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Archives Journalières: 30/09/2022

Quelle politique migratoire pour l’Italie de Giorgia Meloni ?

30 vendredi Sep 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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  1. Alessandro MazzolaCultural and Political Sociologist, Université de Liège

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Alessandro Mazzola ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Peinture murale représentant un baiser entre Matteo Salvini et Giorgia Meloni sous l'oeil de Silvio Berlusconi
Peinture murale du street artist Tvboy, à Rome , qui se moque de la coalition de la droite italienne qui a remporté les élections du 25 septembre. Tvboy

Giorgia Meloni, 45 ans, leader du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, se prépare à présider le 68e gouvernement italien depuis la Seconde Guerre mondiale, qui sera le gouvernement le plus à droite depuis Benito Mussolini.

La coalition dans laquelle sa formation tient le premier rôle a en effet obtenu près de 44 % des suffrages (plus de 26 % pour Fratelli d’Italia, 9 % pour la Lega de Matteo Salvini et 8 % pour Forza Italia de Silvio Berlusconi) aux législatives tenues ce 25 septembre.

Giorgia Meloni, qui sera la première femme premier ministre dans l’histoire de l’Italie, est connue pour ses propos virulents contre « les lobbies LGBT+ », les « élites de gauche » et, cela va sans dire, les migrants.

À première vue, le succès de Fratelli d’Italia semble n’être qu’une continuation de la dérive de l’Italie vers la droite, initiée par le succès de la Lega aux précédentes élections législatives en 2018 (17 %), et aux européennes en 2019 (33 %).

Les élections de ce 25 septembre, qui voient le parti de Meloni supplanter nettement celui de Salvini, constituent-elles un simple passage de témoin dans le leadership de la droite italienne, ou bien les deux partenaires représentent-ils deux voies distinctes ?

En quoi Fratelli d’Italia diffère-t-il de la Lega ?

Pour répondre à cette question, il est utile d’examiner les deux partis à travers le prisme de leur rapport à la question de la migration, centrale dans les programmes de toutes les formations d’extrême droite, en Italie comme ailleurs. Conformément à cette tradition bien ancrée, Giorgia Meloni et Matteo Salvini ont tous deux placé les politiques migratoires au cœur de leur campagne et de leur programme politique.

Globalement, les Fratelli et la Lega abordent ces questions de la même manière, c’est-à-dire avant tout en termes de sécurité publique, et donc en termes de protection – des citoyens, des frontières, du marché du travail – et non de droits ou d’intégration des nouveaux arrivants.

Les deux partis proposent un contrôle strict de l’immigration légale, mais la Lega met l’accent sur une politique de sélection qui vise à n’accorder l’accès qu’à une main-d’œuvre de qualité et spécialisée, ou alors saisonnière et donc limitée dans le temps. Le parti de Salvini se montre en cela fidèle à son origine et aux intérêts de son électorat historique, à savoir la classe des petits et moyens entrepreneurs du Nord de l’Italie.

En ce qui concerne la question des réfugiés, la Lega se concentre sur la gestion interne de l’accueil et vise à réactiver ses décrets « sécurité » promulgués en 2018, puis désactivés par la suite par le gouvernement Conte/Draghi. Les pierres angulaires de ces décrets sont l’augmentation des temps de détention dans les centres de première arrivée, la réduction des infrastructures d’accueil en favorisant les installations qui concentrent un nombre élevé de demandeurs d’asile, l’augmentation des fonds pour les rapatriements forcés et la réduction des possibilités d’obtention de la protection internationale.

Fratelli d’Italia, pour sa part, s’inscrit dans une longue tradition politique qui est restée minoritaire dans la droite italienne ces dernières années, dominée par l’exploit réussi par Salvini en 2018-2019. Les racines de la formation de Giorgia Meloni se trouvent dans l’extrême droite post-fasciste. Si dernièrement, le parti a stratégiquement écarté toute référence directe au fascisme, il se tourne tout particulièrement vers un électorat souverainiste et ultra-conservateur.Un candidat de Fratelli d’Italia suspendu pour avoir fait l’éloge d’Hitler.

