• Actualités régionales
    • Communes limitrophes
    • Régionales
  • Adhésion
  • André Lhote
  • Au-delà du 14 juillet, des interrogations tenaces sur l’usage des armées
  • Auteurs morts en 17, (déjà…)
  • BD « Sciences en bulles » : À la recherche des exoplanètes
  • Bonnes feuilles : Le château d’If, symbole de l’évasion littéraire
  • Comment la lecture enrichit l’éducation des enfants
  • Corruption, contrebande : le drame de Beyrouth et la question de la sécurité dans les zones portuaires
  • Des crises économiques à la crise de sens, le besoin d’une prospérité partagée
  • Evènements
  • Lecture : comment choisir un album qui peut vraiment plaire aux enfants
  • L’économie fantôme de l’opéra
  • L’Europe s’en sortirait-elle mieux sans l’Allemagne ?
  • Maladie de Lyme : attention au sur-diagnostic !
  • Mirmande
    • Pages d’histoire
    • AVAP et PLU
    • Fonds de dotation et patrimoine
  • NutriScore : quand l’étiquetage des aliments devient prescriptif
  • Penser l’après : Le respect, vertu cardinale du monde post-crise ?
  • Podcast : le repos, une invention humaine ?
  • Prévoir les changements climatiques à 10 ans, le nouveau défi des climatologues
  • Qui sommes-nous?
  • Réforme de la taxe d’habitation… et si la compensation financière n’était pas le seul enjeu ?
  • Revues de presse et Chroniques
  • S’INSCRIRE AU BLOGUE
  • Scène de crime : quand les insectes mènent l’enquête
  • The conversation – Changement climatique : entre adaptation et atténuation, il ne faut pas choisir
  • Une traduction citoyenne pour (enfin) lire le dernier rapport du GIEC sur le climat

Mirmande PatrimoineS Blogue

~ La protection des patrimoines de Mirmande.com site

Mirmande PatrimoineS Blogue

Archives d’Auteur: mirmandepatrimoines

Campagne de vaccination : faut-il publiciser le corps des politiques pour convaincre ?

13 mercredi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

  1. Fabienne Martin-JuchatProfesseure en sciences de l’Information et de la communication, Université Grenoble Alpes (UGA)
Université Grenoble Alpes

Université Grenoble Alpes apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Voir les partenaires de The Conversation France

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Le président élu Joe Biden reçoit un vaccin contre la Covid-19 administré par Tabe Mase, infirmière en chef sur le campus hospitalier de Newark, Delaware le 21 décembre 2021. AFP/ALEX EDELMAN

Rassurer les citoyens en montrant des leaders d’opinion en train de se faire vacciner, est-ce une bonne stratégie de persuasion ?

Relativement à l’efficacité de l’influence, la réponse est affirmative. En revanche, il est peu surprenant que cela fasse débat – en particulier dans des pays où la vulgarisation de l’éthique de la discussion invite les représentants de l’état à préférer l’argumentation verbale à la communication émotionnelle avec comme support, le corps mis en scène.

Pour quelles raisons l’exposition ritualisée du corps d’une célébrité tend-elle à devenir une technique d’influence et de persuasion qui se généralise ?

Vitrail représentant Saint-Louis et son gendre le roi de Navarre
Vitrail représentant Saint-Louis et son gendre le roi de Navarre portant un infirme sur un drap de soie lors de l’installation des malades dans le nouvel Hôtel-Dieu. (Église Saint-Jacques de Compiègne, Oise). Jean‑Pol Grandmont, CC BY

Faciliter l’adhésion par l’émotion

Depuis les travaux fondateurs de Gabriel Tarde, sociologue français du XIXe siècle, et en particulier son ouvrage Les lois de l’imitation, le recours à la représentation physique du leader d’opinion pour faciliter l’adhésion par l’émotion est un procédé bien connu.

Il s’avère même très ancien. l’exposition des représentations du corps du Christ et des saint.es, des rois et des reines, et même de simples défunts ont tour à tour sidéré les collectifs.

Émouvoir pour faire agir repose sur un besoin social d’imitation afin de se sentir appartenir à un collectif. Toute communauté s’identifie à la figure charismatique ou au leader en qui elle a confiance. Le passage à l’action sur ordre du leader se diffusera par imitation entre les individus qui se sentent ainsi appartenir à la communauté.

« Un homme énergique et autoritaire exerce sur les natures faibles un pouvoir irrésistible ; il leur offre ce qui leur manque, une direction. Lui obéir n’est pas un devoir, mais un besoin. C’est par là que débute tout lien social. » (Gabriel Tarde, 1890).

Le 18 décembre à Washington DC, Nancy Pelosi, membre du Parti démocrate et présidente de la Chambre des représentants des États-Unis, attend pour une vaccination au Pfizer-BioNTech Covid-19. Anna Moneymaker-Pool/AFP

Reprenant les éléments de cette construction anthropologique, depuis plus de vingt ans, le marketing émotionnel au service du capitalisme exploite une technique de communication déconstruite dès 1955 par le sociologue des médias Elihu Katz, lui-même nourri par la pensée de Gabriel Tarde.

Rendre l’apparence spectaculaire

Par la professionnalisation de la communication, comment accentuer le pouvoir affectif du leader ? En spectacularisant son apparence. La projection affective est d’autant plus aisée qu’elle se trouve sémiotiquement construite afin de déclencher les émotions rassurantes.

La campagne de François Mitterand par Jacques Séguéla « La force tranquille » inaugure l’usage des corps pour déclencher les émotions désirées.

Photo de l’affiche « La force tranquille » de la campagne du candidat François Mitterrand pour les élections présidentielles prise lors du congrès d’Épinal le 8 mai 1981. AFP

Le recours à l’image de la Reine Élisabeth II pour inciter les Anglais à respecter les règles imposées par la Covid-19 repose sur le même mécanisme.

Une photo de la reine Élisabeth II trône sur la place de Piccadilly Circus à Londres, peu après son adresse à la nation concernant l’épidémie de Covid-19 en avril 2020. Isabel Infantes/AFP

En 2021, l’image des corps construits des sportifs, des acteurs et autres célébrités est régulièrement associée à des campagnes de communication dans le but de favoriser l’imitation.

Selon Gabriel Tarde :

« Toutes les passions l’emportent en contagiosité imitative sur les simples appétits, et tous les besoins de luxe sur les besoins primitifs. »

Les réseaux sociaux, surenchère de la médiatisation des émotions

Au service de la surenchère de médiatisation des émotions, les réseaux sociaux ont exploité ce désir et cette efficacité de la mise en scène de soi pour émouvoir. L’exposition sur les réseaux sociaux de l’intimité scénarisée engendre des sentiments volontairement déclenchés.

Emmanuel Macron est lui-même bien entouré : dans ce selfie très commenté, niché dans un cadre savamment orchestré (le drapeau, le gel sur le bureau) pour être adapté aux réseaux sociaux, la bienveillance, la proximité, l’authenticité, la vulnérabilité, la compassion sont susceptibles d’être physiquement ressenties par les téléspectateurs.

Il apparaît même difficile de résister à ces figures (au sens linguistique du terme) des émotions. On se sent tressaillir malgré nous.https://www.youtube.com/embed/GA97edmgh9o?wmode=transparent&start=0Emmanuel Macron positif à la Covid-19.

Le mécanisme est d’autant plus efficace à mesure que le spectateur est anxieux, inquiet, voire apeuré face à une situation qu’il ne maîtrise pas. S’il n’est pas en mesure de décider, car émotionnellement fragilisé, il délègue plus facilement sa confiance sur une personnalité qu’il estime source de confiance, ou qu’il juge authentique. Son jugement repose alors sur les émotions qu’il ressent et dont la valeur de vérité l’emporte sur les arguments verbaux.

La communication des émotions est d’origine animale, elle se transmet entre les corps, dans les termes du professeur d’éthologie des communications humaine Jacques Cosnier, par échoisation corporelle. Ce concept métaphorique construit à partir du radical « écho » permet d’illustrer le fait que la contagion des émotions s’appuie physiquement sur le corps. Cette transmission corporelle et non consciente s’avère très puissante lorsqu’il s’agit d’une passion comme la peur. Une foule apeurée se remarque par la disparition des individus raisonnables. Le leader pourra alors facilement manipuler ces derniers qui délégueront leur confiance par perte de repères.

La puissance de contagion des émotions permet aussi de comprendre pourquoi des dictateurs comme Benito Mussolini ou Adolf Hitler se sont nourris des techniques de captation des foules investiguées par Gustave le Bon afin de manipuler par l’émotion les collectifs.

Les réseaux sociaux numériques (en particulier Instagram et Tiktok) sont des espaces où ne se communiquent des émotions en ayant massivement recours aux corps mis en scène. Et ça marche.

L’efficacité du corps comme support de com’

Pour convaincre dans un contexte de crise et donc de grandes angoisses collectives, utiliser le corps des politiques comme support de communication affective s’avère donc très efficace.

Faut-il voir dans ce phénomène un échec de la modernité ? Une argumentation scientifiquement construite ne permet-elle plus de convaincre ? Dans un pays comme la France, creuset de la modernité et plus généralement la vieille Europe marquée par l’éthique de la discussion nourrie par les travaux de Jürgen Habermas, cela ne peut que susciter le débat voire être considéré comme totalement inacceptable.

La controverse autour de la mise en scène des politiques en train de se faire vacciner montre à quel point ces questions sont d’actualité.

D’un côté Jair Bolsonaro n’hésite pas à promouvoir le vaccin comme s’il s’agissait d’une publicité pour une grande marque de produits.

Le président Jair Bolsobaro pose avec Ze Gotinha, symbole de la campagne de vaccination brésilienne, le 16 décembre 2020. Evaristo Sa/AFP

D’un autre côté, les derniers articles de presse autour de cet interview du PDG de Pfizer, soulignant qu’il préfère attendre avant de se faire vacciner, ont été immédiatement interprétés comme le signe qu’il faut se méfier du vaccin.

Cet exemple révèle aussi, comme en miroir, l’efficacité de l’exemplarité du leader en tant que technique de communication de la confiance.

Pourquoi les institutions et en particulier le système éducatif ne forment-ils pas plus les individus à la compréhension des mécanismes de la communication des émotions ?

Or, enseignant depuis plus de vingt à l’université, je ne peux que constater le manque d’enseignements sur ce domaine. L’éducation somatique et émotionnelle est absente des cursus car trop souvent assimilée à du développement personnel.

La demande est pourtant très forte de la part des étudiants en formation initiale et continue pour apprendre à identifier, dissocier, mettre des mots sur leurs sensations, leurs pulsions, les émotions, leurs sentiments et savoir analyser la manière dont une stratégie de communication via différents médias s’appuie sur des émotions pour faire agir sans réfléchir.

Vers la fin du « King coal » : quel avenir pour le charbon et l’extraction minière ?

12 mardi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

  1. Diana Cooper-RichetChercheur au Centre d’histoire culturelle des sociétés contemporaines, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay
Université Paris-Saclay
Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Université Paris-Saclay apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

Voir les partenaires de The Conversation France

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
En 2019, à la centrale électrique de Cordemais (Loire-Atlantique). Sebastien SALOM-GOMIS / AFP

À l’heure des énergies renouvelables, le charbon a-t-il un avenir ? Est-il en mesure de se transformer en énergie propre, comme le promettent certains ? Les exploitations minières laisseront-elles un jour derrière elles des terres vierges de pollution et des régions en mesure de se redynamiser ?

Le charbon constitue une source d’énergie présentant un certain nombre d’avantages : ses réserves mondiales sont importantes et pourraient, selon les estimations, être exploitées pendant encore un siècle et demi. Il se transporte aisément, n’est pas toujours coûteux, mais s’avère très polluant. Responsable de près de la moitié des émissions de CO2 dans le monde, il rejette des gaz soufrés, des oxydes d’azote ainsi que des particules fines.

