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Archives Journalières: 31/07/2022

L’opération Vivendi-Hachette : une illustration de la globalisation de l’édition

31 dimanche Juil 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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  1. François LévêqueProfesseur d’économie, Mines Paris

Déclaration d’intérêts

François Lévêque a conseillé Vivendi à plusieurs reprises par le passé et à été consulté récemment comme économiste académique dans le cadre du rapprochement entre Vivendi et Largardère, plus particulièrement entre Editis et Hachette.

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devanture d'un magasin Amazon Books.
386 millions d’euros de livres sont vendus par Amazon chaque année. ymgerman /Shutterstock

Finalement, la fusion annoncée entre le groupe d’édition Editis, propriété de Vivendi, et Hachette, filiale de Lagardère, ne devrait pas avoir lieu.

Après des mois de bruits divers, Vincent Bolloré, le patron du géant des médias Vivendi, a décidé de céder le très franco-français Editis à un repreneur étranger pour ne pas avoir à faire face à des problèmes de concentration que lui promettaient déjà les régulateurs européens.

Une façon pour lui et Vivendi de mieux garder le contrôle d’Hachette et de réaliser ses ambitions d’envergure mondiale.

La plus grande librairie du monde

Cet échange croisé illustre l’internationalisation de l’industrie de l’édition et témoigne de la foi du secteur en son avenir.

Amazon offre, par exemple, un parfait cas d’école pour analyser la mondialisation du secteur du livre.

L’entreprise de Jeff Bezos n’est-elle pas devenue la première librairie globale ? Première à offrir une plate-forme de revente de livres dans de nombreux pays ; première par l’étendue du choix de langue écrite ; première par sa domination dans la commercialisation des livres imprimés, qu’ils soient neufs ou d’occasion. Première naturellement dans la vente de livres numériques. Première aussi, c’est moins attendu, dans le livre audio.

En un clic, des centaines de millions de lecteurs un peu partout sur la planète bénéficient désormais d’un accès immédiat ou après une attente de quelques jours au livre de leur choix parmi des millions de références disponibles.

Faut-il encore savoir quel livre choisir ! À l’image d’un Umberto Eco se dirigeant d’un pas tranquille, mais décidé, dans sa bibliothèque labyrinthique pour trouver celui qu’il cherche.La librairie personnelle d’Umberto Ecco.

Amazon est aussi la première plate-forme d’auto-édition. Elle propose plus d’un million de nouveaux titres chaque année dans plusieurs langues. Si vous faites partie des quelques 100 000 écrivains français du dimanche, vous avez sans doute déjà regardé, sinon utilisé, les nombreux outils offerts par Kindle Direct Publishing, pour créer et publier un livre électronique, broché ou relié. Vous avez sans doute aussi été déçu par les ventes de votre œuvre. À en croire un écrivain humoriste américain, comptez en moyenne 14 exemplaires vendus dont plus de la moitié acquis par les membres de la famille.

Cette puissance de feu tous azimuts d’Amazon n’est pas sans inquiéter les entreprises de l’édition, d’autant qu’elle est progressivement devenue leur premier client. Leur besoin de mieux négocier leurs conditions de vente avec l’ogre de Seattle est d’ailleurs une motivation, affirmée avec force, de leurs projets de fusion et acquisition.

Des fusions transfrontalières

Une bonne illustration de ce phénomène est le rapprochement entre Penguin Random House (Bertelsman) et Simon & Schuster (Paramount Global). Cette opération, non encore finalisée, car en cours de jugement antitrust, fait suite à une vague de 30 ans de fusions et acquisitions internationales.

Trop nombreuses à lister ici, citons-en seulement quelques-unes : l’absorption de Collins (Royaume-Uni) ­– rappelez-vous de votre premier dictionnaire d’anglais ! – par Harper (États-Unis) ; celle d’Harlequin (Canada), connu pour ses romans sentimentaux publiés dans le monde entier, par Harper Collins ; le rachat de Random House (États-Unis) aux choix chanceux de publication, à l’instar de l’Ulysse de Joyce, par Bertelsmann (Allemagne) ; celui de Penguin House (Royaume-Uni) au célèbre et inoxydable logo par Bertelsman toujours.