La mesure clé actuellement proposée par le parti en matière de politique migratoire, le blocus naval contre les migrants qui traversent la Méditerranée, est le reflet de cette identité.

Or, il faut d’abord souligner que cette mesure entre en conflit avec le droit international, car elle ne peut être mise en place unilatéralement qu’en cas de guerre, par le pays attaqué. Même en supposant, comme l’affirme Meloni en réponse aux critiques, qu’un blocus naval peut être concerté de manière bilatérale avec les autorités de la Libye (principal pays à partir duquel partent les migrants qui tentent la traversée de la mer vers l’Italie), il va sans dire qu’une telle action militaire, sur les routes de la Méditerranée, serait pour le moins irresponsable.

Un précédent tragique existe dans l’histoire. Le 28 mars 1997, 81 réfugiés perdirent la vie lors du naufrage du Katër i Radës, éperonné par une corvette de la marine de guerre italienne suite à l’application du blocus naval concerté entre le gouvernement Prodi e l’Albanie. À noter qu’il s’agissait d’un navire de 35 tonnes, pas d’une embarcation de fortune à la dérive.

L’épave du Katër i Radës exposée dans le port d’Otranto, mémorial du naufrage du 28 mars 1997. www.wikipedia.it

Que se passera-t-il si les autorités libyennes ne coopéraient pas à la mise en œuvre du blocus naval, et les bateaux des passeurs continuaient à transporter des migrants vers les côtes italiennes ? Nous serions confrontés à deux scénarios possibles, selon le programme du parti.

Première option : la Libye contrôle ses propres frontières et laisse donc délibérément partir des centaines de milliers de migrants. Dans ce cas, le blocus naval serait la réponse hostile à un acte tout aussi hostile du pays nord-africain. Deuxième option : la Libye ne contrôle pas ses frontières, auquel cas l’ingérence d’un autre pays ne peut être pas considérée comme un acte hostile, puisque ces territoires – les portions de mer – sont de facto libres.

La Lega s’est montrée sceptique à l’égard du projet de blocus naval

En pleine campagne électorale, Salvini n’a pas apprécié une prise de position aussi forte sur une question considérée comme son cheval de bataille ces dernières années, capable de faire bouger le consensus comme peu d’autres sujets en Italie.

D’autre part, la question des réfugiés est traitée par Fratelli d’Italia avec une mentalité que l’on pourrait qualifier d’impérialiste – une façon de penser le rôle de sa propre nation dans le scénario mondial typique de l’imaginaire fasciste, imprégnée d’autoritarisme et d’ethnocentrisme.

L’Italie en porte-à-faux vis-à-vis de l’UE ?

Certains observateurs ont déjà prédit un adoucissement pragmatique de l’approche anti-européenne habituellement adoptée par Giorgia Meloni et son parti. Pour mettre en œuvre son blocus naval, Fratelli d’Italia devrait en effet travailler en étroite coopération avec l’UE pour opérer sur les côtes libyennes.

À cet égard, Meloni a, de façon polémique, répété à plusieurs reprises que l’Europe ne peut pas se dérober à sa responsabilité de soutenir le projet, puisqu’elle n’a pas ménagé ses efforts pour endiguer la route des Balkans vers l’Allemagne d’Angela Merkel. Manifestement, ce n’est pas avec l’Allemagne (ou la France, à l’exception de Marine Le Pen) que Meloni semble avoir le plus d’atomes crochus au niveau de l’UE, mais plutôt avec le Groupe de Visegrád.

Cette attitude est aggravée par des propos qui sont souvent explicitement contraires aux positions du Parlement européen, comme son soutien récemment réitéré a Viktor Orban, qu’elle a présenté comme un gentleman démocratiquement élu, en contraste flagrant avec une récente résolution du Parlemet européen qui qualifie la Hongrie d’« autocratie électorale ». Les relations entre Meloni et le leader hongrois ont toujours été étroites, notamment sur la question de la fermeture des frontières aux migrants.