Actuellement, 36 % de l’électricité mondiale est produite dans des centrales à charbon, dont le nombre augmente notamment dans des pays qui s’accordent… sur la nécessité de protéger le climat !https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-0&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=940260060474863618&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fvers-la-fin-du-king-coal-quel-avenir-pour-le-charbon-et-lextraction-miniere-151951&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

De grands pays encore fortement dépendants

Depuis quelques années, en Chine, de nombreuses centrales électriques ont été construites. Or, l’empire du Milieu est déjà le plus important émetteur de gaz à effet de serre dans le monde. Dans ce pays où 60 % des besoins en énergie primaire sont assurés par le charbon, un marché national du CO2 a été mis en place fin 2017.

En Inde, la production et la consommation de charbon augmentent également et le secteur emploie quelque 350 000 personnes. 60 % de l’électricité indienne provient de la houille, mais comme en Chine, le gouvernement dit vouloir encourager les énergies renouvelables… En Asie du Sud-Est, en Indonésie et au Bangladesh, de nouvelles centrales électriques au charbon ont été prévues pour être construites respectivement à Kalselteng 2 dans l’île de Kalimantan et à Matarbari, district de Cox Bazar, dans le Sud-Est du pays.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-1&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=732526129869815809&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fvers-la-fin-du-king-coal-quel-avenir-pour-le-charbon-et-lextraction-miniere-151951&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

En Afrique, une centrale électrique au charbon a été mise en route fin 2018 à Safi, au Maroc, alors que le gouvernement chérifien annonce être capable en 2030 de produire un plus de la moitié de son électricité grâce aux énergies renouvelables. L’Afrique du Sud ne fait pas exception avec Medupi 2, dans la province de Limpopo. Sa nouvelle centrale électrique est alimentée par le charbon de la mine à ciel ouvert de Grootegeluk située non loin, 3200 personnes y travaillent.

Grand pollueur, les États-Unis ont vu en 2019 leur consommation de charbon plonger au plus bas depuis 1975, grâce notamment à la fermeture d’une cinquantaine de centrales électriques. Selon un rapport indépendant, rédigé par le groupe Rhodium, les émissions de CO2 auraient diminué d’environ 2 % au cours de la même période. Pourtant, en Virginie, dans de petites communautés charbonnières depuis longtemps en déclin – à l’image de Logan et de Dixie, bourgades blotties au cœur des Appalaches –, les habitants appauvris ont placé tous leurs espoirs en Donald Trump, grand défenseur du « King coal ».


À lire aussi : Le coup de grisou de l’administration Trump


En Australie, où ce minerai est exploité depuis la fin du XVIIIe siècle sur la côte au nord de Sydney, la grande époque du charbon tire à sa fin. Pays exportateur, l’Australie voit ses plus gros clients, le Japon et la Chine, mettre un frein à leurs commandes.

Comme dans d’autres pays, des mouvements de protestation ont éclaté contre des projets d’ouverture de mines jugées trop polluantes. Les banques semblent, quant à elles, hésiter à financer ce type de projet. Si Glencore, une société suisse présente en Australie, n’abandonne pas le charbon, elle se tourne néanmoins progressivement vers d’autres minerais, tels que le cobalt, le cuivre et le nickel, censés favoriser la transition vers les énergies renouvelables.

La place marginale de l’Europe

À l’échelle mondiale, le poids du charbon européen est marginal. À terme, sa production est sans doute destinée à disparaître. Alors qu’en Allemagne près de 40 % de l’électricité provient toujours de la combustion de la houille et de la lignite, les autorités disent vouloir « sortir » du charbon. Or, en 2019, la construction d’une nouvelle centrale électrique à Datteln, dans le land de Rhénanie, a été mise en route…

En Pologne, où le charbon est à l’origine d’environ de 75 % de l’électricité, les dirigeants déclarent vouloir en avoir fini avec ce minerai, dont le coût de production est relativement élevé… mais pas avant 2050 ! En Serbie, c’est grâce à des prêts chinois qu’une unité thermique a récemment été construite, à Kostolac sur le Danube.

Au Royaume-Uni, à Whitehaven, dans le comté de West Cumbria, où une mine de charbon sous-marine a été exploitée jusqu’en 1986, la communauté de communes a accordé le 2 octobre dernier, un permis de construire à la West Cumbria Mining (WCM). Cette compagnie prévoit d’extraire 3 millions de tonnes de houille par an, destinées à la production d’acier. Mais les écologistes sont vent debout et le gouvernement n’a pas encore donné son accord pour le lancement du chantier.

En France, quatre centrales électriques sont encore en activité. Celle de Cordemais (Loire-Atlantique) continuera, à bas régime, jusqu’en 2024, voire 2026. Au Havre (Seine-Maritime) et à Saint-Avold (Moselle), la fin est programmée respectivement pour avril 2021 et 2022. Enfin, à Gardanne (Bouches-du-Rhône), la fermeture devrait avoir lieu prochainement, le président Emmanuel Macron s’étant engagé à mettre un terme à leur activité avant la fin de son mandat. En France, 1,5 % à 2 % de l’électricité est produite avec du charbon et « seulement » 1400 emplois sont concernés par cette mesure.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-2&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1090672892545851392&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fvers-la-fin-du-king-coal-quel-avenir-pour-le-charbon-et-lextraction-miniere-151951&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

L’épineuse question de « l’après »

Une fois les centrales électriques fermées et les bassins miniers abandonnés, est-il possible de donner une nouvelle vie à ces lieux et de proposer des alternatives aux employés du secteur ?

La tâche est très difficile, comme nous le rappelle l’exemple du bassin du Nord-Pas-de-Calais en France et celui des anciennes régions minières d’Angleterre.

Même des expériences qui se voulaient novatrices n’ont pas été pas convaincantes, à l’image de celle lancée par l’ONG « Mined mines » dans les Appalaches, région minière nord-américaine en déshérence. Destinée à réorienter les ex-mineurs dans les métiers du codage informatique pour les aider à trouver un emploi lucratif tout en demeurant dans leur région d’origine, elle a beaucoup déçu.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-3&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=936248472247980034&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fvers-la-fin-du-king-coal-quel-avenir-pour-le-charbon-et-lextraction-miniere-151951&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

Pas que le charbon

Sur le front des dégâts écologiques causés par l’exploitation minière, rappelons qu’ils ne concernent pas uniquement le charbon.

À Cuidanovita, ville minière située dans les montagnes roumaines du Banat, où l’uranium a été exploité à partir des années 1960 par une société roumano-soviétique, l’extraction est au point mort. Les anciens ouvriers mineurs et leurs familles vivent au milieu de fortes radiations émanant de terrils radioactifs. Ils se servent d’une eau provenant d’une nappe phréatique dont le taux de pollution est extrêmement élevé.

En France, à Salsigne (Aude), située à une vingtaine kilomètres de Carcassonne, l’extraction de l’or s’est arrêtée en 2004. La vallée de l’Orbiel, dite « Vallée de l’arsenic », site de l’ancienne plus grande mine d’or de France, est désormais le lieu le plus pollué de l’Hexagone.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-4&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=966315070966976512&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fvers-la-fin-du-king-coal-quel-avenir-pour-le-charbon-et-lextraction-miniere-151951&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

Polluer moins

Comment, dans l’avenir, poursuivre l’activité minière dans de meilleures conditions ? Le charbon peut-il véritablement devenir « propre » grâce au système prôné par certains défenseurs du « carbon capture and storage » (CCS) ? Cet ensemble de techniques a pour objectif d’améliorer le rendement, de diminuer les émissions de CO2 et de traiter les fumées, mais pour le moment son coût reste prohibitif.

Une fois le charbon abandonné, il y aura toujours des exploitations minières dangereuses et polluantes : d’uranium, de cuivre, d’étain de cuivre, de zinc, d’or… que rejettent souvent les populations locales.

En Roumanie, en Grèce et en Macédoine du Nord, des villes entières se sont opposées à des projets miniers. Lors d’un référendum organisé en 2017, les habitants de Gevgelija (Macédoine du Nord) ont voté contre l’ouverture d’une mine d’or et de cuivre à ciel ouvert de trois kilomètres de diamètre et de 700 mètres de profondeur sur le territoire de leur commune, par crainte des conséquences écologiques. Son exploitation aurait entraîné, comme à Salsigne, une pollution de longue durée à l’arsenic et au cyanure, matières utilisées dans ce type de mine.

En Albanie, à Bulqizë, dans le nord du pays à 40 kilomètres de Tirana, des manifestations ont eu lieu dans une mine de chrome – substance hautement toxique – en 2011 et en 2019. Après le renvoi de leurs délégués syndicaux, les mineurs se sont mis en grève, y compris de la faim, pour de meilleurs salaires – les habitants de cette ville sont parmi les plus pauvres du pays – et de meilleures conditions de travail, les mineurs intervenant à 1400 mètres de profondeur. Des arrestations ont eu lieu et les informations sur ces conflits sont rares.

Le charbon a sans aucun doute un avenir, en particulier dans les pays qui ne peuvent se passer de son apport énergétique. La France n’a-t-elle pas, au mois de septembre dernier, relancé certaines de ses centrales thermiques ? Ce recours à la houille n’empêche pas les dirigeants des pays concernés de multiplier les déclarations encourageantes au sujet du passage aux énergies renouvelables. Mais dans quel délai pourront-elles résoudre les problèmes posés par le réchauffement climatique et la pollution environnementale ?

Noter son livreur de pizza ou son chauffeur de taxi : pour une fois, l’école serait-elle la voie de la raison ?

11 lundi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

  1. Charles HadjiProfesseur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)
Université Grenoble Alpes

Université Grenoble Alpes apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Voir les partenaires de The Conversation France

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
notes shutterstock.

En matière d’évaluation, l’école deviendrait-elle sage alors que le reste de la société devient fou ? On constate, en effet, la coexistence de deux mouvements de sens contraire.

L’un, touchant les évaluations scolaires, qui s’efforce de mieux expliquer les objets d’évaluation (nouveaux programmes, socle de compétences), prône une utilisation plus raisonnable des notes (voire une suppression de la notation), et met en œuvre de nouveaux outils de diagnostic personnalisé, tels les « échelles descriptives », qui listent les caractéristiques de la production attendue, en définissant pour chacune des niveaux de progression.

L’autre touchant le travail, et de multiples secteurs de l’économie marchande, dans le sens d’un déchaînement des notations, sans aucune précaution d’ordre méthodologique ou éthique, quand il s’agit par exemple de noter un livreur de repas à domicile, l’opérateur d’une entreprise de télécommunications, ou un chauffeur de taxi.

Les évaluateurs scolaires seraient-ils en situation de faire la leçon aux autres, et pour quelles raisons ?

Intérêt des élèves

En fait, à l’école comme dans le reste de la société, les mêmes dangers guettent, les mêmes pulsions sont à l’œuvre, et les mêmes garde-fous doivent être mis en place. Mais, on pourrait faire l’hypothèse que le fait qu’ils opèrent dans le champ d’une activité éducative rend les évaluateurs plus spontanément vertueux !


À lire aussi : Comment les notes ont-elles pris tant d’importance dans le système scolaire ?


L’intérêt des élèves ne pouvant jamais être totalement perdu de vue, la nécessité pour l’évaluation d’être au service des apprentissages des élèves est toujours plus ou moins présente dans l’esprit des enseignants. Cela les motive pour rechercher et mettre en œuvre des modalités d’évaluation moins sensibles aux facteurs de biais, en particulier d’origine psychosociale ; et plus justes, en se gardant de la tentation d’abus de pouvoir.

Toutefois, la vertu ne va pas immédiatement de soi, et l’évaluation scolaire n’est pas à l’abri des dérives ou des absurdités. Des logiques contestables peuvent être à l’œuvre, comme celle consistant à tout miser sur la sélection d’une élite, à travers la multiplication de concours, qui classent et éliminent ; ou des admissions sur dossiers et bulletin de notes, qui privilégient de fait certains parcours. Et l’on peut poursuivre des finalités discutables, comme d’établir une hiérarchie d’établissements.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-0&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=852835269174738944&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fnoter-son-livreur-de-pizza-ou-son-chauffeur-de-taxi-pour-une-fois-lecole-serait-elle-la-voie-de-la-raison-152595&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

La tentation du palmarès n’est jamais bien loin, et beaucoup de maladresses sont commises, voire de coups portés, au nom de la recherche de l’excellence. Le combat pour une évaluation « formative », qui serait au service de l’élève en l’aidant à progresser par une meilleure perception de ses points forts et de ses points faibles, n’est jamais gagné d’avance. Mais il faut bien reconnaître que cela n’a rien à voir avec le spectacle offert par le monde économique.

