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Pyrénées françaises : un cocktail toxique « impressionnant » détecté dans les lacs de montagne

28 samedi Mai 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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  1. Dirk S. SchmellerProfessor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier

Déclaration d’intérêts

Dirk S. Schmeller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Comparées aux plaines envahies par les humains, les montagnes sont un paradis. Un havre pour de nombreux touristes, pour notre cher bétail et bien sûr aussi pour nos animaux sauvages. De l’air pur, de l’eau propre, des paysages verts, des reliefs impressionnants et beaucoup de calme.

Ce paradis s’est toutefois fissuré. Le changement climatique a un impact particulièrement important sur ces hauteurs (comme dans l’Arctique et l’Antarctique) et dégrade les forêts.

L’augmentation de la température moyenne y est plus marquée qu’en plaine, tout comme les variations des précipitations – il y a parfois des sécheresses et parfois des inondations – ce qui contribue à la disparition de nos glaciers. De nouvelles études ont également montré que la pollution plastique avait atteint les montagnes que l’on pensait préservées.

En 2007, nous avons commencé à travailler dans les Pyrénées françaises (comme le documente Adeline Loyau dans ce livre sur notre travail).

À l’époque, et encore aujourd’hui, il s’agissait entre autres de comprendre pourquoi la chytridiomycose (voir ici ou ici, une maladie affectant les amphibiens, apparaissait dans certaines régions de montagne.

Lac Prat Matao dans le Massif du Mont Valier
Lac Prat Matao dans le Massif du Mont Valier. Dirk S. Schmeller/Damien Mayoussier, Author provided (no reuse)

Pourquoi tel lac est-il touché, et pas tel autre ? En 2014, nous avons réalisé une avancée importante après trois ans de travail d’équipe laborieux : nous avons pu démontrer que le zooplancton des lacs de montagne constitue une barrière biologique qui préserve l’habitat des amphibiens (étangs et lacs de montagne). Il les protège du dangereux champignon chytride Batrachochytrium dendrobatidis, à l’origine de la chytridiomycose.

Cependant, le zooplancton est très sensible aux changements environnementaux, en particulier dans les régions montagneuses, qui connaissent des conditions environnementales extrêmes et peuvent servir d’habitat à relativement peu d’espèces adaptées.Gestion des lacs de montagne.

Au cours de nos recherches, nous avons également pu observer certains changements très frappants : disparition des amphibiens, croissance des algues, variations de plus en plus importantes du niveau de l’eau, etc.

Nous avons lancé en 2016 le projet financé par le Belmont-Forum intitulé « People, pollution and pathogens » (personnes, pollution et agents pathogènes).

Objectif : regarder de plus près l’évolution des lacs de montagne. Outre l’étude de la dynamique du zooplancton, des bactéries et autres micro-organismes, il s’agissait également de mieux comprendre la pollution chimique de ces eaux.

Les Américains avaient déjà fait de nombreuses recherches à ce sujet, par exemple dans la Sierra Nevada il y a quelques années, mais les méthodes se sont améliorées depuis et les possibilités de détection vont jusqu’au nanogramme par litre. Cela signifie que les traces les plus infimes de substances chimiques peuvent désormais être décelées.

Pour analyse la pollution chimique, nous avons placé des échantillonneurs passifs dans huit lacs de montagne des Pyrénées françaises situés entre 1714 et 2400 m d’altitude. Les échantillonneurs passifs, constitués de plaquettes de silicone, simulent des corps gras d’animaux vivants et ont pour fonction d’accumuler des substances lipophiles (qui aiment les graisses). La plupart des 1500 molécules chimiques de pesticides et autres substances organiques (qui comportent de nombreux atomes de carbone) actuellement en circulation en Europe et dans le monde sont précisément lipophiles.

Nous sommes rendus trois fois par an pendant trois ans (2016–2018) dans chacun de nos lacs pour y effectuer une analyse non seulement spatiale, mais aussi temporelle de la pollution.

En laboratoire, il est actuellement possible de détecter 479 produits chimiques organiques, dont des polluants organiques persistants, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des pesticides anciens et actuels, des biocides et des parfums musqués.

Il était évident pour nous que nous allions trouver des substances chimiques dans nos lacs. Pourquoi seraient-ils épargnés alors que nous avons déjà pollué chimiquement des régions presque désertes de notre planète, comme l’Antarctique ? Cependant, nous avons été surpris par l’ampleur de cette pollution : nous avons découvert 141 molécules différentes dans nos huit lacs de montagne, dans les Pyrénées ariégeoises (deux lacs), le Néouvielle (trois lacs) et le Béarn (trois lacs).

Parmi elles, des fongicides, des herbicides, des insecticides, des pesticides difficilement dégradables, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des biphényles polychlorés et autres. Nous avons pu détecter entre 31 et 70 molécules différentes par lac. La plus grande diversité de molécules a été trouvée dans l’étang d’Ayes en Ariège.

Un cocktail chimique impressionnant dans les huit lacs dont découle une toxicité chronique pour les crustacés. Ces derniers sont une composante importante du zooplancton et leur abondance diminue à mesure que la toxicité augmente. Nos données montrent également une réduction de la diversité des rotifères, un deuxième groupe d’espèces constitutives du zooplancton, avec une toxicité croissante pour les algues.

Cette dernière provient principalement des herbicides détectés (par exemple, atrazine, terbuthylazine et autres). Nous supposons que certaines algues sont tuées par la pollution et que les rotifères spécialisés qui se nourrissent de ces algues disparaissent aussi localement. Il s’agit d’une hypothèse, qui doit être testée plus avant.

La pollution chimique des lacs de montagne entraîne une forte modification de la composition de la communauté zooplanctonique et donc du fonctionnement de ces écosystèmes. Cela pourrait être l’une des raisons pour lesquelles les algues prolifèrent dans certains de nos lacs, car les crustacés, une fois disparus, ne peuvent plus contrôler la croissance des algues vertes.

Petit lac en Ariège.

Ces changements ont également pour effet indirect d’affaiblir la population d’amphibiens. En effet, le zooplancton constitue une barrière biologique vis-à-vis du champignon chytride amphibie, responsable de la chytridiomycose. En d’autres termes, le zooplancton ne peut très probablement plus jouer son rôle de protecteur des amphibiens.

Il pourrait en être de même pour d’autres agents pathogènes et donc présenter un risque de santé pour l’homme et le bétail de pâturage. Nos échantillons seront étudiés plus avant dans cette direction.Nos lacs de montagne sont pollués.

Reste la question de savoir comment cette pollution s’est produite. La grande diversité des molécules est très probablement liée au transport atmosphérique : les produits chimiques utilisés en plaine sont soulevés dans l’air par évaporation. Ces masses d’air sont ensuite poussées vers les montagnes, et les substances chimiques qu’elles contiennent s’y déversent sous forme de précipitations.

Ces molécules se retrouvent alors dans les lacs de montagne et peuvent s’accumuler dans les organismes vivants, par exemple dans les poissons introduits, et bien sûr dans le zooplancton.

La toxicité élevée de certains de nos lacs de montagne est principalement causée par deux molécules, le diazinon et la perméthrine, des insecticides très actifs. Le diazinon est utilisé pour lutter contre les blattes, les poissons d’argent, les fourmis et les puces dans les habitations.

La perméthrine se trouve dans les produits de lutte contre les insectes suceurs, comme les moustiques ou les tiques et est utilisée pour protéger les chiens et le bétail. On en trouve aussi dans les insecticides pour les humains. Cela signifie que ces deux molécules ont très probablement été introduites dans les lacs par des sources locales (comme le bétail, les touristes, les chiens), et ce en quantité haute en concentration, sinon nous aurions eu du mal à les détecter dans les centaines d’hectolitres d’eau présents dans ces lacs.

Un changement radical de mentalité est nécessaire : il faut cesser d’utiliser ces insecticides. Seuls les produits chimiques que nous n’utilisons pas n’auront aucune influence sur notre environnement.

L’autonettoyage des lacs, qui est possible grâce à des processus biologiques et par la dilution, ne peut avoir lieu que si aucun nouveau polluant n’est introduit dans l’écosystème. Il existe déjà des alternatives végétales aux insecticides, comme du spray aux huiles végétales, ou des répulsifs comme la citronnelle.Lacs de Montagne.

Mais la question se pose également de savoir qui est responsable de la pollution et de la dégradation des lacs de montagne : les fabricants de ces produits ou les utilisateurs ? Les décideurs sont interpellés.


Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a soutenu près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 55 pays. Pour en savoir plus, consultez le site du Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AxaResearchFund.

Publié: 23 mai 2022, 21:56 CEST

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  1. Dirk S. SchmellerProfessor for Conservation Biology, Axa Chair for Functional Mountain Ecology at the École Nationale Supérieure Agronomique de Toulouse, Université de Toulouse III – Paul Sabatier

Déclaration d’intérêts

Dirk S. Schmeller ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Comparées aux plaines envahies par les humains, les montagnes sont un paradis. Un havre pour de nombreux touristes, pour notre cher bétail et bien sûr aussi pour nos animaux sauvages. De l’air pur, de l’eau propre, des paysages verts, des reliefs impressionnants et beaucoup de calme.

Ce paradis s’est toutefois fissuré. Le changement climatique a un impact particulièrement important sur ces hauteurs (comme dans l’Arctique et l’Antarctique) et dégrade les forêts.

L’augmentation de la température moyenne y est plus marquée qu’en plaine, tout comme les variations des précipitations – il y a parfois des sécheresses et parfois des inondations – ce qui contribue à la disparition de nos glaciers. De nouvelles études ont également montré que la pollution plastique avait atteint les montagnes que l’on pensait préservées.

En 2007, nous avons commencé à travailler dans les Pyrénées françaises (comme le documente Adeline Loyau dans ce livre sur notre travail).

À l’époque, et encore aujourd’hui, il s’agissait entre autres de comprendre pourquoi la chytridiomycose (voir ici ou ici, une maladie affectant les amphibiens, apparaissait dans certaines régions de montagne.

Lac Prat Matao dans le Massif du Mont Valier
Lac Prat Matao dans le Massif du Mont Valier. Dirk S. Schmeller/Damien Mayoussier, Author provided (no reuse)

Pourquoi tel lac est-il touché, et pas tel autre ? En 2014, nous avons réalisé une avancée importante après trois ans de travail d’équipe laborieux : nous avons pu démontrer que le zooplancton des lacs de montagne constitue une barrière biologique qui préserve l’habitat des amphibiens (étangs et lacs de montagne). Il les protège du dangereux champignon chytride Batrachochytrium dendrobatidis, à l’origine de la chytridiomycose.

Cependant, le zooplancton est très sensible aux changements environnementaux, en particulier dans les régions montagneuses, qui connaissent des conditions environnementales extrêmes et peuvent servir d’habitat à relativement peu d’espèces adaptées.Gestion des lacs de montagne.

Au cours de nos recherches, nous avons également pu observer certains changements très frappants : disparition des amphibiens, croissance des algues, variations de plus en plus importantes du niveau de l’eau, etc.

Nous avons lancé en 2016 le projet financé par le Belmont-Forum intitulé « People, pollution and pathogens » (personnes, pollution et agents pathogènes).

Objectif : regarder de plus près l’évolution des lacs de montagne. Outre l’étude de la dynamique du zooplancton, des bactéries et autres micro-organismes, il s’agissait également de mieux comprendre la pollution chimique de ces eaux.

Les Américains avaient déjà fait de nombreuses recherches à ce sujet, par exemple dans la Sierra Nevada il y a quelques années, mais les méthodes se sont améliorées depuis et les possibilités de détection vont jusqu’au nanogramme par litre. Cela signifie que les traces les plus infimes de substances chimiques peuvent désormais être décelées.

Pour analyse la pollution chimique, nous avons placé des échantillonneurs passifs dans huit lacs de montagne des Pyrénées françaises situés entre 1714 et 2400 m d’altitude. Les échantillonneurs passifs, constitués de plaquettes de silicone, simulent des corps gras d’animaux vivants et ont pour fonction d’accumuler des substances lipophiles (qui aiment les graisses). La plupart des 1500 molécules chimiques de pesticides et autres substances organiques (qui comportent de nombreux atomes de carbone) actuellement en circulation en Europe et dans le monde sont précisément lipophiles.