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Et donc aujourd’hui aussi le projet d’acquisition de Simon & Schuster, la maison d’édition de Stephen King, et John Grisham, entre autres ; sans oublier le projet de rapprochement désormais caduc entre Editis (Vivendi) et Hachette Livre (Largardère).

La constitution de géants de l’édition est la conséquence immédiate des fusions et acquisitions, en particulier transfrontalières. Six groupes occupent aujourd’hui le quart du marché mondial. L’industrie de l’édition n’a pas échappé au mouvement planétaire de l’ascension commerciale d’entreprises multinationales devenant des géants.

Une collection de livres publiés par Penguin Books
72 000 livres sont publiés chaque année par Penguin Books. Shutterstock

Innovations technologiques et des modèles d’affaires

Comme dans les autres industries, l’innovation joue un rôle clef dans l’évolution du secteur. À commencer par l’innovation technologique. Le numérique a inondé la planète du livre, que ce soit à travers l’édition électronique, la logistique de la distribution, le marketing des succès, la vente de livres audio et de bandes dessinées ou encore le segment du livre professionnel. Or le numérique se caractérise par des coûts unitaires plus faibles, mais aussi par des coûts fixes plus élevés qui doivent donc être amortis sur de plus vastes marchés. Ce sont aussi des économies de réseaux qui favorisent quelques-uns par un effet boule de neige. Un seul ou une poignée de gagnants sont sélectionnés.

L’innovation concerne également les formats, utilisons ici les termes anglais consacrés, et finalement plus parlants, à l’instar de webtoon, webnovel, graphic novel, serial fiction, etc. Elle concerne aussi les modèles d’affaires comme les formules par abonnements – sortes de club du livre du monde d’aujourd’hui – ou la déclinaison tous médias et tous azimuts des titres à succès : séries, films, podcasts, jeux, colifichets et autres babioles. Bref, une sorte d’universalisation des récits et de leurs héros.

Le Petit Prince lui-même, livre le plus traduit au monde après la Bible, n’a pas échappé à cette commercialisation effrénée. Il a bien sûr été adapté en film et en série et sa célèbre silhouette élancée a été reproduite sur tout et n’importe quoi, porte-clefs, médailles, casquettes, et même coquetiers, étuis à lunettes et gourdes. Il y a du bon, du moins bon et du très mauvais, mais ne levez pas les yeux au ciel en regrettant ce commerce hors du livre. Le personnage de Saint-Exupéry a ainsi connu de nombreuses vies nouvelles, prolongeant pour certains le bonheur de la lecture ou engageant d’autres à s’y plonger.

Les livres à succès

Joue également une certaine uniformisation des goûts et des modes dont témoignent de nombreux livres et genres à succès internationaux. L’anatomie des best-sellers a été étudiée en comparant les données des caractéristiques textuelles des ouvrages qui figurent dans les listes des meilleures ventes et ceux qui n’y figurent pas. Leur dissection fait apparaître, entre autres, que le succès réclame plutôt un langage simple, proche du parler, un nombre de thèmes principaux restreint à deux ou trois, et des montées et descentes d’émotion qui se succèdent. Trop d’adjectifs et de verbes sont à éviter. Idem pour les scènes de sexe ou la description des corps, sauf s’ils sont refroidis (les romans policiers sont légion parmi les livres à succès…).

Bien entendu, la connaissance complète des ingrédients à incorporer ou à éviter ne fournit pas pour autant la recette du succès. De la même façon que la liste des produits dans le garde-manger des cuisiniers de Top Chef ne suffit pas pour désigner à l’avance le vainqueur. Notez qu’il n’y a pas non plus de recette miracle pour deviner les genres et sous-genres à succès à l’instar du polar scandinave ou du manga d’action. C’est ici comme l’engouement mondial pour la pizza et le hamburger, ou plus récemment pour le poke bowl.

