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Archives Mensuelles: janvier 2023

Ostéoporose masculine : un danger réel… et trop souvent sous-estimé

31 mardi Jan 2023

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auteurs

  1. Arancha R. GortázarProfesora Titular de Biología Celular. Investigador Principal Grupo Fisiopatología ósea, Universidad CEU San Pablo
  2. Juan Antonio ArduraInvestigador Principal grupo Fisiopatología Ósea, Universidad CEU San Pablo. Profesor en el área de biología celular e histología, Universidad CEU San Pablo

Déclaration d’intérêts

Arancha R. Gortázar reçoit un financement de l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du Programme National de R&D&I Orienté vers les Défis de la Société.

Juan Antonio Ardura reçoit un financement de l’Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du Programme National de R&D&I Orienté vers les Défis de la Société.

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En vieillissant, tout le corps s’altère et le tissu osseux ne fait pas exception : il se détériore et perd en densité, ce qui le rend moins résistant. Le phénomène est bien connu sous le terme d’ostéoporose. Chez les femmes, cette baisse de la qualité osseuse devient particulièrement évidente après la ménopause, car l’œstrogène, une hormone sexuelle qui a un effet protecteur sur le squelette, est moins produit (notamment par les ovaires).

Ce qui est moins connu, malheureusement, c’est que les hommes, eux aussi, sont affectés.

Bien qu’ils ne subissent pas une perte brutale d’hormones sexuelles comme les femmes, ils peuvent également être frappés d’ostéoporose. Il se produit ainsi un nombre bien plus important de fractures masculines que ce que l’on croit souvent.

Des os toujours plus fragiles

L’ostéoporose se caractérise par une diminution de la masse osseuse et une détérioration de la microarchitecture et de la qualité de l’os. Ces changements augmentent leur fragilité et entraînent par conséquent un risque accru de fractures. Certaines zones du squelette sont particulièrement vulnérables : hanches, colonne vertébrale et poignets sont concernés.

On estime que la maladie provoque plus de 9 millions de fractures par an dans le monde, mais beaucoup plus de personnes seraient touchées – environ 200 millions. (En France, à partir de 65 ans, près de 40 % des femmes souffrent d’ostéoporose, ndlr). Leur condition passe souvent inaperçue, car il s’agit d’une maladie qui se développe en silence et est asymptomatique… jusqu’à un certain point.

Puis, à un moment donné, la détérioration du squelette va être à l’origine d’une première fracture qu’aucun signe avant-coureur ne laissait présager. (En France, plus de 370 000 fractures seraient dues à l’ostéoporose chaque année, dont 74 000 de la hanche, ndlr).

Mais pourquoi perdons-nous de la masse osseuse ? Tout au long de la vie, notre squelette connaît des cycles de renouvellement ou de remodelage au cours desquels le tissu osseux « ancien » est dégradé (par des cellules appelées ostéoclastes) et, dans le même temps, est remplacé par de l’os neuf (par les ostéoblastes). Cette régénération permanente lui permet de continuer à résister aux défis parfois brutaux auxquels nous le soumettons au quotidien…


À lire aussi : L’ostéoporose n’est pas une fatalité liée au vieillissement, mais une maladie à dépister


Le problème est qu’au fil des décennies, ce processus de remplacement se fait moins efficace. Les cellules responsables de la (re)formation de l’os ne sont alors plus en mesure de compenser la perte de matière qui, elle, continue au même rythme. En conséquence, le bilan devient négatif. Nous perdons, à la fois en quantité et en qualité, du tissu osseux dans le cadre d’un processus naturel inhérent au vieillissement.

Un quart des hommes touchés

Le problème n’est pas seulement féminin. Il est vrai que chez les femmes, la perte de qualité osseuse est particulièrement évidente après la ménopause – une étape qui est marquée par une forte baisse de la production des hormones sexuelles féminines, les œstrogènes. Ces hormones exercent un effet protecteur majeur contre la perte osseuse, et leur déclin au début de la ménopause entraîne logiquement une forte baisse de la masse osseuse.

Cependant, environ 25 % des fractures ostéoporotiques surviennent chez les hommes.

Autre point particulièrement important, les complications et la mortalité associées à ces fractures sont plus élevées chez les hommes que chez les femmes. En effet, on estime qu’environ 80 000 hommes développeront, chaque année, une fracture de fragilité de la hanche, qu’un sur trois en mourra au cours de la première année et qu’une même proportion sera sujette à de nouvelles fractures.

Malgré ces chiffres, l’ostéoporose reste sous-diagnostiquée chez les hommes et donc, dans de nombreux cas, non traitée. Les professionnels de la santé ne sont parfois pas suffisamment conscients du phénomène, ce qui contribue à retarder son diagnostic. Les hommes concernés, et qui ignorent l’être, ne sont donc pas incité à prendre les précautions adéquates.

Un risque qui augmente dix ans après la femme

Garçon ou fille, le pic de la masse osseuse est atteint au cours de la troisième décennie de la vie, entre 20 et 30 ans. Ensuite, nous commençons, tous, à perdre du tissu osseux.

La densité osseuse est atteinte vers 30 ans puis diminue pour les deux sexes, quoique pas à la même vitesse
Courbe de l’évolution de la densité osseuse chez l’homme et la femme. OpenStax College, CC BY

Toutefois, chez les hommes ce pic est atteint un peu plus tard, car ils commencent leur puberté plus tard et y restent plus longtemps que les femmes.

En outre, les androgènes, les hormones sexuelles masculines, augmentent l’épaisseur des os, ce qui constitue un avantage mécanique certain. Un autre facteur important est que, chez les hommes, il n’y a pas de perte brutale des hormones sexuelles, comme c’est le cas chez les femmes après la ménopause : le déclin hormonal masculin se produit progressivement à partir de la quatrième ou cinquième décennie de vie.

Tous ces facteurs font que les hommes développent l’ostéoporose au moins une décennie plus tard que les femmes. L’incidence des fractures augmente ainsi fortement entre 70 et 75 ans. Cela contribue à l’augmentation de la gravité et du risque de mortalité post-fracture, notamment parce que le vieillissement produit également une situation d’inflammation chronique de faible intensité qui accélère le processus de dégradation osseuse – et donc accroît le risque de fracture.

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Des facteurs aggravants… mais des pistes pour limiter les risques

La réparation du squelette se fait aussi plus difficilement. Avec l’âge, la vitamine D, essentielle à la minéralisation et à la qualité des os, se fait également moins présente et la fonction musculaire est altérée.

Comme souvent, il existe des facteurs aggravants qui accélèrent ces différents processus. Les plus répandus sont l’abus d’alcool et de tabac, un traitement continu par des glucocorticoïdes utilisés comme anti-inflammatoires ou immunosuppresseurs, une trop grande sédentarité ou une minceur excessive. Et, souci spécifiquement masculin, en cas d’hypogonadisme (état dans lequel les testicules des hommes ne produisent pas ou peu d’hormones sexuelles).

À ce stade, il devrait être clair que la qualité de nos os a un effet direct sur notre santé. Nous devrions donc tous, hommes et femmes, nous préoccuper de prendre soin de notre squelette. Principalement en restant actif, en ayant une alimentation variée riche en calcium et en vitamine D, en limitant la consommation d’alcool et en évitant de fumer.

Retraites : l’allongement de la durée du travail, la moins mauvaise des solutions ?

30 lundi Jan 2023

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auteur

  1. Éric PichetProfesseur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School

Déclaration d’intérêts

Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Des manifestants protestent contre le plan de réforme des retraites du gouvernement, à Marseille, le 17 janvier 2023.
Des manifestants protestent contre le plan de réforme des retraites du gouvernement, à Marseille, le 17 janvier 2023. Nicolas Tucat/AFP

Aujourd’hui, environ 30 millions d’actifs et de chômeurs cotisent au titre de l’assurance retraite pour 16 millions de retraités. Pourtant, ces cotisations ne suffisent plus à garantir les 345 milliards d’euros de pensions versées 2021. Elles ne financent « que » 79 % des retraites, le solde provenant de recettes fiscales pour 13 % (impôts affectés CSG payés par les actifs et les retraités), de transferts pour 7 % (de l’assurance-chômage et des prestations familiales, etc.) et de diverses subventions.

Dans les prochaines années, les évolutions démographiques et l’allongement de l’espérance de vie, passée de 81,9 ans en 1995 à 85,2 ans aujourd’hui pour les femmes et de 73,9 ans à 79,3 ans pour les hommes, menacent encore plus ce fragile équilibre. En conséquence, en 1960, on comptait quatre cotisants pour un retraité en 1960, deux pour un en 2004 et seulement 1,7 pour un en 2019. Sans réforme, on passerait mécaniquement à 1,5 pour un en 2040.

Dans son rapport annuel publié en septembre 2022, le Conseil d’orientation des retraites (COR) avait calculé que le déficit du système des retraites atteindrait 13,5 milliards en 2030, soit 0,5 % du PIB sur la base d’un scénario de croissance de 1,3 % conforme à nos analyses, d’un accroissement de la productivité de 1 % par an comme la dernière décennie et d’un taux de chômage très optimiste estimé par le gouvernement du fait des réformes structurelles en cours à seulement 4,5 %.

Si ce taux de chômage devait rester au niveau actuel de 7 %, le déficit s’élèverait à 20 milliards en 2030 ou 0,8 % du PIB. Cette dernière hypothèse nous semble plus réaliste car les dernières années ont montré que les crises économiques pouvaient être extrêmement violentes d’autant que l’endettement mondial et le risque climatique n’ont jamais été aussi élevés. La nécessité d’une réforme destinée à assurer l’équilibre et la soutenabilité du système des retraites ne fait donc comptablement guère de doute, même avec les hypothèses optimistes du gouvernement.

17,7 milliards de recettes en plus en 2030

Le projet de loi présenté en conseil des ministres le 23 janvier renoue avec la tradition des réformes dites « paramétriques », qui jouent sur la durée de cotisation et l’âge légal de départ, dans la lignée des précédentes de 1995, 2003, 2010 et 2014.

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Dans ce cadre, les seules solutions pérennes impliquent soit une baisse des pensions rejetée par l’opinion et écartée par le gouvernement ; soit une hausse des cotisations patronales exclue au nom de la compétitivité des entreprises, le coût du travail étant déjà parmi les plus élevés en Europe ; soit enfin une hausse des cotisations salariales refusée au nom de la sauvegarde d’un pouvoir d’achat déjà sous tension.