Nous sommes rendus trois fois par an pendant trois ans (2016–2018) dans chacun de nos lacs pour y effectuer une analyse non seulement spatiale, mais aussi temporelle de la pollution.

En laboratoire, il est actuellement possible de détecter 479 produits chimiques organiques, dont des polluants organiques persistants, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des pesticides anciens et actuels, des biocides et des parfums musqués.

Il était évident pour nous que nous allions trouver des substances chimiques dans nos lacs. Pourquoi seraient-ils épargnés alors que nous avons déjà pollué chimiquement des régions presque désertes de notre planète, comme l’Antarctique ? Cependant, nous avons été surpris par l’ampleur de cette pollution : nous avons découvert 141 molécules différentes dans nos huit lacs de montagne, dans les Pyrénées ariégeoises (deux lacs), le Néouvielle (trois lacs) et le Béarn (trois lacs).

Parmi elles, des fongicides, des herbicides, des insecticides, des pesticides difficilement dégradables, des hydrocarbures aromatiques polycycliques, des biphényles polychlorés et autres. Nous avons pu détecter entre 31 et 70 molécules différentes par lac. La plus grande diversité de molécules a été trouvée dans l’étang d’Ayes en Ariège.

Un cocktail chimique impressionnant dans les huit lacs dont découle une toxicité chronique pour les crustacés. Ces derniers sont une composante importante du zooplancton et leur abondance diminue à mesure que la toxicité augmente. Nos données montrent également une réduction de la diversité des rotifères, un deuxième groupe d’espèces constitutives du zooplancton, avec une toxicité croissante pour les algues.

Cette dernière provient principalement des herbicides détectés (par exemple, atrazine, terbuthylazine et autres). Nous supposons que certaines algues sont tuées par la pollution et que les rotifères spécialisés qui se nourrissent de ces algues disparaissent aussi localement. Il s’agit d’une hypothèse, qui doit être testée plus avant.

La pollution chimique des lacs de montagne entraîne une forte modification de la composition de la communauté zooplanctonique et donc du fonctionnement de ces écosystèmes. Cela pourrait être l’une des raisons pour lesquelles les algues prolifèrent dans certains de nos lacs, car les crustacés, une fois disparus, ne peuvent plus contrôler la croissance des algues vertes.

Petit lac en Ariège.

Ces changements ont également pour effet indirect d’affaiblir la population d’amphibiens. En effet, le zooplancton constitue une barrière biologique vis-à-vis du champignon chytride amphibie, responsable de la chytridiomycose. En d’autres termes, le zooplancton ne peut très probablement plus jouer son rôle de protecteur des amphibiens.

Il pourrait en être de même pour d’autres agents pathogènes et donc présenter un risque de santé pour l’homme et le bétail de pâturage. Nos échantillons seront étudiés plus avant dans cette direction.Nos lacs de montagne sont pollués.

Reste la question de savoir comment cette pollution s’est produite. La grande diversité des molécules est très probablement liée au transport atmosphérique : les produits chimiques utilisés en plaine sont soulevés dans l’air par évaporation. Ces masses d’air sont ensuite poussées vers les montagnes, et les substances chimiques qu’elles contiennent s’y déversent sous forme de précipitations.

Ces molécules se retrouvent alors dans les lacs de montagne et peuvent s’accumuler dans les organismes vivants, par exemple dans les poissons introduits, et bien sûr dans le zooplancton.

La toxicité élevée de certains de nos lacs de montagne est principalement causée par deux molécules, le diazinon et la perméthrine, des insecticides très actifs. Le diazinon est utilisé pour lutter contre les blattes, les poissons d’argent, les fourmis et les puces dans les habitations.

La perméthrine se trouve dans les produits de lutte contre les insectes suceurs, comme les moustiques ou les tiques et est utilisée pour protéger les chiens et le bétail. On en trouve aussi dans les insecticides pour les humains. Cela signifie que ces deux molécules ont très probablement été introduites dans les lacs par des sources locales (comme le bétail, les touristes, les chiens), et ce en quantité haute en concentration, sinon nous aurions eu du mal à les détecter dans les centaines d’hectolitres d’eau présents dans ces lacs.

Un changement radical de mentalité est nécessaire : il faut cesser d’utiliser ces insecticides. Seuls les produits chimiques que nous n’utilisons pas n’auront aucune influence sur notre environnement.

L’autonettoyage des lacs, qui est possible grâce à des processus biologiques et par la dilution, ne peut avoir lieu que si aucun nouveau polluant n’est introduit dans l’écosystème. Il existe déjà des alternatives végétales aux insecticides, comme du spray aux huiles végétales, ou des répulsifs comme la citronnelle.Lacs de Montagne.

Mais la question se pose également de savoir qui est responsable de la pollution et de la dégradation des lacs de montagne : les fabricants de ces produits ou les utilisateurs ? Les décideurs sont interpellés.


Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a soutenu près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 55 pays. Pour en savoir plus, consultez le site du Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AxaResearchFund.

Les candidats pro-RIC, favoris des « gilets jaunes »

27 vendredi Mai 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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auteurs

  1. Frédéric GonthierProfesseur de science politique, Sciences Po Grenoble
  2. Tristan GuerraDoctorant en science politique, Sciences Po Grenoble

Déclaration d’intérêts

Frédéric Gonthier a reçu des financements de l’ANR Les Gilets jaunes : approches pluridisciplinaires des mobilisations et politisations populaires (ANR-20-CE41-0010)

Tristan Guerra a reçu des financements de l’ANR Les Gilets jaunes : approches pluridisciplinaires des mobilisations et politisations populaires (ANR-20-CE41-0010).

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Des ‘gilets jaunes’ participent au ‘Convoi de la liberté’ devant le mémorial canadien de Vimy, le 13 février 2022. Thomas Lo Presti/ AFP

Le vote des « gilets jaunes » a souvent été catalogué comme un vote de rejet. Dans un article récent, nous nous appuyons sur une expérimentation conduite pendant le mouvement pour mettre en évidence que les considérations programmatiques, à commencer par le référendum d’initiative citoyenne (RIC), occupent la première place dans leurs logiques de vote.

Une littérature abondante s’est intéressée aux liens entre les caractéristiques des électrices et des électeurs et les caractéristiques des candidates ou candidats. Il a notamment été souligné que les citoyens préfèrent les candidats qui leur ressemblent. Ce principe de congruence (« voter-politican congruency ») se décline selon trois grandes dimensions : une dimension statutaire (on préfère un candidat proche par son profil social), une dimension idéologique (on préfère un candidat qui partage nos idées et valeurs politiques), et une dimension plus programmatique (on préfère un candidat qui défend nos revendications, sans être forcément de la même origine sociale, ou de la même couleur politique).

Pour autant, comment les électeurs arbitrent-ils entre ces trois conditions quand elles ne sont simultanément remplies par un même candidat. En situation de choix électoral contraint, est-ce qu’on va préférer un candidat qui nous ressemble politiquement à un candidat qui nous ressemble idéologiquement, ou qui nous ressemble programmatiquement plutôt qu’idéologiquement ?

Le mouvement des « gilets jaunes » constitue un cas d’étude particulièrement intéressant pour étudier ce type de dilemme. Outre les questionnements qui l’ont travaillé sur la légitimité et la nature de la représentation, le mouvement a en effet été traversé par une tension forte entre une exigence de congruence statutaire (un représentant issu du peuple), une exigence de congruence idéologique (un représentant qui rejette le système partisan et l’opposition gauche-droite) et une exigence de congruence politique (un représentant qui soutient les doléances exprimées par le mouvement).

Saisir les choix électoraux de façon réaliste

Pour mieux comprendre comment s’organisent les préférences électorales des « gilets jaunes », nous avons eu recours à une expérimentation conjointe, une méthode souvent utilisée en science politique pour approcher la réalité des arbitrages électoraux. L’expérimentation a été conduite dans le cadre d’une grande enquête en ligne, administrée auprès de 2 743 participants ou soutiens au mouvement entre décembre 2018 et mars 2019.

Concrètement, nous avons posé une question formulée ainsi :

« Dans le tableau suivant, les candidats A et B sont deux candidats qui sollicitent votre suffrage pour être élus à l’Assemblée nationale lors de prochaines élections législatives. Merci de lire la description de chacun des deux candidats, puis d’indiquer votre préférence entre ces deux candidats. Même si vous n’êtes pas entièrement sûr de vous, merci d’indiquer lequel d’entre les deux vous préférez. »

Une série de vignettes étaient ensuite présentées, sur lesquelles apparaissaient les différents traits testés et relevant respectivement de la personne du candidat, de son idéologie et des principales revendications portées par le mouvement des « gilets jaunes » (instaurer le référendum d’initiative citoyenne, augmenter le smic, rétablir l’ISF, réduire les taxes sur les carburants – à quoi a été ajoutée la limitation des flux migratoires qui a fait débat à l’intérieur du mouvement).

Le principe de l’expérimentation est que chaque répondant se voit proposer de choisir entre (trois) paires de candidats dont les attributs sont tirés aléatoirement (figure 1). Sur cette base, il est possible d’isoler statistiquement les effets propres de chaque attribut, tout en contrôlant les caractéristiques sociales et politiques des répondantes et répondants.

Figure 1. Exemple de vignette proposée et présentant une combinaison aléatoire de caractéristiques. F. Gonthier, T. Guerra, Fourni par l’auteur

« RIC en toutes matières »

La figure 2 montre le degré de soutien à chaque attribut, net du soutien aux autres traits testés. Trois grands résultats se dégagent. D’abord, le sexe, l’âge et le niveau de diplôme sont globalement peu clivants, à l’exception des candidats diplômés de grandes écoles qui sont largement rejetés. Ensuite, un candidat qui défend les revendications phares du mouvement tend à être préféré à un candidat enseignant, travailleur social ou ouvrier – plus proche donc du profil moyen des « gilets jaunes » en termes de profession. Ce type de candidat est également préféré à un candidat qui signalerait une forme de proximité idéologique avec le mouvement en affirmant que « la plupart des responsables politiques sont corrompus ».

Enfin, parmi les revendications, c’est celle du RIC est la plus fortement soutenue ; ce qui est cohérent avec la centralité gagnée progressivement par ce thème dans le mouvement. Des analyses supplémentaires montrent d’ailleurs qu’un candidat défendant le RIC sera préféré dans tous les cas de figures, quelles que soient donc ses autres caractéristiques. En clair, la préférence pour un candidat soutenant le RIC conditionne toutes leurs autres préférences.

Figure 2. Caractéristiques préférées d’un candidat aux yeux des « gilets jaunes ». Les coefficients à droite du seuil de 0,5 indiquent une probabilité de soutien plus marquée pour la caractéristique considérée, celles à gauche une probabilité de rejet plus prononcée. F. Gonthier, T. Guerra, Fourni par l’auteur

Les logiques de vote intègrent aussi des considérations programmatiques

Un grand nombre de commentateurs ont affirmé que le vote des « gilets jaunes » serait avant tout de type protestataire, prompt à céder aux appels populistes des leaders charismatiques. Nos résultats invitent à relativiser cette lecture. Loin d’être uniquement motivées par le rejet des élites, les logiques de vote intègrent aussi des considérations programmatiques, à commencer par le RIC. De ce point de vue, ils ne se distinguent pas des électeurs ordinaires, dont les chercheurs ont souligné qu’ils préféraient une représentation fondée sur des préférences politiques partagées (substantive representation) à une représentation fondée seulement sur des caractéristiques sociales partagées (descriptive representation).

Surtout, nos résultats éclairent les performances à l’élection présidentielle des candidats ayant le plus ouvertement soutenu le RIC – à savoir Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen ou encore Jean Lassalle dont le gain électoral conséquent au premier tour (666086 voix de plus qu’en 2017) tient sans doute en grande partie à la labellisation de son programme par les collectifs œuvrant pour la mise en place du RIC. Certes, le soutien affiché aux réformes démocratiques n’est pas suffisant à faire élire un candidat. Mais il a pour mérite de contribuer à dynamiser une campagne et ramener aux urnes un électorat populaire démobilisé mais sensible à l’enjeu de représentation démocratique.