Terminons de filer la métaphore culinaire en rappelant que pour le livre comme pour la cuisine, les goûts et les préférences restent encore marqués par la culture locale. Ils diffèrent d’un endroit, d’un pays, d’un continent à l’autre. Les livres traduits ne représentent par exemple en France qu’un cinquième des ventes.

Même s’il fait rêver nombre d’auteurs, le livre à succès et ses déclinaisons restent une exception. En proportion du nombre d’exemplaires vendus et donc du chiffre d’affaires des éditeurs, c’est une autre affaire. Prenons l’exemple des États-Unis où le nombre moyen d’exemplaires par titre s’élève à quelques centaines : les 10 livres écoulés à plus d’un million d’exemplaires font autant de recettes que le million d’autres placés à moins de 100 exemplaires.

Un marché mondial qui perd du poids

Par ailleurs, le nombre de tirages par nouveau titre diminuant mécaniquement à mesure que le nombre de nouveaux titres gonfle – une tendance depuis de longues années – les livres à succès deviennent plus importants pour l’équilibre des comptes. En effet, à la différence notable d’autres secteurs qui se sont internationalisés, l’édition ne bénéficie pas d’un marché mondial qui explose. Celui-ci ne croît même pas plus vite que la population ou la richesse mesurée par le PIB. Dans les pays développés, le marché se rétrécit en euros ou en dollar constants et les pays d’économie émergente n’ont pas pris le relais, et ce malgré les progrès de l’éducation et le développement universitaire qu’ils connaissent. En tout cas pas encore.

Dans les années 1960, la planète comptait 1,6 livre vendu par habitant, le chiffre est tombé à moins d’un dans les années 2000. En attendant, un retournement de tendance éventuel, on comprend pourquoi les géants de l’édition s’empressent de chercher de la croissance en dehors de leur marché géographique traditionnel et de rechercher des débouchés autres que la publication pour leurs titres imprimés ou électroniques à succès.

Le livre hors de ses frontières linguistiques grâce aux traductions, et textuelles grâce à ses adaptations en images, ne perd pas son âme. De même pour l’édition hors de ses bastions nationaux. Elle aide le livre à voyager. Le rapprochement entre Editis et Hachette faisait craindre à beaucoup la constitution d’un mastodonte français de l’édition écrasant tout le monde hexagonal sur son passage. Avec l’acquisition d’Hachette par Vivendi et celle future d’Editis vraisemblablement par un groupe étranger de l’édition, cette tentative va pousser finalement l’industrie française du livre à s’ouvrir encore un peu plus au monde.


François Lévêque a publié chez Odile Jacob « Les entreprises hyperpuissantes. Géants et Titans, la fin du modèle global ». Son ouvrage a reçu le prix lycéen du livre d’économie 2021.

Le difficile combat des artistes russes qui s’opposent à Poutine et à sa guerre en Ukraine

31 dimanche Juil 2022

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  1. Vera AgeevaProfesseur associée de la Haute école des études économiques (Russie), Sciences Po

Déclaration d’intérêts

Vera Ageeva ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Le chanteur russe Oxxxymiron en concert. Derrière lui, l'inscription « Russians against war ».
En mars, la star du hip-hop russe Oxxxymiron a organisé à Istanbul, Berlin et Londres une série de concerts de charité dont les recettes ont été consacrées à l’aide aux réfugiés ukrainiens. @JonnyTickle/Twitter, CC BY-NC-ND

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, un certain nombre de représentations d’artistes russes dans les pays occidentaux ont été annulées par les organisateurs au nom de la solidarité avec Kiev. C’est ainsi que, entre autres exemples, le ballet du Bolchoï n’a pas pu se produire à l’opéra de Londres ; l’orchestre du théâtre Marinski de Saint-Pétersbourg, dirigé par Valéri Guerguiev, connu pour sa proximité avec le Kremlin, a été retiré du programme de la Philarmonie de Paris ; et la Russie a été bannie du concours de l’Eurovision. Il est également arrivé que des œuvres du répertoire russe soient déprogrammées.