L’augmentation globale du temps de travail des actifs qui passe principalement par l’allongement de la durée du travail moyen apparaît donc comme la moins mauvaise des solutions paramétriques.


À lire aussi : Retraites : et si le gouvernement cherchait à augmenter la population active ?


La réforme proposée prévoit ainsi de jouer simultanément sur les deux paramètres clés. Le premier est l’allongement de l’âge légal, de 62 ans à 64 ans en 2030 (en 1945 à la création de notre système de retraite par répartition il était de 65 ans… soit l’espérance de vie moyenne des hommes). Le second est l’accélération d’ici 2027 (au lieu de 2034) de la réforme précédente de 2014 qui portait sur le nombre de trimestres nécessaires pour une retraite à taux plein à 172 trimestres, soit 43 ans contre 167 trimestres. Cet allongement de la vie active procurerait un surcroît de recettes de 17,7 milliards en 2030, permettant de financer pour 4,8 milliards de mesures sociales prévues dans la réforme (pour la pénibilité, les carrières longues, le minimum de 1200 euros brut pour une carrière complète, etc.).

Le report de l’âge légal vise en outre à accroître le taux d’activité des seniors. Ce dernier reste en effet relativement faible en France avec seulement 56 % des 55-64 ans en emploi contre 61 % en zone euro, 72 % en Allemagne et 77 % en Suède. Avec le même taux d’emploi des seniors qu’en Suède, nous aurions 1,6 million de seniors supplémentaires en activité, soit autant de cotisants supplémentaires et une hausse de 10 points de ce taux de 56 % à 66 % suffirait à combler la totalité du déficit attendu en 2030.

Comme on l’a constaté avec les réformes de 2010 (de 60 ans à 62 ans) et de 2014, l’allongement de l’âge légal et de la durée de cotisation a un impact significatif sur le taux d’emploi des 55-64 ans, qui est passé de 40 % en 2009 à 56 % aujourd’hui. Enfin, l’instauration dès 2024 d’un « index seniors », qui obligera toutes les entreprises de plus de 300 salariés à publier leur taux d’emploi de salariés de plus de 55 ans, devrait encourager cette tendance.

Faire contribuer les retraités, le coup d’après ?

L’enjeu de l’équilibre de notre système de retraites ne se limite plus au dialogue social entre syndicats et patronats : il constitue une véritable question de finances publiques car si les régimes de retraités des salariés et des indépendants sont à l’équilibre, ceux de la fonction publique, des régimes spéciaux et des exploitants agricoles n’y parviennent que grâce à une contribution de l’État d’environ 30 milliards euros par an, soit 1 % du PIB. La réduction du déficit public, l’un des plus élevés de la zone euro à 5 % du PIB, devenant une priorité absolue elle nécessitera à moyen terme de nouvelles réformes des retraites (d’autant plus que la réforme actuelle prévoit des dispositifs pour les métiers pénibles, mal définis à ce stade, qu’il faudra financer).


À lire aussi : Pénibilité, usure professionnelle, burn-out : quelles avancées dans le projet de réforme des retraites ?


Comme il sera difficile de reporter à nouveau l’âge légal, une mesure contre laquelle les Français se sont mobilisés en masse le jeudi 19 janvier, la question de la contribution des retraités à l’équilibre du système pourrait bien se reposer dans les prochaines années, d’autant que leur niveau de vie est désormais supérieur à celui des actifs.

La manière la plus efficace et la moins brutale serait sans doute de limiter la valorisation des pensions, comme cela fut le cas au cours de deux dernières décennies. Le relèvement de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus de remplacement, instaurée en 1994 et qui représente aujourd’hui 2 % des ressources du système de retraite, constitue également une voie.

Si la complexité des quatre taux de CSG défie le bon sens (de l’exonération totale à un taux réduit de 3,8 % entre 11 432 et 14 944, puis un taux médian de 6,6 % entre 14 945 et 23 193 et enfin un taux de 8,3 % au-delà ce dernier seuil), rien ne peut justifier qu’un retraité gagnant 5 000 ou 10 000 euros par mois paie moins de CSG sur ses revenus qu’un smicard imposé à 9,2 %…

Les futurs gouvernements pourront également être amenés à remettre en cause certaines niches fiscales, comme l’abattement « pour frais professionnels » (sic) de 10 % sur les pensions (plafonné à 3 912 euros en 2021) qui coûte 4,2 milliards d’euros par an et qui n’a aucune légitimité. Mais ce chantier électoralement très sensible n’est bien entendu pas pour tout de suite.

À quoi ressembleront les librairies de demain ?

29 dimanche Jan 2023

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  1. Kenza MarryMaîtresse de conférence en sciences de gestion – Université de Rouen – Laboratoire NIMEC, Université de Rouen Normandie

Déclaration d’intérêts

Kenza Marry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Les librairies-cafés ont le vent en poupe. Librairie Tram.

Première industrie culturelle en France, le marché du livre n’en est pas moins fragile. De nombreuses évolutions dans les pratiques de lecture et d’achat de livres viennent, depuis une vingtaine d’années, questionner les équilibres délicats construits entre les acteurs de ce marché.

La désintermédiation en marche

Ainsi, l’introduction des liseuses et livres numériques dès les années 2000 provoque un phénomène important de désintermédiation. Un simple ordinateur suffit désormais pour publier un texte et atteindre des lecteurs potentiels. Les coûts de reproduction du livre numérique sont quasi nuls, ce qui engendre une destruction de valeur pour de nombreux acteurs du secteur (éditeurs, imprimeurs, libraires, critiques).

L’arrivée du numérique remet en cause le rôle traditionnel des médiateurs entre auteur et lecteur et certaines des missions qui étaient auparavant l’apanage de ces médiateurs ont tendance à disparaître au profit d’Internet. De nombreux sites Internet proposent par exemple des suggestions de lecture à partir d’algorithmes. Par ailleurs, même si le phénomène reste marginal, il est possible de pirater les livres numériques et certains sites proposent de télécharger illégalement des ouvrages.

Les chaînes du livre papier et numérique. DEPS, ministère de la Culture et de la Communication, 2010

Ce phénomène de désintermédiation est également à l’œuvre avec le développement des achats en ligne, notamment favorisé par la pandémie de Covid-19. En effet, la librairie est loin de bénéficier de l’exclusivité des ventes de livres neufs. Une étude réalisée par le Syndicat national de l’édition en 2021 montre que si 77 % des personnes interrogées achètent leurs livres neufs en librairie (qui reste en tête des lieux d’achat de livres), 48 % achètent leurs livres papier sur Internet, un chiffre en forte augmentation ces dernières années (+10 points vs 2015). Il est à noter que 29 % des personnes interrogées ont le sentiment de prix plus élevés en librairie qu’ailleurs, et ce malgré la loi de 1981 sur le prix unique du livre. Ce sentiment est l’un des freins exprimés à l’achat en librairie.

Les lecteurs et lectrices ont donc aujourd’hui (et sans doute plus encore demain) la possibilité de se passer des intermédiaires auparavant indispensables entre leurs livres et eux. Jeff Bezos, dirigeant d’Amazon et figure honnie des libraires, déclarait à ce sujet dès 2011 dans Le Monde : « Les seules personnes nécessaires dans l’édition sont maintenant le lecteur et l’écrivain ».

La librairie face au numérique

Ce phénomène de désintermédiation peut faire craindre un avenir sombre pour la librairie telle que nous la connaissons. Pourtant, les conseils des libraires apparaissent aujourd’hui essentiels pour assister les lecteurs et les lectrices dans leurs choix, tant l’offre de livres est pléthorique. Le nombre de titres publiés en France augmente chaque année et même les algorithmes les plus efficaces ne parviennent pas à limiter le vertige des choix qui s’offrent à nous. Comment la librairie peut-elle défendre son rôle d’intermédiaire incontournable ?

Dans le cadre de ma thèse, j’ai mené une étude qualitative auprès de 35 lecteurs et lectrices, à l’aide d’entretiens compréhensifs, afin de comprendre leur relation à l’objet livre et à sa matérialité. Ce travail de recherche a permis de développer une grille de lecture dialogique des pratiques de consommation de livres, sortant de l’opposition dialectique traditionnelle entre livre numérique et imprimé.

L’avenir de la librairie passe par la compréhension de ces nouvelles pratiques de consommation de livres. On a longtemps pensé que le livre numérique était le frère ennemi (si ce n’est le fossoyeur) du livre papier.

L’Assassinat des livres Par ceux qui œuvrent à la dématérialisation du monde, Coordonné par Cédric Biagini (2015).

En réalité, on observe chez les consommateurs et consommatrices de numérique un très fort attachement au livre papier et une consommation conjointe de ces deux formats. Ils passent ainsi du papier au numérique selon leurs besoins et leurs envies et achètent même parfois un ouvrage dans les deux formats pour favoriser cette consommation hybride. Une étude récente montre que seuls 1 % des lecteurs et lectrices de livres numériques ne lisent qu’en numérique. L’immense majorité continue donc de consommer des livres papier après l’introduction du numérique dans ses pratiques. On le voit, le numérique ne vient pas remplacer le papier, pas plus que la télévision n’a remplacé le cinéma.

On tend à lier, dans les représentations, librairie et livre papier, et plates-formes en ligne et livre numérique. Cependant, l’opposition est davantage à penser entre achat en ligne et hors ligne qu’entre papier et numérique. Il est ainsi possible d’acheter ses livres papier sur Internet et, à l’inverse, il est envisageable de pouvoir acheter ses livres numériques chez le libraire (comme on peut aujourd’hui emprunter ses livres numériques à la bibliothèque grâce au dispositif Prêt numérique en bibliothèque (PNB).

Les libraires, des figures centrales

La médiation du libraire, comme figure centrale de conseil et d’aide au choix au sein d’une offre pléthorique, peut conserver toute sa place, même dans le cadre d’une consommation numérique. Aujourd’hui, si de nombreuses librairies proposent l’achat de livres numériques par le biais de leur site Internet, elles ne vont pour le moment pas plus loin.