Cet article a été co-publié dans le cadre du partenariat avec Poliverse créé par une équipe de chercheurs et qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle.

Comment la guerre en Ukraine fragilise le partenariat Russie-Israël

26 jeudi Mai 2022

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  1. Lina KennoucheDocteur en géopolitique, Université de Lorraine

Déclaration d’intérêts

Lina Kennouche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Retransmission à Tel-Aviv de l’adresse du président ukrainien Volodymyr Zelensky à la Knesset, le 20 mars 2022. Jack Guez/AFP

 

Israël et la Russie ont bâti un partenariat qui peut être qualifié de pragmatique. Ces dernières années, la relation bilatérale a clairement suivi une tendance ascendante qui a culminé avec la signature d’un accord de coopération militaire et technologique en 2015.

La coopération s’est particulièrement matérialisée dans le cadre de la guerre en Syrie à travers un « mécanisme de déconfliction ». Ce dernier visait à empêcher les troupes israéliennes et russes de s’affronter sur le terrain et a permis à Tel-Aviv de mener la campagne aérienne « Operations beetween wars », prenant pour cible les positions de l’Iran et de ses alliés, sans être inquiété par Moscou.


À lire aussi : Les multiples conséquences du retrait américain du Moyen-Orient


En outre, la présence d’une importante diaspora russe en Israël, qui représenterait 15 % de la population, a permis aux deux pays de tisser un lien particulier. D’autant qu’Israël a longtemps été considéré comme l’Eldorado des oligarques russes, dont certains possèdent la nationalité israélienne à l’exemple de Roman Abramovitch, Mikhail Fridman, Petr Aven et Viktor Vekselberg, aujourd’hui ciblés par les sanctions internationales en raison de leurs liens supposés avec Vladimir Poutine.

Mais l’agression de l’Ukraine par la Russie a rebattu les cartes.

Un partenariat à rude épreuve

Israël a condamné sans ménagement l’invasion de l’Ukraine et accusé la Russie de commettre des crimes de guerre. Les tensions se sont traduites par une série de déclarations particulièrement critiques.

Dès le 27 février, le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid a exigé qu’Israël refuse toute aide aux oligarques russes juifs visés par les sanctions internationales. Cette orientation s’est confirmée le 14 mars lorsqu’un haut diplomate israélien a déclaré que son pays s’efforcerait de contribuer à l’application des sanctions contre les oligarques russes.

Surtout, les relations ont été fortement mises à mal en mai dernier après un échange tendu entre le ministre des Affaires étrangères russe et son homologue israélien qui a frôlé la crise diplomatique. Les commentaires de Sergeï Lavrov lors d’une interview accordée à une chaîne de télévision italienne le 1er mai – laissant entendre que la judéité du président Zelensky ne l’empêchait pas de s’allier avec les nazis et établissant un parallèle avec Hitler qui, d’après le chef de la diplomatie, « avait peut-être du sang juif » – ont entraîné une réaction virulente des officiels israéliens.

Alors que le Kremlin associe quasi systématiquement les dirigeants ukrainiens au nazisme, ces manifestants de Tel-Aviv comparent au contraire Vladimir Poutine à Hitler et affirment qu’Israël se tient aux côtés de l’Ukraine. Jack Guez/AFP

Le premier ministre Naftali Bennett et le ministre des Affaires étrangères Yair Lapid ont qualifié ces commentaires de « mensonges », « racistes » et « suintant l’antisémitisme ». En réponse, le ministère russe des Affaires étrangères s’est empressé d’accuser le gouvernement israélien actuel de soutenir « le régime néo-nazi » de Kiev. Selon des sources israéliennes reprises par la presse francophone, Poutine aurait présenté ses excuses à Israël mais cette information a été démentie par le Kremlin.

Ainsi, après avoir tenté un temps de jouer les médiateurs entre la Russie et l’Ukraine pour préserver l’entente en Syrie, Tel-Aviv a abandonné cette posture prudente, ralliant la stratégie de condamnation et d’isolement de la Russie adoptée par la plupart des pays occidentaux.

« L’Occident contre le reste du monde »

La guerre en Ukraine révèle donc aujourd’hui deux tendances profondes :

D’un coté, il n’y pas eu de mobilisation unanime des alliés et partenaires stratégiques des puissances occidentales pour isoler la Russie, ce qui révèle le fossé grandissant entre l’Occident et le reste du monde. Comme l’écrit la spécialiste de la Russie Angela Stent dans un article intitulé « The West vs. the Rest » dans Foreign Policy, le président russe a eu raison sur un point : « “le reste” – le monde non occidental – ne condamnerait pas la Russie et ne lui imposerait pas de sanctions. Le jour où la guerre a éclaté, le président américain Joe Biden a déclaré que l’Occident ferait en sorte que Poutine devienne un “paria sur la scène internationale” – mais pour une grande partie du monde, Poutine n’est pas un paria ».

À cet égard, l’attitude de l’Inde, considérée comme un pays démocratique, partenaire stratégique des États-Unis et membre du QUAD, est révélatrice de la polarisation « The West versus The Rest ». Au-delà des intérêts économiques et commerciaux qui unissent l’Inde à la Russie, la « doctrine Jaishankar » (du nom du ministre indien des Affaires étrangères qui a développé une rhétorique critique à l’égard des puissances occidentales) est empreinte d’une vision idéologique considérant le clivage entre l’Occident et l’Orient comme structurant.

Lors d’un discours prononcé le 1er octobre 2019 devant le think tank Atlantic Council – auquel fait référence le magazine international The Dipomat en le replaçant dans le contexte de la guerre d’Ukraine –, Jaishankar a rappelé les « deux siècles d’humiliation nationale » au cours desquels « “l’Occident” a soutiré à l’Inde quelque “45 000 milliards de dollars” en valeur (tout en soumettant la Chine à un seul siècle d’humiliation nationale). Dans cette formulation, les États-Unis font définitivement partie de “l’Occident” et l’Inde de “l’Orient ».Guerre en Ukraine : le double jeu de l’Inde – Le Dessous des cartes – L’Essentiel | Arte, 5 mai 2022.

L’Inde s’est abstenue lors des votes successifs au Conseil de sécurité, à l’Assemblée générale et au Conseil des droits de l’homme des Nations unies qui ont condamné l’invasion russe de l’Ukraine, s’accrochant fermement à une position de neutralité. New Delhi et Moscou œuvreraient également à la mise en place d’un mécanisme de paiement dans leurs monnaies nationales respectives pour contourner les sanctions occidentales contre les banques russes.

D’un autre côté, la guerre en Ukraine a permis l’unification politique des puissances occidentales, Israël faisant partie intégrante de ce bloc. Tel-Aviv se trouve, en effet, dans l’incapacité de se placer en dehors du consensus atlantique pour affirmer à l’instar de l’Inde, du Brésil, de l’Afrique du sud ou encore de l’Arabie saoudite et des Émirats son autonomie stratégique et cela pour plusieurs raisons.

Une alliance organique qui influe sur les choix politiques

Contrairement, aux autres pays, Israël n’est pas un allié stratégique mais organique des puissances occidentales et, dans la représentation israélienne dominante, sa survie dépend de ce soutien indéfectible.

La construction par Israël d’une menace existentielle – historiquement incarnée par les pays arabes, aujourd’hui par l’Iran et ses alliés – explique sa crainte qu’un acteur, dans son environnement immédiat, puisse acquérir des moyens militaires franchissant un seuil qualitatif. Le maintien de la supériorité militaire qualitative d’Israël (« Qualitative Military Edge ») a toujours été garanti par les États-Unis. Dans le cadre du protocole d’entente décennal pour la période 2019 à 2028, Washington a attribué à Israël une aide militaire de 38 milliards de dollars. Au seul titre de l’année 2022, l’administration Biden a demandé 3,3 milliards de dollars de subventions pour le financement militaire étranger d’Israël et 500 millions de dollars d’aide à la défense antimissile.États-Unis-Israël : en rencontrant Joe Biden, Naftali Bennett veut un nouvel élan • FRANCE 24, 26 août 2021.

Mais Tel-Aviv n’est pas seulement tributaire de l’aide américaine qui l’empêcherait de se positionner de manière indépendante des États-Unis. En effet, cette alliance organique renvoie aussi à une communauté de vision stratégique.

Une représentation partagée des défis stratégiques

Le rapport « Russia in the Middle East : National Security Challenges for the United States and Israel in the Biden Era » élaboré en 2021 par un groupe de travail réunissant à la fois des intellectuels et d’anciens militaires américains et israéliens traduit une représentation partagée du rôle de la Russie et définit les priorités d’une approche stratégique conjointe. On y trouve notamment ce passage :

« Les États-Unis et Israël devraient élever la Russie au rang de priorité stratégique dans leurs relations bilatérales et accroître la consultation et la coordination officielles pour contenir les défis que la Russie pose aux deux pays, au Moyen-Orient et dans les domaines cybernétique et technologique ».

La guerre en Ukraine a mécaniquement renforcé le fossé qui existe entre Israël, arrimé à l’Occident, et la Russie, les deux n’ayant jamais été des alliés stratégiques mais de simples partenaires pragmatiques. Si la convergence en Syrie n’est pas remise en cause à l’heure actuelle, elle demeure suspendue au devenir d’une relation bilatérale qui s’est fortement détériorée.

La guerre en Ukraine offre donc un point d’observation privilégié des transformations en cours de l’ordre international. Elle cristallise les divergences entre, d’une part, un camp occidental réunifié qui entend accroître le coût politique et économique de l’intervention militaire en Ukraine en mettant à genoux la Russie et en envoyant un signal fort à la Chine, et d’autre part les pays qui, guidés par la défense de leurs intérêts économiques et géopolitiques, cherchent à affirmer leur autonomie stratégique.

L’élite « de l’anti-élitisme », un paradoxe français

25 mercredi Mai 2022

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auteurs

  1. William GenieysDirecteur de recherche CNRS au CEE, Sciences Po
  2. Mohammad-Saïd DarvicheMaître de conférences, Université de Montpellier

Déclaration d’intérêts

Mohammad-Saïd Darviche est membre de l’Association française de science politique.

William Genieys ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

Partenaires

Sciences Po et Université de Montpellier fournissent des financements en tant que membres adhérents de The Conversation FR.

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Photo des affiches des candidats prise le 6 avril 2022 à Marseille an amont du premier tour de l’élection présidentielle. Nicolas Tucat / AFP

Les résultats de l’élection présidentielle ont amené de nombreux observateurs à penser que la France serait divisée en trois pôles : un centre de gouvernement, une droite regroupant ses courants conservateurs et extrémistes et une gauche majoritairement ralliée à son pôle radical.

Les variables de la sociologie électorale, l’abstentionnisme, le clivage entre générations ou modes de vie expliquent qu’il ne s’agit pas d’une simple répétition du scénario de 2017. En effet, la crise des « gilets jaunes » et celle du Covid-19 ont accentué le sentiment de « détestation » des hommes et des femmes politiques représentant les partis de gouvernement. Emmanuel Macron incarne particulièrement bien cette détestation.

Vers un alignement des discours contre les « élites » ?

Peu parmi ces analystes ont cependant souligné la victoire sans précédent des candidatures se revendiquant comme anti-élitiste.

Le terme « élite » vient du verbe eligere (« choisir »), terme latin en usage en France dès le XIIe siècle. À l’époque contemporaine, « élite » et « élitisme » désignent dans la communauté des hommes un certain nombre de personnes « élues » destinées à diriger les non-« élues » en y associant la notion de mérite. Par opposition à l’aristocratisme, l’élitisme a une connotation sociale et politique positive. L’anti-élitisme est une critique radicale de cette conception. Aujourd’hui appliqué à la vie politique, il se traduit par une remise en question du caractère « méritocratique » de la compétence donc la légitimité des élites de la démocratie représentative.