Juges consommateurs

S’agissant de l’évaluation, le champ socio-économique est devenu un véritable « Far West ». La notation est une arme à feu, que l’on dégaine à tout moment, et à tout propos. Et de même qu’au Far West chacun est tout à la fois tireur et cible, de même chaque citoyen est aujourd’hui constamment en position de juge/jugé, notateur/noté.

Ici, on vous demande d’ajouter, ou de retrancher, des étoiles ; là, de noter sur 5 un produit d’ameublement, ou le travail de celui qui a changé les roues de votre auto. Comme l’avantage est toujours à celui qui tire le plus vite, les affaires se délectent d’évaluations rapides.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-1&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1219371552237674499&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fnoter-son-livreur-de-pizza-ou-son-chauffeur-de-taxi-pour-une-fois-lecole-serait-elle-la-voie-de-la-raison-152595&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

La fabrication des notes ne repose sur aucune règle claire. Ce qu’on est en droit d’attendre des objets, ou des personnes, évalués, n’est jamais précisément défini. Mais le système perdure, et se développe, car tout le monde y trouve son compte. La recherche des profits est facilitée.

En contribuant à établir des hiérarchies de « produits », les consommateurs font le travail des vendeurs. Ils tirent leur bénéfice de l’impression qui leur est donnée de devenir des acteurs efficaces de la vie économique, ayant toujours leur mot à dire. Ce qui, soit dit au passage, vérifie l’adage de Rousseau (Du Contrat Social, livre 1, chap. 1) : « Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux ».

L’évaluation, un besoin ?

On peut rendre compte de l’expansion et de l’inflation évaluatives en évoquant trois grandes raisons, ce qui place les pratiques évaluatives au confluent de trois grandes pulsions. La première est d’ordre épistémique ; la deuxième axiologique ; la troisième économique.

Une pulsion d’ordre épistémique : on évalue pour satisfaire le désir légitime de savoir où l’on en est, par rapport à des buts, ou des objectifs. De ce premier point de vue, vivre sans évaluer reviendrait à avancer en terrain difficile en gardant les yeux fermés. Le recours à l’évaluation est ici salutaire. Telle est la principale et légitime raison d’être de l’évaluation des actions éducatives, comme des actions sociales.

Une pulsion d’ordre axiologique : on évalue pour dire la valeur, des biens comme des gens. L’homme est un animal qui voit tout à travers des échelles de valeurs, et qui produit de la valeur en portant des jugements sur les choses, et les êtres : c’est bon ; c’est bien. L’ambiguïté du terme même de valeur alerte sur les périls qui guettent cette activité d’« envalorisation », c’est-à-dire de création de valeur par le moyen d’un simple jugement. Une attribution de valeur non fondée, et injuste, est sans doute le plus grand péril pour l’évaluation scolaire.


À lire aussi : École : l’évaluation, capable du meilleur, coupable du pire


Une pulsion d’ordre économique : on évalue pour faciliter les mécanismes producteurs de profit. On pourrait dire : pour mettre de l’huile dans les rouages d’un fonctionnement commercial, et mieux faire tourner l’économie de marché.

L’évaluation sert à orienter la frénésie de consommation vers les meilleurs produits, services, mais aussi personnes (procédures de recrutement). On comprend pourquoi, dans un contexte d’« ubérisation » de l’économie, les pratiques d’évaluation sauvages et sommaires se multiplient.

La prolifération d’évaluations simplistes, voire enfantines, dans le champ social actuel, s’explique ainsi par la rencontre entre une pulsion économique totalement débridée, et une pulsion axiologique n’ayant plus ni frein ni garde-fou, tandis que l’on néglige ou oublie l’exigence épistémique. Et le meilleur état de l’évaluation scolaire, par le fait qu’un éducateur ne peut pas se permettre de négliger les exigences d’ordres épistémique ou éthique, sous peine d’ôter tout sens à son travail. Car éduquer oblige !

Telle est la grande leçon que l’évaluation scolaire est en droit d’adresser à tous ceux qui se prétendraient évaluateurs.

Comment notre corps se défend-il contre les virus ?

10 dimanche Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

  1. Marcelo de Carvalho BittencourtProfesseur – Laboratoire d’Immunologie CHRU de Nancy, Université de Lorraine
  2. Marie Christine BeneUniversité de Nantes

Partenaires

Université de Lorraine
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information

En saturant de façon impressionnante les services de réanimation et en se répandant comme une traînée de poudre sur la planète, le coronavirus SARS-CoV-2, à l’origine de la pandémie de Covid-19, a brutalement désorganisé nos sociétés mondialisées.

Médiatisé comme jamais, cet événement a donné lieu à mille avis sur tous les aspects de la pandémie et la manière d’y faire face. Au milieu de ce bruit médiatique, un sujet en particulier mérite notre attention : la façon dont notre système immunitaire fait face au SARS-CoV-2, et aux virus d’une façon générale.

Que se passe-t-il dans notre corps lorsqu’un envahisseur y pénètre ?

D’abord, l’immunité muqueuse

Du bout de notre nez à nos alvéoles pulmonaires et de notre bouche à l’extrémité de notre tube digestif, nos muqueuses sont en contact permanent avec l’environnement. Elles sont parfaitement équipées pour repérer, tolérer ou détruire les éléments qui transitent à leur surface. En effet, la majorité des envahisseurs potentiels (virus, bactéries, champignons, parasites, particules diverses, etc.) pénètre dans l’organisme par le nez, la bouche ou les yeux, et une grande partie d’entre eux finit par arriver dans le tube digestif avant d’être éliminée.

Cette « élimination » utilise les voies naturelles pour tout ce qui n’est pas absorbé par les muqueuses. Ces dernières « trient » les éléments de base des nutriments dont l’organisme a besoin et laissent dans la lumière du tube digestif ce qui n’est pas utilisable. C’est aussi au niveau des muqueuses que débutent les réponses immunitaires qui ciblent les microorganismes.

La première barrière de protection fait intervenir l’« immunité innée ». Celle-ci comprend non seulement des barrières physiques, comme le mucus qui recouvre les muqueuses et empêtre certains envahisseurs (appelés aussi « antigènes », terme désignant tout élément étranger à l’organisme capable de déclencher une réponse immunitaire), mais aussi des cellules capables de détecter rapidement des signaux de danger. Il s’agit essentiellement des cellules dendritiques et des macrophages, qui sont capables d’ingérer les éléments étrangers pour les détruire (cette internalisation est appelée « phagocytose »).

Cellules dendritiques phagocytant des nanodisques de silicium poreux. Brenda Melendez, Rita Serda / National Cancer Institute, National Institutes of Health, CC BY

La flore microbienne variée, et globalement bénéfique, qui vit en permanence sur toutes les surfaces de notre corps participe également à l’immunité. Cette flore nous utilise pour l’abriter, mais participe également à la production de certains dérivés de l’alimentation dont nous avons besoin (par exemple la vitamine K, fabriquée par des bactéries présentes dans l’intestin). Elle empêche aussi la prolifération de microorganismes pathogènes, toute en étant tolérée par le système immunitaire.

De nombreux antigènes détectés au niveau des muqueuses sont ainsi rapidement éliminés. Cependant, lorsque cette barrière s’avère insuffisante, l’immunité systémique, parfois appelée immunité « acquise » ou « adaptative », se met en branle. Celle-ci fait intervenir des éléments du système immunitaire qui se trouvent dans le sang : lymphocytes B et lymphocytes T (qui font partie des « globules blancs » spécifiques des vertébrés), immunoglobulines (les célèbres anticorps) et cytokines.

Des sentinelles préparées dès avant la naissance

Il existe deux grands types de lymphocytes, des lymphocytes B, qui produisent les anticorps, et des lymphocytes T, qui interviennent à la fois dans la destruction des cellules infectées, la coordination de la réponse immunitaire et la mémorisation des infections. Tous les lymphocytes prennent naissance dans la moelle osseuse, mais alors que les lymphocytes B y achèvent leur maturation (B pour « bone marrow » en anglais), les lymphocytes T terminent leur maturation dans le thymus (T pour « thymus »).

Outre leur origine, un autre point commun existe entre lymphocytes B et lymphocytes T : tous ont la capacité de reconnaître spécifiquement un, et un seul, motif moléculaire présent à la surface de potentiels envahisseurs. À la surface des lymphocytes se trouve en effet un type de récepteur particulier, le « récepteur pour l’antigène » (appelé BCR pour les lymphocytes B et TCR pour les lymphocytes T). Celui-ci est complémentaire d’un antigène donné : il est capable de s’y attacher, un peu comme deux pièces de puzzle sont capables de s’emboîter ensemble, ou comme un tenon s’associe à une mortaise.https://www.youtube.com/embed/TVoqiqwtbsA?wmode=transparent&start=0

Ce qui est extraordinaire, c’est qu’avant même d’avoir rencontré le moindre envahisseur, l’organisme d’un nouveau-né est déjà capable de reconnaître potentiellement tous les antigènes existants. Dès avant sa naissance, des millions de lymphocytes se sont vus dotés chacun d’un récepteur de l’antigène aléatoire, capable de reconnaître spécifiquement un unique motif moléculaire. En raison du grand nombre de lymphocytes, tous les antigènes existants sont potentiellement détectables : l’organisme a généré un énorme répertoire capable de tout reconnaître, « au cas où » !

Au moment de la naissance, ces millions de jeunes lymphocytes n’ont encore jamais rencontré d’antigène. On les appelle d’ailleurs des lymphocytes « naïfs »… Leur apprentissage immunitaire débute dès les premiers jours de vie, au hasard de ses rencontres avec les antigènes présents dans l’environnement. À cette période, tandis que les premières multiplications de lymphocytes surviennent dans son corps tout neuf, le nouveau-né demeure protégé par les anticorps contenus dans le lait de sa mère, en attendant que les siens puissent prendre le relais efficacement.

Quand un antigène pénètre dans l’organisme, il arrive qu’il atteigne la circulation sanguine ou qu’il entre dans les canaux lymphatiques qui drainent la lymphe (un liquide présent entre les cellules, qui leur apporte des nutriments et évacue les déchets). Dans les deux cas, l’étranger va trouver sur son chemin quantité de lymphocytes B et T stationnés soit dans la rate (organe qui filtre le sang), soit dans les ganglions lymphatiques.

Lorsqu’un lymphocyte « naïf » rencontre son antigène attitré, il commence par se multiplier. Le nombre de lymphocytes capables de reconnaître cet antigène augmente donc lui aussi, ce qui est nécessaire pour s’attaquer aux envahisseurs, qui pénètrent rarement seuls dans l’organisme (et qui s’y multiplient parfois rapidement).https://www.youtube.com/embed/m5SprSTxWfQ?wmode=transparent&start=0

Une partie de ces nouveaux lymphocytes s’attaque aux « intrus » et contribue à les éliminer : ce sont les cellules « effectrices ». Une autre partie reste au repos, prête à se multiplier de nouveau, rapidement lors d’un prochain contact avec le même antigène : ce sont des cellules « mémoire », qui permettent à l’organisme de garder le souvenir de l’infection.

Les lymphocytes B, usines à anticorps

Quand, dans la rate ou les ganglions lymphatiques, un lymphocyte B reconnaît un envahisseur grâce à son récepteur pour l’antigène, le BCR, il commence à se multiplier. Ses innombrables copies se mettent à fabriquer et sécréter des exemplaires solubles de leur BCR : il s’agit des anticorps (ou immunoglobulines). Produits en très grandes quantités, ils se déversent dans les sécrétions des muqueuses ou dans le sang.

Ces immunoglobulines ont la même complémentarité spécifique que le BCR. Elles peuvent donc à leur tour reconnaître l’antigène qui a induit leur sécrétion, où qu’il se trouve, y compris très loin des ganglions lymphatiques ou de la rate. Elles contribuent ainsi efficacement à son élimination. Par ailleurs, à chaque nouvelle stimulation par l’antigène, le taux d’anticorps augmente proportionnellement au nombre de lymphocytes en prolifération, qui ne cesse de croître.