Au vu de ces positions, bien que Meloni parle d’une mesure qui « s’inscrit parfaitement dans l’approche de l’UE », il est loin d’être certain que le projet de blocus naval reçoive le soutien de Bruxelles. La décision de mettre en œuvre une telle mesure de manière autonome serait encore plus critique, ainsi que difficile sur le plan pratique et économique.

Que pourrait-il se passer si l’UE ne soutient pas la politique migratoire de Meloni ?

Sommes-nous vraiment confrontés au risque que l’Italie suive l’exemple de pays comme la Hongrie et la Pologne, et devienne elle aussi un membre de l’Union qui utilise la menace de faire obstruction aux projets de l’UE pour obtenir gain de cause sur ses propres dossiers ?

Tout dépend évidemment de l’étanchéité de cette nouvelle coalition. Ce qui est certain, c’est que les forces anti-immigration de la droite radicale célèbrent déjà le résultat des élections italiennes, convaincues d’avoir un nouvel allié au sein de l’Union. Nous sommes à l’aube d’un nouveau défi pour l’UE, et ce sera potentiellement l’un des plus difficiles de son histoire récente

Vladimir Poutine débordé par l’extrême droite russe ?

30 vendredi Sep 2022

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  1. Jules Sergei FediuninPost-doctorant au Centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron (EHESS), Docteur​​ en science politique associé au Centre de recherche Europes-Eurasie (CREE) de l’INALCO, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)

Déclaration d’intérêts

Jules Sergei Fediunin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Maniestation d'extrême droite russe
Manifestation à Moscou en 2014 proclamant « Notre nom est Strelkov » en hommage à Igor Strelkov, qui reste aujourd’hui encore l’une des figures préférées de la droite ultra-nationaliste russe. Vasily Maximov/AFP

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, les dirigeants russes ont toujours désigné la guerre par la formule d’« opération militaire spéciale ». Ce principe n’a pas été remis en cause après le discours prononcé par Vladimir Poutine le 21 septembre, dans lequel il a annoncé une « mobilisation partielle » et menacé à demi-mot ses adversaires occidentaux d’employer l’arme nucléaire.

Cette formule d’« opération spéciale » vise à souligner le caractère supposément provisoire et limité du conflit armé. Sur le plan typologique, la situation relève d’un brouillage – volontaire – de la frontière entre guerre et paix : la présence de la rationalité guerrière n’entraîne pas, en Russie, le démantèlement d’un ordre social globalement pacifié.

Or, cet entre-deux est de plus en plus remis en question en Russie.

Si une partie des Russes s’opposent depuis le départ à l’attaque lancée contre l’Ukraine et protestent publiquement contre la mobilisation qui vient d’être décrétée, d’autres, situés très à droite sur l’échiquier politique, estiment que la Russie retient trop ses coups et prônent le passage à la vitesse supérieure.

Face à la résistance acharnée de l’Ukraine, les ultranationalistes russes exigent avec de plus en plus de véhémence une mobilisation totale, un ensevelissement des villes ukrainiennes sous les bombes, voire l’usage de l’arme nucléaire. Et placent ainsi le Kremlin sous une pression sans cesse croissante.

Qui compose l’extrême droite dans la Russie d’aujourd’hui ?

Si personne ou presque en Russie ne se revendique ouvertement « d’extrême droite », il n’en existe pas moins, à la droite du régime de Vladimir Poutine, une « coalition hétérogène » où l’on retrouve pêle-mêle des fondamentalistes orthodoxes, des nationalistes plus ou moins radicaux (des « nationaux-démocrates » aux néo-nazis), des milices se disant « patriotiques », des blogueurs militaires (milbloggers) et d’anciens combattants du Donbass dont la figure de proue est Igor Guirkine, dit Strelkov, brièvement « ministre de la Défense » de l’autoproclamée République populaire de Donetsk, en 2014.