Nous qualifions ainsi les candidats ayant mobilisé durant la campagne la rhétorique de l’anti-élitisme. L’extrême droite, Éric Zemmour, Marine Le Pen, la droite souverainiste, Nicolas Dupont-Aignan, Jean Lassalle mais aussi les candidats de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon, Philippe Poutou ou encore Nathalie Artaud ont vilipendé le pouvoir de « l’oligarchie », des « puissants », de la « finance », de la « caste », de « ceux d’en haut », etc.

Les candidats ayant mobilisée cette rhétorique au premier tour des élections présidentielles entre 2012 et 2022 ont obtenu un nombre de voix en constante progression : 33 % en 2012 ; 49,8 % : 2017 ; 61,1 % en 2022. Si on ne peut pas vraiment faire de lien de causalité entre cette rhétorique et ces scores, on peut supposer que cette rhétorique n’a pas choqué les électeurs au point de les dissuader de porter leur voix sur ces candidats.

Une rhétorique contre la démocratie représentative

Cette rhétorique anti-élitiste – relayée par les leaders populistes depuis plus d’une décennie – transcende le clivage droite-gauche.

Comme souligne Jacques Julliard le mouvement social de 1995 a été le moment historique qui a fait de la rhétorique anti-élitiste « l’un des topos obligatoires du discours politique ». Il n’a cessé depuis de devenir central pour les styles discursifs les plus radicaux de droite mais aussi de plus en plus de gauche, en particulier de La France insoumise. Gérald Bronner rappelle que même des professionnels de la politique pourtant plus modérés ne rechignent pas à faire usage de cette figure de la « démagogie cognitive ». Chacun se souviendra du « mon adversaire c’est le monde de la finance ! » lancé par François Hollande lors de la campagne électorale de 2012. Dans ce contexte, les arguments rationnels perdent droit de cité puisque même ceux qui doivent les porter s’en débarrassent au nom de la rentabilité électorale.

Dans cette perspective, l’oligarchie « des riches, la caste des politiciens » et les technocrates de « l’État profond (français ou bruxellois) » doivent partir. Cet appel à se débarrasser de l’élite est consubstantiel à la division du monde entre le (bon) peuple et la (méchante) élite. Le bien ne doit-il pas naturellement chasser le mal. Relevant habituellement du bagage conceptuel de l’extrême droite, cette réduction du combat politique à des catégories religieuses a aussi été théorisée par la gauche dite « radicale ».

La philosophe Chantal Mouffe appelle, ainsi, à la répudiation de la raison, fondement de la démocratie libérale, au profit de l’« énergie libidinale ». Elle propose de « mobiliser » cette énergie « malléable » contre l’oligarchie afin de « construire » le « peuple ». Dans cette perspective, les émotions et les affects devront se traduire par le rejet, comme le suggère le député François Ruffin, « physique et viscéral » de l’élite.

De surcroît, l’anti-élitisme est présenté comme discours politique permettant de « sauver » la démocratie. Pour ses promoteurs, l’élitisme contemporain contrarierait l’imaginaire égalitaire et occulterait les grands projets d’émancipation au profit de la mondialisation néolibérale.

La mobilisation du déclin des « grands récits »

Cet anti-élitisme puise sa force dans un contexte de déclin des « grands récits » (libéralisme, socialisme, etc.) et est aujourd’hui aisément récupéré par les tenants d’une critique de la démocratie représentative. Ce carburant idéologique des mouvements sociaux étêtés, tels que celui des « gilets jaunes », permet de mobiliser un électorat toujours plus large autour d’un prétendu clivage entre « bloc élitaire » et « bloc populaire ».

Le raisonnement de ces pourfendeurs de « l’oligarchie » repose sur une « terrible simplification » : le mythe de l’existence d’une élite « Consciente, Cohérente et Conspirante » (modèle de « 3 C ») critiqué par James Meisel en raison de la déformation de la théorie de la classe dirigeante de Gaetano Mosca. En effet, ce raccourci facilite l’association de tout type de médiation élitaire avec les théories complotistes.

Dans la stratégie discursive populiste, l’idée d’une élite unifiée maximisant ses intérêts concurrence fortement celle – plus en cohérence avec le pluralisme démocratique – d’une multiplicité de groupes élitaires en compétition pour le pouvoir politique, religieux social et économique.

Aux États-Unis, depuis l’administration de Georges Bush jr., des travaux ont évoqué le rôle d’une « élite de l’ombre » (shadow elite) qui aurait favorisé la deuxième guerre du Golfe. Toutefois, la démonstration de l’interpénétration des réseaux néoconservateurs et l’administration des affaires étrangères, repose sur un travail dont la scientificité est discutable. Une recherche, plus solide empiriquement, a ainsi démontré que, dans le cas de la réforme de l’assurance maladie, les groupes d’intérêts (big pharma, compagnies d’assurance, etc.) n’ont pas joué un tel rôle auprès de l’administration Obama. Pourtant, malgré le déficit de preuve, le mythe d’une élite omnipotente influençant l’ensemble des décisions démocratiques persiste. Dans un contexte de crise de confiance à l’égard des gouvernants, il renforce la croyance dans l’antiélitisme.

L’élite de l’anti-élitisme : une autre oligarchie ?

En poussant ce raisonnement sociologique, on pourrait établir que certains leaders mobilisant la rhétorique antiélitiste forment aussi une élite. Le diplomate britannique et ancien ministre conservateur, Georges Walden, la naissance d’une « caste supérieure de l’élite anti-élite » (upper-caste elite of anti-elitists) composée d’individus issus de milieux sociaux très privilégiés à l’image des premiers ministres David Cameron et de Boris Johnson. Tous deux issus sont les produits du cursus élitiste Eton-Oxford.

En France, l’élite anti-élite se caractérise par son profil de professionnel de la politique. Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon en constituent des exemples emblématiques comme le montrent leur carrière et leur leadership partisan. La première est une « héritière politique » entrée dans la carrière dès l’âge de 18 ans, avant de gravir tous les échelons du Front national avant de se présenter aux élections présidentielles depuis 2012. Le second est un « produit de la méritocratie » à la française, obtenant son CAPES en lettres modernes et intégrant en même temps le Parti socialiste en 1976.

Il a cumulé au cours de sa longue carrière politique les fonctions électives entre autres de député, de sénateur, de député européen et la fonction exécutive de ministre délégué à l’enseignement professionnel (2000-2002). Depuis la création de son propre parti (Le Parti de Gauche en 2008 devenu en 2016 la France insoumise), il s’est lui aussi présenté à trois reprises aux élections présidentielles. Par ailleurs, tous deux ont imposé un leadership incontesté sur leur parti politique comme en témoignent leur réélection continue à la direction. Cette main de fer sur l’organisation illustre la loi d’airain de l’oligarchie chère à Roberto Michels.

Les critères de la sociologie des élites, à savoir l’origine sociale, la formation, la trajectoire professionnelle, la durée de la carrière politique, cumul et le type des mandats, montrent, sans surprise, le peu de distance les séparant de celles et ceux qu’ils dénoncent.

Ce que vos yeux révèlent de votre santé

24 mardi Mai 2022

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auteur

  1. Barbara PierscionekProfessor and Deputy Dean, Research and Innovation, Anglia Ruskin University

Déclaration d’intérêts

Barbara Pierscionek a reçu des financements de l’UE (Centre de formation doctorale Marie-Skłodowska-Curie) et de Rayners (subvention de conseil). Elle a été financée par l’EPSRC, Fight for Sight (organisation caritative) et Essilor International (industrie).

Partenaires

Anglia Ruskin University (ARU) apporte un financement en tant que membre adhérent de The Conversation UK.

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L’université de Californie, à San Diego, vient de développer une application pour smartphone capable, immédiatement et simplement, de détecter les signes précoces de plusieurs troubles neurologiques, dont la maladie d’Alzheimer. Comment ? Via la caméra du téléphone, capable de suivre les changements de taille des pupilles d’une personne à un niveau de résolution inférieur au millimètre. L’analyse de ces mesures peut ensuite être utilisée pour évaluer son état cognitif.

L’idée n’est pas nouvelle et, à mesure que les technologies évoluent, les yeux se révéleront toujours plus pertinents pour diagnostiquer un large panel de maladies. En effet, de par leur transparence partielle, ils demandent des méthodes d’examen beaucoup moins invasives que les autres parties du corps.

Sans aucune technologie, en vous regardant juste dans les yeux (ou vos proches), vous pouvez vous-mêmes détecter un certain nombre de problèmes de santé bénins – mais pas que. Voici les exemples concrets de quelques caractéristiques que vous pouvez analyser.

Anomalie de dilatation de la pupille

La pupille, ce « trou noir » au cœur de notre œil, réagit instantanément à la lumière grâce à l’iris (partie colorée, composée de fibres musculaires) qui est capable de se contracter ou se dilater tel un diaphragme d’appareil photo.

Gif montrant la contraction-dilatation d’une pupille sous l’effet d’une variation de la luminosité
Le réflexe pupillaire permet de tester rapidement la présence de certaines lésions nerveuses. Greyson Orlando

Elle s’adapte en devenant plus petite dans les environnements lumineux et plus grande dans une ambiance plus sombre. Ce réflexe pupillaire (ou photomoteur) est couramment vérifié par les professionnels de santé.

Une réponse lente ou tardive de la taille de la pupille peut être le signe de plusieurs maladies, notamment de maladies graves comme la maladie d’Alzheimer, ainsi que de l’effet de médicaments et de la consommation de drogues. Les pupilles dilatées sont courantes chez les personnes qui consomment des drogues stimulantes, comme la cocaïne et les amphétamines. Des pupilles très petites peuvent être observées chez les consommateurs d’héroïne.

Couleur du « blanc de l’œil »

Un changement de couleur de la sclérotique (le « blanc des yeux ») indique que quelque chose ne va pas…

Un œil rouge et injecté de sang peut, par exemple, être déclenché par un abus d’alcool ou de drogues. Il peut également être causé par une irritation ou une infection qui, dans la plupart des cas, disparaît en quelques jours.

Si le changement de couleur est persistant, il peut signaler une infection plus grave, une inflammation ou une réaction aux lentilles de contact ou à leurs solutions. Dans les cas extrêmes, un œil rouge indique un glaucome, une atteinte qui peut conduire à la cécité.

Différence entre un œil normal et avec un début de jaunisse
Le jaunissement du blanc de l’œil est le signe d’une atteinte du foie (en bas, œil normal, en haut, « jaunisse »). sruilk/Shutterstock

La sclérotique devenant jaune est le signe le plus évident d’une jaunisse (ictère) ou d’une autre atteinte du foie. Les causes sous-jacentes sont très variables, et ce jaunissement de la peau et de l’œil est dû à un excès de bilirubine (pigment jaune) dans le sang lorsqu’elle ne peut plus être excrétée normalement par le foie. Elles comprennent l’inflammation de cet organe (hépatite), les maladies génétiques ou auto-immunes, ainsi que certains médicaments, virus ou tumeurs.

Hémorragie oculaire

Une petite tache rouge dans le blanc de l’œil, témoin d’une hémorragie sous-conjonctivale – ou d’un petit vaisseau sanguin qui a « claqué » localement – peut effrayer. La plupart du temps, il n’y a pas de raison de s’inquiéter : les causes sont rarement claires à ce phénomène et l’hémorragie disparaît généralement en quelques jours.

Cependant, elle peut également être l’indication d’une hypertension artérielle, d’un diabète et de troubles de la coagulation sanguine qui provoquent des saignements excessifs. Les médicaments anticoagulants comme l’aspirine peuvent également en être la cause. Aussi, si ce problème est fréquent, cela peut suggérer que vous devez limiter votre consommation de ces médicaments, ou au moins en revoir le dosage.

Gros plan sur les yeux d’un jeune homme, dont l’œil gauche est rougi
L’éclatement d’un petit vaisseau sanguin dans le blanc de l’œil peut être impressionnant, mais c’est le plus souvent sans conséquence. Zay Nyi Nyi/Shutterstock

Apparition d’un arc clair

C’est une caractéristique commune passé un certain âge, d’où son nom scientifique d’arcus senilis (ou arc sénile de la cornée, gérontoxon) : un « arc » plus clair, parfois presque blanc, peut se former en périphérie de la cornée.