Dans les premiers temps après un contact avec un envahisseur, des immunoglobulines M sont produites. Elles sont moins spécifiques dudit envahisseur que les autres types d’immunoglobulines, et leur concentration diminue rapidement. Mais elles vont alerter le système immunitaire de l’arrivée d’un nouvel « envahisseur » en le piégeant dans un complexe immun (on désigne sous cette expression le résultat d’une interaction entre un anticorps et un antigène).

Un lymphocyte B humain vu en microscopie électronique à balayage (fausses couleurs). National Institutes of Allergy and Infectious Diseases / National Institutes of Health, CC BY

Le premier niveau de réponse « spécifique », c’est-à-dire l’activation de lymphocytes spécifiques de l’antigène, aboutit à la production d’anticorps particuliers, des immunoglobulines A (IgA), qui sont déversées en quelques heures dans les sécrétions muqueuses par les lymphocytes B qui se sont disséminés dans l’organisme après avoir été activés.

Un peu plus tard seront produites les immunoglobulines G, qui constituent la majeure partie des anticorps présents dans le sang. Elles participent à la lutte contre les envahisseurs, en interagissant notamment avec le système du complément, une composante de la réponse immunitaire innée. Elles sont aussi capables de traverser le placenta, et donc de protéger le fœtus.

Les IgA et les IgG sont capables de se lier aux envahisseurs et de les empêcher d’entrer dans les cellules, notamment dans le cas des virus. On parle alors d’anticorps « neutralisants ». Elles attirent aussi l’attention d’autres cellules du système immunitaire, comme les macrophages, qui vont « manger » les virus emprisonnés par les immunoglobulines par exemple.

La veille des lymphocytes T

Les lymphocytes T possèdent aussi un « récepteur pour l’antigène », le TCR, mais celui-ci diffère du récepteur des lymphocytes B : ce n’est pas une immunoglobuline. Leur TCR permet aux lymphocytes T de reconnaître l’antigène lorsque celui-ci est associé à une des molécules du système HLA (acronyme de « human leukocyte antigen »), qui constituent le « complexe majeur d’histocompatibilité ». Explications : à la surface de toutes les cellules de notre corps, à l’exception des hématies, se trouvent des molécules HLA de classe I (il existe trois classes de protéines HLA). Celles-ci constituent en quelque sorte la « carte d’identité » qui indique aux cellules immunitaires que ces cellules appartiennent bien à l’organisme.

Lorsqu’un virus pénètre dans une cellule, il s’y multiplie. Cette reproduction n’est pas parfaite : elle génère des erreurs, et certaines protéines virales sont mal fabriquées. Elles sont alors découpées en petits morceaux par une petite machinerie cellulaire. Une partie de ces petits morceaux de virus (aussi appelés « épitopes ») s’associe aux molécules HLA de classe I, et l’ensemble remonte à la surface de la cellule.

Cette micrographie électronique montre des cellules dendritiques (en vert – fausses couleurs) interagir avec des lymphocytes T (en rouge – fausses couleurs). Les cellules dendritiques internalisent les antigènes, les « digèrent » puis en présentent des fragments aux lymphocytes T. Victor Segura Ibarra, Rita Serda / National Cancer Institute, National Institutes of Health

Si un lymphocyte T passe par là, il va constater que la molécule HLA de classe I a été modifiée (puisqu’elle est maintenant associée à un épitope viral). Tout se passe comme si la cellule lui présentait une carte d’identité falsifiée : le lymphocyte T va alors réagir et détruire cette cellule infectée.

Dans l’espèce humaine comme chez les autres mammifères, le système d’histocompatibilité est extrêmement varié, rendant chaque individu presque unique. Cela signifie que chacun d’entre nous a une façon personnelle de présenter les épitopes viraux à son système immunitaire, certains le faisant de façon plus efficace que d’autres.

Comme les lymphocytes B, dans la rate et les ganglions, les lymphocytes T spécifiques prolifèrent suite à la reconnaissance d’un antigène par leur récepteur de l’antigène. Toutefois, contrairement aux lymphocytes B, ils ne vont pas se contenter de générer une seule catégorie de lymphocytes, mais trois sous populations : des lymphocytes T auxiliaires, des lymphocytes T cytotoxiques et des lymphocytes T régulateurs.

Après avoir été activée par la reconnaissance d’une cellule infectée, chacune de ces sous-populations réagit différemment. Les lymphocytes T auxiliaires sécrètent de nombreuses « cytokines », des messagers chimiques du système immunitaire, qui vont amplifier la réponse des autres lymphocytes, T comme B. Parmi ces cytokines figurent des molécules dont certaines interviennent dans la lutte antivirale et antibactérienne, comme les interférons ou diverses interleukines. Les lymphocytes T cytotoxiques sont quant à eux capables notamment de tuer les cellules infectées par un virus. Enfin, des lymphocytes régulateurs contrôlent les réponses immunitaires en éliminant ou inhibant les lymphocytes T et B effecteurs qui ont joué leur rôle.

Système immunitaire et SARS-CoV-2

Face au SARS-CoV-2, qui est un nouveau virus, nous nous retrouvons tous dans la situation d’un petit enfant. Les lymphocytes naïfs spécifiques d’antigènes portés par ce virus existent au sein de notre organisme. Il faut qu’ils se multiplient pour l’éliminer et générer une mémoire immunitaire, laquelle aura par ailleurs besoin de s’amplifier pour que les réponses soient de plus en plus efficaces.

Micrographie électronique à balayage d’une cellule (rouge – fausses couleurs) fortement infectée par des particules du coronavirus SARS-CoV-2 (jaune – fausses couleurs). National Institute of Allergy and Infectious Diseases / NIH

Il est donc théoriquement possible d’être « réinfecté » par le SARS-CoV-2, éventuellement avec des signes cliniques, tant que ce coronavirus persiste dans l’environnement et que notre système immunitaire n’est pas encore assez rapide pour l’éliminer rapidement en cas de nouveau contact. Cependant, les différents mécanismes de la réponse immunitaire systémique sont le plus souvent très efficaces, surtout chez les sujets ayant déjà été immunisés. Ils peuvent alors être totalement silencieux, et l’individu ne se rendra même pas compte qu’il a été en contact avec le virus.

C’est l’objectif de la vaccination : permettre une rencontre avec des motifs viraux ou bactériens en l’absence d’infection, pour entraîner le système immunitaire en prévision de sa rencontre avec le véritable agent pathogène. Lorsque celle-ci surviendra, ses lymphocytes seront prêts à réagir rapidement et efficacement…

Présidentielle américaine : comment la religion des citoyens a pesé sur leur vote

09 samedi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

  1. Blandine Chelini-Pont Blandine Chelini-Pont est un·e adhérent·e de The ConversationProfesseur des Universités en histoire contemporaine, Aix-Marseille Université (AMU)
  2. Marie GayteChercheuse au laboratoire Babel de l’Université de Toulon, spécialiste de la politique américaine contemporaine, Université de Toulon
  3. Robin D. PresthusEnseignant au Moravian College de Pennsylvanie, doctorant au Laboratoire Interdisciplinaire De Droit et Mutations Sociales, Aix-Marseille Université (AMU)
Aix-Marseille Université

Aix-Marseille Université apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

Voir les partenaires de The Conversation France

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Un groupe anti-avortement en prière devant le bâtiment de la capitale de l'Etat du Michigan, Lansing, le 31 octobre 2020.
Un groupe anti-avortement en prière devant le bâtiment de la capitale de l’État du Michigan, Lansing, le 31 octobre 2020, à trois jours de la présidentielle. John Moore/Getty Images North America/Getty Images via AFP

Même s’il convient de toujours avoir à l’esprit le caractère faillible des sondages, l’analyse des données récupérées à la sortie des urnes lors de la dernière élection présidentielle aux États-Unis fournit une photographie intéressante du vote des Américains selon leur affiliation religieuse.

Il en ressort que ce vote connaît actuellement une recomposition significative.

Les évangéliques blancs, toujours républicains…

Les chrétiens évangéliques blancs, qui représentent 76 % de la population évangélique et 25 % de la population votante, semblent fermement arrimés au camp républicain. Selon le National Election Pool et les sondages de sortie de l’AP/VoteCast, Donald Trump a récolté 81 % de leurs suffrages, soit à peu près la même proportion qu’en 2016.

Partout où leur poids démographique est le plus fort, les votes du collège électoral sont restés républicains. Les évangéliques semblent avoir continué à approuver le réalignement idéologique que la candidature et victoire de Donald Trump ont provoqué depuis 2016 au sein du parti républicain – un phénomène, rapidement qualifié de trumpisme, se voulant à la fois national-conservateur et chrétien. Son manichéisme populiste, accusant les élites libérales, les urbains progressistes, les immigrants, les médias, les féministes de détruire la « vraie » Amérique, par ailleurs morale et croyante, a pu encore une fois les convaincre qu’il était leur défenseur.https://www.youtube.com/embed/ULt6-VFjxkY?wmode=transparent&start=0

Robert P. Jones, directeur du Public Religion Research Institute et auteur de l’essai White Too Long : The Legacy of White Supremacy in American Christianity, tout comme les sociologues et co-directeurs de l’Association of Religion Data Archives, Andrew L. Whitehead et Samuel L. Perry, dans leur recherche Taking America Back for God : Christian Nationalism in the US, ont décrit la cristallisation raciale-nationaliste d’une partie importante du monde évangélique blanc sous le mandat de Donald Trump.

Par sa rhétorique, fondée pour une large part sur la dénonciation d’une supposée hégémonie du camp progressiste – lequel serait par définition hostile aux Blancs, aux chrétiens et aux « valeurs traditionnelles » –, Donald Trump a, tout au long de son mandat, conforté le sentiment des évangéliques que les chrétiens étaient discriminés et que leur liberté religieuse était en danger.


À lire aussi : Evangelical leaders like Billy Graham and Jerry Falwell Sr. have long talked of conspiracies against God’s chosen – those ideas are finding resonance today


Dans les États de la « Sun Belt », en transition démographique – la population s’y mélange de plus en plus –, leur soutien à Trump a été encore plus important qu’au niveau national : 82 % en Floride, 89 % en Géorgie, 86 % en Caroline du Nord et 82 % au Texas. Selon Robert P. Jones, leur vote pour Trump a été une façon de résister à « la marée du changement démographique et culturel ».

… mais tiraillés à leurs marges

Cependant, des signes d’érosion de l’homogénéité de ce bloc se sont manifestés avant la campagne et pendant celle-ci.

Au sein du bloc évangélique blanc, la position jusqu’au boutiste en faveur de Trump, considéré littéralement comme l’élu de Dieu par un réseau croissant d’Églises pentecôtistes néo-charismatiques, aspirant par ailleurs au leadership sur le monde évangélique a aussi contribué aux remous d’une partie des responsables et des médias évangéliques qui ont pris leurs distances avec Trump. Certains ont tout récemment manifesté leur confiance dans le système électoral américain lors de la crise de transition. On a également davantage entendu les évangéliques sociaux, attachés aux valeurs de justice sociale et raciale, si intimement liées à l’histoire de l’évangélisme américain.https://www.youtube.com/embed/C7UcBmdxu3E?wmode=transparent&start=0

Les sondages avancent que Joe Biden a obtenu plus de votes parmi les évangéliques blancs dans les États clés qu’au niveau national. De même, les minorités ethniques évangéliques, noires, latinos et asiatiques, traditionnellement démocrates, sont en croissance numérique.

Cependant, les Démocrates auraient tort de compter sur leur soutien complet : les évangéliques latinos ont plus tendance à voter républicain que démocrate, à l’instar de leurs homologues blancs, ce qui conduit à nuancer l’idée de l’émergence d’un front évangélique progressiste propice aux fortunes électorales du parti de l’âne.