Chaque épisode de ce type constitue une aubaine pour la propagande du Kremlin, qui les relaie largement auprès de son opinion publique afin de la convaincre que l’Occident tout entier est en proie à une scandaleuse flambée de « russophobie » et que la culture russe dans son ensemble fait l’objet d’un boycott intégral – les médias du pouvoir, et Poutine en personne, parlant à cet égard d’un déchaînement de « cancel culture » visant spécifiquement la Russie.

En réalité, si « cancellation » de la culture russe il y a aujourd’hui, c’est plutôt en Russie même qu’elle se déroule. Depuis des années, le régime se livre à une persécution politique constante visant réalisateurs, chanteurs, écrivains et autres artistes russes. Un phénomène qui s’est encore intensifié à partir de février 2022.

Avant la guerre : dix ans de répression

Après le début de l’attaque contre l’Ukraine, Moscou a mis en place une censure quasi militaire qui rappelle à bien des égards la pratique soviétique. Il s’agit d’un nouveau tour de vis dans la guerre culturelle qui se déroule en Russie depuis une bonne décennie : elle met aux prises, d’un côté, de nombreux artistes russes qui réclament la liberté d’opinion et d’expression, et de l’autre côté, les fonctionnaires du monde de la culture et les idéologues du Kremlin déterminés à sanctionner durement la moindre manifestation d’opposition à la ligne du pouvoir.

Le 4 février 2012, le chanteur du groupe DDT, Iouri Chevtchouk (guitare en main), prend part au meeting « Pour des élections non truquées » à Moscou aux côtés de l’homme politique d’opposition Boris Nemtsov, qui sera assassiné en 2015. Kirill Kudryavtsev/AFP

Avant le début de la guerre, seule une minorité du monde artistique et culturel russe osait faire part publiquement de son désaccord avec le régime de Vladimir Poutine, devenu de plus en plus autoritaire au cours des années. La majorité avait opté pour une posture – très commode pour le pouvoir – consistant à se placer « hors de la politique », à « rester neutre » et à « se concentrer sur son art ».

Les rares artistes à critiquer ouvertement Poutine et son système se voyaient largement empêchés de travailler normalement et de rencontrer leur public. Par exemple, en 2012, Iouri Chevtchouk, l’une des plus grandes stars russes du rock depuis les années 1980, leader du groupe culte DDT, s’est vu interdire de partir comme prévu en tournée à travers le pays après participé à des manifestations à Moscou contre les fraudes survenues pendant l’élection présidentielle organisée en mai de cette année-là, qui s’est soldée par le retour au Kremlin de Vladimir Poutine après l’interlude Medvedev. C’est surtout à partir de ce moment-là que le pouvoir s’est mis à s’en prendre systématiquement aux personnalités du monde de la culture qui se permettaient de prendre publiquement position contre lui.

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L’annexion de la Crimée en 2014 a tracé une nouvelle ligne de séparation entre le gouvernement russe et les artistes, spécialement les plus jeunes d’entre eux. Des rappeurs populaires comme Oxxxymiron, Noize MC, Husky, ou encore Face ont participé à des manifestations politiques, s’en sont pris en paroles au régime et ont donc eu, eux aussi, des difficultés à poursuivre leur activité professionnelle en Russie, certains ayant même connu des démêlés avec la justice du fait de leurs prises de position.Oxxxymiron, Face, IC3PEAK : les artistes russes s’opposent à Poutine, Arte, 5 avril 2022.