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Cette frange politique n’a pas de représentation parlementaire. Le mal nommé Parti libéral-démocrate (LDPR) de Vladimir Jirinovski (1946-2022) avait incontestablement une posture ultranationaliste dans les années 1990 mais s’est vu par la suite incorporé, aux côtés du Parti communiste, dans un système autoritaire dirigé par Vladimir Poutine sous l’étiquette d’« opposition systémique ». Étant pleinement au service du Kremlin, le LDPR a ainsi perdu la confiance des acteurs (plus) radicaux.

Léonid Sloutski, nouveau chef du LDPR après le décès de Vladimir Jirinovski (dont le portrait est accroché derrière lui sur cette photo prise le 27 mai dernier, après sa désignation à la tête du parti), est député à la Douma russe depuis 2000, dont il préside actuellement la commission des Affaires étrangères. Comme l’ensemble de son parti, il a quasiment toujours soutenu les grandes orientations du pouvoir de Vladimir Poutine. Natalia Kolesnikova/AFP

Parallèlement, de nombreux mouvements d’extrême droite jugés dangereux ou trop violents ont, depuis des années, été interdits pour « extrémisme », et aucun parti nationaliste d’opposition n’a reçu l’autorisation de se faire enregistrer officiellement.

La présence des porte-parole de cette mouvance dans l’espace médiatique russe est toutefois tolérée, voire encouragée, par le régime, lorsqu’il s’agit d’acteurs qui lui sont loyaux.

À l’exception de quelques personnalités opposées à la guerre comme Dmitri Demouchkine, ex-chef du Mouvement contre l’immigration illégale (DPNI) et de l’organisation ethnonationaliste Rousskie (Les Russes), interdits en 2011 et en 2015 respectivement, les acteurs d’extrême droite russes se sont tour à tour félicités, depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, du rétablissement de la grandeur de la Russie, de son émancipation vis-à-vis de l’Occident (et de ses valeurs jugées décadentes) et surtout de la défense du « monde russe » les armes à la main.

Si certains d’entre eux ont salué la mobilisation partielle que vient de décréter Vladimir Poutine, y voyant même un « signe de la Providence », bon nombre de ces radicaux n’en ont pas moins souligné que la mobilisation était trop tardive et insuffisante. Ils ont également exprimé un vif mécontentement en apprenant le récent échange de plus de 200 prisonniers ukrainiens du régiment Azov contre une cinquantaine de prisonniers détenus par Kiev, parmi lesquels le politicien ukrainien Viktor Medvedtchouk, très proche de Poutine.

Cet assemblage de va-t-en-guerre, qui estime que le Kremlin se montre trop mou vis-à-vis du gouvernement ukrainien, devient de plus en plus audible dans la Russie d’aujourd’hui. Le lancement de l’invasion de l’Ukraine en février 2022 avait pourtant été reçu avec beaucoup d’enthousiasme au sein des cercles d’extrême droite russes…

Appels à une guerre totale

Dans les premières semaines de l’« opération spéciale », les leaders d’opinion radicaux ont considérablement gagné en visibilité et en audience. Mais, progressivement, l’enthousiasme a cédé la place à l’impatience et, de plus en plus, à la colère.

Après le retrait des forces armées russes des environs de Kiev, fin mars 2022, suivi d’une série d’échecs militaires dans diverses zones de conflit, le commandement militaire, y compris le ministre de la Défense Sergueï Choïgou, et la direction politique russes ont fait l’objet de critiques virulentes – critiques encore renforcées par le recul des armées russes début septembre face à la contre-offensive ukrainienne. À présent, les acteurs nationalistes exhortent l’État russe à aller plus loin et plus fort en Ukraine pour changer de type de guerre. Selon eux, il est temps de mettre fin à l’« opération spéciale » pour passer à la « guerre totale ».

Il s’agit d’un concept de stratégie militaire dont la généalogie remonte à Carl von Clausewitz (1780-1831), qui parlait déjà de la « guerre absolue ». Or le terme fut martelé par Erich Ludendorff (1865-1937), général allemand, homme politique d’opinion nationaliste et auteur du livre Guerre totale (1935), avant d’être repris par le juriste et philosophe Carl Schmitt (1888-1985)], proche du Troisième Reich (1933-1945).