Des catholiques diversifiés qui convergent au centre

Pris globalement, le vote catholique est revenu à quasi-parité entre Républicains et Démocrates, soit 50 % pour Trump et 49 % pour Biden ou inversement selon les sondages. Dans le détail, la répartition raciale et sociale de cette population, la plus diversifiée de toutes les dénominations américaines et la plus importante démographiquement derrière les évangéliques (22 % de l’électorat, composé pour deux tiers de catholiques blancs et pour un quart de catholiques latinos), se combine avec leur nombre élevé dans certains États (Rust Belt, Nouvelle-Angleterre et Sun Belt). Ces États ont été et resteront des États clés. La palette des références catholiques proches des positions démocrates (sur l’immigration, l’accueil des réfugiés, la justice sociale, le juste salaire, le droit à la santé, l’éducation, le bien commun, y compris sanitaire et environnemental) a permis – malgré une forte mobilisation des catholiques conservateurs en faveur de Trump – des « désengagements partisans » qui ont réduit leur propre polarisation.https://platform.twitter.com/embed/index.html?dnt=false&embedId=twitter-widget-0&frame=false&hideCard=false&hideThread=false&id=1321925626912215041&lang=en&origin=https%3A%2F%2Ftheconversation.com%2Fpresidentielle-americaine-comment-la-religion-des-citoyens-a-pese-sur-leur-vote-150708&siteScreenName=FR_Conversation&theme=light&widgetsVersion=ed20a2b%3A1601588405575&width=550px

  1. Une part plus importante encore que chez les évangéliques de blancs catholiques, à la fois conservateurs et plus pratiquants, a rompu l’amarre qui la rattachait au camp républicain. C’est la surprise attendue de ce dernier scrutin. Selon les deux sondages de sortie des urnes, Joe Biden a réduit l’écart qui le séparait de Trump chez les catholiques blancs de 12 ou 13 points. La raison en est double : Trump ayant rempli leur objectif judiciaire (3 juges conservateurs nommés à la Cour suprême), les catholiques ne sont pas passés, cette fois-ci, par-dessus sa personnalité rebutante. Ensuite, Biden aura manifesté une foi suffisamment sincère et un projet politique suffisamment modéré pour qu’ils se souviennent de son appartenance catholique. Ainsi, alors qu’ils avaient voté à 64 % pour Donald Trump en 2016 et qu’ils sont restés concernés par le même rejet de l’avortement et du mariage pour les homosexuels, les catholiques blancs ne sont « plus » que 57 % à avoir voté pour le président sortant en 2020.
  2. Dans les États clés du Wisconsin, du Michigan et de Pennsylvanie, ces mêmes catholiques blancs ont encore un peu moins voté pour Trump que leur moyenne générale (54 %). Leurs points de différence ont contribué à faire basculer lesdits États pour Biden, lequel y a également récolté une large majorité des électeurs religieux non blancs.
  3. Enfin, si les Hispaniques catholiques ont voté à 67 % pour Joe Biden, les électeurs latinos d’origine cubaine, vénézuélienne et nicaraguayenne de Floride ont majoritairement voté républicain, notamment par opposition au tournant « socialiste » ou « laxiste » supposé du Parti démocrate, démentant la loyauté inébranlable des Latinos envers le parti de l’âne. Les Républicains ont aussi enregistré des gains très significatifs chez les catholiques mexicains du Texas, ce qui s’explique en partie par leur conservatisme sur les questions sociétales.

Les questions de justice raciale ont particulièrement contribué à fissurer le mur des catholiques pratiquants et d’une part des évangéliques. Tandis que 7 évangéliques blancs sur 10 considéraient avant les élections que les meurtres d’Afro-Américains par la police étaient des incidents isolés plutôt qu’un problème de racisme (73 % en 2015 et 70 % en 2020), la proportion de catholiques blancs partageant cette perception a chuté de 13 points (71 % en 2015 à 58 % en 2020). De même, quoique conservateurs, patriotes et sensibles à la rhétorique du remplacement démographique, les catholiques blancs sont moins inquiets de l’altérité ethnique et plus sensibles à l’éradication de la pauvreté comme cause politique. Ils sont également susceptibles d’accepter plus de compromis sur les questions relatives aux droits des minorités sexuelles et acceptent majoritairement – sans l’approuver pour autant – la légalité de l’avortement.

La nouvelle religiosité du Parti démocrate : un bon calcul ?

Durant sa campagne, Joe Biden a largement insisté sur sa foi et multiplié les mains tendues vers l’électorat croyant, même si les catholiques conservateurs ont dénoncé la « superficialité » de ses positions, mettant en avant ses revirements sur des questions telles que l’avortement ou les droits des personnes LGBTQ.

Le 1ᵉʳ novembre 2020, dernier dimanche avant la présidentielle, Joe Biden se rend à l’église catholique romaine de Brandywine (Wilmington, Delaware) pour assister à l’office dominical. Drew Angerer/AFP

Ce positionnement de Joe Biden lui a permis d’obtenir le soutien de nouveaux groupes comme les « progressive pro-lifers » ou les « pro-climate Christians ». Dans le même temps, laConférence épiscopale des États-Unis a pris des positions très fermes sur les questions de migration, de pauvreté, de racisme et de santé.

Pendant la campagne démocrate, la traditionnelle défense des minorités sexuelles – qui est absolument acquise au sein de ce parti – a été moins valorisée que la promotion des femmes, sans parler de l’appel constant de Biden à la « décence ». Cela a abouti, dans le discours de victoire de Joe Biden, non seulement au retour de la rhétorique biblique de bénédiction qu’emploient régulièrement les présidents des États-Unis comme grands prêtres d’une religion civile toujours vibrante mais également à la récitation d’un hymne catholique qu’aimait son fils décédé, Beau, paroles dédiées à tous les Américains en souffrance.

L’inflexion religieuse du Parti démocrate va-t-elle contrarier le dernier groupe d’électeurs désormais le plus important, à savoir les Américains sans religion, qui ont voté pour Biden à plus de 70 % ? Ce groupe, qui vote davantage pour l’aile socialiste du Parti démocrate, n’a cessé de croître et avoisinerait désormais les 25 % de la population. Il comprend la jeune génération des millennials, beaucoup plus sécularisés que les générations précédentes. Il semblerait que, pour l’instant, cette masse grandissante, si elle est particulièrement « ouverte » en matière de mœurs, est également ouverte au pluralisme religieux et racial, cherchant à protéger la minorité musulmane, également très démocrate. Le parti doit donc, plus que jamais, s’il veut à la fois ménager sa tradition laïque et récupérer l’électorat croyant, se présenter comme la formation du compromis et de l’inclusion.

Climat des affaires : une deuxième vague presque indolore

08 vendredi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

  1. Philippe DupuyProfesseur Associé au département Gestion, Droit et Finance, Grenoble École de Management (GEM)
Grenoble École de Management (GEM)

Grenoble École de Management (GEM) apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation FR.

Voir les partenaires de The Conversation France

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Dans de nombreuses zones économiques du monde, les entreprises anticipent un fort rebond de l’actualité dans les prochains mois. Shutter_M / Shutterstock

Le niveau de confiance reste très largement inchangé depuis la sortie du premier confinement au mois de mai dernier. Notre indicateur ressort à 50,5 sur une échelle de zéro à cent en France, et ce malgré le deuxième confinement du mois de novembre. Ce niveau de confiance indique une croissance à venir faible de l’économie française mais pas de risque de récession à court terme.

Auteur.

Cette statistique est à prendre cependant avec précaution tant la dispersion des réponses reste importante : si deux tiers des réponses se situent entre 32 et 68, un tiers se situent au-dessus ou au-dessus de ces valeurs. Cela traduit l’incertitude que ressentent les responsables financiers actuellement. Côté entreprise, l’indicateur de solidité financière ressort à nouveau en hausse à 70 dépassant désormais les niveaux observés début 2020 avant la crise de la Covid-19.

Auteur.

En Europe, le climat des affaires ressort à 59 contre 56 au trimestre précédent sur une échelle de zéro à cent. Ce niveau est désormais en ligne avec les valeurs observées avant la crise de la Covid-19, il est notamment tiré par les pays du Nord. L’Allemagne, par exemple affiche un climat des affaires de 71 contre 68 au trimestre précédent.

L’irruption d’une nouvelle vague de l’épidémie de la Covid-19 et le déroulé de l’élection présidentielle n’ont pas eu d’effet sur le climat des affaires aux États-Unis. Celui-ci ressort à 61,6 contre 61 au trimestre précédent pour l’économie dans son ensemble et à 71 contre 70,4 pour la solidité de l’entreprise. Les réponses sont très dispersées indiquant là aussi un niveau élevé d’incertitude.

Climat des affaires mondial. Auteur.

Pour finir, au niveau mondial, l’indicateur d’optimisme retrouve aussi des niveaux pré-crise mais les disparités sont toujours aussi importantes entre, par exemple, les pays du nord de l’Europe où la confiance est forte et l’Amérique latine où elle est au plus bas. Aucune zone économique ne semble réellement pouvoir prendre le relais de la croissance avant plusieurs trimestres.

Une croissance forte en 2021 et en 2022 ?

En France, les perspectives de croissance du chiffre d’affaires pour l’année 2021 ressortent à environ 9 % selon le scénario central contre un recul d’environ 5 % en 2020. Cette anticipation du rebond du chiffre d’affaires et assez stable puisqu’elle ressortait à +10 % lors de notre dernière enquête en septembre. Au-delà, les entreprises s’attendent à une accélération du rythme de l’activité en 2022 avec une croissance du chiffre d’affaires qui pourrait atteindre 11 % pour le scénario central.

Nous retrouvons la même dynamique sur l’ensemble des variables que nous mesurons que ce soit en France ou en Allemagne. De même, aux États-Unis, les entreprises anticipent une hausse du chiffre d’affaires de 8,7 % en moyenne en 2021 avec une marge d’incertitude forte qui fait varier les prévisions de – 1,6 % dans un scénario pessimiste à 13,7 % pour le scénario optimiste.

Auteur.

Alors que de nombreux responsables financiers restent optimistes quant à la solidité financière de leur entreprise, les réponses sont plus mitigées lorsqu’on les interroge sur la solidité financière de leurs partenaires clients et fournisseurs. En particulier, 90 % des entreprises s’inquiètent un peu ou beaucoup de la solvabilité de leurs clients, ce chiffre restant stable depuis plusieurs mois désormais, et ce malgré le plan de relance et de soutien à l’économie du gouvernement. Ce type de craintes pourrait rendre les entreprises attentistes et fragiliser la reprise.

En complément, nous observons que la crise de la Covid-19 a eu un effet catalyseur sur l’adoption de nouvelles technologies et d’automatisation des tâches dans les entreprises. Ainsi, 35 % des entreprises en France déclarent avoir changé leurs procédures et avoir eu recours à plus de technologie pour traverser la crise. Ce chiffre ressort à 20 % en Allemagne et à 52 % aux États-Unis.

Les bienfaits de la musique, c’est pas automatique… et heureusement !

07 jeudi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

  1. David ChristoffelProducteur radio et intervenant en création radiophonique, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Partenaires

Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information

Jeune femme écoutant de la musique au bord de la mer. Blaz Erzetic, CC BY-SA

La vidéo de la ballerine qui, malgré la maladie d’Alzheimer, se remémore de sa chorégraphie sur Le Lac des Cygnes a fait un buzz planétaire. Alors que son succès atteste le caractère exceptionnel de l’événement, ce clip réalisé par l’association Música para Despertar se trouve associé à un discours d’accompagnement qui le tient pour la preuve d’une vérité plus générale (trop généralisée ?) sur les bienfaits de la musique. Mais les incantations du type « mettez-vous de la musique et vous déprimerez moins », reviennent à une vision automatique des bienfaits de la musique à la fois scientifiquement fausse et esthétiquement réductrice.https://embedftv-a.akamaihd.net/0b301b842b678a3c2ecd7854412b5d26

L’éditorialisation de la vidéo par France Info est emblématique d’une vision mi-surnaturelle mi-scientiste des bienfaits la musique. Re-titrée « quand la musique est plus forte que la maladie d’Alzheimer », la vidéo de l’association Música para Despertar est aussi « re-surtitrée » par la chaîne info : « Il suffisait de quelques notes pour que tout lui revienne. ». Relever que « Dès les premières notes, tout lui revient… » ne dit rien du travail préparatoire des soignants avant le tournage du clip.