À l’avenir, cette démarche pourrait être approfondie avec l’achat de livres numériques dans les magasins physiques, dans une logique d’hybridation. Les consommateurs et consommatrices pourraient ainsi continuer à commander des livres numériques tout en bénéficiant des conseils du libraire mais aussi de tout ce qu’un lieu comme la librairie peut offrir : la rencontre entre lecteurs, avec les autrices et auteurs, la convivialité du magasin de proximité, la stimulation sensorielle, etc. La librairie doit ainsi devenir (ou demeurer) un lieu de vie bien plus qu’un lieu de vente.

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Enfin, il est important de comprendre le livre comme un objet, intégré au sein d’un système d’objets plus global. Les pratiques de lecture s’accompagnent le plus souvent d’une matérialité associée, et ce qu’il s’agisse de livres papier ou numériques. Cette matérialité associée peut prendre la forme d’une tasse de thé, d’un plaid, d’une bougie et de bien d’autres éléments annexes à la lecture.

Penser les pratiques de consommation de livres dans toute la complexité de leur matérialité permet de comprendre l’expérience des consommateurs et des consommatrices et les mécanismes favorisant leur immersion dans la lecture. Les libraires pourraient creuser cette notion en proposant une expérience plus globale, à l’image de la librairie Gibert Joseph (plus grande librairie indépendante de France) qui a récemment rénové ses locaux et dédie désormais un étage à des cours de yoga ou de poterie par le biais d’associations, ainsi que des concerts et des colloques. Si les petites librairies ne disposent, à l’évidence, pas des mêmes moyens, elles s’intègrent et participent à la vie de leur quartier. Cette proximité constitue leur force : après avoir tenté de concurrencer les librairies traditionnelles aux États-Unis et en Grande-Bretagne, Amazon a fermé ses librairies physiques en 2022, ces dernières n’étant pas suffisamment rentables. Les librairies disposent d’atouts qui font défaut aux plates-formes. Il y a fort à parier que ces atouts sont amenés à prendre davantage de place dans leur offre au cours des années à venir. Les librairies sont des laboratoires d’idées et d’initiatives qui participent à inventer la librairie de demain.

Ukraine : trois scénarios pour la suite (et la fin ?) du conflit

28 samedi Jan 2023

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auteurs

  1. Cyrille BretGéopoliticien, Sciences Po
  2. Florent ParmentierSecrétaire général du CEVIPOF. Enseignant à Sciences Po. Chercheur-associé au Centre HEC Paris de Géopolitique, Sciences Po

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Immeubles détruits par des frappes aériennes
La ville de Borodianka (Ukraine), après des bombardements aériens russes en mai 2022. La guerre ne baissera probablement pas d’intensité en 2023. Adrey Sarysamkov/shutterstock

 

Près d’un an après le déclenchement de l’opération militaire russe contre l’Ukraine, le 24 février 2022, quelles sont les évolutions possibles du conflit dans les mois qui viennent ? La difficulté de la prospective est particulièrement marquée pour ce conflit car les « surprises » militaires, diplomatiques et stratégiques ont été nombreuses.

D’un côté, la combativité des forces ukrainiennes, le soutien de l’UE et des États-Unis à Kiev, les difficultés logistiques et tactiques des forces armées russes ont pris Moscou de court. D’un autre côté, la résistance de l’économie russe aux sanctions, l’ampleur des migrations ukrainiennes vers l’Europe, le blocage des instances de l’ONU ainsi que le soutien mesuré de la Chine, de l’Inde et de plusieurs pays d’Afrique à la Russie ont surpris les chancelleries occidentales.

Trois scénarios majeurs sont aujourd’hui envisageables.

Scénario 1 : un revers russe caractérisé

Sur le plan militaire, les forces armées de Moscou lanceraient une nouvelle offensive sur Kiev, comme en février 2022, ainsi que sur le bassin du Don (le Donbass, dont une large partie se trouve toujours aujourd’hui sous le contrôle des Ukrainiens) et sur la province de Kherson afin d’essayer d’obtenir un succès éclatant aux yeux de la population russe.

Mais ces attaques échoueraient. La Russie perdrait de nombreux hommes et une grande partie des quatre provinces ukrainiennes illégalement rattachées à la Fédération de Russie en septembre 2022. Elle constaterait que son objectif stratégique initial (le changement de régime à Kiev) s’est soldé par un échec. L’Ukraine reprendrait des bastions russes dans le Bassin du Don et ferait mouvement vers la Crimée.

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Plusieurs facteurs pourraient consacrer cette défaite russe. Sur le plan intérieur, la mobilisation et l’entraînement des réservistes se heurteraient à plusieurs limites : nouvelle fuite des mobilisables hors du territoire russe ; incapacité du commandement russe à entraîner efficacement les nouvelles recrues ; épuisement de la Base industrielle et technologique de Défense (BITD) russe ; montée en puissance des effets des sanctions occidentales sur le budget de la Fédération ; crise dans les cercles dirigeants russes, notamment au niveau du ministère de la Défense.

En Ukraine, la réalisation de ce scénario est subordonnée à plusieurs conditions : la résistance de la présidence ukrainienne à l’usure de la guerre, sa capacité à remporter les élections législatives de l’automne 2023, la poursuite de l’aide militaire américaine et européenne à un niveau compatible avec la consommation inévitable de matériels de guerre sur les champs de bataille, et la capacité à tenir plusieurs fronts en même temps. Le chef d’état-major ukrainien, Valeri Zaloujny, a exprimé un certain nombre de souhaits en décembre : 300 chars, 600-700 véhicules de combat d’infanterie, 500 obusiers pour la victoire.

Enfin, sur le plan international, ce scénario suppose que la Russie perde la position de force que lui a conférée en 2022 la hausse des prix des produits énergétiques. Il faudrait pour cela que ses clients développent des sources d’approvisionnement alternatives, ce qu’ils ont déjà commencé à faire.

L’horizon de ce scénario favorable à l’Ukraine serait l’ouverture de négociations de cessez-le-feu puis de paix.

Toutefois, si la défaite russe est d’ampleur, un désordre politique interne pourrait paralyser le leadership russe et instaurer à Moscou un chaos privant le pays de la capacité à s’engager réellement dans des négociations. Pour que de telles négociations soient couronnées de succès, il conviendrait donc tout à la fois que la Russie considère la guerre comme durablement perdue, et qu’elle conserve une chaîne de commandement efficace. Deux points redoutablement durs à traiter seraient le sort de la Crimée et l’avenir de la candidature de l’Ukraine à l’OTAN. En somme, ce scénario serait l’extrapolation des contre-offensives ukrainiennes réussies d’août à octobre 2022.

Scénario 2 : un succès tangible pour la Russie

Le scénario inverse consisterait en une série de succès militaires pour la Russie à partir de la fin de l’hiver. Par exemple, la Russie réussirait à reprendre l’essentiel de la province de Kherson, menacerait directement Kiev en pénétrant dans ses faubourgs à partir de la Biélorussie et reprendrait une progression marquée vers le sud-ouest en direction d’Odessa. La réalisation de ce scénario découlerait de plusieurs hypothèses, la principale étant l’épuisement humain et matériel des forces armées ukrainiennes.

Du côté russe, cela supposerait la réussite de plusieurs actions pour le moment infructueuses. Notamment, la mobilisation réalisée à l’automne 2022 serait efficace en matière d’entraînement et correctement utilisée sur le plan tactique. Et les chaînes logistiques russes résisteraient aux difficultés d’approvisionnement sur trois fronts majeurs (Nord sur Kiev, Est dans le Donbass et Sud en direction de Kherson). L’armée russe a déjà disposé de centres logistiques à plus de 80 km de la ligne de front, soit une distance hors de portée des HIMARS, tirant les leçons de la contre-offensive ukrainienne.

Ces succès déboucheraient sur une victoire nette de la Russie en Ukraine : les annexions illégales dans l’est seraient consolidées, le gouvernement de Kiev (fragilisé et possiblement renversé en raison de l’offensive russe) serait issu de négociations de paix et prendrait une orientation plus ou moins ouvertement pro-russe, l’ouest du pays revendiquerait une forte autonomie avec le soutien de la Pologne, etc. L’objectif stratégique de la Russie serait ainsi atteint : disposer d’une zone tampon avec l’OTAN.

Du côté ukrainien, ce scénario du pire pourrait gagner en crédibilité si plusieurs évolutions se constatent : usure des forces armées, insuffisance du nombre de nouvelles recrues, diversité trop forte des livraisons d’armes internationales, engendrant des difficultés à articuler les différents dispositifs ; fragilisation de la présidence Zelensky à l’approche des élections législatives de l’automne 2023 sous la pression d’un « parti de la paix » ou au contraire de nationalistes réclamant un pouvoir plus fort ; incapacité à conserver et accroître le soutien des Occidentaux, par exemple en raison d’un maximalisme stratégique visant la défaite complète de la Russie, la découverte de détournements de fonds ou tout simplement du fait de la « fatigue » des opinions occidentales et de leur volonté de se recentrer sur des questions politiques internes.

Sur le plan international, ce scénario suppose un maintien des cours et des exportations de produits énergétiques russes vers l’Asie (Chine et Inde au premier chef) ; une stratégie de prix de la part des puissances gazières ; une mobilisation des réseaux diplomatiques russes pour montrer que le pays n’est isolé qu’à l’Ouest ; un appui marqué de la Chine face à l’influence américaine ; une perte d’influence dans l’UE des gouvernements les plus favorables à l’Ukraine, notamment en Europe du Nord (législatives finlandaises en février) et en Pologne (élections générales à l’automne 2023). Un tel scénario serait favorisé par une crise à Taïwan ou au Moyen-Orient qui absorberait l’attention des États-Unis, déjà fortement polarisés dans leur politique intérieure.

Scénario 3 : un conflit qui s’enlise

Un troisième type d’évolution pour ce conflit pourrait être caractérisé par l’incapacité des deux protagonistes à prendre l’ascendant sur l’autre sur une période de plusieurs années.

Il se manifesterait par une stabilisation (violente et meurtrière) des grandes lignes de front sur les positions actuelles mais des batailles régulières pour des localités d’importance secondaire, des nœuds routiers, des verrous fluviaux ou des ponts. Par exemple, les forces armées russes pourraient être tentées de reprendre l’offensive par le nord en direction de Kiev avec des succès limités et de concentrer leurs efforts sur la consolidation des parties du Donbass contrôlées ou contrôlables par elles.