Au pays de Vladimir Poutine, la justice est en effet régulièrement mise à contribution pour ramener à la raison les personnalités de la société civile jugées suspectes. En 2017, une procédure pénale, officiellement pour motifs économiques, est lancée contre l’éminent réalisateur et metteur en scène Kirill Serebrennikov, fondateur du théâtre « Gogol Center » à Moscou, devenu l’un des lieux culturels centraux de la Russie contemporaine. En 2018, son film « Leto » (L’Été) a reçu plusieurs prix internationaux y compris au Festival de Cannes. En 2019, il a été fait par la France commandeur des Arts et des Lettres. Serebrennikov était connu pour sa position critique envers le régime de Poutine. Pour la majorité de l’intelligentsia russe, les poursuites déclenchées à son encontre par le Kremlin n’ont rien à voir avec le motif officiellement invoqué et relèvent d’une nouvelle manifestation de la persécution de toute dissidence. Le metteur en scène a été placé en résidence surveillée pour presque deux ans. Lors de son procès, finalement tenu en 2020, il a été jugé coupable et condamné à une peine de prison avec sursis. Il a quitté le pays peu après l’invasion de l’Ukraine.

Kirill Serebrennikov devant le Deutsches Theater à Berlin, où est affichée une banderole aux couleurs du drapeau ukrainien proclamant « We Stand United »
Kirill Serebrennikov devant le Deutsches Theater à Berlin, le 22 avril 2022. Lors d’une interview à l’AFP ce jour-là, il a déclaré : « Nous avons le choix : devenir Leni Riefenstahl ou Marlène Dietrich », cette dernière étant connue pour s’être opposée au nazisme. Tobias Schwarz/AFP

Le point de non-retour entre le régime de Poutine et la culture russe

Après le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, les autorités russes ont nettement accru leur contrôle sur l’espace public. L’objectif, désormais, n’est plus simplement de taper sur les doigts des contestataires, mais de purger le pays de tous les éléments insuffisamment « patriotes » : dans son fameux discours du 16 mars, Vladimir Poutine n’a-t-il pas appelé à une « purification naturelle » de la société contre « les racailles et les traîtres » ?

Depuis l’adoption d’une loi ad hoc, la moindre expression d’une opinion indépendante sur la guerre en cours est susceptible d’être qualifiée de « tentative de jeter le discrédit sur l’armée russe » et de « diffusion de fausses nouvelles » – des infractions passibles d’une peine de prison ferme pouvant aller jusqu’à 15 ans. Cette législation, similaire à celle de la loi martiale, a permis aux siloviki (les responsables des structures de sécurité et de justice de l’État) de placer sous une pression maximale ceux des artistes russes qui ont pris la décision de ne pas garder le silence. Et pourtant, certains, y compris une proportion non négligeable des représentants de la culture dite populaire, qui étaient jusqu’ici considérés comme plutôt loyaux envers le régime, n’ont pas craint de défier le pouvoir.

La chanteuse russe Monetotchka en concert
La très populaire chanteuse russe Monetotchka, qui s’est exilée après le début de la guerre, participe à Varsovie (Pologne) à un concert de charité visant à lever des fonds pour les réfugiés ukrainiens, le 25 avril 2022. Janek Skarzynski/AFP

Les artistes de la culture pop étaient restés largement apolitiques pendant les 22 ans du régime de Poutine. Mais la guerre déclenchée par le Kremlin a révélé qu’une partie d’entre eux, y compris parmi les plus célèbres, étaient aptes à défendre une position éthique dans des circonstances périlleuses. Des idoles de la variété et de la pop, dont les Russes connaissaient les chansons par cœur (parfois depuis l’enfance) – tels que la superstar Alla Pougatcheva, mais aussi Valéry Meladze, Sergueï Lazarev, Ivan Ourgant, etc – ont osé de déclarer au grand public leur désaccord avec les bombardements du pays voisin.