Par l’aller-venue entre les images de la performance d’origine de Marta C. González et sa réaction chorégraphiée à l’écoute de la musique de Tchaïkovsky, la vidéo oriente le regard vers une sorte de miracle. En pointant leur attention sur l’immédiateté avec laquelle la danseuse se remémore des mouvements de ses bras, ces commentaires laissent penser que la musique agit de manière automatique, comme si la réponse était de l’ordre du réflexe conditionné.

Ne pas oublier l’importance de la médiation

Comme dans tout spectacle d’illusionnisme, il y a des procédés de diversion : regarder l’instant où la danseuse s’éveille, revient à détourner l’attention d’un processus plus global où c’est moins la musique qui remet Marta C. González que le lien qu’elle a préalablement noué avec cette musique-là. Insister sur l’impact direct, instantané, immédiat de la musique sur la danseuse, c’est aussi faire l’impasse sur la médiation de Pepe Olmedo(directeur et fondateur de Música para Despertar, à la fois psychologue, musicothérapeute et guitariste du groupe SoundBay) qui va chercher Le lac des Cygnes sur le smartphone, prend la main de Marta C. González, l’embrasse, l’assure de l’importance pour lui de voir la ballerine retrouver ses mouvements.

En plus de faire l’impasse sur l’importance du médiateur, ces présentations enchanteresses des pouvoirs de la musique produisent un effet de généralisation qui fait peser sur toute œuvre musicale un impératif d’efficacité et une promesse intenable de consensus.

En matière de décryptages, plusieurs articles montrent qu’indépendamment de la maladie d’Alzheimer, Marta C. González a toujours aimé affabuler, jusqu’à falsifier certains documents pour des raisons inexpliquées qui peuvent aller de la coquetterie sur son âge à une stratégie liée à la révolution cubaine.

Le magazine Diapason reprend les propos du critique de danse Alastair Macaulay pour qui « elle ne se remémore pas une chorégraphie spécifique du Lac des cygnes », mais dessine des mouvements « en réaction à une musique particulièrement puissante. » C’est-à-dire que les décryptages concentrent la démystification sur la véritable carrière chorégraphique de Marta C. González pour conclure que « Le plus important n’est pas dans ce mystère résolu, mais dans l’impact spectaculaire de la musique sur l’activité cérébrale, et son pouvoir stimulant.

Au-delà de la « magie »

Au-delà du paradoxe qui consiste à prêter un pouvoir quasiment magique à la musique en s’appuyant sur des images qui soulignent ses effets comme automatiques (pour ne pas dire pavloviens), tirer de cet événement exceptionnel une généralité sur « les bienfaits de la musique », essentialise LA musique pour s’en tenir à l’évidence : la musique, ça fait du bien. Mais l’évidence est rabâchée avec l’obstination d’un optimisme panglossien qui vire à la contre-vérité. La figure de Pangloss – le précepteur de Candide qui permet à Voltaire de caricaturer l’optimisme leibnizien –, est aujourd’hui réinvestie par la zététique pour ridiculiser la plupart de tel ou tel miracle. Richard Monvoisin relève un raisonnement panglossien dans le slogan de la Française des jeux qui souligne l’évidence que « 100 % des gagnants ont tenté leur chance » pour dire qu’il faut jouer pour gagner tout en laissant planer une substitution de la raison nécessaire en raison suffisante, comme s’il n’y avait qu’à jouer pour gagner.

Nous pourrions trouver un glissement analogue quand on pointe à quel point 100 % des vidéos virales du genre ont tenté de mettre de la musique à des patients Alzheimer, pour laisser entendre que la musique pourrait, à elle seule, automatiquement, à tous les coups, ralentir les effets de la neurodégénérescence.

Dans le récent volume Penser (à) l’opéra (dir. Guillaume Plaisance), Hervé Platel (Université de Caen) et Chantal Ardouin (association Music’O Seniors) cosignent un article de synthèse sur les bénéfices de la musique dans les maladies neurodégénératives qui soulignent bien que « malgré un possible émoussement émotionnel et des troubles comportementaux comme l’apathie, la très grande majorité des patients Alzheimer prennent du plaisir à entendre de la musique ».

Encore une fois, la musique ne fait pas de miracle à elle seule. La maladie d’Alzheimer est moins dégénérative pour les compétences musicales que pour les compétences linguistiques, plusieurs études venant attester d’une résistance des souvenirs liés à la musique.

« C’est pourquoi les interventions musicales semblent pertinentes et devraient avoir un impact significatif, comme cela est soutenu par des programmes comme_ Music and Memory_. » concluent Hervé Platel et Chantal Ardouin.

Si les termes employés ne sont pas pleinement affirmatifs (« semblent », « devraient »), la prudence rhétorique appelle un soupçon sur la valeur de l’effet de la musique.

Nous pourrions notamment nous demander à quel point_ Le Lac des Cygnes_ est un souvenir uniquement agréable pour Marta C. González ? Est-ce que les émotions associées à telle ou telle musique par les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, sont des émotions positives qu’ils sont nécessairement heureux de revivre ? Est-ce que la tendance à l’affabulation caractérisée ou encore l’esprit de défiance à l’égard des autres occupants de la résidence et le désir de faire plaisir au guitariste du groupe SoundBay ne seraient pas des vecteurs plus puissants encore que la musique pour motiver une prestation chorégraphique chez l’ancienne ballerine ? Pepe Olmedo semblait même accuser une certaine déception de voir que la séquence ne suffisait pas à redonner le moral à la danseuse : « Elle n’avait qu’un déclin cognitif léger et pouvait parler. Mais elle était toujours très triste, très négative. On voit très bien comment elle se connecte soudain à la musique. »

Comment s’explique le boom des « book clubs » ?

06 mercredi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

Auteur

  1. Marc PoréeProfesseur de littérature anglaise, École normale supérieure (ENS) – PSL
École Normale Supérieure (ENS)

École Normale Supérieure (ENS) apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation FR.

Voir les partenaires de The Conversation France

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information

Depuis une petite dizaine d’années, les « book clubs » – en français les clubs ou cercles de lecture – sont parmi nous, et ils ont même la cote. Preuve supplémentaire, si besoin était, que le commerce avec les livres (et pas seulement du livre) fait d’eux des biens résolument « essentiels » à notre bien-être, à notre existence. Entre Babelio, déclinaison française du puissant réseau Goodreads, et à ce titre adepte d’une lecture participative (comme la démocratie du même nom ?), et La Plume en question, plus axé sur la rencontre et le dialogue avec les écrivains, l’offre disponible est pléthorique. Les uns après les autres, du Huffpost à Cheek Magazine, des organes de presse, souvent de « niche », franchissent le pas, en décidant de créer leur propre book club dédié. Un mouvement de fond, qui a gagné les réseaux sociaux, dont rendait compte Le Super Daily, dans son épisode 142, en date du 5 mars 2019.

Racines anglo-saxonnes

Mais si l’engouement, en France du moins, est récent, le phénomène prend racine du côté des pays anglo-saxons, dans une histoire et une pratique fort anciennes. Au préalable, entendons-nous sur les mots. En effet, le « book club » désigne deux réalités a priori assez distinctes. Aussi bien une grosse machine (type France Loisirs, ou le Reader’s Digest d’antan), qu’une petite structure à but non lucratif, regroupant une dizaine, quelques dizaines tout au plus, de membres ou d’abonnés, de préférence triés sur le volet. Et réunis sur la base d’un commun intérêt pour la lecture, mais aussi pour le plaisir et la convivialité. Dans l’un et l’autre cas, il s’agit de se (re)grouper. Soit dans le but de mettre au pot commun, de cotiser (to « club together », en anglais), afin de bénéficier, en l’occurrence, de prix avantageux sur la commercialisation de livres, à la vente pour ce qui est des maisons d’édition, à l’achat, pour leurs clients potentiels. Soit pour lire et discuter à plusieurs de livres choisis selon des critères le plus souvent subjectifs, en lien avec le goût des lecteurs, qui sont souvent des lectrices.

On s’intéressera au second modèle, moins en lien avec l’économie du livre, à l’origine de réelles vocations, qu’elles soient spontanées ou nées de l’imitation, au départ un brin snob. Ce que montrent bien deux romans récents, dont l’adaptation cinématographique aura décuplé le pouvoir d’attraction et, partant, la diffusion des « book clubs » au sein du corps social. Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates (2008), signé Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, a pour cadre l’île anglo-normande de Guernesey, au temps de l’occupation allemande, pendant la Deuxième guerre mondiale. Il fait de la fondation du cercle de lecteurs clandestins une ruse de guerre, un prétexte à vanter l’esprit de courage et d’entraide face à l’adversité. Couvre-feu, confinement, rareté des livres à se mettre sous la dent, guerre à l’échelle du monde – qui ne voit les parallèles avec la situation de pandémie que nous vivons aujourd’hui ? Pour sa part, la Lettre ouverte à Jane Austen (2004), de Karen Jay Fowler met à nu avec la netteté d’une épure le mécanisme sur lequel repose tout « book club » digne de ce nom. Soit un auteur, au statut de préférence iconique, en la personne de Jane Austen. Soit six romans, pas un de plus – Austen ne fut pas prolifique. Soit, donc, six chapitres tournant autour d’un club de lecture réunissant six personnages, cinq femmes pour un seul homme, chacun épris d’un des six romans, chacun s’identifiant à un personnage austenien et désireux d’exposer aux autres les raisons pour lesquelles la romancière l’aide à vivre, bien ou mal. C.Q.F.D.

Lire à plusieurs

Historiquement, l’essor du « book club » s’avère indissociable, tout au long des dix-huitième et dix-neuvième siècles, d’une part, de la montée en puissance des bibliothèques de prêt à l’origine payantes (circulating libraries), et de l’autre, de l’élévation constante des niveaux de vie et d’instruction, du fait de la scolarisation de plus en massive, d’abord des garçons, puis des filles, et enfin des hommes et des femmes, à mesure que l’accès à l’Université se démocratisait. Il se peut, à ce titre, que la vogue des « book clubs » corresponde à un troisième âge de la lecture, du moins en Occident.

Après la lecture à voix haute, impulsée par les Grecs, après la lecture silencieuse, initiée par Ambroise de Milan, au quatrième siècle de notre ère, favorisant le recueillement et l’écoute du texte (biblique, au départ) au-dedans de soi, semble venu l’âge de la lecture à plusieurs, en groupe, ailleurs qu’en soi ou que chez soi. Les puristes s’en offusqueront, mais c’est ainsi : l’art de la conversation, dont le regretté Marc Fumaroli faisait l’un des trois piliers de la France à l’âge classique (avec la Coupole et le génie de la langue), époque où la littérature était « l’expression de la société », cet art, donc, s’est déplacé, quittant les salons et autres cénacles, pour rejoindre les intérieurs comme les cours d’immeubles ou les jardins, partout, en fait, où les livres se discutent, de préférence en petits comités. De plus en loin du centre ou de la capitale, en tout cas, et à partir des marges, périphéries et autres « segments » de la société. Chacun son « book club »? C’est à qui, en effet, créera son propre cercle, en fonction d’un positionnement particulier – particulariste ? – en lien avec telle ou telle problématique présente dans l’actualité : Me too, Trouble dans le genre, Black Lives Matter, etc.

Cette évolution obéit à de puissants ressorts, sur lesquels les sociologues ont été les premiers à se pencher. Cinq directions principales sous-tendent leurs conclusions.

Sociologie du goût

À travers les « book clubs » s’exprime un goût « middlebrow », si l’on en croit Janice A. Radway, l’auteure de A Feeling for Books The Book-of-the-Month Club, Literary Taste, and Middle Class (1997). Soit à égale distance du « low brow » et du high brow, correspondant au goût, autrefois hégémonique, de la classe moyenne éduquée, où ce sont traditionnellement les femmes (blanches) qui lisent. Mais ce temps est plus que révolu, et les publics, plus jeunes, se sont beaucoup renouvelés et diversifiés. À l’image d’OKHA, club de lecture queer + black, ouvert à Londres en 2019 par l’Anglo-nigériane Khloé Bailey Obazee.