De son côté, l’Ukraine pourrait essayer de pousser ton avantage à partir de Kherson vers le sud afin de menacer le bastion criméen à l’horizon d’août 2023. Ce scénario n’exclut pas – loin de là – des combats intensifs, des changements de zones de contrôle et des succès limités de part et d’autre. Mais l’équilibre général du conflit ne serait pas modifié, la Russie continuant à contrôler 15 % à 20 % du territoire ukrainien dans des zones essentielles (Crimée, Donbass, région de Kharkiv) et l’Ukraine démontrant sa capacité à résister sur le long terme.

Plusieurs facteurs pourraient se conjuguer pour faire advenir cette situation. Un « plateau » pourrait être atteint dans l’aide militaire occidentale à l’Ukraine en raison de l’état des stocks et de la nature des armements envoyés sur le front. La combativité ukrainienne pourrait demeurer sans pour autant produire les effets spectaculaires de la fin de l’été 2022 en raison d’une « courbe d’apprentissage » du côté russe, notamment dans l’articulation entre les différentes armées et les autres forces (milices Wagner, Kadyrovtsy).

Côté russe, ce statu quo violent pourrait advenir en raison des limites structurelles de l’outil militaire manifestées en 2022 : rigidité tactique, logistique déficiente, étirement des fronts et des chaînes d’approvisionnement, limites des ressources humaines, culture du mensonge dans les administrations publiques, etc.

Des facteurs exogènes pourraient conduire à un pourrissement militaire et diplomatique. Aucun des deux protagonistes n’est en mesure de faire accepter à sa propre population et à son propre réseau d’alliances l’entrée en négociation sur la base du rapport de force militaire actuel. Pour la Russie, aucun succès indiscutable n’a été remporté ; pour Kiev, l’intégrité territoriale reste à restaurer. Entrer en négociation serait un aveu d’échec pour Vladimir Poutine et le mettrait à risque. Accepter de discuter serait pour Volodymyr Zelensky un renoncement qui lui ferait perdre le soutien très large dont il bénéficie aujourd’hui à l’intérieur et à l’extérieur : un autre leadership devrait se mettre en place, et serait vraisemblablement moins soucieux de compromis en raison des coûts irrécupérables de cette guerre.

Dans cette option, l’Ukraine deviendrait en 2023 un nouveau conflit non résolu de l’espace post-soviétique, mais de grande envergure. Cela n’empêcherait pas un durcissement des hostilités, notamment contre les populations civiles ou les prisonniers, bien au contraire.

Grandes écoles : 80 fois plus de chances d’admission quand on est enfant d’ancien diplômé

27 vendredi Jan 2023

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auteur

  1. Stéphane BenvenistePost-doctorant à l’INED, chercheur associé à Aix-Marseille School of Economics (AMSE), Institut National d’Études Démographiques (INED)

Déclaration d’intérêts

Stéphane Benveniste ne conseille pas et ne possède pas de parts d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article. En complément de ses deux affiliations, il est chargé d’enseignement à Sciences Po Paris. Stéphane Benveniste a bénéficié d’une aide de l’État opérée par l’Agence Nationale de la Recherche au titre du plan d’investissement France 2030 portant la référence ANR-17-EURE-0020, de l’Initiative d’Excellence d’Aix-Marseille Université – A* MIDEX, ainsi que du programme de recherche transnational NORFACE Dynamics of Inequality Across the Life-course.

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En France, un diplôme d’une très grande école est, sinon un prérequis, au moins un fort accélérateur aux postes de direction les plus prestigieux. Tous les présidents de la Vᵉ République sont passés par leurs bancs, de même qu’une majorité de PDG du CAC40, dont une dizaine a été formée par la seule École Polytechnique.

Toutefois, les chances d’admission dans ces écoles apparaissent particulièrement inégales. Et, même une fois le précieux diplôme acquis, les carrières des diplômés restent influencées par leur origine sociale. C’est le constat qui ressort de la thèse de doctorat que j’ai menée sur le rôle central des grandes écoles dans la stabilité des élites françaises depuis la fin du XIXe siècle.

Alors que s’ouvre pour près d’un million de candidats la première phase d’inscription sur Parcoursup, où lycéens et étudiants peuvent enregistrer leurs vœux d’orientation ou de réorientation dans l’enseignement supérieur, notamment vers les classes préparatoires aux grandes écoles, revenons sur cet envers du discours méritocratique.

Partir des registres nominatifs

Pour mener cette étude, la première étape a été de collecter les annuaires d’une douzaine de grandes écoles parmi les plus prestigieuses, recensant près de 400 000 diplômés entre 1886 et 2015, ce qui représente près d’un Français sur trois cents sur la période. Ces données ont ensuite été appariées aux carrières de 5 528 représentants politiques et de 42 074 membres de conseils d’administration.

Un certain nombre de caractéristiques ont été étudiées de manière indirecte à partir des noms de famille et des informations qu’ils peuvent intrinsèquement véhiculer, comme une ascendance noble ou une origine géographique particulière.

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Les patronymes, hors exceptions, reflètent aussi le lien des enfants avec leurs pères, le choix du nom de la mère n’étant possible que pour les individus nés depuis 2005 et n’ayant été élargie aux adultes qu’en 2022.

À partir de la distribution des patronymes dans le recensement de la population, dans les écoles et dans l’élite politico-économique à travers les générations, il est ainsi possible de construire la probabilité pour un garçon ou une fille que son père soit diplômé d’une grande école, ou qu’il appartienne à l’élite politique ou économique. Cela constitue un lien intergénérationnel entre un pseudo-père et un pseudo-enfant.

Si les candidats aux concours passent les épreuves dans les mêmes conditions, avec des copies anonymes, un certain nombre de facteurs influencent en amont leurs chances de réussite. Shutterstock

Si les porteurs d’un nom de famille comme Martin sont relativement nombreux, représentant environ 0,4 % de la population, la majorité des patronymes est suffisamment rare pour informer sur les lignées. Par ailleurs, si la méthodologie a pour inconvénient de ne pas suivre la transmission maternelle, les diplômées des grandes écoles et les dirigeantes politiques et économiques étaient historiquement très minoritaires (et le restent, dans une moindre mesure).

Noblesse d’État et centralisme français

Dans sa table des familles, l’Association d’entraide de la noblesse française recense la plupart des familles d’ascendance aristocratique. Environ un siècle après la Révolution française, elles avaient 15 fois plus de chances que le reste de la population d’intégrer les grandes écoles les plus cotées, et encore 9 fois plus de chances sur la période récente, plus de deux siècles après la Révolution.

Cela souligne la rémanence du niveau d’éducation des descendants de la noblesse. Leur surreprésentation est encore plus marquée dans les écoles de commerce, où ces familles semblent par ailleurs privilégier l’admission de leurs fils plutôt que de leurs filles.


À lire aussi : X, ENA… La puissance du réseau, un obstacle au contrôle du dirigeant aux effets délétères


On observe aussi une évolution de l’origine géographique des diplômés des écoles les plus prestigieuses. Les individus nés dans les régions situées au nord-ouest d’un axe Strasbourg-Toulouse ont connu une baisse de leur représentation parmi les diplômés. À titre illustratif, alors que les Picards y étaient admis sensiblement comme la moyenne nationale au début du XXe siècle, ils avaient 5 fois moins de chances d’admission que le reste de la population entre 1991 et 2015. À l’inverse, les personnes nées dans les régions du sud-est de la France et en Alsace ont vu leurs chances d’admission augmenter.


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Mais la disparité la plus frappante concerne la capitale. Alors que Paris accueillait selon les générations entre 4 et 7 % des naissances nationales sur le siècle passé, les Parisiens représentaient entre un tiers et la moitié des effectifs des grandes écoles les plus prestigieuses. Si la plupart de ces écoles sont situées en région parisienne, la surreprésentation des Parisiens est sans commune mesure avec celle des Franciliens, et l’hégémonie parisienne a même eu tendance à s’accentuer depuis la fin du XXe siècle.

L’étude s’intéresse par ailleurs à la reproduction sociale entre générations de diplômés des grandes écoles. Les enfants de diplômés nés entre 1891 et 1915 avaient 154 fois plus de chances d’être admis dans ces prestigieuses écoles. Cet avantage est divisé par deux pour la génération suivante et reste ensuite stable avec environ 80 fois plus de chances d’admission pour un enfant de diplômé né entre 1916 et 1995.

Taux d’admission selon différentes caractéristiques (approchées par le patronyme) relativement au reste de la population, par cohorte de naissance. Intervalles de confiance à 95 % renseignés entre crochets.

Avoir un grand-père ou même un arrière-arrière-grand-père diplômé d’une grande école est aussi associé à une probabilité significativement supérieure d’admission. Cela représente un « plancher de verre » multigénérationnel pour les enfants de l’élite.

Par ailleurs, une analyse d’hétérogénéité montre que les enfants de diplômés tendent à étudier exactement dans la même école que leurs aïeux, ce qui conduit à des taux d’admissions relatifs plus élevés, bien que ces petits sous-échantillons produisent des estimations moins précises. Par exemple, les enfants de polytechniciens nés entre 1971 et 1995 avaient 296 fois plus de chances d’être admis à Polytechnique (intervalle de confiance à 95 % : de 209 à 420).

« Double dividende »

L’étape suivante consiste à examiner le devenir professionnel des étudiants de ces très grandes écoles nés entre 1931 et 1975. Ce travail met en évidence la présence de dynasties, dès lors que les enfants des élites politique et économique ont davantage de chances que leurs pairs diplômés d’atteindre ces mêmes positions, au conseil d’administration d’entreprises ou comme personnalité politique nationale.

Les dynasties politiques sont particulièrement importantes : un diplômé de grande école a 37 fois plus de chances qu’un de ses camarades de promotion de devenir parlementaire ou ministre si son père l’a aussi été. L’importance de ces dynasties politiques est toutefois en recul progressif, corroborant en France des résultats précédemment identifiés aux États-Unis.Les élites et la tyrannie méritocratique (Lecture du livre de Michael Sandel par Ghislain Deslandes, Xerfi Canal).

En définitive, en plus de meilleurs taux d’admission dans les grandes écoles, les enfants de l’élite bénéficient d’un « double dividende », avec de meilleures perspectives de carrières que leurs camarades de promotion.