Même si d’autres artistes – comme le « rappeur de cour » et businessman Timati, en passe de reprendre les cafés abandonnés par la chaîne Starbucks, ou l’acteur Vladimir Machkov – ont accepté de diffuser la propagande officielle, l’effet qu’a sur la société le courage des artistes anti-guerre (qui, en dénonçant la guerre ou en quittant la Russie, ont mis leur carrière professionnelle, voire leur liberté, en péril) ne doit pas être sous-estimé.

Les représentants des générations les plus jeunes, comme les rappeurs évoqués plus haut, n’ont pas été en reste, à commencer par le plus célèbre, Oxxxymiron, qui est parti pour l’étranger et y a organisé de nombreux concerts réunissant ses compatriotes sous le slogan sans équivoque « Russians against war », et dont les recettes sont reversées à des organisations d’aide aux réfugiés ukrainiens.

Une position partagée par les emblématiques punkettes de Pussy Riot – l’une d’entre elles, menacée de prison, a d’ailleurs fui la Russie dans circonstances particulièrement rocambolesques – et par les membres de l’un des rares groupes russes connus à l’international, Little Big, qui se sont exilés et ont publié un clip établissant implicitement un lien entre la destruction de l’Ukraine et la « cancellation » de la culture en Russie.Little Big, Generation Cancellation, 24 juin 2022.

Enfin, la majeure partie de l’intelligentsia culturelle russe est également hostile à la guerre. Si, là encore, certains – par conviction (comme l’écrivain Zakhar Prilépine) et le cinéaste Nikita Mikhalkov, ou par calcul – chantent les louanges du régime et saluent son « opération spéciale », une large majorité des écrivains, poètes, réalisateurs et musiciens connus internationalement se sont opposés à l’invasion du pays voisin. Quelques-uns sont même passés des paroles aux l’action et ont fondé une association baptisée « La vraie Russie ».

Parmi les plus actifs, citons les célèbres écrivains Lioudmila Oulitskaïa, Boris Akounine et Dmitri Gloukhovski ; le metteur en scène Kirill Serebriannikov, déjà cité ; le réalisateur Andreï Zviaguintsev ; la chanteuse lyrique Anna Netrebko ; la poétesse Vera Polozkova ; les vétérans du rock Boris Grebenchtchikov, Iouri Chevtchouk et Andreï Makarevitch ; les acteurs Lia Akhedkajova, l’acteur Artur Smolyaninov… liste non exhaustive).

Certains d’entre eux ont déjà été désignés par le gouvernement russe comme « agents de l’étranger » et ont dû quitter le pays. Ajoutons que plusieurs responsables d’institutions culturelles de premier plan ont démissionné pour protester contre la guerre en Ukraine.

Persécuter l’intelligentsia artistique contemporaine sera une tâche plus facile pour le Kremlin que démanteler les fondements éthiques de la culture russe classique, qui s’est toujours opposée aux horreurs de la guerre, mettant au centre de la réflexion l’individu (le problème du « petit homme » chez Pouchkine, Gogol, Tchekhov) et considérait l’âme russe comme ouverte, paisible et tournée vers le monde (l’idée de « vsemirnaïa doucha » de Fedor Dostoïevski).

Les auteurs classiques sont encore étudiés à l’école en Russie… pour le moment. Mais au rythme où vont les choses, il est permis de se demander si le plus célèbre roman de la littérature russe, Guerre et Paix, ne sera pas jugé contraire à l’esprit de l’époque, puisque le mot « guerre » lui-même a disparu de l’espace public, si bien qu’un meme populaire présente la couverture de l’ouvrage portant ironiquement pour titre « L’opération militaire spéciale et la paix »…

L’écologie est-elle soluble dans les démocraties capitalistes ?