Une radiographie des besoins

Ces besoins seraient au nombre de 4, les « 4 C », d’après Corinna Norrick-Rühl (Book Clubs and Book Commerce, 2020). Convenance (personnelle) : chacun sa niche, de préférence au plus près de chez soi. Communauté (avec l’orientation communautariste pointée plus haut) : sans qu’il soit besoin d’évoquer la figure de Jürgen Habermas, le « book club » est avant tout un espace, non de privatisation, mais de sociabilité, de mise en public et en commun. Concession : à l’image des compromis qu’on est constamment amené à passer avec les autres membres. Au sein d’un « book club », pas question de vaincre ou de dominer. Le lecteur un tant soit peu envahissant, ou par trop persuasif, comprend vite qu’il n’a pas sa place dans le groupe. L’espace ainsi ouvert est le contraire d’une arène, se voulant plutôt l’équivalent de l’antique agora, du forum cher aux Romains. Et, enfin, Curation (thérapie, soin, sélection, en anglais). Lire, ce serait se soigner, car les livres, dit-on, guérissent…


À lire aussi : À quand les livres remboursés par la Sécurité sociale ?


Une culture de la célébrité

Sont prescripteurs, et mêmes souvent décideurs en matière de lecture, les people, mannequins et autres « influenceurs », auxquels les éditeurs, via leurs attachés de presse, font les yeux doux, afin de promouvoir leurs « têtes de gondole ». Le « book club » lancé en 1996 par Oprah Winfrey compte aujourd’hui plus de 5 millions de membres, dont entre 70 et 80 % de femmes. L’actrice Emma Watson, vedette de la série de films Harry Potter, aujourd’hui Ambassadrice « de bonne volonté » à l’ONU a fondé en 2016 « Our Shared Self », notre étagère partagée, en français. Le titre joue habilement de la proximité, en anglais, entre self (le moi) et shelf (le rayonnage de la bibliothèque). À l’image du féminisme soft qu’elle promeut, ces clubs témoignent, si besoin était, de la puissance du soft power culturel.

Une pratique à effet « transformationnel »

C’est la thèse – behavioriste – soutenue par Elizabeth Long, dans Book Clubs : Women and the Uses of Reading in Everyday Life (2003). Pour elle, les lectrices s’y montrent à l’aise et sans complexe quant à leur position face au capital culturel, dès lors qu’elles sont passées par les bancs de l’université, mais également inquiètes de voir que la lecture les a certes puissamment transformées – comprenons émancipées – mais pas au point de pouvoir rivaliser avec les hommes, qui, eux, ne lisent pas et continuent de les exclure, même si c’est de moins en moins vrai.

Un « capital social »

Capital social est à entendre ici non au sens de Bourdieu, mais de Robert Putnam (Bowling Alone, The Collapse and Revival of Community, 2000). Soit un lien social particulièrement mis à mal par l’individualisation et l’individualisme, l’un et l’autre synonymes de fragmentation du sens de la communauté – d’anomie, en un mot. Or, lire en club, et non plus, justement, en solo (« Alone »), c’est résister, consciemment ou inconsciemment, aux forces délétères qui rongent le corps social, jusqu’à le vider de sa substance et de ses liens. C’est faire du « book club » l’équivalent d’une société secrète, avec ses règles et références propres, dont les membres auraient conclu entre eux un pacte, prônant une résistance, voire dissidence plus ou moins larvée.

Les critiques littéraires ne sont pas en reste. Martha Nussbaum parle plus volontiers de philosophie et d’éthique que de « book clubs ». Mais en exposant les raisons qui font que la littérature compte, et ce bien au-delà du cercle étroit des campus où elle s’enseigne, et que lectrices et lecteurs, par dizaines ou centaines de milliers, sont fondés à voir dans les livres, sinon des directeurs de conscience, en tout cas de puissants auxiliaires à l’instruction citoyenne, à l’éducation à la vie et à ce qui fait qu’on est ou qu’on devient humain, Nussbaum épouse implicitement la cause des « book clubs » et valide leur raison d’être.

L’art de s’accorder (plutôt que de critiquer)

Terminons avec Rita Felski. Le tableau contrasté que la chercheuse à l’Université de Virginie met en place dans ses deux derniers ouvrages éclaire grandement le paysage intellectuel et culturel dans lequel les « book clubs » prennent toute leur part. The Limits of Critique (2015) revient sur « l’herméneutique du soupçon » – la formule est de Paul Ricœur – à la faveur de laquelle l’acte critique, dont Kant a fait le pilier de tout jugement, en même temps que la clef de voûte des Lumières, en est venu, au fil du temps, à revêtir, aux yeux du grand public en tout cas, un coefficient de plus en plus élevé de négativité et de défiance. La critique, de type analytique, y prend des accents de dissection, de distanciation, d’impersonnalité. Soit un parfait repoussoir.

A contrario, Hooked : Art and Attachment (2020) décrit la tendance inverse. Comme en réaction à l’emprise de la critique, Felski souligne ce que cela signifie, en positif, que d’être « accro », charmé, mordu, captivé, etc. L’attachement, sa valeur phare, manifesté en présence des œuvres d’art, Michel Ange ou le dernier roman de Colson Whitehead, a pour synonyme l’identification, l’adhésion, l’interprétation non conflictuelle, l’aptitude, ô combien précieuse, à pratiquer l’art de l’écoute et de l’accord (« attunement », en anglais).

À l’évidence, « accro », « attachés » ou « accordés », les lecteurs de « book clubs » le sont. Quand bien même on n’y répugne pas à « noter » les livres – comme à l’école, mais n’attribue-t-on pas également une note, de nos jours, aux hôtels et aux restaurants (au temps d’avant la pandémie) ? – leur motivation profonde est tout sauf d’ordre « analytico-critique ». Le rapport au livre y est d’abord détendu et décomplexé, sans exclure qu’il puisse devenir studieux par la suite – loin de la sacralisation prêtée, souvent à tort, à la littérature, mais au plus près d’une communauté partagée, celle des vivants et des morts : « avec les livres, ce sont d’autres hommes qui nous offrent le moyen d’être homme, c’est-à-dire soi-même, véritablement, dans la communauté partagée. » (Danièle Sallenave, Le Don des morts : sur la littérature, 1991). Alors qu’on pourrait la penser proche du hobby, de ce qu’autrefois on appelait le « violon d’Ingres », la pratique du « book club » s’en distingue en ce qu’elle ne se réduit pas à une ligne de plus sur un C.V. Elle aide, non à paraître, mais bien plutôt à s’accomplir, à comprendre qu’on peut parfaitement devenir soi en lisant à plusieurs. Mais sans coach ni gourou.

Reste à savoir comment la pandémie va impacter le phénomène. Avec le basculement en ligne d’un nombre croissant d’activités humaines, la conversion du « book club » vers le numérique semble inéluctable. Mais cette dernière va justement à l’encontre du besoin de convivialité et de socialisation qui a fait le succès de la formule. Le « book club » ne risque-t-il pas de se fracasser contre le plafond de verre de la virtualité ? On s’en souvient, la vogue des apéros virtuels, au temps du premier confinement, fut aussi foudroyante qu’éphémère. En définitive, de part et d’autre des écrans, on était resté sur sa soif en matière de « présence réelle », sans pouvoir l’étancher. Il y a fort à parier, mais on espère se tromper, que la pratique du clubbing exclusivement en ligne finira par laisser ses adeptes sur leur faim, y compris sur leur faim de livres…

Coincé·e·s à la maison ? Voyageons dans l’espace !

05 mardi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

Auteur

  1. Yaël NazéAstronome FNRS à l’Institut d’astrophysique et de géophysique, Université de Liège
Université de Liège
AUF (Agence Universitaire de la Francophonie)
CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information

Nous avons été si longtemps coincés à la maison, et si pour bien débuter l’année, on s’offrait un voyage dans l’espace ?

Planètes à gogo ?

Pas besoin de grand télescope pour repérer des planètes : les anciens observaient d’ailleurs toutes les planètes jusque Saturne sans problème, alors à vous d’essayer !

Le matin, juste avant le lever de Soleil, jetez un œil côté est, là où l’astre du jour va apparaître. Vous verrez Vénus qui brille de tous ses feux (impossible de la manquer !). Surnommée étoile du berger, elle ne quitte jamais le voisinage solaire – on ne peut donc la voir que le soir ou le matin (et en ce moment, c’est le matin – et c’est le dernier moment, il faudra attendre l’été 2021 pour la revoir, mais cette fois, le soir). Vénus est une planète avec une taille proche de la Terre, et une atmosphère très dense. Il y fait très, très chaud, plus de 400°C, à cause d’un effet de serre très fort, lié au dioxyde de carbone rejeté par ses nombreux volcans.

Capture d’écran du site Stellarium qui vous indique, selon votre localisation et l’heure, ce que vous pouvez voir dans le ciel. Stellarium

Le soir, côté sud, votre œil de lynx repèrera peut-être un astre rougeâtre: c’est Mars… C’est sa couleur qui lui valut d’être associée au dieu de la guerre, mais elle est en fait due à de l’oxyde de fer (de la rouille). Ce monde, plus petit que la Terre, possède des volcans géants (plus de deux fois l’Everest), une météo dynamique (avec vents, de fréquents petits tourbillons, et parfois des tempêtes à l’échelle planétaire), des calottes polaires… et bien sûr tout un tas de rivières asséchées.

Les soirs de décembre, juste après le coucher du Soleil, vous avez probablement vu Jupiter au sud-ouest. Après le Soleil, la Lune et Vénus, c’est en effet l’objet le plus brillant du ciel. Il s’agit de la plus grande planète de notre système solaire (Jupiter est dix fois plus grand que la Terre!), mais c’est aussi une géante gazeuse accompagnée de dizaines de lunes. Non loin de lui se trouvait Saturne, mais l’éclat de cette planète-là la rend moins aisément repérable, et impossible de voir ses superbes anneaux à l’œil nu, bien sûr. On retrouvera la paire planétaire le matin dès mars 2021.

Les constellations

Étape suivante : se munir d’une carte du ciel (voyez ce site si vous n’en avez pas chez vous) et repérer les constellations. Attention, depuis la ville, difficile de voir plus qu’une dizaine d’étoiles, mais depuis un lieu moins éclairé, vous aurez évidemment accès à plus d’étoiles…

Les étoiles principales de la Grande Ourse sont cependant brillantes et repérables toute la nuit. En prolongeant le bord de cette “casserole”, vous arriverez sur l’étoile Polaire, une étoile peu brillante autour de laquelle le ciel semble tourner (simplement parce qu’elle se trouve, par hasard, dans la direction de l’axe de rotation de notre planète – voir expérience ci-dessous). Continuez à prolonger le bord de la casserole et vous tomberez sur le W de Cassiopée. L’étoile au milieu de ce W est gamma Cas, une étoile massive très mystérieuse. Elle contient de la matière chauffée à des millions de degrés, pour une raison encore inconnue…

Orion et le rang d’oignons

Vous pouvez aussi facilement repérer Orion, avec son alignement central de trois étoiles en rang d’oignons. On y trouve une étoile à l’éclat rougeâtre : Bételgeuse. Cette supergéante rouge est vraiment très grande : sa taille est proche de la taille de l’orbite de Jupiter (son rayon atteint 700 millions de kilomètres, soit mille fois plus grand que notre Soleil, ou cinq fois la distance Soleil-Terre). Elle a beaucoup fait parler d’elle récemment, car son éclat était plus faible. Certains y ont vu le début de la fin pour cette étoile mourante, l’annonce d’une explosion prochaine… mais la vie reprend son cours, et l’étoile resplendit à nouveau.

Dirigez ensuite vos jumelles en dessous des trois étoiles alignées : vous verrez une petite zone floue… c’est un grand nuage, la nébuleuse d’Orion (aussi appelée M42). Des milliers d’étoiles sont en train de naître dans cette pouponnière géante.