Bien que les admissions aux grandes écoles par voie de concours s’inscrivent dans une promesse d’égalité des chances, les résultats présentés ici en soulignent les limites. Le fait que la rhétorique méritocratique fasse généralement abstraction d’un large faisceau de résultats en sciences sociales soulignant des inégalités significatives a ainsi conduit certains chercheurs à parler d’« extrémisme méritocratique » (Thomas Piketty) ou de « tyrannie du mérite » (Michael Sandel).

Le terme « méritocratie » a d’ailleurs pour origine une dystopie de Michael Young dans laquelle le mérite (supposé) servait à justifier la confiscation du pouvoir. Dans les grandes écoles françaises, nous décrivons plutôt le produit d’une forme d’« héritocratie », telle que le sociologue Paul Pasquali qualifie la résistance de ces institutions aux transformations. En effet, la réforme de l’ENA, provoquée par la dénonciation de la déconnexion des élites par le mouvement des « gilets jaunes », apparaît minime pour répondre à de telles inégalités.

Pénibilité, usure professionnelle, burn-out : quelles avancées dans le projet de réforme des retraites ?

26 jeudi Jan 2023

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auteurs

  1. Claire Edey GamassouMaîtresse de conférences en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
  2. Tarik ChakorMaître de conférences en sciences de gestion, Aix-Marseille Université (AMU)

Déclaration d’intérêts

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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Ouvrier sur un chantier
Les mesures contenues dans le projet de réforme des retraites concernent davantage la réparation que la prévention des maladies professionnelles. Frédéric Bisson/Flickr, CC BY-SA

Sous le feu des projecteurs depuis le début de l’année, le projet pour l’avenir du système des retraites, contre lequel les Français se sont largement mobilisés ce jeudi 19 janvier, comprend notamment des mesures de prévention de l’usure professionnelle. Lors de la présentation de réforme, le mardi 10 janvier, la première ministre Élisabeth Borne avait insisté sur ce point.

Quatre pistes sont aujourd’hui envisagées pour les métiers physiques ou répétitifs : la création d’un fonds d’investissement d’un milliard d’euros pour la prévention de l’usure professionnelle ; la mise en place d’un suivi médical renforcé auprès des salariés ayant un métier pénible ; la possibilité de financer un congé de reconversion ; l’élargissement du compte professionnel de prévention (C2P) à plus de salariés et avec plus de droits.

Ce C2P, né des « ordonnances Macron », avait remplacé en 2017 le terme « pénibilité » en « facteurs de risques professionnels » et avait retiré 4 facteurs (charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et risques chimiques) du dispositif précédent, le compte personnel de prévention de la pénibilité (C3P). En décembre 2022, la Cour des comptes a présenté ce C2P comme « un dispositif sans ambition et non contrôlé » dans son rapport public thématique sur les politiques publiques en santé au travail dans les entreprises.

La réparation plus que la prévention

Comment appréhender les quatre mesures avancées sur ce sujet lors de cette présentation ? Tout d’abord, concernant la création d’un fonds d’investissement d’un milliard d’euros pour financer des actions de prévention, de sensibilisation, et de reconversion, mesure revendiquant explicitement la prévention comme objectif, plusieurs interrogations émergent. Sur quelles analyses repose ce montant d’un milliard d’euros sur cinq ans ? Quels objectifs concrets se donnera ce fonds d’investissement ? S’agit-il d’une extension du Fonds national de prévention de la Caisse des dépôts ou d’un fonds annexe ? Ces questions sont en suspens.

Concernant l’élargissement du C2P, trois seuils permettant de doter le compte en points ont été abaissés : avec la réforme, il suffira de 100 nuits de travail par an, et non plus 120, ou de 30 nuits en travail alternant contre 50 aujourd’hui. Cet élargissement ouvre également droit au cumul de points dans les cas d’expositions à plusieurs formes de pénibilité. Si le gouvernement a refusé de réintégrer les 4 critères exclus en 2017, la réforme des retraites permettrait toutefois, pour les salariés exposés aux charges lourdes, postures pénibles et vibrations, sous réserve de la reconnaissance officielle d’une inaptitude, de bénéficier de nouveaux droits, chaque branche professionnelle devant lister les métiers concernés. Cela crée un risque de décalage entre métiers, certaines branches pouvant reconnaître un métier comme pénible et d’autres non.

Enfin, le financement de congés de reconversion et la mise en place d’un suivi médical renforcé auprès des salariés ayant un métier pénible apparaissent comme des mesures de réparation plutôt que de réelle prévention. Pourtant, comme nous l’avions déjà souligné dans un précédent article, le travail joue un rôle déterminant dans les différences d’espérance de vie et d’état de santé entre les citoyens.

Ce constat est validé par de nombreuses études liant l’exposition aux facteurs de pénibilité avec, notamment, la sortie précoce de l’emploi, ou l’état de santé après 50 ans. L’espérance de vie sans incapacité est également corrélée avec les catégories professionnelles. Ces mesures ne devraient donc n’avoir qu’un effet limité pour éviter ou diminuer les maux du travail.

Le non-recours aux dispositifs reste important

La prévention de la désinsertion et de l’usure professionnelles figure déjà au cœur de l’axe stratégique 2 du « plan santé au travail 4 » adopté pour la période 2021-2025. Si certains progrès techniques permettent effectivement d’améliorer les conditions de travail (à l’image des exosquelettes pour les charges lourdes), ils restent loin de résoudre le problème. Certes, selon la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du Travail, les expositions longues aux contraintes physiques ont diminué dans la majorité des secteurs ces 20 dernières années. Cependant, les expositions de courtes durées ont augmenté sur la même période.

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En outre, la Cour des comptes avait souligné fin 2022 l’écart entre le nombre de salariés concernés selon la Dares et les effectifs des salariés déclarés exposés dans le cadre du C2P : tous risques confondus, seul un quart de salariés potentiellement exposés disposent d’un compte professionnel de prévention, cette proportion variant entre 11 % pour le bruit et 53 % pour le travail de nuit. Ce phénomène de non-recours, qui en rappelle d’autres, devrait amener à revoir profondément le dispositif, son périmètre, ses moyens et ses objectifs.


À lire aussi : Mesurer le non-recours pour éviter de dépenser « un pognon de dingue »


Et le burn-out ?

Quant aux risques liés aux facteurs psychosociaux, le ministre du Travail Olivier Dussopt a estimé, le 15 janvier dernier sur France Inter, qu’il s’agissait d’un chantier « immense » et « majeur » souffrant d’un manque d’indicateurs. Ces facteurs sont évalués régulièrement notamment par une des enquêtes de la Dares qui fait état, dans ses dernières estimations, d’un recul des marges de manœuvre favorisant l’autonomie. Pire, les études sur les salariés exposés à plusieurs risques professionnels montrent que cette catégorie majoritaire est systématiquement concernée par des contraintes organisationnelles et relationnelles.

D’ailleurs, les saisines des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) ont plus que doublé en 10 ans. Des milliers de salariés voient ainsi leurs affections psychiques reconnues comme maladies professionnelles. Le burn-out, épuisement professionnel en français, fait partie de ces affections mais ce syndrome est loin d’être le seul trouble pouvant conduire à une prise en charge par la branche Accidents du travail – Maladies professionnelles (AT-MP) de la Sécurité sociale.

Des mesures ambitieuses et incitatives pour protéger les salariés et éviter les atteintes à leur santé dès les prises des postes manquent donc encore dans le projet de réforme des retraites. Et l’absence de représentants du personnel formés et dédiés à ce sujet, depuis la suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en 2017, complique encore la prise en compte de ces enjeux.

Réforme des retraites : le problème des fins de carrière dans l’Education nationale

25 mercredi Jan 2023

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auteur

  1. Dominique Cau-BareilleMaître de Conférences en Ergonomie, Université Lumière Lyon 2

Déclaration d’intérêts

Dominique Cau-Bareille ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Université Lumière Lyon 2 apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

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A mesure que leur carrière avance, les enseignants sont unanimes à évoquer une fatigue accrue. Shutterstock

Depuis 2003, au fil des réformes des retraites mises en œuvre en France, le nombre d’annuités nécessaires pour bénéficier d’une retraite complète ne cesse d’augmenter. Dans le même temps, les dispositifs d’aménagement des fins de carrière ont disparu – parmi ces dispositifs, on peut citer l’exemple des mesures de cessation progressive d’activité.

Une telle évolution contraint les personnels à rester en activité à temps plein même s’ils ressentent une fragilisation croissante. Voilà qui questionne les conditions de travail dans lesquelles évoluent les travailleurs : leur permettent-elles de pouvoir se maintenir en activité en santé jusqu’à l’âge de départ à la retraite ?


À lire aussi : Valoriser l’emploi des seniors, le préalable oublié de la réforme des retraites


Cette problématique de vieillissement au travail est très présente dans le champ de l’éducation où les seniors représentent 30 % des enseignants en activité. Elle préoccupe les responsables des ressources humaines, les médecins de prévention et les syndicats car de nombreuses recherches font état de difficultés, de problèmes de santé physiques et psychologiques en fin de carrière.

Usure prématurée

On pourrait avancer que l’expérience construite au fil du temps apporterait des ressources suffisantes pour faire face aux contraintes du métier jusqu’en fin de carrière. Or les enjeux sont bien plus complexes. Au-delà des savoir-faire accumulés, vieillir au travail, c’est aussi faire l’expérience d’une triple fragilisation de la santé :

  • l’expérience d’une fragilisation par le travail du fait des expositions à certaines contraintes de l’environnement professionnel
  • l’expérience d’une fragilisation de la santé par rapport au travail : les difficultés rencontrées par les salariés dans leur travail peuvent les amener à devoir changer de travail, voire anticiper leur retraite
  • l’expérience de la fragilisation de la santé au travail en référence aux possibilités de s’appuyer sur leur expérience pour tenter de mettre en place des processus de régulations.

Quand on parle de fragilisation de la santé par le travail, on fait référence aux expositions à certaines formes de pénibilité, qui se cumulent dans le temps, participant à une usure prématurée de l’organisme. Nous pouvons prendre l’exemple des professeurs d’éducation physique et sportive (EPS). Ils sont exposés à un cumul de contraintes physiques (port de charges, parages, station debout permanente…), mentales (travail par ateliers de niveaux différents), environnementales (contraintes thermiques, bruit… ).