31 dimanche Juil 2022

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  1. Albin WagenerChercheur associé l’INALCO (PLIDAM) et au laboratoire PREFICS, Université Rennes 2

Déclaration d’intérêts

Albin Wagener ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Le risque d’une écologie devenant elle-même une ressource pour la communication et le marketing. Shutterstock

Suite aux élections législatives de 2022, la toute récente reparlementarisation de la vie politique française pourrait faire évoluer la place des questions écologiques et environnementales, tout en soulignant les tensions qui existent entre urgence climatique et choix démocratiques et politiques. Le tout dans un contexte qui montre que les événements liés à l’urgence climatique deviennent désormais la norme, en France comme ailleurs.

À ce titre, plusieurs travaux ont montré que les programmes des partis situés à gauche du spectre politique étaient plus cohérents avec les accords de Paris, notamment EELV et LFI.

Au-delà de ce contexte, il est important de se poser cette question : une démocratie capitaliste est-elle compatible avec une politique écologique ambitieuse, susceptible de répondre aux effets du changement climatique ?

Cette question est d’autant plus pertinente, lorsqu’on sait à quel point il peut être difficile de prendre des décisions radicales, capables de répondre aux urgences, dans un moment où les positions hégémoniques du néolibéralisme font pression pour conserver une politique des « petits pas ».

Le philosophe et juriste Sam Adelman a ainsi montré que le principe même du « développement durable » repose sur des objectifs de croissance économique, rigoureusement incompatibles avec les défis de l’urgence climatique.

Changer de modèle

Si la question peut paraître un brin provocatrice, remettre en question le modèle économique de croissance basé sur un extractivisme matérialiste qui transforme biens, vivants et humains en ressources, semble nécessaire. D’autant que dans beaucoup de cas, lorsque l’écologie est prise en considération, elle relève du greenwashing. Ou, pour le dire autrement, l’écologie elle-même devient une ressource pour la communication et le marketing, avant d’être transformée en politique ambitieuse.

Pour le professeur Pieter Leroy, qui enseigne la politique environnementale aux Pays-Bas, la réponse est claire : notre organisation politique ne nous permettrait pas de pouvoir répondre dignement aux effets liés au changement climatique. Même lorsque des grands conglomérats proposent de baisser la consommation d’énergie par exemple, cela sert d’abord des buts économiques et financiers.

Démocratie vs capitalisme ?

En réalité, la question est peut-être mal posée : il n’y a pas de démocratie contemporaine qui fonctionne en dehors du régime économique capitaliste, comme l’avait d’ailleurs identifié l’économiste Francis Fukuyama il y a 30 ans ; alors que l’inverse est vrai, puisque plusieurs régimes autoritaires prospèrent dans le monde, tout en adoptant une économique capitaliste.

S’agit-il d’un hasard ou d’un lien consubstantiel ? Sommes-nous incapables de rendre une démocratie fonctionnelle sans idéologie de croissance ni prédation économique ? Et, dans ce cas de figure, quelle peut être la véritable place de l’écologie dans un tel système, qui définit la planète, l’environnement, le vivant et l’humain comme un ensemble de ressources à exploiter ?

En réalité, cette question est loin d’être nouvelle puisqu’elle date du début des années 2000 à tout le moins ; mais à l’heure où chaque mois compte pour tenter de rendre le changement climatique le moins catastrophique possible, il est intéressant de se pencher sur ces questions qui lient succès démocratique et essor de l’économie de marché capitaliste.

Rester critique

Il y a 30 ans déjà, la philosophe américaine Nancy Fraser expliquait que le succès du modèle démocratique libéral ne devait pas nous faire oublier qu’aucun modèle politique n’est parfait, et que la critique est toujours saine et indispensable.

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Pour Nancy Fraser, cette critique met notamment en exergue le fait qu’une démocratie fonctionnelle dispose d’un espace public libre, dans lequel chacun est libre de donner un avis, débattre et exercer son droit au désaccord – mais que cet espace public peut être saturé de lobbies et de groupes d’intérêt qui vont influencer les décisions politiques et les opinions publiques.

Pour le dire simplement, ces espaces de liberté peuvent être des sources d’émancipation, ou bien de redoutables terrains où prospère l’inaction climatique.