Il est dû à un dépôt de cholestérol… mais n’est pas forcément le signe d’une hypercholestérolémie, et il ne diminue pas l’acuité visuelle. Dans certains cas toutefois, il peut effectivement être lié à un taux de cholestérol élevé et à un risque accru de maladie cardiaque. Il peut également révéler un alcoolisme.

Œil avec un arc clair en bordure de cornée
L’« Arcus senilis » devient fréquent au-delà de 50 ans. Arztsamui/Shutterstock

Développement d’une petite bosse graisseuse

Parfois, les caractéristiques les plus alarmantes qui peuvent apparaître sur les yeux sont en fait les plus bénignes et les plus faciles à traiter.

Une petite bosse kystique jaunâtre peut apparaître sur le blanc de l’œil : il s’agit d’un pinguécula, un dépôt de graisse et de protéines. Cette petite lésion (qui peut être causée par une exposition à des poussières, etc.) peut être accompagnée d’une légère inflammation et d’une irritation. N’entraînant pas de gêne visuelle, elle ne demande pas forcément de traitement. Mais si l’inflammation s’installe, elle peut être facilement soignée par des gouttes ophtalmiques ou retirée par une petite opération.

Le ptérygion (ou ptérygie) vient lui aussi au niveau de la sclérotique, mais l’impact n’est pas le même. Il s’agit cette fois d’une excroissance rosâtre évolutive qui vient recouvrir le blanc de l’œil ; il ne constitue pas un danger pour la vue tant qu’il ne commence pas à empiéter sur la cornée.

Heureusement, son développement est très lent. Et comme la pinguécula, il peut être facilement enlevé. En fait, il doit être retiré bien avant d’atteindre la cornée. Si on le laisse s’installer, le ptérygion formera un « film » opaque sur la cornée qui obstruera la vision. L’un des principaux facteurs à l’origine du ptérygion (comme pour la pinguécula) serait l’exposition chronique aux rayons ultraviolets du soleil.

Œil avec un pinguécula
Cette petite bosse sur la cornée est anodine. sruilk/Shutterstock

Des yeux qui deviennent plus globuleux

C’est un trait du visage : les yeux peuvent être plus ou moins enfoncés, écartés… Certains ont ainsi des yeux plus exorbités que d’autres. Mais parfois ce trait évolue et on constate une tendance des yeux à se projeter vers l’avant (on parle d’exophtalmie). L’œil parait « grossir », ce qui est notamment dû à une augmentation des muscles oculaires ; si le phénomène s’accentue, une gêne visuelle est possible, avec douleur, mauvaise hydratation du globe, etc.

Un jeune homme présente deux yeux globuleux
Avoir les yeux globuleux n’est problématique qu’en cas d’évolution de ce trait. Garna Zarina/Shutterstock

La cause peut être médicale et demander une attention particulière. Il peut s’agir de la conséquence d’une infection (cause la plus fréquente chez les enfants), d’une blessure, d’une inflammation (liée à une mycose, un abcès…), d’une tumeur derrière l’œil (très rare), etc. Mais l’origine la plus courante est un problème au niveau de la glande thyroïde (80 % de ces cas thyroïdiens découlent d’une hyperthyroïdie), qui déclenche une inflammation des tissus oculaires et provoque leur gonflement. Elle touche alors les deux yeux.

Ce que disent les paupières

Les paupières peuvent également indiquer de nombreuses maladies. Celles-ci sont généralement liées à des affections mineures des glandes qui leur sont associées.

L’orgelet est par exemple une infection courante et sans conséquence de la base d’un cil par des bactéries, qui provoque un gonflement et un rougissement localisé. Il disparaît généralement de lui-même ou avec des compresses chaudes ; en cas de persistance, il peut être retiré par une procédure simple. Le chalazion, qui se présente sous la forme d’une bosse rouge sur la paupière supérieure et, plus rarement, sur la paupière inférieure, est dû à l’obstruction d’une glande sébacée.

Les spasmes et contractions involontaires de la paupière (myokymie) va irriter, gêner – mais dans la plupart des cas, le phénomène est parfaitement inoffensif et est plus désagréable que dangereux. Il peut être liée au stress, à un déséquilibre nutritionnel ou à une consommation excessive de caféine

Spectre de l’autisme : quand il est plus facile de lire les émotions chez les animaux que chez les humains

23 lundi Mai 2022

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Spectre de l’autisme : quand il est plus facile de lire les émotions chez les animaux que chez les humains

Publié: 16 mai 2022, 21:59 CEST

auteurs

  1. Aurélien MirallesEnseignant-chercheur en systématique animale, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
  2. Marine GrandgeorgeEthologie, Relation Homme – Animal, Médiation Animale, Développement typique et atypique, Université de Rennes 1
  3. Michel RaymondDirecteur de recherche au CNRS, responsable de l’équipe d’Anthropologie Evolutive de l’Institut des Sciences de l’Evolution de Montpellier, IAE Montpellier

Déclaration d’intérêts

Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.

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Regards d’un homme et de singes. Author provided

 

Publiée à la mi-avril, une étude que nous avons menée a produit de nouveaux éléments d’appréciation quant à la façon dont les personnes atteintes du spectre de l’autisme lisent les émotions.

Selon notre travail, les difficultés qu’auraient ces personnes à interpréter les émotions d’autrui se limiteraient essentiellement aux situations interhumaines, et épargneraient celles impliquant tous les autres êtres vivants. Elles n’éprouveraient, en effet, pas de problème particulier à communiquer émotionnellement avec les animaux.

Qu’est-ce que l’étude de nos perceptions à l’égard du Vivant peut nous apprendre des mécanismes de l’empathie humaine et des troubles cognitifs qui y sont associés ?

Comment pouvons-nous en tirer profit afin de mieux accompagner ou mieux comprendre le spectre de l’autisme ?

L’empathie, une clé pour déchiffrer les émotions d’autrui

En dépit de nombreuses définitions et d’un large éventail de notions associées à ce concept nébuleux (empathie affective, compassion, théorie de l’esprit, contagion émotionnelle…), l’empathie désigne globalement notre capacité à percevoir et à déduire intuitivement, par effet miroir, les émotions et les états mentaux d’autrui. Comme toutes les propriétés neurocognitives des êtres humains, nos facultés empathiques résultent de l’évolution de notre espèce, et nos prédispositions à l’empathie sont en partie déterminées par nos gènes.L’empathie émotionnelle des autistes resterait intacte vis-à-vis des animaux, êtres humains exceptés.

À la base de toute communication émotionnelle et de la prosocialité humaine (ensemble des comportements sociaux orientés vers le bénéfice d’autrui), l’empathie est en quelque sorte assimilable à la clé de voûte cognitive du « vivre-ensemble ». Ses mécanismes sont complexes, encore mal compris, et font l’objet d’une recherche dynamique en sciences cognitives.

Troubles des facultés empathiques et rapport aux autres espèces

Les troubles du spectre de l’autisme (TSA, tels que l’autisme typique ou le syndrome d’Asperger) désignent une famille de troubles neurodéveloppementaux plus ou moins prononcés, entre autres caractérisés par des facultés empathiques diminuées. Nombre de personnes avec TSA éprouvent ainsi des difficultés à comprendre intuitivement les états émotionnels d’autrui, ou à percevoir les non-dits au cours d’une discussion. Ces facultés empathiques atypiques sont à l’origine de difficultés en termes d’insertion sociale, et peuvent impacter négativement la qualité de vie des personnes concernées.

Cependant, en dépit des difficultés relationnelles qu’elles peuvent rencontrer, diverses études suggèrent que les personnes avec TSA n’éprouveraient paradoxalement pas de difficultés particulières à communiquer émotionnellement avec les animaux : elles peuvent nouer de forts liens affectifs avec leurs compagnons à quatre pattes et semblent plus à même de rechercher et traiter des indices émotionnels sur les visages animaux que sur ceux humains. Comment expliquer ce phénomène ?

Dimension émotionnelle

Notre rapport à la diversité du Vivant comporte une forte dimension émotionnelle, dont l’expression varie considérablement d’une espèce à l’autre : Sur une route de campagne, écraser un lapin peut être bouleversant, alors que les multiples impacts d’insectes sur le pare-brise nous laissent souvent indifférents.

Une étude publiée en 2019 par notre équipe avait permis de mettre en évidence le fait que cette « discrimination spéciste » ancrée dans nos affects était un phénomène puissant, et selon toute vraisemblance inné.

Celle-ci repose sur le fait que plus nous sommes évolutivement proche d’une espèce, plus cette dernière nous ressemble. Il nous serait alors d’autant plus facile de percevoir en elle un alter-égo (anthropomorphisme), de comprendre ses états mentaux, et donc, d’être touché par son sort. Ainsi estimons-nous mieux comprendre – et sommes-nous plus affectés – par les émotions d’un orang-outan que par celles d’une souris, par celles d’une souris que par celles d’un poisson, et ainsi de suite.

Le regard est le plus puissant canal de communication non verbal de nos émotions. Les différents regards du monde vivant sont loin d’être également expressifs. Ceux du haut (humain et espèces proches) nous touchent bien davantage que ceux du bas, évolutivement distant, plus froids et insaisissables. Source, Fourni par l’auteur

Une approche inédite pour une nouvelle étude

C’est en partant de cette observation qu’est venu l’idée d’utiliser ce gradient de sensibilités empathiques à l’égard du Vivant comme référentiel afin d’explorer les particularités empathiques des personnes avec TSA dans le cadre d’une nouvelle étude.

Pour ce faire, les perceptions au sein d’un groupe de participants avec TSA ont été comparées à celles d’un groupe témoin reflétant la population générale. Cette approche inédite reposait sur un questionnaire photographique en ligne incluant divers organismes allant des plantes aux êtres humains. Des paires de photographies d’organismes étaient tirées au sort et présentées aux participants, qui devaient alors désigner celle pour laquelle ils pensaient être le mieux à même de comprendre les émotions.

À partir de ces nombreux « matchs » entre paires de photographies, il nous a été possible d’attribuer un score d’empathie attribué à chaque espèce. Les résultats obtenus ont montré que si les perceptions au sein du groupe de participants avec TSA sont globalement similaires à celle de la population générale, le score de compréhension empathique qu’ils attribuent à l’être humain est étonnamment faible.

Notre empathie envers les autres organismes (axe verticale en pourcentages) diminue avec le temps de divergence phylogénétique qui nous en sépare (axe horizontal en millions d’années, superposé à la phylogénie). Source, Fourni par l’auteur

Ainsi ces participants estiment-ils, qu’en moyenne, il est aussi difficile de comprendre les états mentaux d’autres humains que ceux de reptiles ou d’amphibiens.

Ces résultats indiquent que les difficultés empathiques des personnes avec TSA seraient propres aux relations inter-humaines. Celles-ci pourraient donc ne pas tant résulter de l’altération de la perception ou de la lecture d’expressions émotionnelles fondamentales, que de difficultés à leur donner du sens dans un contexte global. Percevoir une expression émotionnelle (reconnaître ou être affecté par un rire, un pleur ou un froncement de sourcils…) n’implique pas nécessairement une compréhension correcte de l’état mental qui en est la cause : Hors contexte, ces signaux peuvent être déconcertants ou trompeurs (par exemple, des larmes de joie ou des rires nerveux).

Avec ou sans TSA, les perceptions empathiques des deux groupes de participants sont très similaires pour la majorité des espèces (les points sont alignés sur une diagonale), à une exception près : les scores de compréhension empathique que les personnes avec TSA attribuent à notre espèce sont très faibles (point noir), nettement décorrélés du temps de divergence évolutive, et au même niveau que ceux des reptiles et des amphibiens (niveau vert). Source, Fourni par l’auteur

Les particularités empathiques des personnes avec TSA pourraient s’expliquer par le fait que si les autres espèces peuvent sembler moins expressives et plus difficiles à interpréter intuitivement, leur expression émotionnelle est en revanche plus déterministe, spontanée et stéréotypée. L’état mental d’un animal pourrait donc être perçu par les personnes avec TSA comme relativement transparent, pour peu d’être attentif à leurs signaux comportementaux et d’avoir appris à les interpréter. Au contraire, dans bien des situations, les humains sont habitués à feindre, à détourner ou à contenir leur expression émotionnelle, qu’il s’agisse de préserver leur intimité, de se conformer aux conventions sociales, par stratégie de bluff ou par comédie. Ils pourraient donc, d’une certaine façon, être considérés comme étant bien plus complexe à comprendre à que d’autres animaux.