Au fil de leur carrière, les enseignants sollicitent beaucoup leur voix. Shutterstock

En résulte une usure prématurée de leur corps et des problèmes de santé aigus, nécessitant souvent des prises en charge médicales, en cas de troubles musculo-squelettiques, de surdité, ou encore de problèmes de voix, comme en témoigne cet enseignant :

« Je pense qu’un sportif a une conscience aiguë du vieillissement, de la diminution des capacités malgré la volonté de s’entretenir. C’est quelque chose que je ressens violemment quand même. Ça devient de plus en plus difficile, et je n’ai pas 63 ans : j’ai encore beaucoup d’années à faire, j’ai 53 ans. »

On retrouve cette usure liée à l’activité également exprimée par des enseignants dans le premier degré, comme cette professeure des écoles chargée d’une classe de CP :

« Les enfants, au fil du temps, te bouffent, te prennent tous les jours un peu de toi, ils t’en prennent un bout. C’est comme une toile émeri ; on n’a plus d’écorce à force. Il faut tellement donner dans ce métier, à longueur de minutes… »

Du vécu de ces atteintes à la santé vont souvent dépendre les projections professionnelles : rester dans l’activité à temps plein, passer à temps partiel, ou tenter de quitter le métier pour évoluer vers d’autres fonctions.

Dilemmes professionnels

Cette fragilisation de la santé par le travail se couple souvent avec l’expérience de la fragilisation par rapport au travail. Les nombreuses réformes qui touchent l’enseignement depuis plus de 15 ans au gré des changements de ministres contribuent à une intensification du travail et à une lassitude généralisée de l’innovation. Ce qu’un ministre met une place, le suivant le détricote pour imposer d’autres normes et il est attendu des enseignants qu’ils respectent les prescriptions.

Ces réformes bouleversent non seulement les contenus des programmes, les objectifs pédagogiques, mais aussi, plus fondamentalement, le sens du métier. Les seniors se trouvent donc de plus en plus en dissonance entre, d’un côté, ce qu’ils ont envie de faire dans leur travail et qui leur semble pertinent au vu de leur longue expérience et, de l’autre, les injonctions de la hiérarchie qu’ils ne comprennent pas toujours, auxquelles ils n’ont pas nécessairement envie d’adhérer ; d’où parfois le souhait de certains « de quitter le navire dès que possible, avant que le bateau ne coule ».


À lire aussi : De décibel en décibel, comment le bruit gêne-t-il les enfants en classe ?


Mais l’expérience de la fragilisation au travail est largement partagée : les seniors sont nombreux à percevoir un nombre croissant de difficultés dans leur activité. En dépit des compétences qu’ils ont construites au fil du temps, ils estiment que leurs ressources personnelles pour faire face aux contraintes diminuent. Ils éprouvent plus de difficultés à tenir une journée entière de travail, comme le raconte cette professeure d’EPS de 60 ans :

« Je suis plus fatiguée qu’avant. C’est-à-dire que je ne pourrai pas faire 6h de cours dans une journée, ça me détruirait, ça me détruirait vite et ça me fatiguerait trop. Je pense que mon maximum c’est 4h maintenant ; je ne ressentais pas ça avant ! »

Ils ont le sentiment de devenir plus intolérants au bruit dans la classe, évoquent une diminution de leur patience vis-à-vis du comportement de certains élèves perturbateurs, plus de difficulté à mobiliser les élèves, devant puiser plus loin en eux-mêmes les ressources pour créer les conditions des apprentissages.

Un grand nombre d’enseignants témoignent d’une usure au travail. Celle-ci peut se traduire par un manque de patience ou une intolérance au bruit. Shutterstock

Les enseignants sont unanimes à évoquer une fatigue accrue, des douleurs dans l’activité, nécessitant des espaces de récupération plus importants qu’avant, pouvant impacter leur mode de vie hors travail, ainsi que l’exprime cette enseignante de 54 ans en maternelle :

« Je vois bien que chaque année, quand même, j’ai un petit truc en plus ! C’est comme un escalier à monter… j’ai encore une marche à gravir au niveau fatigue. Je me dis « Je n’y arriverai jamais, quoi ! » Donc je suis inquiète. »

Manque de dispositifs collectifs

Les seniors recherchent souvent des aménagements temporels de leur activité. Se mettre à temps partiel, par exemple, serait une « stratégie pour survivre » afin de pouvoir poursuivre leur activité professionnelle en « gardant le plaisir de travailler », comme nous l’expliquait une enseignante de maternelle.

Mais ces demandes de temps partiel « sur autorisation », à ce stade de leur carrière, ne sont pas toujours comprises et acceptées, ce qui maintient les enseignants en difficulté dans une situation critique. Cela amène certains à anticiper leur départ à la retraite, malgré les décotes.


À lire aussi : Déclassement, manque de reconnaissance… ces enseignants qui veulent changer de métier


Ces différentes formes de fragilisation peuvent être source d’inquiétude, voire d’anxiété en fin de carrière, et participer à des syndromes dépressifs. En dépit de ces différents constats, on ne peut que déplorer l’absence de suivi médical des enseignants au sein de l’Éducation nationale. Un tel suivi permettrait d’objectiver ces difficultés et de questionner sur le fond les évolutions profondes du métier.

Les seules mesures mises en place pour accompagner les seniors en difficulté se résument aux espaces d’accueil et d’écoute du personnel en partenariat avec la MGEN. Un tel dispositif relève d’une mesure de prévention, centrée essentiellement sur l’individu. L’approche choisie ne remet donc pas en question les conditions globales de l’activité et des transformations du métier. En abordant seulement les difficultés au cas par cas, on risque une psychologisation excessive des problèmes du travail.

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Les difficultés des seniors ne sont pas liées uniquement au processus de vieillissement. Il faut les mettre en perspective avec les conditions de réalisation de l’activité, les changements profonds qui affectent ces métiers. Elles sont révélatrices de problèmes largement partagés par les enseignants, quel que soit leur âge.

C’est donc l’ensemble du système de travail qui doit être questionné pour aborder les fins de carrière et réfléchir à des conditions de travail soutenables dans le temps.

Images de science : des dépôts fantomatiques dans les Cyclades

24 mardi Jan 2023

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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auteur

  1. Valentine PuzenatDoctorante en Géosciences Marines, Institut de physique du globe de Paris (IPGP)

Déclaration d’intérêts

This project was partially funded by INSU-CNRS Tellus and Syster Projects to Javier Escartin (2016) and Jean-Emmanuel Martelat (2018), and with partial support by RAMONES, funded by the European Union’s Horizon 2020 research and innovation program, under grant agreement N°101017808 (to Javier Escartin and Paraskevi Nomikou). This work was also partially funded by the Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG, German Research Foundation) – Project-ID 364653263 – TRR 235 to William D. Orsi. Additional support was provided by internal funds from ENS, IPGP, U. of Lyon, and U. of Bergen.

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Dépôts blancs et jaunes sur le sable au fond de l'eau, avec un rocher
La température du fond de l’eau et des sédiments est plus élevée dans cette zone en raison de la circulation de fluides chauds, ce qui favorise le développement de précipités minéraux (jaunes) et de tapis bactériens (blancs). Anders Schouw, Projet CarDHynAl, Fourni par l’auteur

Cette tache sous-marine à l’allure fantomatique témoigne d’échanges de fluides depuis la croûte terrestre jusqu’à la surface, à travers le plancher océanique. Nous sommes ici dans la baie de Paléochori sur l’île de Milos, en Grèce, où une activité hydrothermale peu profonde produit des précipités jaunes caractéristiques du soufre et de l’arsenic, et des tapis bactériens blanchâtres qui semblent presque luminescents.

La circulation d’eau chaude dans les profondeurs de la croûte, ou « hydrothermalisme », est largement répandue sur Terre. Elle est favorisée par la proximité de sources de chaleur, comme les chambres magmatiques, et les sorties hydrothermales associées sont responsables d’environ 25 % de la perte de chaleur terrestre interne. Outre ces effets thermiques, les processus hydrothermaux ont un impact direct sur la biodiversité environnante, avec le développement d’une faune et d’une flore particulières.

Ces sorties hydrothermales sont bien décrites pour des environnements très profonds, notamment le long des dorsales océaniques.

Mais on trouve aussi des systèmes hydrothermaux proches des côtes, au large de l’île de Milos ou de Taïwan par exemple, à des profondeurs inférieures à 200 mètres. Alors que des sites peu profonds ont été identifiés dans le monde entier, ils sont moins étudiés et leurs géométries, leur évolution temporelle et les flux d’énergies associés sont mal connus.

Nous étudions ces systèmes afin de comprendre les échanges entre la terre solide et les océans et le développement d’écosystèmes dans des milieux extrêmes.

L’île de Milos et la baie de Paléochori

Au sud de la mer Égée et sur l’archipel des Cyclades se trouve le système hydrothermal peu profond le plus étendu au monde – et un des plus étudiés à l’heure actuelle. Dans la baie de Paléochori, au sud-est de l’île de Milos, une activité hydrothermale intense s’étend depuis la plage jusqu’à plus de 200 mètres de profondeur, soit à environ 1,5 kilomètre à la nage.

Cette activité se manifeste entre autres par des émissions de fluides acides de haute température, de l’ordre de 100 °C. Ces fluides contiennent des gaz (dioxyde de carbone, méthane) et se mélangent avec l’eau de mer au cours de leur circulation en profondeur. Ce « voyage crustal » leur permet également de devenir salins, sulfurés, et de s’enrichir en arsenic et autres gaz dissous.

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Les sorties hydrothermales sont souvent associées à des précipités jaunes ou orangés de sulfure d’arsenic, et à des précipités blancs d’origine minérale composés d’un mélange de silice et de soufre associés à des tapis bactériens. Ces dépôts sont visibles depuis l’espace sur des images satellites jusqu’à 30 mètres de profondeur, et permettent d’identifier des patchs, des structures linéaires et des structures polygonales qui résultent en surface de cellules de convection en profondeur.

Un projet multiéchelles et multidisciplinaire

Des données d’imagerie de drone et de véhicule autonome sous-marin acquises par notre équipe en 2019 permettent de cartographier ces structures à des résolutions proches du centimètre.