Contre le capitalisme néo-libéral

En 2004, la politiste Wendy Brown associe les difficultés et les écueils des démocraties contemporaines à l’essor du capitalisme néolibéral, en expliquant notamment que :

« la rationalité néo-libérale […] soumet chaque aspect de la vie politique et sociale au calcul économique : plutôt que de se demander, par exemple, ce que le constitutionnalisme libéral permet de défendre, ce que les valeurs morales et politiques protègent et ce dont elles préservent, on s’interrogera plutôt sur l’efficacité et la rentabilité promues – ou empêchées – par le constitutionnalisme. »

Dans cette optique, où le constitutionnalisme libéral est à entendre comme l’exaltation des libertés individuelles face au pouvoir étatique, le politique ne devient qu’un instrument au service de la rentabilité – rendant de facto toute réforme écologique et environnementale difficile à implanter, à partir du moment où elle menace des intérêts économiques et financiers immédiats.

Un peu plus tard, en 2009, la professeur de science politique Jodi Dean va encore plus loin dans un ouvrage qui propose une critique de la version néolibérale des démocraties. Selon elle, les démocraties se retrouvent menacées par une confusion entre libre expression et stratégies de communication ; en d’autres termes, rien ne permet de distinguer les intérêts de celles et ceux qui utilisent leur droit à la liberté d’expression dans la sphère publique.

Ainsi, la sphère publique démocratique représente un véritable marché de la liberté d’expression où se mêlent tendances énonciatives, stratégies de persuasion, fabrication du consentement, opinions privées, argumentations élaborées et influences médiatiques. Cette confusion ne devient compréhensible et lisible qu’à l’aide d’un réel outillage critique, qui peut permettre à chacune et chacun d’exercer ses droits citoyens ; hélas, cet outillage n’est pas accessible à tous et il est difficile de l’appliquer dans le bruit ambiant.

Au sein de ce marché de la libre expression émerge alors non plus une démocratie réelle, mais une illusion de démocratie, réduite à une incarnation simpliste de liberté d’expression publique et d’abondance de production de messages. Cette analogie du marché n’est pas innocente : elle témoigne, une nouvelle fois, de la gémellité entre économie de marché capitaliste et démocraties contemporaines, soulignée entre autres par le politologue allemand Wolfgang Merkel, dans un article particulièrement lumineux paru en 2014.

L’enjeu du changement climatique

Quid alors de l’urgent besoin de réaction face à l’incroyable violence des changements climatiques à venir ?

Si le modèle démocratique présente autant de dangers ou de vicissitudes liés à sa consanguinité avec l’économie de marché capitaliste, il est aisé de voir que les mesures écologiques nécessaires pour changer de modèle de société semblent littéralement vouées à l’échec.

Comment faire voter des individus contre l’intérêt propre de leur confort personnel en termes de consommation, ou empêcher des groupes d’intérêt de peser lorsque leurs propres intérêts financiers sont en jeu ? Comment permettre à des partis politiques et aux femmes et aux hommes qui les représentent de proposer un programme qui ira à l’encontre d’un certain nombre de partis-pris économiques habituels de l’économie de marché capitaliste – notamment la fameuse idéologie de croissance ?

Avec de telles limites, il semble difficile, voire impossible de pouvoir mettre en place une réelle transition écologique, au sens plein du terme, dans un système démocratique contemporain. Le fait qu’économie et démocratie fonctionnent en miroir sur un certain nombre de paramètres exploitables de l’environnement, que ceux-ci soient externes (ressources minières, terres à cultiver, animaux à élever, etc.) ou internes (ressources cognitives et affectives des individus, besoins anthropologiques élémentaires) n’est vraisemblablement pas le fruit du hasard ; ceci montre, comme je le développe dans Ecoarchie, qu’économie capitaliste et démocratie contemporaine, dans la version que nous connaissons, partagent en réalité un ADN commun.

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