheresse et des vents forts.

Des rafales de plus de 100 km/h m’avaient empêché de survoler les feux début juillet, bien avant le pic de l’incendie. Les routes, les rivières et même les canyons n’ont pas pu stopper les flammes qui ont continué à s’étendre lorsqu’il y avait du vent. Des bourrasques puissantes ont porté des branches enflammées, propageant l’incendie. Les feux ont aussi continué de brûler la nuit.

Feu de cime à Grant Village, au parc national de Yellowstone, le 23 juillet 1988. National Park Service/Jeff Henry

Comment les forêts récupèrent

Durant les 10 000 dernières années, des incendies se sont produits à Yellowstone, à des intervalles de 100 à 300 ans. Les « feux de cimes » brûlent la canopée, tuant les arbres tout en provoquant une poussée de végétation neuve. De tels feux sont habituels à Yellowstone, dans d’autres forêts à haute altitude et dans le Nord.

L’écorce fine des pins tordus est rapidement brûlée, mais les pommes de pin sont adaptées aux feux. Lorsqu’elles chauffent, elles sécrètent de grandes quantités de graines, permettant à la forêt de se régénérer à la suite des incendies. De plus, les feux créent des sols riches en minéraux et sont suivis d’une météo ensoleillée, conditions idéales pour la croissance.

Des fleurs sauvages poussent trois ans après un incendie à l’est du Yellowstone, en 2008. Monica Turner, CC BY-ND

À Yellowstone, des herbes et fleurs sauvages ont pu pousser à partir de racines survivantes, car les terres n’avaient pas brûlé en profondeur et avaient conservé des nutriments essentiels à leur croissance. Les plantes natives ont également poussé à nouveau.

Des peupliers trembles ont aussi pu s’établir à partir des graines semées à travers les forêts de pins brûlés, à plusieurs kilomètres des trembles matures les plus proches. Ces arbres se portent bien à de plus hautes altitudes qu’avant les feux.

Les écosystèmes forestiers de Yellowstone se sont régénérés rapidement, sans intervention humaine. Je pense que les visiteurs ne voient plus la trace des incendies de 1988 et admirent le paysage, la faune et la flore. Des mécanismes de régénération similaires ont été observés aux parcs nationaux des Rocheuses (Colorado), Glacier (Montana) et Grand Teton (Wyoming), qui ont également évolué avec des feux pendant des millénaires. Historiquement, des incendies de grande intensité tuent des arbres, mais ne détruisent pas la forêt.

La montagne Huckleberry au parc national de Glacier, après un feu, le 30 juillet 1935 (haut) et le 9 juillet 2009 (bas). National Park Service

Changement climatique et incendies

Les feux de 1988 ont inauguré une nouvelle ère de feux de forêt majeurs ; ils brûlent de plus en plus de forêts chaque année. Du fait du réchauffement climatique, la météo chaude et sèche, responsable de feux importants, n’est plus si rare. La neige fond de plus en plus tôt, les combustibles s’assèchent de plus en plus vite, la température bat des records et la saison des feux se prolonge. Récemment, des feux ont eu lieu dans plusieurs parcs nationaux, dont Bandelier, les Rocheuses, Glacier et Yosemite.

Un climat plus chaud et plus sec aggrave la sécheresse dans des endroits déjà chauds et secs. Dans l’ouest des États-Unis, le changement climatique a asséché des combustibles et quasiment doublé la surface incendiée entre 1984 à 2015.

Bien que la foudre soit responsable de la plupart des feux dans les Rocheuses, les feux de source humaine allongent les saisons de feux dans les zones peuplées. Même dans les forêts humides des Appalaches du Sud, la sécheresse a permis à un incendie d’origine humaine de s’étendre du parc national des Great Smoky Mountains à Gatlinburg dans le Tennessee, couvrant une surface de 72 km2.

Ce que l’avenir nous réserve

Dans un monde qui se réchauffe, même les forêts bien adaptées à de larges incendies ne sont plus à l’abri. À la fin du XXIe siècle, un climat chaud et sec comme l’été de 1988 pourrait devenir la règle à Yellowstone.

La fréquence des mégafeux va avoir tendance à augmenter. De tels feux ont déjà commencé à rebrûler des forêts bien avant qu’elles n’aient eu le temps de se régénérer. À Yellowstone et Grand Teton, des incendies en 2016 ont brûlé des forêts jeunes qui avaient déjà brûlé en 1988 et 2000. Nos études sur ces feux récents ont montré que les feux étaient plus intenses et les arbustes nés après l’incendie, moins nombreux. De plus, la survie de ces jeunes arbres dans un climat plus chaud n’est pas garantie.Les méga-feux sont de plus en plus fréquents et pourraient menacer les capacités de regénération des forêts.

Les parcs nationaux représentent les derniers paysages intacts des États-Unis, et nos meilleurs laboratoires pour comprendre les bouleversements que subit l’environnement. La recherche sur les feux de 1988 est devenue une référence pour évaluer les effets des incendies aujourd’hui. Yellowstone maintiendra sa beauté, ses espèces natives et sa capacité à nous inspirer. Cependant, seul le temps nous dira si ses forêts garderont leur résilience face aux incendies dans les futures décennies.

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