Les mesures de température au sein de ces structures éclairent notamment des mécanismes thermiques particuliers : par exemple, les structures polygonales blanches identifiées sur les images sous-marines présentent des températures plus élevées (supérieures à 50 °C) que les sédiments adjacents (de l’ordre de 24 °C) et sont souvent associées à des zones de « bioturbation », un remaniement des sédiments par des organismes vivants.

Nos résultats fournissent une vue d’ensemble de ce système hydrothermal peu profond et de l’organisation de la circulation de fluides à travers le plancher océanique. Ils apportent de premières perspectives sur les flux de chaleur du système et sur les communautés microbiennes contrôlées par cette activité hydrothermale.

Réguler l’installation des médecins : la comparaison avec le cas allemand

23 lundi Jan 2023

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  1. Matthias BrunnChercheur affilié en sciences politiques au LIEPP – Sciences Po, Sciences Po

Déclaration d’intérêts

Matthias Brunn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Dans le débat actuel sur la liberté d’installation des médecins en France et les « déserts médicaux », les expériences à l’étranger sont utilisées de manière très variable par les défenseurs comme les détracteurs d’une régulation plus stricte que celle qui existe aujourd’hui.

Concrètement, à l’heure actuelle, un médecin libéral en France peut s’installer où le veut. Néanmoins, l’« Accessibilité potentielle localisée » ou APL (établie selon le nombre de médecins généralistes jusqu’à 65 ans, le temps d’accès pour les patients, etc.) commence à être prise en compte au sein des « Territoires vie-santé » qui maillent le pays (voir la carte ci-dessous).

Il y a ainsi des incitations financières pour promouvoir une installation dans une zone « sous-dense » en personnel médical. En parallèle, l’idée de restreindre l’installation en zone « sur-dense » se développe et alimente des propositions parfois très discutées. Les polémiques les plus récentes concernent l’ajout d’une quatrième année à l’internat de médecine générale, assortie de l’obligation de l’effectuer en cabinet de ville. Dans un Territoire de vie-santé sous-dense, un habitant a accès à moins de 2,5 consultations par an ; 3,8 millions de personnes étaient concernées en 2018, contre 2,5 millions en 2015.

L’Allemagne, voisin le plus proche géographiquement, est doté d’un système de régulation de l’installation parmi les plus stricts au monde. Pourtant, il est très peu évoqué dans le débat français. Au-delà de la barrière linguistique, la faible diffusion de l’évaluation des politiques en place outre-Rhin ne facilite pas les échanges d’expériences.

Cet article décrypte le système allemand actuel, et son historique, et donne un aperçu des effets. En outre, il discute la transférabilité de ces enseignements vers la France.

Une politique ancienne qui s’est complexifiée

Les bases de la « planification des besoins » (Bedarfsplanung) sont jetées en 1976 avec l’introduction de statistiques sur la répartition des praticiens sur le territoire. Une évolution majeure a lieu en 1993 avec le découpage du pays en 395 zones de planification et la fixation de « densités cibles » pour 14 catégories de médecins (généralistes, neurologues et psychiatres, etc.).

L’objectif est d’éviter les zones sur-denses en médecins. L’installation n’est possible que si ce seuil de densité n’est pas dépassé de plus de 10 %.

Depuis 2013, le calcul du seuil est plus fin et tient compte de la structure démographique (âge et sexe) de la population. L’objectif est désormais, aussi, d’éviter les zones sous-denses.

En 2021, est lancée une dernière évolution du mode de calcul. Sont intégrés progressivement l’état de santé dans le territoire (basé sur les données administratives fournies par les médecins), les distances (en voiture) entre population et cabinets, puis la multiplication des zones de planification, notamment pour les généralistes (actuellement environ 883 zones).

Une large acceptation parmi les professionnels et des effets positifs

Un point important est à souligner : cette politique contraignante est largement acceptée par les organisations de médecins. Il faut noter que, au sein des comités de pilotage régionaux (associations de médecins conventionnés et caisses d’Assurance maladie) et au niveau du cadrage fédéral (un comité regroupant essentiellement les médecins, les caisses et les hôpitaux sous supervision légale du ministère de la Santé), ces organisations contribuent à l’évolution du dispositif.

Depuis 1999, la régulation de l’installation est par ailleurs étendue aux psychologues exerçant en tant que psychothérapeutes dans le cadre de leur conventionnement avec l’Assurance maladie. À l’instar des médecins, en échange du bénéfice du remboursement de leur prise en charge, les psychothérapeutes acceptent certaines contraintes, y compris la limitation de l’installation.

Concrètement, en 2021, 31 300 psychologues-psychothérapeutes et 152 000 médecins conventionnés étaient concernés en Allemagne par ce système de maîtrise de l’installation.

Ce système a jusqu’ici donné de bons résultats qui, s’ils ne bénéficient pas d’évaluations scientifiques, sont basés sur des données assez robustes quant à ses effets. La discussion autour de cette politique est en effet essentiellement basée sur des rapports rédigés par des instituts privés et financés par les différentes parties prenantes.

Une expertise approfondie et indépendante publiée en 2018 a conclu que l’accès est très bon pour la plupart des habitants en Allemagne : 99,8 % de la population est à moins de dix minutes de voiture d’un généraliste, et 99,0 % à moins de 30 minutes pour la plupart des spécialistes. Il s’agit, bien entendu, d’un indicateur d’accès purement géographique, en supposant qu’une voiture est à disposition. En ce qui concerne la disponibilité des médecins, la majorité des personnes interrogées ont répondu qu’elles obtiennent des rendez-vous en quelques jours seulement.

En France, une étude de 2017 a trouvé des chiffres relativement proches pour les généralistes : 98 % de la population est à moins de dix minutes en voiture. Faute de méthode identique, les autres données de ces deux études ne sont pas comparables. Il ne faut non plus occulter les différences systémiques entre les deux pays, qui empêchent de conclure que les résultats parfois divergents ne seraient dus qu’à la régulation de l’installation.

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Des différences systémiques avec la France

  • Densité médicale et ruralité

Le débat sur le « manque » de médecins (Ärztemangel) est moins intense en Allemagne qu’en France. Et pour cause : s’il existe aussi des différences régionales, l’Allemagne recensait, en 2020, 40 % de médecins de plus que l’Hexagone – par rapport à la population et tous secteurs confondus (hôpital, ambulatoire, etc.) (voir tableau).

La question de la ruralité ne se pose pas non plus de la même manière dans les deux pays. Dans la « campagne profonde », en Allemagne, on n’est jamais très loin d’un centre urbain. Cela se traduit, schématiquement, par une densité de la population presque deux fois plus élevée qu’en France.

L’Allemagne compte 4,5 médecins en exercice par 1000 habitants contre 3,2 pour la France dont la population est deux fois moins dense
Données clefs comparant la densité médicale et populationnelle, en 2020, en Allemagne et en France. OECD/Wikipedia, Fourni par l’auteur

Par conséquent, un médecin s’installant dans la campagne allemande ne se sent pas (automatiquement) éloigné d’un certain nombre de services publics, culturels, etc. Cela renvoie à l’idée, dans le débat en France, que les « déserts médicaux » sont aussi, en partie, des « déserts de service public et privé ».

  • Organisation interne et intégration institutionnelle

Il convient également de souligner que, si la limitation de l’installation n’est pas contestée, ce sont les médecins allemands eux-mêmes qui la mettent en œuvre.

Ils disposent en effet de larges compétences pour gérer l’organisation de leur exercice : de la formation (définition des cursus pour les études de médecine, etc.) à la permanence de soins, en passant par la distribution du budget ambulatoire. Ils sont en négociation quasi permanente avec l’Assurance maladie et sont bien représentés au niveau politique. L’intégration institutionnelle des médecins, par les organes les représentant, est donc forte.

Cette intégration entraîne toutefois une grande complexité afin que le périmètre et les compétences de chaque partenaire (associations de médecins conventionnés, caisses d’Assurance maladie, Comité fédéral commun…) soit clairement défini.

  • Un système de rémunération différent

En Allemagne, la rémunération repose essentiellement sur un système de capitation : une somme fixe pour chaque patient pris en charge par un médecin, par trimestre. S’y ajoute, en sus, une rémunération à l’acte, dont le montant baisse en fonction du nombre d’actes prodigués. On parle de « dégression » : plus il y a des actes, moins élevé est le prix par acte. Comme mentionné plus haut, ce sont les médecins eux-mêmes qui gèrent cette enveloppe dite « à moitié fermée ».

A contrario, en France, domine toujours la rémunération à l’acte qui est non dégressive, et donc à prix fixe.

Des différences empêchant toute transférabilité ?

A priori non, car il existe tout de même de nombreuses similitudes rendant les deux systèmes comparables dans une certaine mesure.

À la différence d’autres systèmes tels que celui en vigueur en Angleterre, France et Allemagne offrent un accès assez peu restreint à de nombreux spécialistes en dehors de l’hôpital. En France, cependant, le « parcours de soins » incite financièrement les patients à passer d’abord par un généraliste – hors gynécologues, ophtalmologues, psychiatres et stomatologues, qui sont accessibles directement sans pénalité financière.

Les deux pays introduisent aussi de plus en plus de dispositifs semblables, qui redessinent l’organisation du système de soins : des maisons ou centres de santé regroupant plusieurs professionnels, des soins plus coordonnés pour les patients atteints de maladies chroniques, l’usage de référentiels pour améliorer la qualité, etc.

Dans l’organisation du système de soins, on note également, en Allemagne comme en France, que l’État est de plus en plus pilote de ces politiques. Ce qui est lié à la notion de contrôle budgétaire, devenue une préoccupation primordiale et un moyen de cadrer les changements du système de santé.

Limiter l’installation des médecins : une politique efficace mais complexe

L’exemple allemand montre que la limitation de l’installation est une politique efficace… mais qui ne peut être mise en place qu’au prix d’un mille-feuille administratif assez épais. Chaque nouvelle modification, comme en 2021, venant ajouter (encore) des variables dans un modèle de planification déjà très complexe. Il faut donc multiplier la collecte, la remontée et l’analyse de données, les concertations, etc.