Cette conception de la guerre suppose une implication de la société entière, et non seulement des militaires, la guerre étant vécue comme une crise existentielle collective. Tous les moyens disponibles doivent servir la cause belliqueuse pour conduire à l’ultime victoire. « Tout pour le front ! Tout pour la victoire ! », comme le résume le slogan soviétique mobilisé dès juin 1941 et repris aujourd’hui par des médias russes d’inspiration nationaliste.

En pratique, cela signifie l’instauration d’une loi martiale, une mobilisation générale, une réorientation de la production débouchant sur une économie de guerre, mais aussi une « brutalisation » de la société à travers le non-respect du droit de la guerre (jus in bello) et la déshumanisation de l’ennemi.

Deux nationalismes russes aux aspirations convergentes

L’appel à une « guerre totale » en Ukraine est commun aux deux grandes branches idéologiques du nationalisme russe. La première branche est d’inspiration impérialiste. Elle met en valeur la grandeur de l’État russe face au monde extérieur (lire : occidental) et souhaite que cet État exerce sa domination sur des espaces et des populations diverses, slaves ou non. La Russie est alors définie comme une entité impériale vouée à élargir ses frontières dans l’espace de l’ex-URSS.

La seconde branche, ethnocentrique, est soucieuse par-dessus tout des intérêts du peuple russe, compris au sens ethnique du terme, que ce soit en Russie ou à l’étranger. Cette branche aspire à transformer la Fédération de Russie, jugée « trop multinationale », en un État national russe. L’une des clés serait l’irrédentisme, pacifique de préférence mais aussi belliqueux si nécessaire.

Ces deux logiques nationalistes tendent à converger dans le contexte de la guerre en Ukraine. L’attitude actuelle de la Russie à l’égard du pays voisin contient à la fois un élément impérial et un élément ethnique, selon le sens que les différents acteurs nationalistes donnent à l’invasion de l’Ukraine : les impérialistes mettent l’accent sur la puissance de l’État russe et son expansion territoriale, tandis que les ethnonationalistes se focalisent sur la défense des Russes (ou des Ukrainiens russophones) en tant que communauté ethnique ou culturelle.

Ainsi, Alexandre Prokhanov, idéologue impérialiste de longue date et président du laboratoire d’idées d’inspiration ultraconservatrice et « patriotique » Club d’Izborsk, créé en 2012 puis financé par l’administration du président Poutine, réclame la « transformation d’une guerre ordinaire en une guerre populaire, une guerre sainte, défendant l’existence même du peuple russe et des terres russes ». Ce faisant, il invoque une mobilisation populaire comparable à celles qui ont eu lieu lors de la campagne de Russie de Napoléon (appelée en russe « guerre patriotique de 1812 ») et au moment de la « grande guerre patriotique » (1941-1945), selon la terminologie officielle soviétique puis russe.

Lui aussi membre du Club d’Izborsk, Alexandre Douguine, chantre d’un « Empire eurasien » qu’il voit comme un « pôle de résistance » à la domination atlantiste des États-Unis qui s’est retrouvé au cœur de l’actualité le mois dernier quand une explosion qui a tué sa fille Daria, constate ce 19 septembre la « fin de l’opération spéciale » et le début d’une guerre « véritable ». Il conclut son texte par un appel : « Tout doit être soumis à la guerre avec l’Occident » – cet Occident qui, d’après lui, utiliserait l’Ukraine comme un instrument dans l’objectif de détruire la Russie.

Andreï Tkatchev, prêtre de l’Église orthodoxe russe et présentateur sur Tsargrad, chaîne de télévision du national-monarchiste Konstantin Malofeev, abonde dans le sens de Douguine. Dans un discours prononcé en ukrainien, il va jusqu’à appeler les peuples russe et ukrainien à unir leurs forces pour combattre un même ennemi commun : les États-Unis.