Techniques de dépistage

Ces résultats pourront peut-être contribuer à affiner les techniques de dépistage existantes, ou à ouvrir de nouvelles perspectives d’accompagnement des personnes avec TSA. Par ailleurs, si ce travail ne nous donne qu’un vague aperçu des difficultés de communication auxquelles les personnes avec TSA sont régulièrement confrontées, il peut aussi, en renversant la situation, nous pousser à nous interroger sur nos propres facultés à les comprendre et à interagir avec elles.

Enfin, depuis plus de deux siècles, la biologie évolutive nous enseigne que toutes les espèces vivantes sont apparentées les unes aux autres et que l’Homme n’est qu’une espèce animale parmi d’autres. Cette étude contribue à faire un pas de plus dans la déconstruction de la catégorie des « animaux » (dans son usage commun, c’est-à-dire utilisée sans distinction entre espèces et en opposition aux humains) en démontrant que ce concept ne s’avère finalement pas plus pertinent d’un point de vue cognitif qu’il ne l’est pour la biologie.

De la société distante à la société méfiante

22 dimanche Mai 2022

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  1. Pascal LardellierProfesseur à l’Université de Bourgogne France-Comté, Chercheur à Propedia (Groupe IGS, Paris), Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)

Déclaration d’intérêts

Pascal Lardellier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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ravure “Night Shadows” d’Edward Hopper, à la page 23 du Shadowland, octobre 1922. Wikipédia

 

Le conflit ukrainien et la récente élection présidentielle puis la préparation des législatives ne doivent pas laisser penser à une sortie définitive de la crise épidémique. Bien sûr, la levée de l’obligation de port du masque dans les transports semble marquer la fin de la séquence de restrictions. Celles-ci sont escamotées. Pour un temps seulement ? Les spécialistes rappellent que les variants courent encore. Et les images des habitants de Shanghai confinés avec une inouïe brutalité semblent sorties d’un film catastrophe. En tout cas, il convient de rappeler que la séquence covidienne a œuvré à l’instauration d’un nouveau paradigme social, remettant la confiance en doute et en question.

Une parenthèse de deux ans se referme pensait-on, faite de masques et de passes, de tests et de bornes, de distanciation et de barrières. Ces contraintes semblent s’éloigner, alors que d’autres crises accaparent l’attention des médias et de l’opinion. Mais le Covid et ses variants sont comme le furet de la chanson : passés par ici, ils repasseront bientôt par là. Bref, « vivre avec le virus », comme on nous y incite avec insistance, cela revient à intégrer de nouvelles normes comportementales, coperniciennes par rapport à ce qui fondait les relations. Le Covid a été un chien lâché dans le jeu de quilles de nos relations. Tout était subtilement agencé, et nous l’avions oublié. Et le Covid aura été pour ces relations, toutes choses égales par ailleurs, ce que le VIH a été à l’amour dans les années 1980 : la perte de l’insouciance.

La levée (momentanée ?) des contraintes et protocoles ne doit pas escamoter la manière dont ils ont été imposés et acceptés. Ceci a entériné le basculement dans une société des passes et des bornes, des QR codes et des attestations. Et toujours, méfiance et distance prévalent. On les perçoit moins, entre la focalisation médiatique et sociale sur d’autres événements, et la légitime légèreté que l’on a retrouvée, trêve estivale oblige.

Précisons que cette analyse microsociologique (dans la lignée des travaux d’Erving Goffman) se situe par delà la morale et le bien-fondé sanitaires des mesures évoquées ici. Et ce n’est pas faire scandale que de souligner les implications relationnelles de l’arsenal de mesures de distanciation.

La distance, nouvelle morale sociale

Les mesures sanitaires ont œuvré, dans un vaste mouvement, à la mise à distance généralisée d’autrui. Les relations sociales ont subi des assauts insoupçonnés, via maintes expérimentations pilotées par les experts conseillant nos dirigeants, experts férus de psychologie sociale, de neurosciences ou autres précautions « milgramisant » nos vies.

Ainsi en va-t-il de la pratique du nudge, qui nous amène à accepter « par petites touches » ce qui au départ paraissait inconcevable : confinement, auto-attestations de sortie, port généralisé du masque, couvre-feu, vaccination par doses rapprochées, passeport vaccinal, QR-codisation de nos vies. Bien des changements comportementaux ont été présentés comme « citoyens et responsables », instaurant un nouvel éthos basé sur la distance, le soupçon, un autocontrôle lui-même renforcé par des vigies technologiques (bornes, passes et QR codes) et les vigiles de ce nouvel ordre sanitaire, payés pour faire appliquer les directives. Une nouvelle ère du soupçon est montée en puissance.

On peut évoquer ici le « capitalisme cognitif et comportemental », ou encore la « soumission librement consentie ». L’impression a parfois été donnée que tout cela servait à tester le niveau de docilité des citoyens, sous couvert d’un intérêt supérieur : vaincre le virus.

La finalité, c’est de mettre de la distance entre les individus et aussi d’exercer un contrôle sur eux, de vérifier que les dispositifs de distanciation, secondés par l’ingénierie sociale les renforçant, sont appliqués et scrupuleusement respectés.

Hors toute considération sanitaire, les conséquences sont importantes : voici l’ère de relations distendues, défigurées (cf. la généralisation du port du masque), vidées par la force des choses de leur densité symbolique et sensible. Et « l’archipellisation » de la société se trouve accélérée par cette distanciation. C’est ce que soulignait Pierre Rimbert quand il mettait en parallèle « crise sanitaire et numérisation du monde », s’attachant à démontrer que s’impose la numérisation de nos relations, conçues par des geeks asociaux.

La confiance, au cœur du pacte social

Comment « faire société » à distance et sans confiance, quand chacun se méfie de tous, et vice versa ? Car le Covid a ouvert une crise de confiance majeure, à tous les niveaux de la société. Se sont trouvées instituées comme nouvelles valeurs sociales la distance, la suspicion, la méfiance. Et du gouvernement aux médias, une chasteté relationnelle a été promue massivement via affichettes, spots télévisuels, bandes-son lancinantes. Se méfier de ses proches, se tenir « à bonne distance », se protéger coûte que coûte, considérer les autres, l’environnement, les objets comme des dangers possibles. Le Covid a institué une paranoïa sociale d’un nouvel ordre, avec sa morale hygiéniste et ses nouveaux rites, dont le gel, bénitier séculier invitant à des ablutions précautionneuses. Il y a derrière tout cela de la pensée magique.

De manière plus profonde, on assiste en sous-main à un incroyable maillage de la société et des individus, sur fond de « Big Brotherisation » généralisée. Vivre « avec le Covid », c’est vivre avec le « sans contact » (bancaire) et les QR codes, avec les attestations qui autorisent mais traquent et tracent aussi. C’est accepter un bénéfice/risque où faire don de ses données personnelles autorise à être un « citoyen Premium », connecté et protégé. Voici venir la société des sésames et des passe-droits, où certains auront un accès illimité aux lieux et aux services car ils auront accepté de passer sous les Fourches Caudines des pouvoirs politique et médical. Ceci est un constat plus qu’un jugement.

Alors que les data s’accumulent, les structures sous-jacentes de la société sont remises en question par les dynamiques logicielles et algorithmiques. Le Covid aura acculturé les individus à une nouvelle manière de vivre, largement numérisée. Ceci nous rend proches techniquement mais nous éloigne socialement. De même, il pousse toujours plus loin le curseur de l’acceptation d’une soumission globale (aux gouvernements, aux mastodontes de la Silicon Valley et de l’industrie pharmaceutique, dénommée Big Pharma par ses opposants) présentée paradoxalement comme une condition de liberté. Vices et vertus de la transparence… Transparence citoyenne et responsable de ceux « qui n’ont rien à cacher » et dont les données sont accessibles et consultables. Transparence plus ambiguë imposée par le grand Panopticon californien, qui maille nos intimités pour les rendre visibles, lisibles, exploitables.

On sait combien l’ouvrage de Klaus Schwab The Great Reset a été glosé, récupéré, déformé parfois, et combien il a apporté de l’eau au moulin des thèses complotistes. Pouvait-il en être autrement ? En tout cas, le patron de Davos y explique en substance que l’épisode Covid peut constituer une « rare fenêtre d’opportunité », pour précisément « réinitialiser » la société, en imposant la distance et la numérisation comme de nouveaux paradigmes sociaux.

On ne peut ici que faire référence aux intuitions du Michel Foucault de Surveiller et punir. Car ne s’agit-il pas d’intégrer, d’incorporer des technologies « biopolitiques », de « faire corps » avec le pouvoir, et de lui rendre des comptes sur déplacements, comportements et opinions ?

Michel Houellebecq, Pythie triste et lucide, expliquait d’une voix lasse que « le monde d’après (Covid) sera le même, en un peu pire ». Alors que l’horizon s’enténèbre (crise ukrainienne, crise économique, inflation…), on y est semble-t-il. En tout cas, la première distance dont l’époque a besoin est bien la distance critique.


Pascal Lardellier a publié récemment « La bonne distance ? Petite anthropologie d’une crise sanitaire » (MkF, 2022).

Aux origines des fractures françaises

21 samedi Mai 2022

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  1. Mathias BernardHistorien, Université Clermont Auvergne (UCA)

Déclaration d’intérêts

Mathias Bernard est président de l’Université Clermont Auvergne.

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Un manifestant brandit un drapeau national alors que des policiers anti-émeutes marchent parmi les manifestants lors d'une manifestation de Gilets Jaunes à Paris, le 20 novembre 2021.
Fragmentée au point d’être comparée à un archipel, la société française du XXIe siècle est traversée par une fracture essentielle, celle qui oppose gagnants et perdants de la mondialisation libérale. Alain Jocard/AFP

 

Les élections présidentielles de 2022 ont alimenté les analyses sur une France profondément divisée, voire fracturée – selon des clivages à la fois politiques, sociaux et culturels.

Journalistes, sociologues, hommes politiques s’inquiètent de cette situation et, tel le président du Sénat Gérard Larcher, appellent à « recoudre une France fracturée » alors que les élections législatives se profilent déjà.

Ces antagonismes ne sont pourtant pas nouveaux dans une vie politique française traditionnellement organisée selon un schéma bipolaire.

Pourquoi inquiètent-ils donc tant aujourd’hui ?

Le poids de la Révolution française

Né pendant la Révolution française, le clivage droite-gauche a d’abord reposé sur des facteurs politiques. Dans le grand Ouest, le combat entre les Bleus républicains et les Blancs royalistes a laissé des traces pendant plus d’un siècle.

Les souvenirs des combats de la Révolution ont nourri l’imaginaire des élites politiques, qu’elles soient républicaines ou contre-révolutionnaires, et la mémoire de l’ensemble de la population. Tout au long du XIXe siècle, partout en France, partis et hommes politiques se sont affrontés sur la forme du régime, parfois les armes à la main. Et lorsque la République s’est définitivement enracinée, un siècle après la Révolution, ce sont encore des questions politiques qui ont nourri des divisions politiques apparemment inconciliables.

A la fin des années 1890, l’affaire Dreyfus a fracturé l’opinion entre dreyfusards, attachés aux libertés publiques et à l’état de droit, et antidreyfusards, fidèles à l’Armée et à l’autorité. Cette ligne de faille traverse même les familles : le dessin du caricaturiste Caran d’Ache, publié dans Le Figaro du 14 février 1898, montre l’effet dévastateur de l’affaire Dreyfus sur un repas de famille dégénérant en pugilat généralisé, parce qu’« ils en ont parlé ».