Mais il faut surtout retenir que cet outil a été mis en place (et a longtemps servi) pour « corriger » les zones sur-denses dans un pays plutôt bien doté en médecins et lits d’hôpitaux. Cette planification a été conçue afin de maîtriser les coûts et éviter une compétition trop élevée entre médecins qui opèrent avec le système d’enveloppe à moitié fermée. Cette trajectoire structure encore les débats et les actions en Allemagne.

Or, ce sont les zones sous-denses qui sont au cœur des débats en France. À titre d’exemple, la densité de médecins généralistes est de 46 % plus élevée dans la région la plus dotée (PACA), par rapport à la moins dotée (Centre), en 2021. Afin de pallier aux « déserts médicaux », il conviendrait plus de se pencher sur les outils incitatifs. Ceux qui existent sont par ailleurs assez similaires dans les deux pays : aide financière à l’installation, ouverture de sites de formation ou d’antennes d’universités dans les territoires ruraux, incitation au recrutement d’internes, etc.

L’approche outre-Rhin apporte donc des pistes de réflexion qui méritent d’être analysées. Toutefois, afin de mener un débat éclairé, il est essentiel de distinguer les notions de zone sous- versus sur-dense, et de tenir compte des spécificités du système de notre voisin – proche… mais pas tout à fait similaire.

Exposition alimentaire au plastique, méfions-nous des fausses solutions de remplacement

22 dimanche Jan 2023

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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auteurs

  1. Xavier CoumoulProfessor of Toxicology and Biochemistry, Université Paris Cité
  2. Jean-Baptiste FiniProfesseur du MNHN, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
  3. Nicolas CabatonChercheur en Toxicologie, Inrae
  4. Sylvie BortoliIngénieure de Recherche, Université Paris Cité

Déclaration d’intérêts

Xavier Coumoul a reçu des financements de la commission européenne, de l’ANR, de l’Anses, de l’Inca, de l’Inserm, de l’Université Paris Cité.

Jean-Baptiste Fini a reçu des financements de la commission européenne, de l’ ANR, de l’Anses, du CNRS et du MNHN.

Nicolas Cabaton a reçu des financements de l’INRAE (département Alimentation Humaine), de l’ANSES, de l’ANR, d’Ecophyto, de la Commission Européenne, et fait parti d’un projet financé par l’ANR dont JB Fini est le coordinateur scientifique.

Sylvie Bortoli a reçu des financements de l’ANR, de l’Anses, de l’ITMO Cancer et de l’Inserm.

Partenaires

INRAE et Sorbonne Université apportent des fonds en tant que membres fondateurs de The Conversation FR.

Muséum National d’Histoire Naturelle et Université Paris Cité fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR.

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Comment réduire l’exposition alimentaire au plastique ? Shutterstock

La pollution plastique est omniprésente dans nos environnements, y compris nos lieux de vie et de travail. Et elle est désormais largement médiatisée, notamment à travers des reportages rapportant la contamination des océans par des macroplastiques.

Les images frappantes de cette pollution peuvent paraître loin de nous, mais elles ne doivent pas occulter qu’en lien avec cette pollution médiatisée, une autre contamination, invisible, existe et affecte l’être humain et les écosystèmes : celle des microplastiques et des nanoplastiques.

Cette contamination provient de l’érosion des macroplastiques qui conduit à la formation de particules plus petites. Dans la littérature scientifique, les microplastiques sont souvent définis comme des particules dont les tailles ou dimensions ne dépassent pas 5 mm, sans limite inférieure définie.

Pour les nanoplastiques, celles-ci ne doivent pas être supérieures à 0,1 micron soit 1/10000e de millimètres. De manière assez instinctive, il était facile d’anticiper que les particules les plus petites puissent pénétrer dans les organismes, mais cette démonstration n’avait jamais été faite jusqu’à récemment.

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Des microplastiques dans le sang humain

En 2022, une étude entreprise par plusieurs équipes néerlandaises a démontré pour la première fois la présence de microplastiques dans le sang humain de 22 volontaires sains à une concentration moyenne de 1,6 mg/L.

Cette détection concerne des plastiques de nature très différente : le polyéthylène téréphtalate (PET), qui compose par exemple les bouteilles d’eau, le polyéthylène, utilisé pour produire des contenants alimentaires, et le polystyrène, employé pour emballer les produits frais et pour les pots de yaourt par exemple.

Il est à noter que l’étude s’est uniquement focalisée sur des particules dont la taille est supérieure à 700 nm et qu’aucune information n’est encore disponible pour les particules de taille inférieure, dont de nombreuses formes de nanoplastiques.Microplastics detected in human blood for the very first time (Down to Earth, 25 mars 2022).

Des effets sanitaires chez l’animal

Si aucun effet sur la santé chez l’être humain n’est associé à ces observations dans cette étude, des travaux menés chez l’animal ou à l’aide de modèles cellulaires (pour certains, humains) rapportent de nombreux effets biologiques des microplastiques dont des lésions cellulaires, un stress oxydant ou des dommages à l’ADN.

Ces effets pourraient être liés aux microplastiques eux-mêmes, mais aussi à des substances véhiculées par ceux-ci, les microplastiques servant alors de vecteurs. Certaines de ces substances rentrent dans la composition même de certains plastiques, comme des bisphénols ou des phtalates.

Globalement, cette contamination peut se traduire par des processus inflammatoires ou fibrosants, effets déjà observés chez l’être humain via d’autres voies d’entrée telles que les voies aériennes avec le poumon comme cible chez les travailleurs de l’industrie plastique.

Migration dans l’aliment ou la boisson

Comment expliquer cette contamination de volontaires sains ? Elle provient tout simplement de la chaîne alimentaire, bien que cette voie d’exposition aux microplastiques soit encore difficile à caractériser ou à quantifier avec des résultats extrêmement variables allant de 0,2 mg par an à 0,1-5 g par semaine.

De très nombreuses études (plus de 1000) démontrent toutefois clairement une migration dans l’aliment ou la boisson de plusieurs molécules depuis les plastiques à leur contact. C’est le cas par exemple des bouteilles de sport réutilisables en plastique qui relarguent de très nombreux composés, d’autant plus que ces contenants sont lavés au lave-vaisselle.

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Une manière efficace de prévenir les risques que pourrait représenter la présence de microplastiques et de nanoplastiques pour notre santé serait de réduire les expositions, en particulier au niveau du bol alimentaire. Une évolution des pratiques à l’échelle de chaque consommateur est essentielle, notamment pour les organismes les plus vulnérables comme les embryons, les fœtus, les jeunes enfants ou les adolescents dont les systèmes de détoxication sont immatures et pour lesquels les processus de développement sont en cours.

D’autant plus que l’exposition de ces populations par unité de masse corporelle est plus élevée que celle d’un adulte, majorant les risques pour leur santé.

Pistes de pratiques plus vertueuses

Un tel changement passe par la réduction de la consommation de produits transformés ou bruts emballés, la moindre utilisation de contenants en plastique ou composés en partie de plastique (type gobelet en carton, cartons de pizzas) ou la diminution du stockage ou de la cuisson ou du réchauffage d’aliments dans des contenants en plastique – par exemple par utilisation d’un four aux micro-ondes.

Car il est bien démontré que la chaleur favorise la détérioration des composants en plastique et leur migration des particules dans les aliments.

Ces pratiques vertueuses permettraient aussi de baisser la charge globale de notre environnement et de nos écosystèmes en micro et nanoplastiques conduisant naturellement à une diminution de la contamination de notre bol alimentaire.

En 2025, un versant de la loi « Egalim » s’appliquera à la restauration collective (spécialement les cantines scolaires) avec l’interdiction des contenants en plastique à usage unique.

Pour quelles alternatives ? Le choix de matériaux de substitutions comme le verre, l’acier inoxydable ou les contenants en cellulose (composant de la paroi des végétaux), bambou ou bioplastiques, revient aux communes.

L’illusion des bioplastiques

Les contenants en bioplastique constituent une solution de remplacement pratique, largement utilisée par l’industrie agroalimentaire, en raison d’un poids plus léger que les contenants historiques et supposés inertes en inox ou en verre.

En quoi consistent ces matériaux ? Les bioplastiques sont issus de plantes mais sont mélangés à des matériaux synthétiques afin d’obtenir des produits dont l’étanchéité est équivalente à celle des plastiques classiques.

Parmi les bioplastiques produits aujourd’hui, moins de la moitié (44 %) sont biodégradables en raison de leur nature chimique. Shutterstock

Du fait de leur préfixe « bio », ils donnent au consommateur l’illusion d’un produit naturel et sans risque pour la santé. Sur le plan réglementaire, ils devraient subir les mêmes tests que les autres contenants en plastique, et leur migration vers le contenu alimentaire est aussi limitée à 60 mg/kg de denrées.

Malheureusement, un nombre restreint de tests (principalement sur les effets sur l’ADN) sont réalisés et aucun n’est entrepris quant à leurs potentiels effets de perturbateurs endocriniens. Ainsi, leur innocuité pour l’être humain n’est aucunement prouvée au regard de la littérature scientifique la plus récente. Enfin, pour ce qui est de leur biodégradabilité, elle génère dans tous les cas des microplastiques.

Gare aux « alternatives »

Ces éléments sont importants à rappeler dans un contexte où des alternatives sont parfois proposées pour limiter l’impact environnemental de toutes formes de pollutions (biocarburants, hydrogène « vert », cigarettes électroniques…) sans une évaluation correcte et aboutie de leur effet propre. Ainsi, le remplacement du bisphénol A par d’autres bisphénols (S, F…) soulève de nombreux questionnements dans la communauté scientifique, du fait des propriétés analogues ou des effets néfastes de ces substituts qui sont de plus en plus décrits.

Compte tenu de leur origine et de leur mode de fabrication, il apparaît légitime que la question soit aussi posée pour les « bioplastiques », afin que le grand public ne devienne pas à ses dépens source de contamination de l’environnement en voulant pratiquer des écogestes. L’ajout de sacs plastiques à usage unique dits « biodégradables » ou « compostables » dans les composteurs domestiques devrait ainsi être proscrit, estime l’Anses, la dégradation totale de ces produits n’étant pas garantie lors du processus de compostage.

Nous considérons que les collectivités devraient également être bien informées de la nature des bioplastiques utilisés pour la restauration collective, afin de prendre les décisions politiques plus adaptées sur ce dossier qui concerne des millions de personnes dont des enfants, particulièrement vulnérables aux expositions environnementales.

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