En revanche, pour les ethnonationalistes critiques du régime de Poutine, l’ennemi est avant tout national : ce sont les Ukrainiens et leur identité, comprise comme « négation de la russité ». C’est pour cette raison qu’un vétéran du nationalisme d’opposition, Alexandre Sevastianov, insiste sur le fait que la guerre en Ukraine relève d’une « opposition frontale du projet ukrainien à tout ce qui est russe » et représente pour la Russie « le défi du siècle ». Dans la mesure où le peuple et le pouvoir ukrainiens sont « animés d’une haine viscérale » envers les Russes, la « dénazification de l’Ukraine et sa re-russification constituent la tâche la plus pressante », conclut-il.

En dépit de ces divergences d’interprétation, les finalités des deux camps convergent : le front et l’arrière doivent s’unir afin de décrocher une victoire à tout prix, quitte à anéantir l’Ukraine, si besoin en faisant usage de l’arsenal nucléaire. « S’il faut choisir entre une victoire ukrainienne et une guerre nucléaire mondiale, la guerre nucléaire est préférable », condense Iegor Kholmogorov, journaliste d’opinion national-impérialiste sur Tsargrad et RT (Russia Today), qui a longtemps servi de médiateur entre les nationalistes loyaux au Kremlin et les nationalistes d’opposition. Car, selon les dires du militant ethnonationaliste Alexandre Khramov, si l’Ukraine soutenue par l’Occident gagne cette guerre, la Russie sera disloquée en « une multitude de micro-États », et le peuple russe annihilé.

Galvanisés par la guerre, ces acteurs en appellent à une « purification » effective, et non seulement déclarée, de la société russe. Leurs cibles : les membres des élites économiques, intellectuelles ou politiques jugés « compradores » et « défaitistes » du fait de leur attachement à l’Occident et aux biens qu’ils détiennent là-bas. Certains, comme Alexandre Joutchkovski, militant nationaliste et acteur du séparatisme dans l’est de l’Ukraine depuis 2014, vont jusqu’à implorer l’instauration d’une nouvelle opritchnina, terme russe désignant un régime de terreur introduit par Ivan le Terrible au XVIe siècle.

Le Kremlin sous pression

Conscients du coût social et économique croissant de la guerre, les dirigeants russes ont cherché à le réduire autant que possible. Évitant de proclamer une mobilisation générale, ils ont jusqu’à récemment misé sur les forces armées régulières, appuyées par des combattants volontaires et des mercenaires du groupe Wagner, recrutés notamment dans le milieu carcéral. Le Kremlin a donc longtemps hésité à embrasser le programme maximaliste des partisans d’une guerre « populaire », « patriotique » ou « sainte », de crainte que la mobilisation nationaliste ne menace l’autorité du pouvoir.

Cependant, le contexte a considérablement changé par rapport à 2014, lorsque le régime russe a non seulement ignoré les appels lancés par des ultranationalistes à annexer l’Ukraine orientale, mais a aussi largement réprimé les militants nationalistes trop virulents à l’intérieur du pays. Aujourd’hui, la Russie agit ouvertement comme un État agresseur, et son bellicisme contribue à une recomposition de l’ordre mondial. L’ampleur de l’invasion de l’Ukraine et la spirale de violence qu’elle engendre contraignent le régime de Poutine à céder aux voix les plus radicales, procédant ainsi à une « nationalisation » de la guerre.

La tenue de référendums d’annexion à la Russie, fin septembre 2022, la mobilisation « partielle » de 300 000 réservistes en âge de combattre et la rhétorique employée par Vladimir Poutine lors de son discours du 21 septembre, très proche de celle des nationalistes, peuvent être considérées sous cet éclairage.

Se pose dès lors la question de savoir si tout cela permettra au Kremlin de canaliser le zèle belliciste croissant. Au vu de l’intensité et du maximalisme des propos des multiples chapelles de l’extrême droite russe, il est permis d’en douter : quelle que soit l’issue de la guerre d’Ukraine, la pression nationaliste risque de devenir une menace sérieuse et durable pour la stabilité intérieure de la Russie.

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