La constellation du Taureau

Pas loin de là se trouve la constellation du Taureau avec son V caractéristique et un joli groupe d’étoiles, les Pléiades. Il s’agit d’un amas, un groupe d’étoiles nées toutes ensemble. Auparavant, on demandait de compter les étoiles qu’on y voyait pour tester l’acuité de la vision, mais aujourd’hui, ne pas en voir beaucoup ou ne pas les voir du tout marque surtout la présence d’une forte pollution lumineuse…

Capture d’écran du site Stellarium présentant la constellation du Taureau. Stellarium

Des étoiles en vrac

Après cela, vous pouvez vous amuser à repérer d’autres objets à l’aide de la carte du ciel. Non loin d’Orion, essayez de trouver les jumeaux Castor et Pollux, Capella, et Sirius (la plus brillante étoile du ciel, accessoirement connue aussi comme parrain d’Harry Potter). Profitez-en pour réviser votre mythologie gréco-romaine, remplie d’histoires merveilleuses !

Pour ceux qui veulent aller plus loin avec leurs jumelles, sous un ciel bien noir (à la campagne, donc, pas en ville), vous pouvez tenter de repérer d’autres amas d’étoiles : amas de la crèche, double amas de Persée… sans oublier en début de nuit la galaxie d’Andromède.

Actu céleste !

Et puis, les découvertes continuent à s’amonceler, covid ou pas covid. Comment suivre cette actualité ? Il existe des sites dédiés (par ex. news astro-géo, chaque jour en français) et les sites des agences et observatoires sont toujours prêts à vous accueillir. Côté européen, signalons le site de l’ESO et celui de l’ESA.

Enfin, vous aurez peut-être envie de «faire» quelque chose et c’est là aussi tout à fait possible. Depuis longtemps, les astronomes collaborent avec le public pour faire avancer la science. De tels projets de science participative se font aujourd’hui souvent sur le web, et ne demandent aucune formation particulière – il y a le rassembleur zooniverse, mais aussi des projets belges. Les (nombreuses) découvertes, elles, ne seront en rien virtuelles, comme l’ont montré les projets précédents !

D’autre part, il est aussi possible de découvrir le ciel avec les enfants. L’agence spatiale européenne possède ainsi une déclinaison kids et des astronomes partagent aussi leurs ressources. Autre exemple pas pris au hasard : la cellule de diffusion des sciences de l’université de Liège propose plusieurs c «ahiers d’exploration du ciel», remplis d’informations et de bricolages avec notamment une expérience pour comprendre pourquoi la polaire ne bouge pas), un cahier «(g)astronomie» mêlant recettes et infos, plus des fiches «bijoux célestes» permettant de réaliser un collier système solaire ou un pendentif galaxie (– c’est l’occasion de préparer des cadeaux de Noël “maison”)…

Bref, c’est le moment de mettre une touche de cosmos dans votre vie !

Comment le terme « judéo-chrétien » a été instrumentalisé politiquement

04 lundi Jan 2021

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

≈ Poster un commentaire

Auteur

  1. Toby GreeneLecturer in the Department for Political Studies, Bar-Ilan University

Toby Greene a reçu des financements du projet européen Horizon 2020.

Partenaires

Voir les partenaires de The Conversation France

CC BY NDNous croyons à la libre circulation de l’information
Concert de U2 (Vertigo Tour), le 22 septembre 2009.
Concert de U2 (Vertigo Tour), le 22 septembre 2009. Bonovox84/Wikimedia , CC BY-SA

En France, une certaine frange de la droite radicale et l’extrême-droite nourrit son discours sur la base d’un conflit de civilisation, avec la théorie d’un « grand remplacement », projet qui viserait à remplacer la population majoritaire « blanche » par une population issue de l’immigration et/ou « musulmane ». Or cette idéologie s’appuie sur une vision distincte de l’identité européenne.

Ma recherche récente sur les représentations du monde politique chez plusieurs partis de la droite radicale fait ainsi état d’une référence constante aux racines « judéo-chrétiennes » comme fondatrices d’un patrimoine commun, qui serait désormais menacé par les cultures non européennes, en particulier la culture islamique.

Cette vision rompt avec l’idée que les valeurs démocratiques sont essentiellement laïques et universelles, et non liées à des racines culturelles ou religieuses spécifiques.

Ainsi, dans son manifeste l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) déclare que le parti :

S’oppose à la pratique islamique qui est dirigée contre notre ordre constitutionnel libéral-démocrate, nos lois et les fondements judéo-chrétiens et humanistes de notre culture.

Des déclarations similaires peuvent être trouvées chez Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement national (RN) ou le leader de l’extrême-droite (Ukip) Nigel Farage au Royaume-Uni.

Qu’entend-on ici par judéo-chrétien ? La définition de ce terme est pour le moins floue, et l’analyse historique montre qu’il est instrumentalisé de longue date à des fins politiques.

L’émergence des racines « judéo-chrétiennes »

Bien que les racines juives du christianisme soient claires, les Juifs étaient considérés comme parias dans l’Europe chrétienne pré-moderne.

L’Europe ayant progressivement abandonné l’identité de la « chrétienté » à partir du XVIIIe siècle, les efforts visant à faire des Juifs une partie légitime de la société européenne ont été une lutte politique, à laquelle les conservateurs religieux et les antisémites ont résisté.

Dans l’Europe du XIXe siècle, les Juifs étaient encore communément regroupés avec les musulmans comme « sémites » ou « orientaux » non européens.

C’est au milieu du XXe siècle en Amérique, surtout après l’Holocauste, que l’idée de l’Occident comme judéo-chrétien a été largement acceptée. Lorsque le président Dwight Eisenhower a évoqué les racines judéo-chrétiennes de « notre modèle de gouvernement », il a choisi des termes qui englobaient différentes confessions chrétiennes et les Juifs au sein d’une identité civique commune – qui contrastait avec les idéologies antisémites et athées du fascisme et du communisme.

Cette utilisation relativement bénigne du terme – en tant que référence inclusive, au plus petit dénominateur commun, aux racines confessionnelles des valeurs occidentales – a depuis été appliquée par de nombreux politiciens européens.

Cependant, le terme judéo-chrétien a été repris par la droite radicale pour servir un programme politique différent.

Une droite radicale opportuniste

Avant son assassinat en 2002, l’homme politique néerlandais Pim Fortyn, leader d’un parti de droite populiste, a été l’un des premiers Européens à adopter cet usage du mot judéo-chrétien.

L’usage exclusif de ce mot s’est répandu à mesure que les politiciens de la droite radicale se positionnent de plus en plus non seulement comme défenseurs de leurs nations respectives, mais aussi de la civilisation européenne. Les leaders de la droite radicale, comme le politicien néerlandais Geert Wilders, affirment qu’ils sont menacés par les politiciens traditionnels qui « promeuvent notre islamisation » par le biais du multiculturalisme et de l’immigration.

Alors qu’historiquement, l’extrême droite européenne dépeignait les Juifs comme une menace, de nombreux membres de la droite radicale d’aujourd’hui prétendent défendre les Juifs contre ceux qu’ils qualifient de véritables antisémites en Europe : les musulmans.

« L’Europe se termine en Israël »

Cette redéfinition des frontières culturelles de l’Europe inclut un changement de regard sur Israël. Jusqu’à récemment, Israël était généralement perçu négativement au sein des partis radicaux de droite comme un bras du pouvoir juif et américain malveillant. Aujourd’hui, il est courant que les partis de la droite radicale accueillent Israël comme la ligne de front de l’Europe contre l’islam radical.

Le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, s’est parfois aligné sur cette tendance en présentant Israël comme la frontière de la civilisation judéo-chrétienne contre l’extrémisme islamiste. En 2017, il a dit aux dirigeants européens :

Nous faisons partie de la culture européenne… L’Europe se termine en Israël.

Une question politique et non « civilisationnelle »

Le politologue Samuel Huntington a affirmé en 1993 qu’un « choc des civilisations » était inévitable entre l’Islam et l’Occident. Ses détracteurs contre-argumentent cependant que non seulement les civilisations évoluent, mais que les identités civilisationnelles servent surtout les programmes politiques.

Définir l’Occident comme judéo-chrétien, et en tension inévitable avec l’islam, est un choix politique clair.

De nombreux musulmans pourraient avoir des difficultés à concilier leur foi avec la société européenne pluraliste. Mais la foi des musulmans ne détermine pas leur attitude à l’égard du libéralisme, tout comme la foi des juifs ou des chrétiens ne le fait pas.

En cas de doute, regardez comment le maire de Londres et musulman pratiquant, Sadiq Khan, a célébré Hanoukka avec les juifs de Londres à Trafalgar Square.https://www.youtube.com/embed/4v83mgOGcuw?wmode=transparent&start=3

Les pays européens où les minorités musulmanes sont de plus en plus nombreuses sont confrontés à des défis de radicalisation. La manière dont les politiques présentent la question des « valeurs européennes » dans ces pays est importante.

L’affirmation de la droite radicale selon laquelle les valeurs judéo-chrétiennes de l’Europe sont incompatibles avec l’islam renforce l’affirmation parallèle des islamistes, qui cherchent à persuader les musulmans que l’Occident et l’islam sont intrinsèquement en conflit.

Les « accords d’Abraham » : de nouvelles tentatives de rapprochement

Dans le monde arabe, on observe de nouvelles tentatives pour contrer cette idéologie et mettre en évidence les points communs entre les traditions occidentales et islamiques.

En septembre 2020, les Émirats arabes unis et Bahreïn ont signé des accords de paix historiques avec Israël. Ces accords s’expliquent facilement par des motivations stratégiques, notamment les préoccupations arabes concernant la menace de l’Iran. Mais il est à noter que ces accords ont été qualifiés en termes religieux et culturels d’« Accords d’Abraham ».

Cela s’inscrit dans un programme plus large des Émirats Arabes Unis, qui ont annoncé en 2019 la construction d’une « maison » interconfessionnelle de la « Famille Abrahamique », comprenant une église monumentale, une mosquée et une synagogue.

Le pays a choisi de mettre l’accent sur les points communs culturels entre le judaïsme, le christianisme et l’islam, symbolisés par Abraham qui est vénéré par les trois religions.

Le patriarche Abraham
Le patriarche Abraham. Détail d’un tableau du Guerchin (1657), pinacothèque de Brera, Milan, Italie. Octave 444/Wikimedia, CC BY-NC

Un choix politique

Les Émirats Arabes Unis espèrent sans doute que cette proposition renforcera leur image en Occident. Mais ce choix va également à l’encontre de l’idée islamiste selon laquelle l’Occident et sa culture sont toxiques pour l’Islam, une affirmation qui sape la légitimité des dirigeants du Golfe qui dépendent du soutien américain et cherchent à se rapprocher d’Israël.

Considérer les juifs, les chrétiens et les musulmans comme faisant partie d’une famille abrahamique n’est pas moins un choix politique que de considérer les civilisations judéo-chrétienne et islamique comme étant en conflit.

Reste que ces tentatives arabes de construire un récit abrahamique peuvent remettre en question non seulement le programme anti-occidental des extrémistes islamistes, mais aussi les politiciens européens qui présentent les musulmans comme étant intrinsèquement anti-occidentaux, antisémites et menaçants.

Elles peuvent constituer une opportunité pour les Européens qui cherchent à renforcer les récits inclusifs et pluralistes de l’identité occidentale, et à contrer la radicalisation islamiste.

← Articles Précédents
Articles Plus Récents →
janvier 2021
L M M J V S D
 123
45678910
11121314151617
18192021222324
25262728293031
« Déc    

Stats du Site

  • 96 175 hits

Liens

  • Associations-patrimoines
  • La Fédération d'environnement Durable
  • Moelle Osseuse
  • Visite de Mirmande
janvier 2021
L M M J V S D
 123
45678910
11121314151617
18192021222324
25262728293031
« Déc    

Commentaires récents

Le Soudanite dans Nutrition : pour bien vieillir…
Le Soudanite dans Nutrition : pour bien vieillir…
L’Écologie aux porte… dans L’Écologie aux portes du pouvo…
jac-zap dans Comment les allocations chômag…
L’Union politique eu… dans L’Union politique européenne v…

Propulsé par WordPress.com.