Caricature parue dans les colonnes du Figaro, le 14 février 1898
Caricature de Caran d’Ache (Emmanuel Poiré, 1858-1909), parue dans les colonnes du Figaro, le 14 février 1898. Le dessin décrit la division de la société au cours de l’Affaire Dreyfus. « Surtout ! ne parlons pas de l’affaire Dreyfus ! » « Ils en ont parlé ». Wikicommons, CC BY

Lorsque l’Affaire Dreyfus s’estompe, la question religieuse prend le relais et nourrit non seulement le clivage entre la gauche anticléricale et une droite attachée aux libertés religieuses, mais aussi l’affrontement entre deux France : la laïcité a d’abord été un combat. Et si la Grande Guerre a été l’occasion d’un apaisement durable des passions religieuses, elle n’a pas mis un terme aux affrontements parfois sanglants qui scandent la vie politique en France comme dans les autres pays européens.

Front contre front

Dans les années 1930, le clivage droite-gauche alimente le combat entre deux « fronts », ce terme emprunté à la guerre étant évocateur. D’un côté, le Front populaire rassemble toute la gauche (y compris les communistes) pour apporter aux ouvriers et paysans le pain, la paix, la liberté, contre la menace fasciste représentée par les ligues d’extrême droite qui, le 6 février 1934, avaient manifesté violemment contre la République parlementaire. D’un autre côté, le Front de la liberté rassemble toutes les droites, y compris les mouvements les plus extrémistes, pour lutter contre la menace que feraient courir à la Nation les communistes et, pour certains, les juifs et les francs-maçons. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le combat entre collaborateurs et résistants prolonge, de façon tragique, cette lutte sans merci entre deux France.

C’est au moment du Front populaire que le clivage droite-gauche fait explicitement référence à une réalité sociologique – qui perdure, sous une forme parfois fantasmée, jusqu’à la fin du XXe siècle. La droite regrouperait les milieux socialement conservateurs, c’est-à-dire les possédants, les classes moyennes indépendantes, une partie des paysans. La gauche, elle, rassemblerait les milieux populaires (ouvriers et paysans) ainsi que la bourgeoisie intellectuelle.

Dans tous les discours qu’il prononce au cours de son long chemin vers l’Élysée, au cours des années 1970, François Mitterrand développe cette vision politique. Il l’exprime encore dans son discours d’investiture, le 21 mai 1981. « En ce jour où je prends possession de la plus haute charge », affirme-t-il, « je pense à ces millions et ces millions de femmes et d’hommes, ferment de notre peuple, qui, deux siècles durant, dans la paix et la guerre, par le travail et par le sang, ont façonné l’histoire de France, sans y avoir accès autrement que par de brèves et glorieuses fractures de notre société. C’est en leur nom que je parle alors que […] la majorité politique démocratiquement exprimée des Français vient de s’identifier à sa majorité sociale ».Cérémonie d’investiture de François Mitterrand en 1981 (Archive INA).

L’exercice durable du pouvoir par la gauche n’a pourtant pas mis fin aux fractures de la société. Celles-ci alimentent une insatisfaction croissante de l’opinion et des électeurs face à une classe politique jugée incapable de résoudre les difficultés économiques et les tensions sociales qui en résultent.

Effets de la mondialisation libérale

À partir des années 1980, l’émergence du Front national, l’érosion des partis de gouvernement, la progression de l’abstention et ce que l’on n’appelait pas encore le « dégagisme » sont autant de facettes d’une crise politique durable et multiforme : depuis 1974 et jusqu’en 2022, aucun président de la République n’a pu être réélu, sauf en situation de cohabitation.

Lorsqu’en 1995, il se présente pour la troisième fois à la présidence de la République, Jacques Chirac exploite délibérément l’insatisfaction qui prévaut dans les milieux populaires. S’inspirant d’une note du sociologue Emmnanuel Todd, plutôt marqué à gauche, il mène campagne sur la « fracture sociale », qu’il définit ainsi dans son livre-programme « La France pour tous » : « La France souffre d’un mal plus profond que ne l’imaginent les acteurs politiques, les responsables économiques, les intellectuels en vogue et les célébrités du système médiatique. Le peuple a perdu confiance. Son désarroi l’incite à la résignation. Il risque de l’inciter à la colère ». Il constate alors « la gravité de la fracture sociale qui menace – je pèse mes mots – l’unité nationale ». Intégrant une vision populiste dans un discours républicain, Chirac constate le fossé croissant entre « le peuple » et les élites.

Ce nouvel antagonisme social ne se superpose plus au clivage droite-gauche. N’est-ce d’ailleurs pas un candidat de droite, Jacques Chirac, qui entend défendre le peuple contre les élites ? Et, quelle que soit leur couleur politique, les gouvernants successifs apparaissent comme les « présidents des riches » – c’est le terme utilisé à l’encontre de Nicolas Sarkozy comme d’Emmanuel Macron – et cristallisent contre eux une colère populaire croissante.

Fragmentée au point d’être comparée à un archipel par certains analystes, la société française du XXIe siècle est traversée par une fracture essentielle, celle qui oppose gagnants et perdants de la mondialisation libérale. Les principaux partis de gouvernement (PS et UMP puis LR), héritiers d’un autre temps – celui des trente glorieuses –, n’ont pas pris en compte ce nouvel antagonisme, qui s’est surtout exprimé sur la question européenne. Les deux référendums sur l’Europe, en 1992 (sur le traité de Maastricht) et en 2005 (sur le traité constitutionnel européen), ont exprimé cette opposition qui traverse aussi bien la gauche que la droite.

Tripartition du champ politique

La première élection d’Emmanuel Macron, en 2017, redéfinit le paysage politique français en fonction d’un clivage qui structurait l’opinion et la société française depuis près de vingt ans.

Le nouveau président rassemble « la France qui va bien », pour reprendre l’analyse développée alors par le candidat socialiste Benoît Hamon. Et s’il prend pour principal adversaire les « nationalistes » rassemblés autour de Marine Le Pen, il s’oppose en fait aux aspirations contestataires, parfois contradictoires, qui traversent cette France qui se sent à l’écart, oubliée, voire stigmatisée.

Emmanuel Macron arrive pour assister à sa cérémonie d’investiture en tant que président français, au palais présidentiel de l’Élysée à Paris, le 7 mai 2022, après sa réélection le 24 avril dernier. Ludovic Marin/AFP

Le premier tour de l’élection présidentielle de 2022 n’exprime pas seulement l’opposition de trois pôles politiquement et idéologiquement opposés, il dessine la géographie d’une France fracturée. Rarement un scrutin n’aura manifesté un tel enracinement géographique des électorats : Marine Le Pen recueille ses meilleurs résultats dans les campagnes et les villes moyennes, Jean-Luc Mélenchon dans les banlieues et les villes de tradition ouvrière, Emmanuel Macron dans les grandes métropoles et les banlieues résidentielles.

Le clivage droite-gauche, qui a coupé la France en deux pendant près de deux siècles, a cédé la place à une fragmentation géographique et sociale qui n’a pas encore produit tous ses effets sur l’organisation du champ politique.


À lire aussi : Une France en demi-teinte, fracturée dans ses territoires et sa société

Législatives 2022 : un regain d’intérêt pour le Parlement ?

20 vendredi Mai 2022

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  1. Julien RobinDoctorant en science politique, Université de Montréal

Déclaration d’intérêts

Julien Robin a reçu des financements du département de science politique de l’Université de Montréal. Il est membre du centre de recherche Jean Monnet de Montréal.

Partenaires

Université de Montréal apporte des fonds en tant que membre fondateur de The Conversation CA-FR.

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Cette vue générale montre des membres du parlement (députés) lors d'une séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale à Paris, le 20 février 2019.
Les élections législatives ont lieu les 12 et 19 juin 2022 afin d’élire les 577 députés qui siégeront à l’Assemblée nationale. Philippe Lopez / AFP

La formation d’une alliance historique de la gauche française et son objectif d’obtenir une majorité à l’Assemblée nationale redonnent un caractère central aux élections législatives.

Cependant, peut-on véritablement parler d’un regain d’intérêt pour le Parlement en France ?

L’érosion régulière de la mobilisation électorale depuis le début de la Vᵉ République, passant d’environ 80 % dans les années 1970 à presque 40 %, souligne le peu d’intérêt pour cette institution.

Une mobilisation politique et médiatique

D’un point de vue politique et médiatique, l’élection présidentielle une fois terminée, c’est vers les élections législatives que se porte toute l’attention. Dès le soir du second tour de l’élection présidentielle, les perdants de cette course ont appelé à se tourner vers ce qu’ils appellent le « troisième tour ».

Aidez-nous à mettre l’intelligence au cœur du débat.

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La campagne des législatives ouvre une nouvelle séquence politique. A gauche, l’enjeu est de créer une véritable union pour une majorité parlementaire.

Les tractations entre la France insoumise, le PCF, EELV et le PS rythment quotidiennement l’actualité entre les accords programmatiques et les fractures idéologiques.

Pour La République en Marche (renommée « Renaissance »), l’enjeu est de transformer l’essai de la présidentielle en remportant une majorité à l’Assemblée nationale. Alors que les premières projections donnent une course serrée entre la macronie et la gauche unie, Emmanuel Macron s’investit même personnellement dans chaque investiture des législatives de juin prochain. Pour le parti présidentiel et ses alliés aussi, la logique de l’union a pris le pas, non sans difficultés sur la répartition des candidatures, en formant la bannière « Ensemble » pour la majorité présidentielle.

Un regain d’intérêt pour les élections législatives ?

Sans nul doute, une fois élu, un président de la République a besoin d’une majorité au Parlement, a minima à l’Assemblée nationale, pour transformer son programme électoral en action législative.

Même si la Constitution de 1958 dispose que le gouvernement « détermine et conduit la politique de la Nation » (art. 20 C) et que le « Premier ministre dirige l’action du Gouvernement » (art. 21 C), n’oublions pas que lorsque « le gouvernement est subordonné au président de la République, il lui cède, volontiers ou non, son pouvoir de déterminer la politique de la Nation » comme le rappelait le constitutionnaliste Guy Carcassonne. En résumé, hors cas de cohabitation, le chef du gouvernement n’est que le « chef d’orchestre » jouant la partition rédigée par le président de la République.


À lire aussi : Les élections législatives servent-elles vraiment à quelque chose ?


Mais les électeurs s’investissent-ils dans le scrutin des législatives ? Si l’on en croit les chiffres de l’abstention, pas tellement. Depuis 1993, le taux d’abstention ne fait que s’accroître entre chaque élection législative et dépasse même les 50 % en 2017.

Un Parlement marginalisé dans la structure institutionnelle

Une analyse des institutions de la Ve République peut expliquer ce désintérêt du Parlement. Il n’aura échappé à personne que la Ve République se structure par un parlementarisme rationalisé, c’est-à-dire l’ensemble des dispositions définies par la Constitution de 1958 ayant pour but d’encadrer les pouvoirs du Parlement afin d’accroître les capacités d’action du gouvernement.

Concrètement, une définition restrictive du domaine de la loi (c’est-à-dire que le constituant a listé précisément les domaines dans lequel le Parlement peut légiférer, le reste relevant directement du pouvoir réglementaire du gouvernement, art. 34 C et 37 C) ; le vote bloqué (le gouvernement soumet à un vote unique tous les amendements qu’il a sélectionnés, art. 44.3 C) ; adoption d’une loi sans passer devant le Parlement, sous couvert de l’engagement de responsabilité gouvernementale, sauf en cas de motion de censure (le célèbre article 49 alinéa 3 de la Constitution).

Image montrant la Constitution française avec le sceau de la République Française
Le rôle du Parlement est défini par la Constitution. Wikicommons, CC BY

En 1958, un nouvel acteur encadre aussi le travail parlementaire, le Conseil constitutionnel, chargé notamment du contrôle de constitutionnalité des lois (art. 61 al. 2 C) est qualifié de « canon braqué vers le Parlement » selon l’expression du professeur Charles Eisenmann.

L’autonomie parlementaire est également touchée par le contrôle des règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat (art. 61 al 1 C). Dès lors, les assemblées sont passées du statut de « souverain assuré de l’immunité de juridiction à celle de justiciables » en jugeait le politiste Léo Hamon en 1959.

En définitive, le Parlement français a connu un abaissement de son rôle à partir de 1958. La logique présidentielle s’est également renforcée avec l’élection au suffrage direct du président de la République lui octroyant une forte légitimité ; mais aussi par l’inversion du calendrier électoral en 2000, où l’élection présidentielle précède les élections législatives, maximisant au président élu ses chances d’obtenir une majorité parlementaire.

Le Parlement, un « angle mort » de la science politique française

Les études parlementaires sont un champ réunissant principalement trois disciplines centrales (l’histoire, le droit et la science politique). Parmi ces disciplines, la science politique s’est longtemps détournée de l’étude des assemblées parlementaires et de leurs élus comme le soulignaient Olivier Rozenberg et Eric Kerrouche. Les deux politistes français constatent « le réel désinvestissement de la science politique française vis-à-vis de cet objet » à partir des années 1980.

Olivier Nay, spécialiste de la sociologie des institutions, donnait plusieurs raisons à ce délaissement du champ de recherche : les assemblées législatives françaises ont fait face à la transformation des échanges dans l’espace public entre la décentralisation (création d’assemblées locales), la construction européenne (création d’un parlement supranational) et le tournant néolibéral multipliant les acteurs de délibération et de décision.

Dès lors, l’éloignement de la science politique française a laissé l’étude de ce champ au droit (constitutionnel). Bien que la discipline étudie les relations entre les différents pouvoirs et institutions, elle n’a pas repris le fer de lance des études parlementaires françaises et s’est bornée à décrire les pouvoirs du Parlement.

Vue panoramique de l’hémicycle où se réunissent les députés. Assemblée nationale

Il y a une autre explication propre à la discipline de la science politique française. Son tournant sociologique des années 1970-1980 a installé « une plus grande méfiance à l’égard des explications traditionnelles, juridiques ou philosophiques, qui portent une attention soutenue aux institutions formelles et aux projets normatifs qui les légitimes » explique O. Nay. Epistémologiquement, cette tradition française accorde une place importante aux travaux empiriques et s’intéresse aux acteurs. Méthodologiquement, les chercheurs privilégient les approches qualitatives avec des entretiens semi-directif, à la description biographique des acteurs et aux observations de terrain.

Cette tradition française diverge des legislatives studies anglo-saxonnes (congressional studies aux États-Unis) s’inspirant d’analyses néo-institutionnalistes ou de la théorie du choix rationnel ; et ayant recourt aux méthodes d’enquêtes davantage quantitatives. Cela n’a pas pour autant empêché d’avoir quelques ouvrages aux approches comportementales dans les années 1980 ou rationnelles dans les années 1990 sur le Parlement français.

Retrouver le parlement

La science politique française renoue son intérêt pour les études parlementaires depuis les années 1990 en diversifiant les niveaux d’analyses : comportement électoral des députés, sociologie des élus, genre, conception de la représentation, efficacité des législatures.

Finalement, le Parlement demeure central dans notre société politique. D’un côté, le Parlement constitue un instrument de contrôle du pouvoir exécutif et de tribune pour les opposants. Le dernier quinquennat d’Emmanuel Macron le montre bien : l’affaire Benalla a été la raison du blocage de la réforme constitutionnelle à l’été 2018 et le Sénat s’est montré actif avec ses commissions d’enquête (affaire Benalla et affaire McKinsey). De l’autre, il reste un objet d’analyse produisant des masses de données exploitables pour les chercheurs. Il est alors fort probable que les études parlementaires augmenteront dans les années à venir dans la science politique française.

Côté électeurs, la perspective d’un « troisième tour » de l’élection présidentielle articulée à la tripartition de la vie politique française et à l’union de la gauche suscitera peut-être un regain d’intérêt pour le Parlement. Réponse les 12 et 19 juin prochain.


L’auteur effectue sa thèse sous la direction de Jean-François Godbout.

Heinrich Schliemann : la naissance d’un archéologue dans la France du Second Empire

19 jeudi Mai 2022

Posted by mirmandepatrimoines in Uncategorized

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auteur

  1. Annick LouisProfesseur de littérature, Université de Franche-Comté – UBFC

Déclaration d’intérêts

Annick Louis ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d’une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n’a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.

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Une image extraite de l’ouvrage « Ilios, ville et pays des Troyens » d’Heinrich Schliemann. BnF, Fourni par l’auteur

 

Il y a 200 ans naissait en Poméranie-Occidentale, un des Länder allemands situé sur la mer baltique Heinrich Schliemann, destiné à devenir un des plus célèbres archéologues de tous les temps : en 1873, il découvre en faisant des fouilles à Hissarlik ce qu’il pense être les restes de l’ancienne ville de Troie et le trésor de Priam, souhaitant prouver ainsi l’existence historique de la ville homérique. En 1875, à Mycènes, il met à jour les tombes des rois, contenant le célèbre masque dit d’Agamemnon.

La vie de Schliemann est entourée de légendes. La plus persistante vient de ses autobiographies, et évoque l’origine de sa passion pour le monde d’Homère : enfant, son père lui aurait raconté les récits de l’Iliade, ce qui l’aurait fait rêver de découvrir l’ancienne ville de Troie. Son parcours, néanmoins, comprend un épisode peu étudié jusqu’ici, sa formation savante à Paris pendant les années 1866 à 1870, que ses archives, situées à la American School of Classical Studies at Athens, permettent de reconstituer. Mais avant de revenir sur ce moment qui marqua un tournant, il faut rappeler la vie de Schliemann qui, si elle ne correspond pas à ce qu’il prétend dans ses autobiographies, reste néanmoins accidentée et aventureuse.

Un portrait de Schliemann, dans l’une de ses autobiographies. BnF, Fourni par l’auteur

Fils d’un pasteur protestant qui, en raison de ses mauvaises mœurs, n’eut pas les moyens de lui donner une éducation, l’enfant Schliemann est contraint d’arrêter ses études, et devient apprenti chez un épicier à Fürstenberg, puis, il suit à Rostock un cours de comptabilité, avant de se rendre à Hambourg pour s’embarque pour l’Amérique latine, sur un bateau qui fait naufrage ; il finit par trouver un emploi de clerc à Amsterdam, dans la firme Schröder, empire familial possédant des bureaux dans plusieurs grandes capitales.

Parce que la maison faisait du commerce avec la Russie, Schliemann apprend le russe, ouvre une branche à Saint-Pétersbourg en 1846, s’y installe, fonde sa propre entreprise en 1847, et devient citoyen russe, tout en gardant d’excellentes relations avec la firme Schröder, ce qui sera également déterminant dans la deuxième étape de sa vie, consacrée aux productions savantes, car ce seront les pourvoyeurs du matériel nécessaire à ses fouilles archéologiques.

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Après un séjour en Californie où il tient une banque pendant la ruée vers l’or, il rentre en Russie, épouse Jekaterina Petrowna Lyshina, la fille d’un marchand russe, avec qui il aura trois enfants ; il divorcera d’elle et deviendra citoyen américain en 1869, ce qui lui permet d’épouser une jeune femme grecque, Sophia, qui deviendra, selon lui, sa compagne de fouilles, célèbre en raison du portrait où on la montre parée des bijoux de Troie, qu’elle aurait sorti en contrebande de la Turquie. La fortune de Schliemann, acquise dans le commerce d’abord, puis en Californie, se multiplie pendant la guerre de Crimée, grâce au commerce de l’indigo, qui servait à la teinture des uniformes.

Un savant autodidacte

Le tournant que nous avons évoqué se produit en 1866, quand Schliemann décide de quitter le commerce et la Russie, et d’investir dans l’immobilier parisien. Après un voyage qui l’amène en Orient, et qui fera l’objet de son premier ouvrage, publié à Paris, La Chine et le Japon au temps présent (1867), il cherche à acquérir des immeubles dans la ville, qui vient d’être rénovée et modernisée par le Baron Haussmann et Napoléon III. Tout en profitant des musées et théâtres, dès son deuxième jour dans la capitale, il commence à assister à des cours au Collège de France et la Sorbonne, comme de nombreux riches bourgeois et commerçants de l’époque, français et étranger. Car la « capitale du XIXe siècle » ne l’est pas uniquement en raison de la vie de luxe et des espaces culturels et de socialisation qu’elle propose, mais aussi en raison de son offre de formation savante gratuite et ouverte à tout public.

Schliemann assiste pendant ces années à des cours de langues, orientales et classiques, de français, de littératures européennes, de grammaire, de philosophie grecque et d’histoire littéraire. Si on ignore les circonstances qui ont amené à ces premiers choix, ceux-ci vont évoluer progressivement, alors que ses intérêts le mènent également à intégrer des sociétés savantes, comme la Société de Géographie de Paris, dont il devient membre assidu en 1867, puis il fréquente l’Académie des Belles-Lettres, la Société d’Ethnographie orientale et américaine, la Société d’archéologie, l’Association pour l’encouragement des études grecques. Dès le début de l’année 1868, on remarque une intensification de ses activités liées aux savoirs dans les Humanités, et même vers l’archéologie, mais qu’il perçoit lui-même comme relevant de la géographie et de la philosophie ; adressant des conseils sur ses études à son fils Serge, resté en Russie avec sa première épouse, dans une lettre du 20 mars 1868, il affirme que la géographie, qui le mènera vers l’archéologie, est à présent sa « science la plus favorite après la philosophie. »

La transformation de commerçant en homme de science fut possible grâce à la topographie particulière de l’enseignement supérieur français du XIXe siècle. Marquée par l’ouverture vers un public mélangé, composé par une minorité d’étudiants en quête de formation et de diplôme et d’une majorité d’auditeurs libres, pour qui l’assistance aux cours est avant tout un loisir, les facultés et autres institutions, à Paris du moins, étaient à l’époque des espaces publics.

Traditionnel sous le Second Empire, ce type de cours reposait sur la « performance rhétorique » du professeur, et était donc surtout destiné à distraire et à éduquer un public mondain d’auditeurs variés. Brillants, mais aussi mondains et superficiels, destinés à un public large, ces cours ont un public de tout âge, qui peut changer à chaque séance et n’est pas soumis aux contraintes de validation d’un cursus académique.

Les institutions d’enseignement supérieur constituent ainsi un milieu accueillant pour un homme de plus de quarante ans, riche et dépourvu de diplômes et de formation préalable, qui ne peut aspirer à une certification, puisqu’il n’avait pas achevé de cursus secondaire. Et s’il souhaite acquérir un savoir, c’est parce que s’éveille en lui, dans ces salles de cours et conférences, une passion, qui devient, selon lui, « fanatisme ». Ainsi serait né le désir de Schliemann de consacrer sa vie à la science en devenant lui-même producteur de savoir.

La tombe de Schliemann, à Athènes. Annick Louis, Fourni par l’auteur

Si la défaite de 1870, et l’avènement de la IIIe République après la chute de Napoléon III mettront en question l’efficacité de l’enseignement supérieur français, et mèneront à sa professionnalisation, le cas de Schliemann illustre les possibilités qu’ouvrait ce système : pendant sa période parisienne, il publie son premier ouvrage savant, Ithaque, le Péloponnèse et Troie. Recherches archéologiques (1869), intègre le milieu académique parisien, et décide de mener sa première campagne de fouilles à Troie, entre 1870 et 1873, au terme de laquelle il met à jour le « Trésor de Troie » ou « Trésor de Priam ».

On comprend rapidement que les objets mis à jour par ses fouilles ne peuvent en aucun cas correspondre à des événements susceptibles d’avoir inspiré Homère, qui se seraient déroulés ses découvertes autour de 1180 av. J.-C., alors que la composition de l’Iliade daterait de 730 ou 710 av. J.-C. Néanmoins, les fouilles de Schliemann permirent de découvrir les cultures inconnues, datant de 2550-2300 av. J.-C., et firent rêver le monde d’un passé dont on ignorait jusqu’à l’existence.

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